Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 2 août 2011 au greffe de la Cour administrative d’appel de Versailles, présentée pour la société SECHE ENVIRONNEMENT SA, dont le siège est sis Les Hêtres, BP 20, à Change (53810), par Me Ippolito, avocat à la Cour ; la société SECHE ENVIRONNEMENT SA demande à la Cour :
1°) d’annuler l’ordonnance n° 0805140 du 27 mai 2011 par laquelle le président de la 10ème chambre du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a ordonné que les productions enregistrées sous le n° 0805140 soient rayées du registre du greffe du Tribunal pour être jointes au dossier de la requête n° 0805143 ;
2°) de prononcer la réduction des cotisations d’impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l’année 2002, et d’ordonner la restitution de la somme de 57 274 euros en droits et de 9 880 euros d’intérêts de retard ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 10 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient, en premier lieu, qu’elle est recevable et fondée à demander à la Cour de rectifier l’erreur matérielle entachant l’ordonnance attaquée ; qu’une erreur d’enregistrement du greffe, de même que le donné acte erroné d’un désistement d’office, constitue une erreur matérielle ; que le désistement qu’elle a formulé portait uniquement sur l’instance enregistrée en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; qu’à aucun moment, elle ne s’est désistée de l’instance enregistrée sous le n° 0805140 en matière d’impôt sur les sociétés ; qu’ainsi, c’est à la suite d’une erreur matérielle que le dossier n° 0805140 a été joint au dossier n° 0805143 ; que l’existence même du dossier n° 0805143 découle d’ailleurs d’une méprise du tribunal ; qu’ainsi, l’ordonnance attaquée est entachée d’une erreur matérielle dont l’exposante n’est nullement responsable et qui a pour conséquence de la priver, en violation de l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de son droit à ce que sa cause soit équitablement entendue ; qu’à titre subsidiaire si la Cour devait considérer que le désistement concerne l’instance n° 0805140, relative à l’impôt sur les sociétés, elle constatera que les conditions d’un désistement n’étaient pas réunies dès lors qu’il était conditionné à l’admission de la réclamation de l’exposante et au dégrèvement accordé par l’administration fiscale ; qu’il suit de là que la Cour devra annuler l’ordonnance attaquée et pourra évoquer l’affaire ; en second lieu, que les impositions en litige ne sont pas fondées dès lors que c’est à tort que l’administration a réintégré la moins-value constatée lors de la cession des titres TTP à la société Viameco en se fondant sur le motif que l’exposante aurait commis un acte anormal de gestion en cédant les titres pour un prix qu’elle estime inférieur à leur valeur réelle sans obtenir de contrepartie ; que la cession litigieuse a été effectuée dans le cadre d’une rationalisation industrielle du groupe Séché en vue, notamment, de la fusion entre Viameco et TTP, deux de ses sociétés filiales indirectes ; que cette cession a été effectuée sur la base de la valeur réelle des titres telle qu’elle a pu être estimée par l’exposante au regard des performances de la société et selon la méthode de valorisation multicritères préconisée par l’administration fiscale en matière de titres de sociétés non cotées en l’absence de transaction comparable réalisée dans des conditions similaires ; que la valeur de rentabilité, assise sur les flux de trésorerie futurs actualisés, est proche de la valeur nette comptable qui a été finalement arrêtée pour fixer le prix de cession des titres ; qu’elle a ainsi retenu, parmi les différentes méthodes d’évaluation des titres de sociétés non cotées données par l’administration, celle qui aboutissait au prix le plus élevé ; que les 9 800 titres achetés auprès de l’actionnaire minoritaire PRBC l’ont été à un prix supérieur à leur valeur réelle dans le but de se séparer de cet actionnaire, l’administration ayant d’ailleurs elle-même reconnu l’intérêt pour l’exposante d’acquitter un supplément de prix afin de s’affranchir du pouvoir de nuisance de cet actionnaire ; qu’elle ne peut, dès lors, sans se contredire, considérer que le prix alors payé correspondait à la valeur réelle de la société TTP ; que, si elle prétend que les titres avaient nécessairement une valeur supérieure après cette éviction, l’exposante a considéré qu’il convenait de ne pas tenir compte d’une transaction qui n’a pas été réalisée dans les conditions du marché, la jurisprudence à laquelle l’administration se réfère et selon laquelle le critère principal d’évaluation des titres non cotés est celui du prix auquel ont été conclues d’autres transactions portant sur les titres de la même société, effectuée dans un délai raisonnable et dans des conditions analogues, n’étant pas applicable dès lors que les conditions de l’achat des titres à PRBC et celles de la vente de ces titres à Viameco ne sont pas comparables, un supplément de prix ayant été versé à l’occasion de la première transaction tandis que la seconde a été faite dans des conditions de pleine concurrence, c’est à dire au prix du marché ; qu’en outre, des titres de même nature peuvent avoir une valeur inégale selon le contrôle qu’il confère ; qu’ainsi, l’administration ne démontre pas en quoi la méthode de valorisation qui a été suivie ne pouvait être valablement retenue ; que l’exposante n’a donc commis aucun acte anormal de gestion contraire à ses intérêts et à ceux de son groupe ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 13 décembre 2011 :
