CAA de NANCY, 3ème chambre – formation à 3, 04/05/2017, 16NC02420, Inédit au recueil Lebon

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CAA de NANCY, 3ème chambre – formation à 3, 04/05/2017, 16NC02420, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL MT Trading a demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2005, 2006 et 2007.

Par un jugement n° 1101636 du 5 novembre 2013, le tribunal a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 14NC00040 du 26 mars 2015, la cour administrative d’appel de Nancy a rejeté l’appel de la société MT Trading contre ce jugement.

Par une décision n° 390421 du 21 octobre 2016, le Conseil d’Etat statuant au contentieux a annulé l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nancy du 26 mars 2015 et a renvoyé l’affaire à la cour.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 7 janvier 2014, 4 novembre 2014 et 9 décembre 2016, la société MT Trading, devenue la société France Elévateur, représentée par Me Lachaize, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 5 novembre 2013 ;

2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d’impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes mises à sa charge au titre de l’année 2006 ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société soutient que :

– la méthode d’évaluation de la valeur vénale des titres de la société AB Services retenue par le service est erronée ; en appliquant la méthode de valorisation par le bénéfice net courant moyen, le service a eu recours à une pondération qui n’est pas prévue par le guide de l’évaluation des entreprises et des sociétés et a, à tort, écarté la méthode d’évaluation par le chiffre d’affaires moyen ; le coefficient de risque propre à l’entreprise retenu par l’administration pour calculer la valeur de productivité a été sous-estimé ; le service a procédé à une combinaison des valeurs mathématique et de productivité en retenant une moyenne simple et non la formule retenue en pareil cas par le guide de l’évaluation des entreprises ; les modalités de calcul retenues par l’administration ne prennent pas en compte la situation économique réelle de l’entreprise ; la comparaison avec les titres cédés par le groupe C…ne pouvait être retenue tandis que l’administration aurait dû retenir la comparaison avec la valeur des titres acquis par M. E… le 15 octobre 2004 ; la méthode d’évaluation par comparaison ne peut être combinée avec d’autres méthodes ;

– la cession des titres de la société AB Services par M. E…ne constitue pas une libéralité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 avril 2014, le ministre chargé du budget conclut au rejet de la requête au motif qu’aucun des moyens soulevés par la société requérante n’est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de M. Fuchs,

– les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

– et les observations de Me Lachaize, avocat de la société France Elévateur.

1. Considérant que la SARL MT Trading a procédé à l’acquisition, les 14 et 15 mars 2006, de l’intégralité des titres de la société AB services ; que 48 % de ces titres ont été acquis auprès de M. E… au prix unitaire de 66,09 euros, environ 50 % de ces titres auprès de M. B… C…, pour moitié, et auprès Mme D…C…, pour l’autre moitié, au prix unitaire de 300 euros, et le solde, soit environ 2 %, auprès de M. A…au prix unitaire de 24,81 euros ; qu’à l’issue de la vérification de la comptabilité de la SARL MT Trading à laquelle elle a procédé, l’administration fiscale a estimé que le prix d’acquisition, par celle-ci, des actions de la société AB Services auprès de M. E…avait été délibérément minoré par les parties pour dissimuler une libéralité consentie par le vendeur à l’acquéreur ; qu’elle a, en conséquence, corrigé la valeur d’enregistrement de l’immobilisation à l’actif de la société MT Trading, pour y substituer sa valeur vénale, et a rehaussé le bénéfice imposable de la société à hauteur de la variation d’actif net résultant de cette correction ; que la SARL MT Trading a demandé au tribunal administratif de Nancy la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes procédant de ces rectifications ; que, par un jugement du 5 novembre 2013, le tribunal a rejeté cette demande ; que, par un arrêt du 26 mars 2015, la cour administrative d’appel de Nancy a rejeté l’appel de la société contre ce jugement ; que, par une décision du 21 octobre 2016, rendue sur pourvoi de la SARL MT Trading, devenue société France élévateur, le Conseil d’Etat statuant au contentieux a annulé l’arrêt de la présente cour et lui a renvoyé l’affaire ;

