CAA de NANTES, 4ème chambre, 01/03/2019, 18NT02525, Inédit au recueil Lebon

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CAA de NANTES, 4ème chambre, 01/03/2019, 18NT02525, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Les Moulins a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la commune de La Guérinière à lui verser une somme de 2 260 692,56 euros HT, soit 3 110 805,60 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 13 août 2015, au titre de la part non amortie des investissements qu’elle a réalisés sur le camping de La Guérinière, d’enjoindre à la commune de la Guérinière de s’acquitter de cette somme dans un délai de 30 jours à compter de la notification du jugement, sous une astreinte de 200 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de la commune une somme de 11 920,90 euros au titre des frais d’expertise judiciaire.

Par un jugement n° 1600180 du 23 mai 2018, le tribunal administratif de Nantes a, par un article 1er, condamné la commune de la Guérinière à verser à la société Les Moulins la somme de 1 667 645 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 septembre 2015 et de leur capitalisation, par un article 2, mis les frais d’expertise, liquidés et taxés à la somme de 11 920,90 euros à la charge de la commune de La Guérinière et de la société Les Moulins à parts égales, par un article 3, rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 juillet 2018, le 21 décembre 2018 et le 1er février 2019, la commune de La Guérinière, représentée par MeB…, demande à la cour :

1°) de surseoir à l’exécution de ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 mai 2018 ;

2°) de mettre à la charge de la société Les Moulins la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le sursis à exécution du jugement doit être prononcé sur le fondement de l’article R. 811-16 du code de justice administrative car, eu égard à l’importance des créances qu’elle détient à son encontre, la situation financière dégradée de la société Les Moulins et de la cessation de son activité, l’exécution du jugement l’expose à la perte définitive de la somme que le jugement la condamne à verser à cette société.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 6 septembre 2018, le 23 novembre 2018 et le 30 janvier 2019, la société Les Moulins, représentée par MeA…, conclut au rejet de la requête et demande en outre qu’une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de la Guérinière au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la commune de La Guérinière ne sont pas fondés.

Vu la requête n° 18NT02517 présentée par la commune de la Guérinière tendant à l’annulation du jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 mai 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme Allio-Rousseau,

– les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,

– et les observations de MeB…, représentant la commune de La Guérinière, et celles de MeC…, représentant la société Les Moulins.

Deux notes en délibéré présentées pour la société Les Moulins ont été enregistrées les 6 février 2019 et 28 février 2019.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de La Guérinière (Vendée) a confié à la société Les Moulins, par une convention de délégation de service public du 27 décembre 2007, l’exploitation du camping municipal pour une durée de quinze ans. Le terrain d’assiette de ce camping est situé sur une dépendance de 5,4 hectares du domaine forestier de l’Etat, géré par l’Office national des forêts (ONF), dont l’occupation a été concédée par une convention du 18 février 2008 à la commune, moyennant le paiement par celle-ci d’une redevance. Par un jugement du 14 mars 2018, le tribunal administratif de Nantes a annulé la convention de délégation de service public conclue le 27 décembre 2007 entre la commune de la Guérinière et la société Les Moulins. Par ailleurs, par un jugement du 23 mai 2018, le tribunal administratif de Nantes a condamné la commune de la Guérinière à verser à la société Les Moulins la somme de 1 667 645 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 septembre 2015 et de leur capitalisation, au titre de la part non amortie des investissements réalisés dans le cadre de l’exécution de cette convention de délégation de service public. La commune de la Guérinière demande à la cour d’ordonner le sursis à exécution de ce dernier jugement du 23 mai 2018.

2. Aux termes de l’article R. 811-14 du code de justice administrative :  » Sauf dispositions particulières, le recours en appel n’a pas d’effet suspensif s’il n’en est autrement ordonné par le juge d’appel (…) « . Aux termes de l’article R. 811-16 du même code :  » Lorsqu’il est fait appel par une personne autre que le demandeur en première instance, la juridiction peut, à la demande de l’appelant, ordonner sous réserve des dispositions des articles R. 533-2 et R. 541-6 qu’il soit sursis à l’exécution du jugement déféré si cette exécution risque d’exposer l’appelant à la perte définitive d’une somme qui ne devrait pas rester à sa charge dans le cas où ses conclusions d’appel seraient accueillies « .

