Cour Administrative d’Appel de Versailles, 3ème Chambre, 22/03/2011, 10VE01062, Inédit au recueil Lebon

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Cour Administrative d’Appel de Versailles, 3ème Chambre, 22/03/2011, 10VE01062, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 7 avril 2010 au greffe de la Cour administrative d’appel de Versailles, présentée pour la société BNP PARIBAS, venant aux droits de la société Paribas International, dont le siège est 16, boulevard des Italiens à Paris (75009), par Me Pons, avocat à la Cour ; la société BNP PARIBAS demande à la Cour d’annuler le jugement n° 0603187 en date du 4 février 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations à l’impôt sur les sociétés et à la contribution additionnelle assise sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l’année 2001 ;

Elle soutient que, pour appliquer les dispositions dérogatoires de l’article 209 B, qui créent une présomption de fraude, l’administration doit démontrer que la société répond aux conditions fixées au I. de cet article ; que l’article 209 B, qui a une nature répressive, ne saurait en effet être appliqué de façon extensive ; qu’il incombe à l’administration de démontrer, à l’appui d’un critère objectif, que l’entreprise est soumise à l’étranger à un régime fiscal privilégié, notamment en comparant sa situation fiscale avec celle qui aurait été la sienne si elle avait été établie en France, ce qu’elle ne fait pas ; que la procédure d’imposition est irrégulière en ce que l’administration n’a pas suivi la procédure contradictoire ; qu’elle n’a envoyé aucune notification avant la mise en recouvrement des redressements et s’est seulement bornée à l’envoi d’une lettre datée du 11 juin 2003, qui indiquait que des pénalités seraient mises en recouvrement à raison du paiement tardif de l’impôt ; qu’elle a contesté ce fait dans sa réclamation préalable ; que si l’administration lui oppose que la procédure contradictoire n’est pas applicable dès lors qu’elle a été imposée conformément aux énonciations de sa déclaration, il ressort de l’examen des déclarations en cause qu’elles n’étaient pas établies à son nom, mais à celui des sociétés Paribas Suisse Guernesey et Paribas Suisse Bahamas ; que, dès lors, elles ne pouvaient justifier les impositions ; qu’en outre, ces déclarations avaient un caractère conservatoire dès lors que son courrier du 20 juin 2002 émettait des réserves quant à l’applicabilité de l’article 209 B ; que l’administration ne pouvait pas, par suite, estimer qu’elle admettait être le redevable de l’impôt à raison des bénéfices des filiales étrangères ; qu’elle contestait également, dans son courrier du 23 juillet 2003, le paiement des pénalités pour paiement tardif de l’impôt dès lors que le principal n’était pas lui-même exigible ; que la clause de sauvegarde prévues au II. de l’article 209 B lui est applicable ; que les filiales bancaires implantées à Guernesey et aux Bahamas sont des banques de plein exercice, qu’elles y ont des effectifs importants et sont spécialisées dans la gestion privée et de fortunes ; qu’au titre de l’exercice 1999, la société Paribas Suisse Guernesey a exposé des charges d’exploitation pour 1 113 492 francs suisses ; que, si à compter de l’année 1994, les activités de la société Paribas Suisse Bahamas, dans l’ensemble similaires à celles de la précédente filiale, ont été regroupées à Guernesey, la société Paribas Suisse Bahamas est demeurée officiellement inscrite en tant que banque inactive auprès des autorités officielles des Bahamas, pour le cas où elle devrait reprendre une activité dans l’avenir et afin de s’économiser des démarches administratives ; que la cession, en 1994, de sa participation au capital de la société Paribas Asset Management Bahamas Ltd, le solde des revenus issu de cette participation financière ainsi que la plus-value de cession de l’immeuble hébergeant son activité ont constitué l’intégralité de son bénéfice au titre de cette année ; qu’au cours des exercices ultérieurs, dont celui en cause, les bénéfices de cette filiale ont entièrement été constitués par les revenus de placement de ses fonds propres ; qu’elle a été liquidée en 2000 par décision de son actionnaire, Paribas Suisse ; que l’article 209 B, interprété à la lumière des débats parlementaires, a été institué aux fins de combattre l’évasion fiscale et la délocalisation de bénéfices imposables en France ; que l’implantation de Paribas Suisse, à Guernesey et aux Bahamas, n’a pas eu pour effet de faire échapper des bénéfices imposables en France ; que sa présence à Guernesey et aux Bahamas est économiquement justifiée et vise à développer, sur le marché international, une activité, profitable, de banque privée ; que ses concurrents suivent le même développement ; que cet objectif a été expressément reconnu dans le rapport d’information sur la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales présenté à l’Assemblée nationale, en septembre 1999, par le député J.P. ; que les motivations de ses clients ne doivent pas être confondues avec ses propres objectifs commerciaux et économiques ; que les clients internationaux, qui s’intéressent à des lieux tels que les îles des Bahamas ou de Guernesey, ne sont pas ceux qui placent leur épargne en Suisse ou en France, dès lors que les sociétés du groupe BNP Paribas implantés en France et en Suisse n’obtiennent qu’à Guernesey et aux Bahamas un rendement aussi élevé du capital ; que contester la spécificité d’une telle demande par cette clientèle internationale serait, d’un point de vue économique, peu crédible ; que les fonds propres investis dans les filiales Paribas Suisse Guernesey et Paribas Suisse Bahamas proviennent de Suisse, et non de France ; que, par suite, le rapatriement de tels fonds aurait bénéficié à la Suisse, et non à la France ; que la circonstance que la société Paribas Suisse Bahamas a été mise en sommeil à compter de 1994 ne suffit pas à écarter le bénéfice de la clause de sauvegarde dès lors que son implantation n’a jamais eu principalement pour objet, ni pour effet de localiser des bénéfices dans un territoire à fiscalité privilégiée ; que les rehaussements litigieux aboutissent à imposer en France des bénéfices étrangers distribués à un actionnaire suisse, en méconnaissance des stipulations de la convention fiscale franco-suisse ; que si la Cour devait néanmoins regarder ces rehaussements comme fondés, il y aurait encore lieu de juger, d’une part, que son assujettissement à la contribution additionnelle prévue à l’article 235 ter ZA du code général des impôts méconnaît les dispositions de l’article 209 B en tant que ces dernières dispositions ne sont applicables, à l’impôt sur les sociétés, qu’aux bénéfices de la société étrangère, à due proportion des droits sociaux détenus par l’actionnaire et, d’autre part, que l’article 235 ter ZA mentionne clairement que les bénéfices de la société étrangère sont l’objet d’une imposition séparée ; qu’au mieux, son assujettissement à la contribution additionnelle ne pourrait concerner que les résultats de la société Paribas International ; que si les redressements devaient être maintenus, il y aurait également lieu de réduire le montant des cotisations litigieuses à concurrence de l’impôt dont la société Paribas Suisse Guernesey s’est acquittée à Guernesey en application du 3ème paragraphe de l’article 209 B ; que cet impôt, acquitté en 2001, au titre de ses résultats de l’année 2000, s’élève à la somme de 386 307 euros ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 8 mars 2011 :