Sur le bien-fondé de l’imposition contestée :

En ce qui concerne la valeur vénale des titres de la société AB services cédés par M. E… :

2. Considérant que la valeur vénale réelle de titres non cotés en bourse sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l’ensemble permet d’obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui résultant du jeu de l’offre et de la demande à la date à laquelle la cession est intervenue ; que cette valeur doit être établie, en priorité, par référence à la valeur des autres titres de la société telle qu’elle ressort des transactions portant, à la même époque, sur ces titres dès lors que cette valeur ne résulte pas d’un prix de convenance ; que, toutefois, en l’absence de transactions intervenues dans des conditions équivalentes et portant sur les titres de la même société ou, à défaut, de sociétés similaires, l’administration peut légalement se fonder sur l’une des méthodes destinées à déterminer la valeur de l’actif par capitalisation des bénéfices ou d’une fraction du chiffre d’affaires annuel, ou sur la combinaison de plusieurs de ces méthodes ; qu’elle ne saurait toutefois procéder par combinaison entre la méthode par comparaison et l’une ou plusieurs des méthodes alternatives ;

3. Considérant qu’il résulte de l’instruction que le service a évalué la valeur vénale des titres de la société AB Services cédés par M. E…au montant unitaire de 274 euros en retenant une moyenne arithmétique des valeurs obtenues par deux méthodes d’évaluation, l’une fondée sur la valeur mathématique des titres, l’autre sur leur valeur de productivité ;

4. Considérant, d’une part, que si l’administration a indiqué dans la proposition de rectification que la valeur moyenne obtenue par combinaison de la valeur mathématique et de la valeur de productivité  » est à rapprocher des cessions intervenues le lendemain sur des titres similaires « , ce rapprochement est resté sans portée sur le calcul effectué, la valeur d’immobilisation qui aurait été retenue par comparaison étant de 300 euros ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, l’administration n’a pas, pour déterminer la valeur vénale de 274 euros, procédé par combinaison entre la méthode par comparaison et des méthodes alternatives ;

5. Considérant, d’autre part, que l’administration doit être regardée comme ayant exclu de fixer la valeur des titres par référence à d’autres transactions portant, à la même époque, sur d’autres titres de cette société ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, la valeur en 2004 des titres acquis par M. E… dans la société AB services, d’un montant de 35,44 euros, ne saurait être utilisée à titre d’élément de comparaison pour fixer le prix de leur revente en 2006 à la société MT Trading dès lors que le chiffre d’affaires de la société a progressé de manière significative durant la période comprise entre les deux cessions ; que, par ailleurs, la cession des titres détenus par M. A…le 15 mars 2006 à un prix unitaire de 24,81 euros ne saurait constituer un élément de comparaison pertinent dès lors qu’elle ne portait que sur 239 titres représentant 2% du capital de la société, alors que la cession effectuée par M. E… portait sur 5 750 titres représentant 47,94 % du capital ; qu’enfin, la société requérante fait valoir que la comparaison avec le prix de cession des titres détenus par la famille C…d’un montant de 300 euros ne pouvait constituer un élément de comparaison pertinent et soutient, sans être contestée, que ce montant de 300 euros constitue une valeur de convenance qui a été imposée par la famille C…dans le cadre d’un rachat global de la totalité des titres détenus par cette famille ; que, par suite, c’est à bon droit que l’administration n’a pas procédé à l’évaluation des titres de la société AB Services par référence aux transactions portant, à la même époque, sur d’autres titres de cette société ;

