Cour Administrative d’Appel de Paris, 7éme chambre , 06/11/2009, 08PA04930

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Cour Administrative d’Appel de Paris, 7éme chambre , 06/11/2009, 08PA04930

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le recours, enregistré le 3 octobre 2008, présenté pour la POLYNESIE FRANCAISE, par Me Neuffer ; la POLYNESIE FRANCAISE demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0700245 du 20 mai 2008 du Tribunal administratif de la Polynésie française en tant qu’il a accordé à la société Royal Automobiles la décharge de la contribution de solidarité territoriale sur le revenu des capitaux mobiliers à laquelle celle-ci a été assujettie au titre de l’année 2006 à raison d’intérêts d’un montant de 9 130 167 F CFP servis à ses associés, correspondant aux dividendes qui leur ont été distribués en 2005 et qu’ils ont maintenus sur leurs comptes courants ;

2°) de remettre cette imposition à la charge de la société Royal Automobiles ;

…………………………………………………………………………………………………………

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 16 octobre 2009 :

– le rapport de M. Dalle, rapporteur,

– et les conclusions de Mme Larere, rapporteur public ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que la société anonyme Royal Automobiles a procédé en 2005 à la distribution de dividendes au profit de ses actionnaires ; que les dividendes en cause, que les actionnaires ont décidé de bloquer jusqu’en 2008 sur leurs comptes courants d’associés, ont produit en 2005 des intérêts d’un montant total de 9 130 167 F CFP, dont la société Royal Automobiles a estimé qu’ils n’auraient pas dû être imposés, comme ils l’ont été en 2006, à la contribution de solidarité territoriale sur le revenu des capitaux mobiliers, dès lors qu’ils entraient dans le champ de l’article 178-32 du code des impôts, exonérant d’impôt sur le revenu des capitaux mobiliers les intérêts servis aux associés à raison des sommes versées par eux dans la caisse sociale au cours de l’année 2005, en sus de leur part en capital, et que les dispositions combinées de l’article 178-32 et des articles 196-1 et 196-2 impliquaient, selon la société, qu’ils ne soient pas soumis à la contribution de solidarité territoriale sur le revenu des capitaux mobiliers ; que, par le présent recours, la POLYNESIE FRANÇAISE relève appel du jugement du 20 mai 2008 du Tribunal administratif de la Polynésie française en tant qu’il a accordé à la société Royal Automobiles la décharge de la cotisation de contribution de solidarité territoriale sur le revenu des capitaux mobiliers d’un montant de 456 500 F CFP, assise sur ces intérêts, mise en recouvrement le 31 juillet 2006 ;

Sur la recevabilité du recours de la Polynésie française :

Considérant qu’aux termes de l’article R. 772-4 du code de justice administrative : Devant les tribunaux administratifs de la Polynésie française, de Mata-Utu et de Nouvelle-Calédonie, les requêtes en matière fiscale dont le contentieux ressortit à la juridiction administrative sont, sous réserve des articles 100 à 104 ter du décret du 5 août 1881 modifié et des articles 172 et 173 du décret du 30 décembre 1912 modifié, présentées et instruites par le tribunal administratif dans les formes prévues dans le présent code (…) ; qu’aux termes de l’article R. 772-1 du même code : Les requêtes en matière d’impôts directs et de taxe sur le chiffre d’affaires ou de taxes assimilées dont l’assiette ou le recouvrement est confié à la direction générale des impôts sont présentées, instruites et jugées dans les formes prévues par le livre des procédures fiscales (…) ; qu’aux termes de l’article R* 200-18 du livre des procédures fiscales : A compter de la notification du jugement du tribunal administratif qui a été faite au directeur du service de l’administration des impôts ou de l’administration des douanes et droits indirects qui a suivi l’affaire, celui-ci dispose d’un délai de deux mois pour transmettre, s’il y a lieu, le jugement et le dossier au ministre chargé du budget. Le délai imparti pour saisir la cour administrative d’appel court, pour le ministre, de la date à laquelle expire le délai de transmission prévu à l’alinéa précédent ou de la date de la signification faite au ministre ; qu’aux termes de l’article R. 811-4 du code de justice administrative : A Mayotte, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie, le délai d’appel de deux mois est porté à trois mois ; que l’article R. 811-5 du même code dispose : Les délais supplémentaires de distance prévus à l’article R. 421-7 s’ajoutent aux délais normalement impartis (…) ; et enfin qu’aux termes de l’article R. 421-7 de ce code : Lorsque la demande est portée devant un tribunal administratif qui a son siège en France métropolitaine, le délai de recours prévu à l’article R. 421-1 est augmenté d’un mois pour les personnes qui demeurent en (…) Polynésie française (…) ;

