Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Metz Métropole Moselle Congrès a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d’annuler la délibération du 25 septembre 2014 par laquelle le conseil général de la Moselle a décidé d’annuler la décision du département de participer à hauteur de 10 millions d’euros en investissements à la réalisation du futur centre de congrès de Metz, de prononcer le retrait du département de la société Metz Métropole Moselle Congrès, chargée de la réalisation de cet équipement, de céder pour un euro symbolique les actions qu’il possédait et de donner délégation à la commission permanente pour prendre toutes mesures d’exécution de ces décisions.
Par un jugement n° 1406352 du 25 janvier 2017, le tribunal administratif a annulé la délibération contestée.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 24 mars 2017 et le 23 octobre 2017, le département de la Moselle, représenté par MeD…, demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 25 janvier 2017 ;
2°) de rejeter la demande de première instance de la société Metz Métropole Moselle Congrès ;
3°) de mettre à la charge de la société Metz Métropole Moselle Congrès une somme de 6 000 euros à lui verser au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
– la délibération du 13 juin 2013, qui n’était qu’une décision de principe ayant un caractère préparatoire, ne comportait aucun engagement et n’était donc pas créatrice de droits, sans qu’aient d’influence les décisions prises ultérieurement ;
– le tribunal administratif a commis une erreur de fait en jugeant que la délibération du 13 juin 2013 avait implicitement mais nécessairement désigné la société Metz Métropole Moselle Congrès en tant que bénéficiaire de la participation, alors que celle-ci devait être versée à la communauté d’agglomération Metz Métropole ;
– le tribunal administratif a commis une erreur de droit en jugeant que la délibération du 13 juin 2013 avait pu créer des droits au profit de la société Metz Métropole Moselle Congrès, alors que cette société n’existait pas encore et n’était pas même en formation ;
– le moyen tiré en première instance de ce que la délibération du 25 septembre 2014 était illégale en ce qu’elle constituerait une promesse non tenue, est inopérant dans le cadre du contentieux de la légalité et ne peut, en tout état de cause, être accueilli dès lors que le département n’avait pris aucun engagement ;
– le moyen tiré de l’absence de transmission d’une note de synthèse aux élus ne peut qu’être rejeté dès lors que les seules obligations imposées par l’article L. 3121-19 du code général des collectivités locales ont été respectées.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 juin et 31 octobre 2017, la société Metz Métropole Moselle Congrès, représentée par MeA…, conclut :
– au rejet de la requête.
– à ce que soit mise à la charge du département de la Moselle une somme de 5 000 euros à lui verser au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative
Elle soutient que :
– il ressort de la délibération du 13 juin 2013 comme du contexte qui entourait le projet de centre des congrès que cette délibération était créatrice de droits ;
– la délibération a expressément mentionné que le département entendait participer à hauteur de 10 millions d’euros à une société publique locale compétente pour réaliser le futur centre des congrès ; le bénéficiaire des participations départementales était donc bien la société Metz Métropole Moselle Congrès, seule chargée de la réalisation de l’opération par les trois collectivités participantes, dont le département ;
– une société en cours de constitution peut être bénéficiaire d’une décision administrative individuelle créatrice de droits ;
– la délibération du 25 septembre 2014, qui retire pour des raisons d’opportunité, une décision créatrice de droit légale, est illégale ;
– la délibération du 25 septembre 2014 est illégale en raison de l’absence de note explicative de synthèse.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code de l’urbanisme ;
– le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Stefanski, président,
– les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
– et les observations de MeC…, pour le département de la Moselle, ainsi que celles de MeB…, pour la société Metz Métropole Moselle Congrès.
Considérant ce qui suit :
1. Par délibération du 13 juin 2013, le département de la Moselle a décidé, « sous réserve de la délibération concordante des autres collectivités actionnaires, de la participation du département de la Moselle à une société publique locale », compétente pour réaliser et exploiter le futur centre de congrès de Metz, « d’acter » sa participation au capital social de la société à hauteur de 21 % et de participer au financement du centre de congrès à hauteur de 10 millions d’euros. Par délibération du 25 septembre 2014, le conseil départemental de la Moselle a décidé d’annuler sa précédente décision de participer à hauteur de 10 millions d’euros en investissements à la réalisation du futur centre de congrès de Metz, le retrait du département de la société publique locale ainsi que la cession des actions qu’il possédait. Le département de la Moselle forme appel du jugement du 25 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a, sur demande de la société publique locale chargée de la réalisation du centre des congrès, la société Metz Métropole Moselle Congrès, annulé la délibération du 25 septembre 2014 en tant qu’elle annulait la participation de 10 millions d’euros prévue par la délibération du 13 juin 2013.
2. L’attribution d’une subvention par une personne publique crée des droits au profit de son bénéficiaire. Toutefois, de tels droits ne sont ainsi créés que dans la mesure où le bénéficiaire de la subvention respecte les conditions mises à son octroi, que ces conditions découlent des normes qui la régissent, qu’elles aient été fixées par la personne publique dans sa décision d’octroi, qu’elles aient fait l’objet d’une convention signée avec le bénéficiaire, ou encore qu’elles découlent implicitement mais nécessairement de l’objet même de la subvention.