6. Considérant, enfin, que si la société France Elévateur critique la méthode mathématique mise en oeuvre par l’administration pour évaluer les titres de la société AB services en faisant valoir que le service a fait application d’un coefficient de pondération du bénéfice net courant moyen, l’application d’une telle pondération n’est pas, contrairement à ce que soutient la requérante, exclue par le guide d’évaluation des entreprises ; qu’il résulte de l’instruction que la pondération opérée par le service est justifiée par l’augmentation significative du chiffre d’affaires de la société AB Services au cours des exercices clos en 2003, 2004 et 2005, impliquant une valorisation de son fonds de commerce correspondant à la croissance de l’activité de la société ; que la société requérante soutient également que le calcul de la valeur de productivité des titres serait inexact faute d’avoir tenu compte d’un coefficient de risque maximal, correspondant à la situation de dépendance économique de la société par rapport à son fournisseur et aux conséquences résultant du changement de propriétaire ; qu’il ressort cependant des termes de la proposition de rectification que le service a déterminé le coefficient de risque en se fondant sur la possibilité d’un changement de fournisseur et sur la circonstance que le changement d’actionnaire et l’inclusion dans un groupe nouveau ont eu lieu dans un cercle restreint d’actionnaires d’un même groupe de sociétés ; que contrairement à ce que soutient la société, le service ne s’est pas écarté des préconisations du guide d’évaluation des entreprises en retenant l’application d’une moyenne simple entre la valeur mathématique et la valeur de productivité de l’entreprise, ce guide permettant de choisir la combinaison la plus appropriée en fonction de la taille de l’entreprise et du pouvoir de contrôle conféré par l’acquisition des titres ; qu’enfin, si la société requérante soutient que l’administration aurait dû retenir la méthode d’évaluation par le chiffre d’affaires moyen, elle n’apporte aucun élément justifiant de la pertinence de l’application d’une telle méthode ; que, par suite, l’administration établit l’existence d’un écart significatif entre la valeur vénale des parts acquises par la société MT Trading dans la société AB Services et le prix convenu avec M.E… ;

En ce qui concerne l’existence d’une libéralité consentie par M. E…à la société MT Trading :

7. Considérant qu’aux termes du 2 de l’article 38 du code général des impôts :  » Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l’actif net à la clôture et à l’ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l’impôt, diminuée des suppléments d’apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l’exploitant ou par les associés (…)  » ; qu’aux termes de l’article 38 quinquies de l’annexe III au même code :  » 1. Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d’origine. / Cette valeur d’origine s’entend : a. Pour les immobilisations acquises à titre onéreux par l’entreprise, du coût d’acquisition (…) b. Pour les immobilisations acquises à titre gratuit, de la valeur vénale (…)  » ; qu’il résulte de ces dernières dispositions que, dans le cas où le prix de l’acquisition d’une immobilisation a été volontairement minoré par les parties pour dissimuler une libéralité faite par le vendeur à l’acquéreur, l’administration est fondée à corriger la valeur d’origine de l’immobilisation, comptabilisée par l’entreprise acquéreuse pour son prix d’acquisition, pour y substituer sa valeur vénale, augmentant ainsi son actif net dans la mesure de l’acquisition faite à titre gratuit ;

8. Considérant que la société requérante est détenue majoritairement par M. E…, qui en est par ailleurs le gérant ; que l’acquisition par la société MT Trading des parts que M. E…détenait dans la société AB Services a été réalisée à un prix très inférieur à celui retenu pour l’achat de titres comparables détenus par les autres associés de la société AB Services ; que, dans ces conditions, l’existence d’une communauté d’intérêts unissant M. E…à la société MT Trading et leur intérêt commun dans la minoration de la valeur des titres de la société AB services caractérisent une intention de libéralité, nonobstant la présence d’un autre actionnaire minoritaire au sein de cette entreprise ; que, par suite, l’administration apporte la preuve qui lui incombe que la société MT Trading, en minorant excessivement le montant individuel de l’acquisition des actions de M.E…, a reçu une libéralité de ce dernier ; que l’administration pouvait donc substituer à la valeur d’origine la valeur vénale des parts de M. E… pour assigner à la société MT Trading des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés au titre de l’exercice 2006 ;

9. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société France Elévateur n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées, l’Etat n’étant pas la partie perdante en la présente instance ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société France Elévateur est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société France Elévateur et au ministre de l’économie et des finances.

2

N° 16NC02420


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