Considérant qu’en vertu des articles précités R. 772-4 et R. 772-1 du code de justice administrative, les dispositions de l’article R* 200-18 du livre des procédures fiscales, instituant un délai supplémentaire de transmission au profit de l’administration fiscale, sont en principe applicables aux appels formés contre les décisions rendues en matière fiscale par le tribunal administratif de la Polynésie française ; que, toutefois, l’article R* 200-18 du livre des procédures fiscales n’étant pas transposable à la Polynésie française dès lors qu’il n’envisage que la situation de l’administration fiscale placée sous la hiérarchie du ministre chargé du budget, il y a lieu de se référer, pour déterminer le délai d’appel de l’administration fiscale polynésienne, à l’article R. 811-4 du code de justice administrative ; que cet article institue un délai d’appel de trois mois, auquel s’ajoute, lorsque l’appel est formé par une personne demeurant en Polynésie française, le délai de distance d’un mois prévu par l’article R. 421-7 de ce code ;

Considérant que si le recours introduit par la Polynésie française le 25 septembre 2008, quatre mois et deux jours après la notification, le 23 mai 2008, du jugement attaqué, est tardif au regard de ce délai d’appel, cette tardiveté ne peut cependant être opposée à la requérante en raison de l’indication erronée que comporte la notification du jugement attaqué, selon laquelle La présente notification fait courir le délai d’appel, lequel, en application de l’article R* 200-18 du livre des procédures fiscales est de trois mois à compter de la date d’expiration du délai de transmission au ministère chargé du budget ou de la date de signification faite au ministre ; que la fin de non-recevoir opposée par la société Royal Automobiles doit dès lors être écartée ;

Sur le bien-fondé de l’imposition en litige :

Considérant qu’aux termes de l’article 196-1 du code des impôts : Les revenus taxables en application du chapitre II du titre Ier de la 1ère partie du code des impôts [relatif à l’impôt sur le revenu des capitaux mobiliers] et mis à la disposition des bénéficiaires à compter du 1er janvier 1995 supportent une contribution de solidarité territoriale ; qu’aux termes de l’article 196-2 du même code : L’ensemble des dispositions de ce chapitre s’applique mutatis mutandis à cette contribution à l’exclusion des taux ; qu’aux termes de l’article 171-1 du même code, inséré dans la section I du chapitre II ci-dessus : L’impôt sur le revenu des capitaux mobiliers s’applique : 1° aux dividendes, intérêts, arrérages, revenus et tous autres produits des actions de toute nature et des parts de fondateurs des sociétés, compagnies et entreprises quelconques financières, industrielles, commerciales ou civiles, ayant leur siège en Polynésie, quelle que soit l’époque de leur création ; 2° aux intérêts, produits et bénéfices des parts d’intérêts et commandites dans les sociétés, compagnies et entreprises ayant leur siège social en Polynésie française, dont le capital n’est pas divisé en actions ; (…) 7° aux intérêts, arrérages et tous autres produits des (…) emprunts de toute nature des (…) sociétés, compagnies et entreprises désignées aux 1°) et 2°) qui précèdent, que la dette soit ou non constatée par un écrit, enregistré ou non ; (…) ; et qu’aux termes des articles 178-31 et 178-32 du même code, insérés dans la section VIII bis du chapitre II du titre Ier de la 1ère partie de ce code : [178-31] : Les dividendes et parts d’intérêt régulièrement constatés au profit des associés, actionnaires et porteurs de parts au titre de l’année 2005, qui ne sont pas mis en paiement pour être réinvestis au cours de cette même année dans l’entreprise ne donnent pas lieu au paiement de l’impôt sur le revenu des capitaux mobiliers lorsqu’ils sont distribués aux associés, actionnaires et porteurs de parts à compter du 1er janvier 2008. Le bénéfice de cette disposition est subordonné : – à l’apport dans l’entreprise dans un délai de trois mois à compter de la date de la décision de distribution des dividendes et parts d’intérêt ; – au maintien des dividendes et parts d’intérêt réinvestis dans l’entreprise par les associés, actionnaires ou porteurs de parts pendant l’année du réinvestissement et les deux années suivantes – [178-32] : Les intérêts servis aux associés, actionnaires ou porteurs de parts à raison des sommes versées par eux dans la caisse sociale au cours de l’année 2005, en sus de leur part en capital, sont exonérés d’impôt sur le revenu des capitaux mobiliers. L’exonération est subordonnée : – au maintien des sommes placées dans l’entreprise pendant l’année du placement et les deux exercices suivants ; – à la déclaration au service des contributions des intérêts dont il s’agit dans les délais prévus par l’article 173-2 et suivants ; – à la production chaque année sur les trois exercices considérés, concomitamment au dépôt de la déclaration de résultat ou des recettes brutes, d’un extrait du grand livre relatif aux comptes courants de la personne morale débitrice ; – à l’affectation des sommes placées au financement d’opérations procédant d’une gestion normale de l’entreprise ; – à la rémunération du placement et au respect des conditions de sa déductibilité dans la limite fixée par l’article 113-9. L’exonération s’applique aux intérêts versés au cours des années 2005 à 2007 ;