– le rapport de M. Locatelli, premier conseiller,

– les conclusions de M. Brunelli, rapporteur public,

– et les observations de Me Pons, pour la société BNP PARIBAS ;

Vu la note en délibéré, enregistré le 15 mars 2011, présentée pour la société BNP PARIBAS ;

Considérant que la société BNP PARIBAS, venant aux droits de la société Paribas International, relève régulièrement appel du jugement en date du 4 février 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations à l’impôt sur les sociétés et à la contribution additionnelle assise sur cet impôt auxquelles la société Paribas International a été assujettie au titre de l’année 2001, à raison des bénéfices réalisés par les sociétés Paribas Suisse Guernesey Ltd, et Paribas Suisse Bahamas Ltd, établies à l’étranger dans des territoires au régime fiscal regardé comme privilégié par l’administration au sens de l’article 238 A du code général des impôts ;

Considérant qu’aux termes de l’article 209 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions litigieuses : I. Lorsqu’une entreprise passible de l’impôt sur les sociétés détient directement ou indirectement 25 % au moins des actions ou parts d’une société établie dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France dont le régime fiscal est privilégié au sens mentionné à l’article 238 A (…) et qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article 238 A du même code, dans sa rédaction alors applicable : (…) les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l’Etat ou le territoire considéré si elles n’y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus notablement moins élevés qu’en France (…) ; qu’il résulte de ces dispositions que, lorsqu’elle s’en prévaut pour imposer, en France, les bénéfices d’une société sur le fondement de l’article 209 B, l’administration doit justifier que cette société a été soumise hors de France à un régime fiscal privilégié ; que si l’administration, qui invoque les dispositions précitées de l’article 209 B et, par voie de conséquence, celles de l’article 238 A pour intégrer les bénéfices des sociétés établies à Guernesey et aux Bahamas dans l’assiette à l’impôt sur les sociétés de la société Paribas International, aux droits de laquelle vient la société BNP PARIBAS, fait état de ce que les sociétés Paribas Suisse Guernesey et Paribas Suisse Bahamas, détenues indirectement par la société BNP Paribas à hauteur d’au moins 25 % de leur capital social, ont été, dans ces territoires, soumises à un régime fiscal privilégié, ces allégations, qui ne sont assorties d’aucune précision, ne suffisent pas pour permettre à la Cour d’apprécier si les sociétés Paribas Suisse Guernesey et Paribas Suisse Bahamas ont respectivement été soumises, dans les îles de Guernesey et des Bahamas, à un régime fiscal privilégié au sens de l’article 238 A précité du code général des impôts au titre de l’année 2001 ; que, par suite, il y a lieu, avant de statuer sur les conclusions de la requête présentée par la société BNP PARIBAS, d’ordonner à cet effet un supplément d’instruction ;

DECIDE :

Article 1er : Il sera, avant de statuer sur les conclusions de la requête présentée par la société BNP PARIBAS, procédé à un supplément d’instruction aux fins, pour le ministre, de fournir tous éléments de nature à justifier que les sociétés Paribas Suisse Guernesey et Paribas Suisse Bahamas ont été soumises, dans les territoires du même nom au titre de l’année litigieuse, à un régime fiscal privilégié au sens de l’article 238 A du code général des impôts.

Article 2 : Il est accordé au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’Etat un délai d’un mois à compter de la notification du présent arrêt pour faire parvenir au greffe de la troisième chambre de la Cour administrative d’appel de Versailles les renseignements définis à l’article 1er ci-dessus.

Article 3 : Tous droits et moyens des parties sont réservés jusqu’en fin d’instance.

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N° 10VE01062 2


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