– le rapport de Mme Signerin-Icre, président assesseur,
– les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public,
– et les observations de Me Alberti, substituant Me Ippolito, pour la société SECHE ENVIRONNEMENT SA ;
Considérant que la société SECHE ENVIRONNEMENT SA a fait l’objet d’une vérification de comptabilité au terme de laquelle des redressements lui ont été notifiés en matière de taxe à la valeur ajoutée et d’impôt sur les sociétés ; qu’ayant obtenu de l’administration, le 10 avril 2008, le dégrèvement des droits supplémentaires de taxe à la valeur ajoutée, elle a saisi, le 23 avril 2008, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d’une demande tendant à la réduction des seules cotisations supplémentaires à l’impôt sur les sociétés auxquelles elle avait été assujettie au titre de l’année 2002 ; que, toutefois, cette demande, analysée par erreur par le tribunal administratif comme comportant à la fois des conclusions en décharge de taxe à la valeur ajoutée et d’impôt sur les sociétés, a été enregistrée par le greffe de ce tribunal sous deux numéros distincts ; que le 29 juin 2009, et comme elle y avait été invitée, la société SECHE ENVIRONNEMENT SA s’est désistée de la demande qui aurait tendu à la décharge des droits supplémentaires de taxe à la valeur ajoutée en rappelant la décision de dégrèvement prise par l’administration le 10 avril 2008 ; que, cependant, par une ordonnance du 27 août 2009, le président de la 10ème chambre du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise lui a donné acte du désistement de sa demande tendant à la réduction des cotisations d’impôt sur les sociétés auxquelles elle avait été assujettie au titre de l’année 2002 ; que la société SECHE ENVIRONNEMENT SA ayant signalé au tribunal l’erreur ainsi commise quant à la portée de son désistement, il lui a été indiqué, par lettre du 14 septembre 2009, que le dossier n° 0805140, c’est-à-dire la demande relative à l’impôt sur les sociétés, serait jugé avant fin juin 2010 ; que, toutefois, par une nouvelle ordonnance en date du 27 mai 2011, le président de la 10ème chambre a décidé de rayer du registre du greffe les productions enregistrées sous le n° 0805140 et de les joindre au dossier de la requête n°0805143 sur laquelle il avait été statué par l’ordonnance du 27 août 2009 ; que la société SECHE ENVIRONNEMENT SA fait appel de cette ordonnance et demande à la Cour de prononcer la réduction des cotisations d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l’année 2002 ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre chargé du budget :
Considérant que l’ordonnance attaquée du 27 mai 2011 a été notifiée à la société SECHE ENVIRONNEMENT SA le 30 mai 2011 et qu’ainsi, le délai d’appel expirait le lundi 1er août 2011 à minuit ; qu’il ressort toutefois des pièces du dossier que la requête de la société SECHE ENVIRONNEMENT SA a été postée le vendredi 29 juillet à Paris, soit en temps utile pour qu’elle parvienne à la Cour administrative de Versailles avant l’expiration du délai d’appel ; que, dès lors, et alors même que cette requête n’a été remise au greffe de la Cour que le 2 août, le ministre chargé du budget n’est pas fondé à soutenir que ladite requête serait tardive et, par suite, irrecevable ; que la fin de non-recevoir doit donc être écartée ;
Sur la régularité de l’ordonnance attaquée :
Considérant qu’il résulte des circonstances ci-dessus rappelées, d’une part, que par le mémoire en désistement du 29 juin 2009, la société SECHE ENVIRONNEMENT SA a seulement entendu se désister d’une demande tendant à la décharge de taxe à la valeur ajoutée, qu’elle n’avait certes pas formée mais qui avait été néanmoins enregistrée par le greffe du tribunal administratif du fait de l’erreur d’analyse précitée ; d’autre part, que, si le document enregistré sous le n° 0805140 était, comme l’a relevé l’auteur de l’ordonnance attaquée, la reproduction à l’identique de la requête enregistrée sous le n° 0805143, il comportait néanmoins, du fait de l’erreur d’enregistrement commise par le greffe du tribunal, des conclusions en matière d’impôt sur les sociétés sur lesquelles il n’avait pas été déjà statué par le tribunal ; qu’il suit de là qu’en rayant du registre du greffe du tribunal les documents enregistrés sous le n° 085140 pour qu’ils soient joints au dossier de la requête enregistrée sous le n° 0805143, le président de la 10ème chambre du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise s’est mépris sur l’étendue du désistement présenté par la société et, en conséquence, sur les conclusions dont le tribunal restait saisi ; qu’il a, ainsi, mis irrégulièrement fin à une instance ; qu’il y a lieu, dès lors, d’annuler l’ordonnance attaquée ;
Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société SECHE ENVIRONNEMENT SA devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant qu’il résulte de l’instruction que la société SECHE ENVIRONNEMENT SA a cédé en mai 2002 à sa filiale la société Viameco les 20 000 titres qu’elle détenait dans la société TTP, pour un prix global de 914 604,36 euros, soit 45,73 euros l’unité ; que l’administration, se fondant sur ce que la société SECHE ENVIRONNEMENT SA avait acquis, deux mois auparavant, 9 600 des titres de la société TTP au prix de 62,22 euros l’unité, a estimé que la société requérante, qui avait comptabilisé une moins value à court terme de 161 639 euros générée par la cession de ces 9 600 titres, avait cédé ces parts sociales à un prix inférieur à leur valeur réelle ; qu’elle a en conséquence regardé l’écart entre la valeur d’acquisition des titres au mois de mars 2002 et celle qui a été retenue lors de leur cession en mai 2002 comme un avantage accordé, sans contrepartie, par la société SECHE ENVIRONNEMENT SA à sa filiale et comme tel, constitutif d’un acte anormal de gestion ; qu’elle a conséquence réintégré la somme correspondante, soit 161 639 euros, dans les bases de l’impôt dû par la société SECHE ENVIRONNEMENT SA au titre de l’année 2002 ;
Considérant, d’une part, qu’il est constant, ainsi qu’il a été dit, que la société SECHE ENVIRONNEMENT SA a acquis au mois de mars 2002, les 9 600 titres que la société PRBC détenait dans la société TTP au prix de 62,22 euros l’unité ; que si la requérante soutient que cette acquisition a été faite à un prix supérieur à la valeur réelle des titres dans le but de se séparer d’un actionnaire dont la présence était susceptible de porter préjudice à l’activité de la société TTP et à sa bonne intégration au sein du groupe Séché et qu’en conséquence, cette transaction ne pouvait servir de comparaison pour l’évaluation des titres lors de leur revente à la société Viameco en mai 2002, l’administration fait valoir de façon pertinente que, compte tenu de l’éviction effective de l’associé indésirable, la valeur des titres de la société TTP était nécessairement supérieure à celle qu’ils avaient lors de l’éviction et qu’ainsi, l’application d’une décote de 27 % n’est pas justifiée ; qu’elle relève, en outre, à juste titre que la méthode de valorisation retenue par la société SECHE ENVIRONNEMENT SA pour estimer à 45,7 euros l’unité la valeur réelle des titres détenus dans la société TTP en mai 2002, repose sur une valeur moyenne de rentabilité calculée à partir de flux de trésorerie futurs dont le montant, estimé à 87 000 euros par an à partir de 2003, n’est corroboré par aucun élément probant ; que, dans ces conditions, l’administration a pu, à bon droit, se référer à la transaction intervenue au mois de mars 2002 entre la société SECHE ENVIRONNEMENT SA et la société PRBC pour considérer que la cession réalisée en mai 2002 l’a été à un prix minoré ;
Considérant, d’autre part, qu’en admettant même que, comme le soutient la société requérante, l’opération de cession de titres dont il s’agit, ait eu pour objet une rationalisation industrielle du groupe Séché en vue, notamment, de la fusion entre les sociétés Viameco et TTP, deux de ses sociétés filiales indirectes, cette circonstance n’est pas de nature à justifier que le prix de cession doive être regardé comme normal ; que, dès lors que la société SECHE ENVIRONNEMENT SA n’invoque aucune contrepartie, ni aucun intérêt pour justifier cette opération, la cession litigieuse, réalisée à un prix minoré, constitue, à hauteur de l’écart entre la valeur vénale des titres acquis deux mois auparavant et leur prix de cession, un avantage consenti par elle à la société cessionnaire ; que l’administration fiscale était, par suite, fondée à rapporter le montant de cet avantage dans les résultats de la société SECHE ENVIRONNEMENT SA, au titre d’une gestion anormale en remettant en cause la moins value à court terme comptabilisée par l’intéressée ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la demande de la société SECHE ENVIRONNEMENT SA doit être rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’il soit mis à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société SECHE ENVIRONNEMENT SA demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : L’ordonnance n° 0805140 du président de la 10ème chambre du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 27 mai 2011 est annulée.
Article 2 : La demande présentée par la société SECHE ENVIRONNEMENT SA devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
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N° 11VE02893 2