Cour Administrative d’Appel de Paris, 7éme chambre , 03/10/2008, 06PA02147, Inédit au recueil Lebon

·

·

Cour Administrative d’Appel de Paris, 7éme chambre , 03/10/2008, 06PA02147, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu I°) le recours, enregistré le 28 juillet 2006,sous le n° 06PA2788 présenté par le MINISTRE DE L’ECONONMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE; le MINISTRE DE L’ECONONMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n°9912123/1-1 du 15 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Paris a donné partiellement satisfaction à la société par actions simplifiées DEFI Group (SAS DEFI GROUP) en prononçant le dégrèvement de la cotisation supplémentaire à l’impôt sur les sociétés assigné à cette société au titre des années 1993 et 1994 ;

2°) de prononcer le rétablissement des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

……………………………………………………………………………………………………..

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 19 septembre 2008 :

– le rapport de Mme de Lignières, rapporteur ;

– les observations de Me Schmidt pour la SAS DEFI GROUP ;

– et les conclusions de Mme ISIDORO, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le recours du MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE enregistré sous le n° 06PA02788 et la requête de la société SAS DEFI GROUP, enregistrée sous le n° 06PA02147 concernent l’appel d’un même jugement et présentent à juger des questions communes ; qu’il y a donc lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. Deodato, propriétaire de la société DEFI France, qui détient 56,7 % de la société en association avec des fonds communs et placements, a cédé une partie de ses actions à des fonds communs de placements à risques appartenant à la Compagnie Edmond de Rothschild ; qu’en 1991, la SARL Manucryl, propriété d’un de ces fonds de placement, a été transformée en société anonyme et que son capital a été porté de 250 000 F à 32 000 000 F alors qu’elle prenait le nom de Financière Défi ; qu’à la fin de l’année 1991, la Financière Défi a acquis 18 789 actions de la société Défi France, soit 93,49 % du capital ; qu’en 1992 ces deux sociétés ont opté pour la fiscalité de groupe, la société Financière Défi se désignant comme la redevable de l’impôt ; qu’en 1993, par une décision prenant effet au 1er janvier de l’année, la Financière Défi a absorbé sa filiale dont elle a repris le nom ; qu’à l’issue d’une vérification de comptabilité, l’administration a réintégré dans les résultats des années 1992 à 1994 de la société Défi, soit sur le fondement de l’article 223 B du code général des impôts, soit en invoquant la théorie de l’abus de droit les sommes afférentes aux frais financiers exposés pour l’achat des titres susmentionnés ; que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a estimé que l’administration était en droit de faire application des dispositions de l’article 223 B du code général des impôts à la société Défi, pour l’année 1992, mais a remis en cause l’existence de l’abus de droit invoqué par l’administration, pour les années 1993 et 1994 ; que le Ministre de l’économie des finances et de l’industrie et la SAS DEFI GROUP font appel du jugement attaqué chacun pour ce qui concerne les éléments qui leur sont défavorables ;

Sur l’imposition relative à l’année 1992 :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d’imposition :

Considérant d’une part que si la société DEFI GROUP soutient qu’elle a été privée d’une garantie substantielle du fait que l’administration a refusé de faire droit à sa demande de saisine de la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d’affaires, il résulte de l’instruction que l’administration n’était pas tenue de saisir cet organisme dès lors que la question que la société requérante entendait lui soumettre concernait l’interprétation de l’article 223 B du code général des impôts et portait sur une question de droit pour laquelle cette commission n’était pas compétente ; qu’ainsi, le refus opposé par l’administration n’a pu vicier la procédure d’imposition ;

Considérant d’autre part que si la société requérante affirme que l’administration n’a pas donné suite à sa demande de communication d’une convention entre les actionnaires de la société DEFI qui aurait donné à ceux-ci une majorité de blocage dans cette société, il résulte de l’instruction que l’existence d’une telle convention n’est pas établie et que les redressements opérés par l’administration n’étaient fondés ni sur des éléments qu’aurait comportés une telle convention, ni sur des renseignements obtenus auprès de tiers ; que le fait que l’administration n’ait pas donné satisfaction à la demande de communication du contribuable est donc sans incidence sur la régularité de la procédure d’imposition ;

En ce qui concerne le bien-fondé de l’imposition :