Considérant que les dispositions précitées des articles 178-31 et 178-32 du code des impôts opèrent une distinction entre, d’une part, les dividendes et parts d’intérêts mis en distribution par l’entreprise en 2005 mais laissés à disposition de celle-ci par les associés, d’autre part, les sommes mises à disposition de l’entreprise, provenant de versements effectués par les associés dans la caisse sociale au cours de l’année 2005 ; que, même si elles ont toutes les deux pour objet le renforcement des fonds propres de l’entreprise, ces dispositions ne prévoient d’exonération, en ce qui concerne les intérêts des sommes laissées ou mises à disposition de l’entreprise, que pour les seuls intérêts afférents aux sommes mises à disposition par versement dans la caisse sociale, à l’exclusion des intérêts afférents aux dividendes et parts d’intérêt laissés à disposition de l’entreprise ; que la POLYNESIE FRANÇAISE est par suite fondée à soutenir que c’est à tort que les premiers juges ont accordé à la société Royal Automobiles la décharge d’impôt qu’elle demandait, au motif que les dispositions de l’article 178-32 du code des impôts permettaient l’exonération des intérêts afférents aux dividendes mis en distribution en 2005 par cette société et laissés à disposition de celle-ci par ses associés ;

Considérant, toutefois, qu’il appartient à la cour administrative d’appel, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens de la société Royal Automobiles, tant devant la cour que devant le tribunal administratif ;

Considérant que la société Royal Automobiles n’a pas soulevé d’autre moyen que celui susmentionné, selon lequel les dispositions combinées des articles 178-32, 196-1 et 196-2 du code des impôts impliquaient que les intérêts afférents aux dividendes distribués par elle en 2005 soient exonérés de contribution de solidarité territoriale sur le revenu des capitaux mobiliers, dès lors qu’ils l’étaient d’impôt sur le revenu des capitaux mobiliers ; qu’il suit de là que ces intérêts, qui, eu égard à la nature de prêt des sommes laissées en compte courant, entrent dans le champ du 7° de l’article 171-1 du code des impôts et ont par suite le caractère de revenus de capitaux mobiliers au sens dudit article, doivent être soumis à la contribution de solidarité territoriale sur le revenu des capitaux mobiliers, par application de l’article 196-1 ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la POLYNESIE FRANÇAISE est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a prononcé la décharge de la contribution de solidarité territoriale sur le revenu des capitaux mobiliers à laquelle la société Royal Automobiles a été assujettie au titre de l’année 2006, à raison des intérêts d’un montant de 9 130 167 F CFP servis à ses associés, correspondant aux dividendes qui leur ont été distribués en 2005 et qu’ils ont laissés sur leurs comptes courants ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation ; que la POLYNESIE FRANÇAISE n’étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de la société Royal Automobiles tendant au remboursement de ses frais d’instance ne peuvent qu’être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de la Polynésie française en date du 20 mai 2008 est annulé en tant qu’il a accordé à la société Royal Automobiles la décharge de la cotisation de contribution de solidarité territoriale sur le revenu des capitaux mobiliers d’un montant de 456 500 F CFP, à laquelle celle-ci a été assujettie au titre de l’année 2006.

Article 2 : La cotisation de contribution de solidarité territoriale sur le revenu des capitaux mobiliers mentionnée à l’article 1er est remise à la charge de la société Royal Automobiles.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Royal Automobiles sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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