Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 10 juillet 2002, présentée pour la SOCIETE PORT DE MENTON GARAVAN, dont le siège est …, représentée par son président directeur général en exercice, par Me X… ;
La SOCIETE PORT DE MENTON GARAVAN demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 9702796 du 28 mars 2002 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande en décharge de la cotisation supplémentaire à l’impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes qui lui a été réclamée au titre de l’année 1993, ainsi que de l’imposition forfaitaire annuelle acquittée au titre de cette même année ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;
3°) de condamner l’Etat à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 7 février 2006,
– le rapport de Mme Mariller, rapporteur ;
– et les conclusions de M. Bonnet, commissaire du gouvernement ;
Sur l’impôt sur les sociétés :
Considérant en premier lieu qu’aux termes de l’article 239 octiès du code général des impôts : « Lorsqu’une personne morale passible de l’impôt sur les sociétés a pour objet de transférer gratuitement à ses membres la jouissance d’un bien meuble ou immeuble, la valeur nette de l’avantage en nature ainsi consenti n’est pas prise en compte pour la détermination du résultat imposable et elle ne constitue pas un revenu distribué au sens des articles 109 à 111. Cet avantage est exonéré d’impôt entre les mains du bénéficiaire, sauf si celui-ci est une personne morale passible de l’impôt sur les sociétés ou une entreprise imposable à l’impôt sur le revenu selon les règles des bénéfices industriels et commerciaux. Si aucune opération productive de recettes n’est réalisée avec des tiers, l’article 223 septies ne s’applique pas. Ces dispositions ne sont pas applicables aux personnes morales qui réalisent avec des tiers des opérations productives de recettes, à moins qu’il ne s’agisse d’opérations accessoires n’excédant pas 10% de leurs recettes totales ou résultant d’une obligation imposée par la puissance publique » ;
Considérant que la SOCIETE PORT DE MENTON GARAVAN est concessionnaire de l’établissement et de l’exploitation du port de plaisance de la commune de Menton en vertu d’un contrat de concession signé le 17 février 1976 ; que le cahier des charges annexé à cette concession prévoit la mise à disposition gratuite par la société à ses actionnaires des postes de mouillages qui leur sont réservés, en contrepartie de la prise en charge annuelle par la société du remboursement des frais de gestion et d’entretien de l’ensemble du port, sous déduction des recettes qu’elle encaisse ; que la société requérante est en outre tenue de réserver 22% des postes de mouillage à des usagers de passage, auprès desquels elle est autorisée à percevoir une taxe d’amarrage ; qu’à la suite d’une vérification de comptabilité portant sur les années 1991 à 1993, la SOCIETE PORT DE MENTON GARAVAN a été assujettie à l’impôt sur les sociétés au titre de l’année 1993 sur le bénéfice d’exploitation qu’elle a dégagé à raison de la perception de recettes commerciales tant sur les usagers de passage que sur ses actionnaires, desquelles le vérificateur a déduit les charges correspondantes ; que pour ce faire, le vérificateur, qui n’a pas soumis à l’impôt sur les sociétés la valeur nette de l’avantage consenti par la société à ses associés, a scindé l’activité de la société en deux secteurs distincts, l’un correspondant à la mise à disposition gratuite des anneaux de mouillage aux associés, exonérés en vertu des dispositions précitées de l’article 239 octies, et l’autre correspondant à une gestion commerciale et devant être imposé selon le droit commun ;
Considérant, d’une part, que si la société requérante soutient que les recettes qu’elle réalise auprès de tiers résultent, comme cela n’est pas contesté, d’une obligation imposée par la puissance publique par le biais du cahier des charges de la concession aux termes duquel elle doit réserver 22% des postes de mouillage à des usagers de passage, cette circonstance a seulement pour conséquence de lui permettre de conserver le droit d’exclure de son résultat imposable la valeur nette de l’avantage qu’elle consent à ses associés ; que les dispositions précitées de l’article 239 octies n’ont ni pour objet ni pour effet d’étendre l’exonération d’impôt sur les sociétés qu’elles prévoient aux opérations productives de recettes réalisées avec des tiers, alors même qu’elles présenteraient un caractère accessoire ou obligatoire ;
Considérant, d’autre part, que la valeur nette de l’avantage en nature exonéré d’impôt sur les sociétés sur le fondement des dispositions de l’article 239 octies du code général des impôts correspond à la différence entre le montant des loyers qu’aurait pu percevoir la société auprès de ses actionnaires à raison de la jouissance d’un anneau de mouillage et les frais de gestion et d’entretien de la partie privative du port supportés par ces derniers et ne leur incombant pas en qualité d’utilisateurs ; que, par suite, ni les recettes perçues auprès des usagers de passage, ni les charges correspondant à l’exploitation de la partie du port ouverte au public ne doivent être retenues pour la détermination de l’avantage en nature exonéré d’impôt sur les sociétés en application de l’article 239 octies ; qu’il en est de même des sommes perçues par la société auprès de ses actionnaires et qui en raison de la marge pratiquée constituent des recettes de nature commerciale ; qu’ainsi, et quelles que soient les stipulations du contrat de concession, qui permettent à la société requérante de déduire des appels de charges de ses associés les recettes encaissées auprès de tiers, c’est à juste titre que pour l’application des dispositions de l’article 239 octies, l’administration a scindé l’activité de la SOCIETE PORT DE MENTON GARAVAN en deux secteurs d’activité distincts et a exclu du bénéfice de l’exonération le secteur lucratif, imposable à l’impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ;
Considérant, en deuxième lieu, que si en se référant à sa réclamation préalable, la SOCIETE PORT DE MENTON GARAVAN soutient que le vérificateur aurait, pour les années 1986, 1987, 1988 et 1989, commis des erreurs en procédant à la ventilation des recettes et des charges entre le secteur exonéré et le secteur assujetti à l’impôt sur les sociétés, il n’est pas établi que ces erreurs, à les supposer établies, entraîneraient des conséquences sur les résultats des exercices en litige et sur le montant du rappel d’impôt contesté ;
Considérant, en dernier lieu, que la SOCIETE PORT DE MENTON GARAVAN ne peut utilement se prévaloir sur le fondement de l’article L.80-A du livre des procédures fiscales de l’instruction du 30 octobre 1980 3A 20-80 applicable à la taxe sur la valeur ajoutée et non à l’impôt sur les sociétés ;
Sur l’imposition forfaitaire annuelle :
Considérant qu’aux termes de l’article 223 septiès du code général des impôts : « Les personnes morales passibles de l’impôt sur les sociétés sont assujetties à une imposition forfaitaire annuelle » ;
Considérant que la SOCIETE PORT DE MENTON GARAVAN qui est passible de l’impôt sur les sociétés au titre de l’année 1993 doit également être assujettie en application des dispositions précitées des articles 239 octies et 223 septiès à l’imposition forfaitaire annuelle au titre de cette même année ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE PORT DE MENTON GARAVAN n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions de la SOCIETE PORT DE MENTON GARAVAN tendant à l’application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la SOCIETE PORT DE MENTON GARAVAN la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIETE PORT DE MENTON GARAVAN est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE PORT DE MENTON GARAVAN et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.
N° 02MA01275 2