Considérant qu’aux termes de l’article 223 B du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : « Lorsqu’une société a acheté après le 1er janvier 1988, les titres d’une société qui devient membre du même groupe aux personnes qui la contrôlent, directement ou indirectement, ou à des sociétés que ces personnes contrôlent, directement ou indirectement, les charges financières déduites par les sociétés membres du groupe sont rapportées au résultat d’ensemble pour une fraction égale au rapport du prix d’acquisition de ces titres à la somme du montant moyen des dettes, de chaque exercice, des entreprises membres du groupe » ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que l’administration a considéré, après avoir constaté que plusieurs actionnaires de la SA FINANCIERE DEFI, détenant ensemble 82,81 % des actions, possédaient antérieurement 93,49 % des actions de la société DEFI France, que ces derniers titres avaient été achetés par la SA FINANCIERE DEFI à des personnes la contrôlant directement et, a, par suite, fait application des dispositions précitées de l’article 223 B du code général des impôts ; que si la société requérante soutient qu’aucun des actionnaires concernés ne détenait le nombre de voix suffisant ou une minorité de blocage lui assurant le contrôle de la société

SA FINANCIERE DEFI en vertu des dispositions de l’article 355-1 de la loi de 24 juillet 1966 et qu’il a été fait une inexacte application des dispositions de l’article 223 B du code général des impôts, aucune des dispositions de l’article 223 B, ni aucune autre disposition du code général des impôts ne prévoient que l’existence du contrôle direct ou indirect dont elles font une condition de leur application, devrait être appréciée au regard de la loi du 24 juillet 1966 relative aux sociétés commerciales ; que par suite l’administration a pu à bon droit procéder au cumul des parts détenues par les personnes participant au capital des deux sociétés en cause et au vu des pourcentages de parts détenus et faire application à la société requérante des dispositions de l’article 223 B du code général des impôts ;

Considérant que si la société DEFI GROUP a entendu se prévaloir sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales de l’instruction administrative 4 H 3 89 du

2 mai 1989 et en particulier des § 7à 9 du B de ce texte, le § 8 de cette instruction dit expressément que le contrôle de la société cessionnaire ou d’une société cédante résulte des droits de vote détenus par les associés ou actionnaires par rapport à l’ensemble des droits susceptibles d’être représentés dans les assemblées ; que cette instruction ne comporte donc pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont l’administration a fait application en l’espèce ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la société DEFI GROUP n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des imposition mises à sa charge au titre de l’année 1992 ;

Sur les impositions relatives aux années 1993 et 1994 :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : « Ne peuvent être opposés à l’administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d’un contrat ou d’une convention à l’aide de clauses…qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus…L’administration est en droit de restituer son véritable caractère à l’opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l’avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L’administration peut également soumettre le litige à l’avis du comité… Si l’administration ne s’est pas conformée à l’avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement. » ;

Considérant que si le MINISTRE soutient que les premiers juges ont commis une erreur de fait en ne prenant pas en considération, pour apprécier l’existence d’un abus de droit, l’opération dans son ensemble mais en examinant celle-ci année par année, il ne démontre pas que la SAS DEFI GROUP aurait dès l’origine conçu le montage juridique concerné dans l’unique but d’échapper à ses obligations fiscales ; qu’il ressort au contraire des écritures de la SAS DEFI GROUP que les opérations qui se sont déroulées de 1992 à 1993 ont été décidées, non en vertu d’une stratégie déterminée par avance, mais au coup par coup, année après année en fonction des intérêts économiques et financiers de l’entreprise ; que par ailleurs, au cours des années considérées, la

SAS DEFI GROUP n’était pas soumise aux dispositions de l’article 223 B du code général des impôts dont l’administration ne lui a fait application qu’à l’issue de la vérification de comptabilité et pouvait de ce fait déduire les frais financiers afférents à l’opération de LBO relative à l’année 1992 et n’avait donc aucun intérêt à procéder à la fusion en cause dans un but fiscal ; que si le Ministre affirme que la société pouvait rééquilibrer la participation des actionnaires et anticiper la distribution des dividendes par d’autres méthodes, la SAS DEFI GROUP démontre que ces autres méthodes n’étaient ni moins coûteuses ni moins complexes que celles qu’elle a employées ; que la circonstance que les frais généraux n’aient été réduits que de façon très minime par l’opération concernée ne suffit pas à établir que tel n’était pas le but recherché par la société ; que dès lors, l’administration ne peut être regardée comme établissant que la société DEFI GROUP a eu recours à un montage juridique dans le but exclusif d’éluder ou d’atténuer ses charges fiscales ; que par suite, elle ne démontre pas l’existence d’un abus de droit ; que le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE n’est donc pas fondé à demander l’annulation du jugement attaqué pour la partie qui lui est défavorable ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, dans les circonstances de l’espèce, qu’il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l’Etat à verser à la SAS DEFI GROUP la somme qu’elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DU BUDGET DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est rejeté.

Article 2 : La requête de la SAS DEFI GROUP est rejetée

5

N°06PA02147 et 06PA02788


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x