Cour Administrative d’Appel de Nancy, 2ème chambre – formation à 3, 10/05/2012, 11NC00083, Inédit au recueil Lebon

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Cour Administrative d’Appel de Nancy, 2ème chambre – formation à 3, 10/05/2012, 11NC00083, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 17 janvier 2011, présentée pour M. et Mme Mehmet A, demeurant …, par Me Kempf, avocat ;

M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n°0800855 en date du 9 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande en décharge des compléments d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2002, 2003 et 2004, ainsi que des pénalités dont ils ont été assortis ;

2°) de prononcer les décharges demandées au prorata de celles qui seront accordées à la SARL Chez Mehmet et dire qu’ils pourront bénéficier de la cascade complète ;

Ils soutiennent :

– que c’est à tort que l’administration a mis à leur charge des redressements qui sont la conséquence de ceux assignés à la SARL Chez Mehmet ;

– qu’en effet, c’est à tort que le service a rejeté la comptabilité de la société Chez Mehmet alors qu’elle ne pouvait pas avoir de caisse enregistreuse en raison de l’exiguïté de ses locaux ; que l’absence d’inventaire physique du stock est sans influence sur son résultat compte tenu de son activité de restauration rapide, qu’elle enregistrait ses recettes journalières globalement sur un calendrier valant main courante, qu’elle n’avait pas à ventiler ses recettes selon les taux de taxe sur la valeur ajoutée dès lors qu’elle ne pratiquait que la vente à emporter compte tenu de la configuration des lieux ;

– que la société Chez Mehmet peut se prévaloir de la doctrine qui autorise la comptabilisation globale des recettes quotidiennes à condition que les commerçants puissent en justifier le détail par la production de fiches de caisse ou d’une main courante correctement remplie, ce que constitue son calendrier ;

– que l’administration ne pouvait davantage rejeter la comptabilité de la société au motif qu’elle n’était pas corroborée par les éléments obtenus auprès de tiers, dès lors que ses résultats étaient conformes à ceux de son secteur d’activité et que les renseignements obtenus des tiers n’étaient pas fiables ;

– que la reconstitution de chiffre d’affaires et de résultats de la société Chez Mehmet n’a pas tenu compte de ses conditions de fonctionnement, a procédé de l’emploi d’une seule méthode, a conduit à des résultats impossibles compte tenu des caractéristiques de son commerce ;

– que la société a proposé une meilleure méthode de reconstitution appuyée de témoignages, qui devait conduire à réduire les redressements d’impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée ;

– qu’ils demandent expressément à bénéficier de la cascade qui leur permet d’imputer le rappel d’impôts sur les bénéfices réputés distribués sur l’assiette des impôts dus au titre de ces distributions, le juge devant leur accorder ce droit sous réserve qu’ils reversent dans la caisse sociale les impositions dues par la société Chez Mehmet ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’Etat ;

Le ministre conclut au rejet de la requête ;

Il soutient :

– qu’eu égard aux lacunes en matière d’enregistrement des recettes, d’inventaire des stocks, de comptabilisation d’achats, la comptabilité de la société Chez Mehmet ne pouvait qu’être rejetée au titre de chacun des trois exercices en litige ;

– que la société n’entrait pas dans le champ d’application de la doctrine administrative invoquée dès lors qu’elle n’était pas en mesure de justifier du détail de ses recettes en présentant des fiches de caisse ou une main courante correctement remplie ;

– que la reconstitution du chiffre d’affaires de la société Chez Mehmet, qui pouvait régulièrement être faite à partir d’une seule méthode, a été réalisée de manière réaliste en tenant compte des particularités de l’établissement et des pièces comptables disponibles, et n’est pas remise en cause par les constats d’huissier et attestations produits par la société ;

– que la reconstitution proposée par les requérants n’est pas appuyée de justificatifs et ne tient pas compte de l’ensemble des éléments constatés par l’administration ;

– que le bénéfice de la cascade dite complète ne peut être demandée que par la société et à condition que l’associé ait reversé dans les caisses de l’entreprise, avant l’établissement de son imposition personnelle, le montant de la taxe sur la valeur ajoutée et de l’impôt sur les sociétés afférents aux sommes que la société lui a versées ; que tel n’est pas le cas en l’espèce, la société n’ayant pas donné suite aux courriers par lesquels le vérificateur l’avait informée de cette possibilité ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 19 avril 2012.

