Conseil d’État, 6ème – 1ère chambres réunies, 19/07/2017, 397990

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Conseil d’État, 6ème – 1ère chambres réunies, 19/07/2017, 397990

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 mars et 16 juin 2016, et 5 avril 2017, au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. C…A…B…et la société Bryan A…and Co Limited demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler la décision du 11 janvier 2016 par laquelle la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers a prononcé un blâme assorti d’une sanction pécuniaire de 70 000 euros à l’encontre de la société Bryan A…and Co Limited et un blâme assorti d’une sanction pécuniaire de 30 000 euros à l’encontre de M.A…, en sa qualité de représentant légal de cette société, et a ordonné la publication de sa décision sur le site internet de l’Autorité des marchés financiers ;

2°) de mettre à la charge de l’Autorité des marchés financiers la somme de 10 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil ;

– la directive 2004/72/CE de la Commission du 29 avril 2004 ;

– le code monétaire et financier ;

– le règlement général de l’Autorité des marchés financiers ;

– la décision n° 397990 du 14 septembre 2016 par laquelle le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, a jugé qu’il n’y avait pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A…B…et la société BryanA… and Co Limited ;

– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Jean-Baptiste de Froment, maître des requêtes,

– les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la société Bryan A…et Co Limited et autre et à la SCP Ohl, Vexliard, avocat de l’Autorité des marchés financiers.

1. Considérant que la société Bryan A…and Co Limited, prestataire de services d’investissement, a été mandatée par la société Novagali Pharma SA aux fins de préparer et exécuter son opération d’introduction en bourse ; que, par la décision attaquée du 11 janvier 2016, la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (AMF) a respectivement infligé un blâme assorti d’une sanction pécuniaire de 70 000 euros à la société Bryan A…and Co Limited et un blâme assorti d’une sanction pécuniaire de 30 000 euros à M. C…A…B…, en sa qualité de dirigeant de cette société, et décidé de publier ces sanctions de façon non anonymisée pour avoir manqué à leur obligation d’agir d’une manière honnête, loyale et professionnelle qui sert au mieux l’intérêt des clients et favorise l’intégrité du marché, en méconnaissance des dispositions des articles L. 533-1 du code monétaire et financier et 314-3 du règlement général de l’AMF ;

2. Considérant qu’en vertu de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, lorsque le collège de l’AMF a décidé l’ouverture d’une procédure de sanction, il notifie les griefs aux personnes concernées et les transmet à la commission des sanctions, laquelle désigne un rapporteur parmi ses membres ; qu’en vertu de l’article R. 621-39 du même code, dans les cas où il estime que les griefs doivent être complétés, le rapporteur saisit le collège, qui statue sur sa demande ; qu’il résulte de ces dispositions que la commission des sanctions ne peut infliger une sanction que sur le fondement de griefs ayant été préalablement notifiés ; que la notification de griefs doit indiquer les principaux agissements qui sont reprochés à la personne mise en cause, ainsi que la nature des obligations méconnues, afin de lui permettre de se défendre en présentant ses observations ; que ni ces dispositions ni aucun principe ne s’opposent à ce que la commission se fonde sur des circonstances de fait qui ne figuraient pas dans la notification de griefs, dès lors qu’elles se rattachent aux griefs régulièrement notifiés ;

3. Considérant qu’il résulte de l’instruction que, le 4 mars 2010, la société Novagali a confié à la société Bryan A…un mandat aux fins de préparer et d’exécuter son introduction en bourse par admission d’actions nouvelles aux négociations sur le compartiment C d’Euronext Paris pour un montant de quelque 25 millions d’euros ; que la mise en oeuvre de l’opération se révélant difficile, la société Bryan A…a pris la décision de souscrire directement des titres Novagali pour un montant d’un million d’euros ; que, parallèlement, la société Z a aussi souscrit des titres Novagali pour un montant également d’un million d’euros ; que, le 3 août 2010, la société Bryan A…a racheté les titres Novagali à la société Z, portant ainsi son engagement à 2 millions d’euros sur les 22 millions levés lors de l’introduction en bourse ;

4. Considérant que, dans la lettre de notification des griefs du 19 juin 2014, le président du collège de l’AMF indique qu’est susceptible d’être retenu à l’encontre des requérants le manquement à l’obligation d’agir d’une manière honnête, loyale et professionnelle qui sert au mieux l’intérêt des clients et favorise l’intégrité du marché ; qu’après avoir cité les articles L. 533-1 du code monétaire et financier et 314-3 du règlement général de l’AMF, applicables à ce manquement, la notification relève que la société Bryan A…est suspectée d’avoir, à l’occasion du service de placement des titres de la société Novagali, lors de son introduction en bourse le 21 juillet 2010, présenté un résultat d’allocation des titres Novagali  » artificiellement augmenté et donc plus favorable à la réalité du placement effectué  » et d’avoir ainsi  » pu porter atteinte à l’intérêt de Novagali et à l’intégrité du marché  » ; qu’il est ensuite précisément reproché à la société Bryan A…de n’avoir communiqué le résultat de l’allocation des titres  » qu’à Novagali « , sans le porter à la connaissance  » ni des personnes ayant souscrit à l’introduction en bourse, ni des actionnaires ayant acquis des titres Novagali sur le marché secondaire  » ; qu’il ressort toutefois de la décision attaquée que, pour sanctionner les requérants, la commission des sanctions de l’AMF s’est fondée non pas sur un défaut d’information des personnes ayant souscrit à l’introduction en bourse et des actionnaires ayant acquis des titres, ainsi que cela avait été notifié à la société BryanA…, mais, à l’inverse, sur la circonstance que le résultat final de l’allocation des titres n’avait pas été présenté de façon sincère à la société Novagali, client de la société BryanA…, cette dernière ayant informée la société Novagali de la souscription opérée par la société Z mais pas du rachat, dans un second temps, de ces titres par elle-même ; que, par suite, le grief retenu ne peut, dans les circonstances de l’espèce, être regardé comme ayant été notifié aux requérants ; qu’il en résulte, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que M. C…A…B…et la société Bryan A…and Co Limited sont fondés, pour ce motif, à demander l’annulation de la décision qu’ils attaquent ;

5. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’AMF la somme de 1 500 euros à verser tant à la société Bryan A…qu’à M. A… B…au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu’en revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge des requérants, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

————–

Article 1er : La décision du 11 janvier 2016 par laquelle la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers a prononcé un blâme assorti d’une sanction pécuniaire de 70 000 euros à l’encontre de la société Bryan A…and Co Limited et un blâme assorti d’une sanction pécuniaire de 30 000 euros à l’encontre de M. A…B…, et a ordonné la publication de sa décision sur le site internet de l’Autorité des marchés financiers est annulée.

Article 2 : La présente décision sera publiée sur le site internet de l’AMF.

Article 3 : L’Autorité des marchés financiers versera à M. C…A…B…et la société Bryan A…une somme de 1 500 euros chacun au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de l’Autorité des marchés financiers présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. C… A…B…, à la société Bryan A…and Co Limited et à l’Autorité des marchés financiers.

Copie en sera transmise au ministre de l’économie et des finances.

ECLI:FR:CECHR:2017:397990.20170719


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