3. Lorsqu’il est fait appel d’un jugement prononçant une condamnation pécuniaire et lorsqu’il se prononce sur une demande de sursis à exécution d’un tel jugement sur le fondement des dispositions de l’article R. 811-16 du code de justice administrative, le juge d’appel doit, dans les circonstances de l’espèce et compte tenu notamment du montant de la somme en cause, de la situation du bénéficiaire de ladite condamnation et de celle de ses créanciers, apprécier le risque de perte définitive de la somme que l’appelant a été condamné à payer.

4. En premier lieu, par le jugement du 23 mai 2018 dont elle demande le sursis à exécution, la commune de la Guérinière a été condamnée à verser à la SAS les Moulins une somme de 1 667 645 euros. Ainsi, la commune de la Guérinière ne peut se prévaloir de la circonstance qu’elle a elle-même émis des titres exécutoires postérieurement au jugement du 23 mai 2018 à l’encontre de la SAS les Moulins pour recouvrer des redevances qu’elle estime être dues au titre des années 2015 à 2018, ou de sa contestation en appel du jugement du 14 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé la convention de délégation de service public et l’a condamnée à verser une somme de 428 243,63 euros, pour établir que la capacité financière de la société ne lui permettrait pas de faire face aux conséquences de l’annulation du jugement du 23 mai 2018.

5. En second lieu, il résulte de l’instruction et notamment de l’attestation précise établie par un expert comptable le 6 septembre 2018, agissant en qualité de conseil de la société les Moulins, que cette société n’a jamais été en cessation de paiements, que son capital social s’établit à 700 000 euros, le montant des capitaux propres augmenté des capitaux permanents et diminué des dettes d’emprunt s’élevant la somme de 1 348 818 euros, que sa situation comptable arrêtée au 15 août 2018 présente un résultat de 1 257 274 euros, et enfin que son actif disponible s’élève 2 023 302 euros, les dettes, à l’exception du compte courant de l’actionnaire principal, de 685 709 euros inférieures aux actifs disponibles. Alors même que la société Les Moulins n’a pas présenté de documents comptables, il résulte de l’instruction que ces données sont cohérentes avec les cessions des autres fonds de commerce de camping réalisées par la société entre 2010 et 2018. S’il est constant que le compte courant de l’actionnaire principal, qui est également président de la société Les Moulins, a une valeur d’environ 2 000 000 euros, il résulte de l’attestation établie le 31 août 2018 qu’il s’est engagé, compte tenu du projet d’acquisition d’un terrain de camping de la société Les Moulins en Vendée, à ne pas demander le remboursement de son compte courant. Dans ces conditions, il résulte de l’instruction que la situation financière de la SAS les Moulins lui permettrait, le cas échéant, de reverser à la commune de la Guérinière la somme de 1 667 645 euros, que celle-ci a été condamnée à lui verser en première instance.

6. Par suite, l’exécution du jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 mai 2018 ne risque pas d’exposer la commune de la Guérinière à la perte définitive d’une somme qui ne devrait pas rester à sa charge dans le cas où ses conclusions d’appel seraient accueillies. Sa demande tendant au sursis à exécution de ce jugement doit donc être rejetée.

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SAS les Moulins, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune de la Guérinière demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de mettre à la charge de la commune de la Guérinière le versement de la somme que la commune de la Guérinière demande sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de La Guérinière est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la SAS les Moulins au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Guérinière et à la société les Moulins.

Délibéré après l’audience du 5 février 2019, à laquelle siégeaient :

– M. Lainé, président de chambre,

– Mme Allio-Rousseau, premier conseiller,

– M. Besse, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er mars 2019.

Le rapporteur,

M-P. Allio-RousseauLe président,

L. Lainé

Le greffier,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au préfet de la Vendée en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

2

N° 18NT02525


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