– le rapport de Mme Stefanski, président,

– et les conclusions de M. Féral, rapporteur public ;

Considérant que la société à responsabilité limitée (SARL) Chez Mehmet, qui exploite un commerce de restauration rapide et dont M. et Mme A sont associés, a fait l’objet de redressements en matière d’impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2002, 2003 et 2004 ; qu’en application de l’article 117 du code général des impôts, la société a désigné M. A comme bénéficiaire des sommes éludées à concurrence respectivement de 44 239 euros, 42 739 euros et 47 766 euros au titre des années 2002, 2003 et 2004 et que ses sommes ont été réintégrées dans les revenus du foyer de M. et Mme A dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que les requérants font valoir que les montants distribués doivent être limités respectivement à 24 234 euros, 22 655 euros au titre des années 2002 et 2003 et qu’il convient de prononcer une décharge totale au titre de l’année 2004 ; qu’ils demandent également le bénéfice de la déduction en cascade dite complète prévue par l’article L. 77 du livre des procédures fiscales ;

Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 109 du code général des impôts : « 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. » ;

Considérant que pour reconstituer les recettes et le chiffre d’affaires de la société Chez Mehmet, le vérificateur a calculé les ventes de kebabs à partir des achats de viandes en admettant un taux de vingt pour cent de pertes ; qu’il a évalué les autres ventes en fonction des indications fournies par la gérante et des constatations qu’il a effectuées sur place, alors qu’il n’est pas contesté que les modalités d »exploitation n’avaient pas changé ; qu’ainsi, le vérificateur a tenu compte des conditions particulières de fonctionnement de son établissement ; que, pour s’opposer à cette reconstitution, M. et Mme A ne peuvent utilement invoquer deux constats d’huissiers et des attestations de clients dépourvues de valeur probante, postérieurs de plusieurs années à la vérification de comptabilité de la société ; qu’aucune disposition n’imposait au vérificateur de corroborer les résultats de cette méthode de reconstitution par l’utilisation d’une autre méthode ; que si M. et Mme A soutiennent qu’ils proposent une meilleure méthode, ils se bornent en réalité à se fonder sur les constats d’huissiers et attestations susmentionnées et à contester la valeur probante d’une facture d’achat de viande qui n’a pas été utilisée par le service pour établir les redressements litigieux de la société Chez Mehmet ; que, dans ces conditions, l’administration doit être regardée comme apportant la preuve, par la méthode qu’elle a mise en oeuvre, des minorations en litige ;

Considérant, d’autre part, qu’aux termes du 3ème alinéa de l’article L. 77 du livre des procédures fiscales : « Les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés peuvent, dans la mesure où le bénéfice correspondant aux rectifications effectuées est considéré comme distribué, par application des articles 109 et suivants du code général des impôts, à des associés ou actionnaires dont le domicile ou le siège est situé en France, demander que l’impôt sur le revenu supplémentaire dû par les bénéficiaires en raison de cette distribution soit établi sur le montant du rehaussement soumis à l’impôt sur les sociétés diminué du montant de ce dernier impôt. » ; qu’aux termes des 5 et 6èmes alinéas du même article : « Les demandes que les contribuables peuvent présenter au titre des troisième et quatrième alinéas doivent être faites au plus tard dans le délai de trente jours consécutif à la réception de la réponse aux observations prévue à l’article L. 57 ou, à défaut, d’un document spécifique les invitant à formuler lesdites demandes. / L’imputation prévue aux troisième et quatrième alinéas est soumise à la condition que les associés ou actionnaires reversent dans la caisse sociale les sommes nécessaires au paiement des taxes sur le chiffre d’affaires et des taxes assimilées, de l’impôt sur les sociétés et de la retenue à la source sur les revenus de capitaux mobiliers se rapportant aux sommes qui leur ont été distribuées. » ;

Considérant qu’il est constant que la société Chez Mehmet n’a pas présenté la demande prévue par le 3ème alinéa de l’article L. 77 du livre des procédures fiscales, bien que le vérificateur l’ait informée de cette possibilité et des délais de présentation de la demande, dans deux courriers des 21 octobre et 25 octobre 2005 relatifs respectivement à la période 2002-2003 et à l’exercice 2004 ; qu’en tout état de cause, M. A n’a pas reversé dans la caisse sociale les sommes mentionnées par le 6ème alinéa du même article ; qu’en conséquence, les contribuables ne peuvent prétendre au bénéfice des dispositions précitées de l’article L. 77 du livre des procédures fiscales ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Mehmet A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’Etat, porte-parole du gouvernement.

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