Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. et Mme B… A… ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 2011 ainsi que des pénalités correspondantes.
Par jugement n°1601899 du 26 juin 2017, le tribunal administratif de Montpellier a fixé le montant de la plus-value de cession de valeurs mobilières de M. et Mme A… imposable à l’impôt sur le revenu au titre de l’année 2011 à la somme de 31 756 euros, prononcé la décharge de la différence entre les impositions supplémentaires auxquelles M. et Mme A… ont été assujettis au titre de l’année 2011 et celles qui résultent de ce montant, et rejeté le surplus des conclusions de leur demande.
Par arrêt n° 17MA03557 du 22 janvier 2019, la cour administrative d’appel de Marseille a annulé l’article 3 du jugement du tribunal administratif de Montpellier, prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. et Mme A… demeuraient assujettis au titre de l’année 2011 et rejeté l’appel incident formé par le ministre de l’action et des comptes publics contre ce jugement.
Par un pourvoi, enregistré le 20 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le ministre de l’action et des comptes publics demande au Conseil d’Etat d’annuler cet arrêt.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Alexandre Koutchouk, maître des requêtes en service extraordinaire,
– les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de M. et Mme B… et Aude A… ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 20 février 2008, Mme A… a apporté à la société civile financière Portzamparc, lors de la constitution de cette dernière, les 600 actions de la société de bourse Portzamparc qu’elle détenait en nue-propriété à la suite d’une donation-partage. Elle a reçu, en contrepartie de cet apport, 1 336 800 actions en nue-propriété de la société nouvelle d’une valeur nominale d’un euro, soit l’équivalent de 1 336 800 euros. La plus-value réalisée à l’occasion de cette opération a été placée sous le régime du sursis d’imposition prévu par l’article 150-0 B du code général des impôts. Le 24 décembre 2011, l’assemblée générale mixte de la société civile Financière Portzamparc a décidé de procéder à une réduction du capital social de cette société en ramenant ce dernier de 9 003 348 euros à 6 752 511 euros, par diminution de la valeur nominale de chaque part sociale de 1 euro à 0,75 euro. Cette réduction de capital a été réalisée à concurrence de 1 244 919 euros par imputation sur le compte report à nouveau débiteur et à concurrence de 1 005 918 euros par attribution d’une somme en numéraire répartie entre les associés à proportion du nombre de parts détenues. A ce titre, la somme de 74 678 euros a été inscrite au crédit du compte courant de Mme A… dans les écritures de la société civile financière Portzamparc. A l’issue d’un contrôle sur pièces, l’administration a regardé la somme de 74 678 euros comme un revenu distribué au sens du 2° du 1 de l’article 109 du code général des impôts et a, en conséquence, assujetti M. et Mme A… à des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l’année 2011. Le ministre de l’action et des comptes publics se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 22 janvier 2019 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 26 juin 2017 en tant qu’il ne faisait que partiellement droit à la demande en décharge formée par M. et Mme A…, a prononcé la décharge des impositions demeurant à leur charge et rejeté l’appel incident du ministre tendant au rétablissement des impositions dont le tribunal avait prononcé la décharge.
2. D’une part, aux termes de l’article 109 du code général des impôts : » 1. Sont considérés comme revenus distribués : (…) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (…) « . Aux termes de l’article 112 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : » Ne sont pas considérés comme revenus distribués : 1° Les répartitions présentant pour les associés ou actionnaires le caractère de remboursements d’apports ou de primes d’émission. Toutefois, une répartition n’est réputée présenter ce caractère que si tous les bénéfices et les réserves autres que la réserve légale ont été auparavant répartis. Les dispositions prévues à la deuxième phrase ne s’appliquent pas lorsque la répartition est effectuée au titre du rachat par la société émettrice de ses propres titres (…) « .
3. D’autre part, aux termes de l’article 150-0 A du code général des impôts : » I.-1. Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que des articles 150 UB et 150 UC, les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement, par personne interposée ou par l’intermédiaire d’une fiducie, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l’article 118 et aux 6° et 7° de l’article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l’impôt sur le revenu (…) « . Aux termes de l’article 150-0 B du même code, dans sa rédaction applicable au litige : » Les dispositions de l’article 150-0 A ne sont pas applicables, au titre de l’année de l’échange des titres, aux plus-values réalisées dans le cadre d’une opération d’offre publique, de fusion, de scission, d’absorption d’un fonds commun de placement par une société d’investissement à capital variable, de conversion, de division, ou de regroupement, réalisée conformément à la réglementation en vigueur ou d’un apport de titres à une société soumise à l’impôt sur les sociétés (…) « .
4. En adoptant les dispositions précitées de l’article 150-0 B, le législateur a entendu faciliter les opérations de restructuration d’entreprises, en vue de favoriser la création et le développement de celles-ci, par l’octroi automatique d’un sursis d’imposition pour les plus-values résultant de certaines de ces opérations, notamment d’échanges de titres. Il a, pour ce faire, entendu assurer la neutralité au plan fiscal de ces opérations d’échanges de titres et, à cette fin, sauf lorsqu’il en a disposé autrement, regarder de telles opérations comme des opérations intercalaires. Il en résulte qu’eu égard à cet objectif et en l’absence de dispositions contraires, lorsque les titres d’une société sont apportés par un contribuable soumis à l’impôt sur le revenu qui reçoit, en échange, des titres de la société bénéficiaire de l’apport et bénéficie, s’agissant du gain le cas échéant réalisé à cette occasion, du régime du sursis automatique d’imposition prévu par l’article 150-0 B, les titres reçus en rémunération de l’apport doivent être réputés être entrés dans le patrimoine de l’apporteur aux conditions dans lesquelles y étaient entrés les titres dont il a fait apport.
5. Si la société bénéficiaire de l’apport procède à une réduction de son capital social, non motivée par des pertes, par réduction de la valeur nominale de ses titres, les sommes mises en conséquence à la disposition d’un associé qui a acquis ces titres en rémunération de l’apport de titres d’une autre société constituent des remboursements d’apports dans la limite des apports initialement consentis par cet associé à la société dont il a apporté les titres.
6. Après avoir constaté que la somme de 74 678 euros inscrite au crédit du compte courant d’associé de Mme A… dans les écritures de la société civile financière Portzamparc correspondait exclusivement à la diminution de la valeur de la nue-propriété des parts de la société Financière Portzamparc appartenant à Mme A…, la cour, pour prononcer la décharge des compléments d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels M. et Mme A… ont été assujettis au titre de l’année 2011, a déduit de ces circonstances que cette somme présentait le caractère d’un remboursement d’apports, non imposable en tant que revenu distribué. En statuant ainsi, alors qu’il était constant que la somme de 74 678 euros mise à la disposition de la contribuable était inférieure au coût de revient des titres de la société de bourse Portzamparc apportés en nue-propriété à la société civile financière de Portzamparc lors de la constitution de cette dernière en 2008 et qu’elle n’excédait donc pas la valeur des apports, la cour n’a pas commis d’erreur de droit ni n’a donné aux faits ainsi énoncés une qualification juridique erronée.
7. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l’action et des comptes publics n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêt qu’il attaque.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. et Mme A…, au titre des dispositions de l’article L. 761- 1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du ministre de l’action et des comptes publics est rejeté.
Article 2 : L’Etat versera à M. et Mme A… une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l’action et des comptes publics et à M. et Mme B… A….
ECLI:FR:CECHS:2019:429002.20191202