3. Le département de la Moselle soutient, en premier lieu, que la délibération du 13 juin 2013 ne comportait aucun engagement de sa part, qu’elle n’était qu’un acte préparatoire permettant aux différents partenaires de fixer les grandes lignes du projet notamment des sources de financement envisageables et que le montant de la participation du département n’était pas définitivement fixé.
4. Toutefois, il ressort des termes mêmes de cette délibération que le conseil général avait bien décidé de participer au capital de la future société publique locale qui serait chargée de la réalisation et de l’exploitation du centre des congrès de Metz pour le compte des collectivités intéressées, dont le département lui-même et qu’il avait décidé d’apporter une contribution de 10 millions d’euros pour la réalisation de l’opération, la seule condition étant que les autres actionnaires de la société publique locale, la ville de Metz et la communauté Metz Métropole, prennent des délibérations concordantes. La circonstance que la délibération précise que la contribution était de « 10 millions d’euros comme indiqué dans le rapport du président », ne démontre pas que le département n’entendait pas s’engager sur ce montant et ce versement, alors que le rapport du président du conseil général ne comportait aucun mention de nature à faire supposer que la contribution du département était éventuelle et que son montant n’était qu’indicatif. Au contraire, le rapport mentionnait que ce montant était « forfaitaire, non révisable et non actualisable » et il indiquait dans quels cadres seraient trouvés les crédits. D’ailleurs, l’autre engagement du département figurant dans cette délibération, relatif à l’entrée dans le capital de la société publique locale et à la nomination de membres de son conseil d’administration, a été réalisé. Le fait que l’opération ait coûté moins cher que prévu et que le département aurait alors pu éventuellement envisager de diminuer sa subvention, n’est pas par elle-même de nature à démontrer que le département ne s’était pas engagé à verser une telle subvention et que la délibération du 25 septembre 2014 n’a pas eu pour objet de revenir sur les décisions prises le 13 juin 2013.
5. En second lieu, le département de la Moselle fait valoir que c’est à tort que le tribunal administratif, saisi par la société publique locale Metz Métropole Moselle Congrès, a jugé que, par la délibération du 13 juin 2013, le département s’était engagé à verser sa participation à la société Metz Métropole Moselle Congrès et avait créé des droits au profit de cette société.
6. Toutefois, il ressort des termes de la délibération du 13 juin 2013 ainsi que du rapport du président du conseil général qui l’accompagnait, que l’opération de réalisation du centre des congrès de Metz, devait être confiée à une société publique locale, qui si elle n’était pas encore créée, avait déjà le nom de E…et qu’elle regrouperait les moyens techniques et les financements destinés à la réalisation de l’opération, la société agissant pour le compte de ses associés, la ville de Metz, la communauté Metz Métropole et le département de la Moselle. Ainsi, la délibération prévoyait nécessairement que la somme de 10 millions entrerait dans le budget de cette société publique locale. La circonstance que la société a été créée après la délibération du 13 juin 2013, alors d’ailleurs qu’elle ne pouvait être constituée avant que les assemblées délibérantes de chaque personne publique associée aient donné leur accord, est sans incidence sur l’engagement du département à contribuer à l’opération confiée à cette société. Si le président du conseil général avait indiqué dans son rapport que les crédits seraient apportés pour 5 millions au titre de la contribution du conseil général à un contrat destiné à compenser la perte de présence militaire pour la ville de Metz et pour 5 millions au titre d’un accord avec Metz Métropole par lequel le département contribuait au subventionnement de certaines opérations, ces mentions indiquaient seulement dans quels cadres seraient pris les crédits nécessaires et non que ceux-ci devraient être versés à Metz Métropole et non à la société chargée de l’opération de réalisation du centre des congrès.
7. Par suite, la délibération du 13 juin 2013 ayant créé des droits au profit de la société Metz Métropole Moselle Congrès et n’étant soumise à aucune condition qui n’ait pas été réalisée, la délibération du 25 septembre 2014 n’a pas pu légalement revenir sur le versement de la somme de 10 millions d’euros pour l’opération de réalisation et d’exploitation du centre des congrès de Metz, alors même qu’elle était motivée par un changement du contexte budgétaire du département.
8. Il résulte de ce qui précède que le département de la Moselle n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Metz Métropole Moselle Congrès, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le département de la Moselle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, en application de ces dispositions de mettre à la charge du département de la Moselle une somme de 1 500 euros à verser à la société Metz Métropole Moselle Congrès au titre des mêmes frais.
Par ces motifs,
DECIDE :
Article 1er : La requête du département de la Moselle est rejetée.
Article 2 : Le département de la Moselle versera à la société Metz Métropole Moselle Congrès une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au département de la Moselle et à la société Metz Métropole Moselle Congrès.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
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N° 17NC00703