Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le recours enregistré au greffe de la Cour administrative d’appel le 14 mai 1990 sous le n° 90NC00252, présenté par le ministre délégué au budget ;
Le ministre demande à la Cour :
– de réformer le jugement du tribunal administratif de Nancy en date du 3 janvier 1990, en tant que celui-ci a accordé à la S.A.F.E.R. de Lorraine la décharge de la taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1987 et 1988 dans la commune de Nancy ;
– de remettre intégralement l’imposition contestée à la charge de la S.A.F.E.R. de Lorraine ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 60-808 du 5 août 1960 modifiée ;
Vu la loi n° 62-933 du 8 août 1962 modifiée ;
Vu le décret n° 61-610 du 14 juin 1961 modifié ;
Vu le décret n° 62-1235 du 20 octobre 1963 modifié ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 30 janvier 1992:
– le rapport de M. Pietri, Conseiller,
– les observations de M. de X…,
– et les conclusions de Mme Felmy, Commissaire du Gouvernement ;
Considérant qu’aux termes de l’article 1447 du code général des impôts : « La taxe professionnelle est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée » ; qu’eu égard à la généralité des termes de cette disposition, cette taxe s’applique à toutes les personnes qui exercent habituellement une activité rémunérée de caractère professionnel ; qu’échappent toutefois au champ d’application de cette taxe les personnes qui ne poursuivent pas un but lucratif si, par la nature de leurs interventions ainsi que des besoins qu’elles visent à satisfaire et par leur gestion désintéressée, elles n’exercent pas cette activité dans les conditions qui sont, normalement, celles des entreprises du marché ;
Considérant, en premier lieu, que la circonstance que les S.A.F.E.R. soient constituées sous la forme juridique de sociétés anonymes, soumises de plein droit à l’impôt sur les sociétés et entrant dans le champ d’application de la taxe sur la valeur ajoutée, quoiqu’elles bénéficient d’une exonération expresse de cette taxe au titre de l’article 261.5.1° du code général des impôts, ne saurait faire obstacle à ce que ces sociétés puissent prétendre être des organismes ayant un caractère désintéressé, dès lors qu’en vertu de l’article 15 de la loi du 5 août 1960 modifiée elles ne peuvent avoir de buts lucratifs ; qu’en vertu de leurs statuts les excédents nets qu’elles réalisent sont, après constitution de la réserve légale et de versement à titre de dividendes statutaires d’un intérêt aux actionnaires d’un taux maximum de 5 % sur le montant libéré et non amorti des actions, affectés au financement d’opérations conformes à leurs missions ; qu’en cas de dissolution d’une telle société, l’excédent de l’actif est dévolu à d’autres S.A.F.E.R. ou, à défaut, à des organismes ayant pour objet l’aménagement foncier ou l’établissement à la terre des agriculteurs ; qu’en outre, en l’espèce, il est constant que la S.A.F.E.R. de Lorraine n’a versé aucun intérêt statutaire à ses actionnaires ; que dans ces conditions elle ne peut être regardée comme poursuivant un but lucratif par la recherche et la distribution de bénéfices ;
Considérant, en second lieu, que les S.A.F.E.R., qui acquièrent en pleine propriété et rétrocèdent, après avoir réalisé d’éventuels travaux ou aménagements, des terres et des exploitations agricoles, ont pour objet, conformément à la mission de service public administratif qui leur est confiée par le législateur, d’améliorer les structures agraires et de faciliter l’installation d’exploitants agricoles ; qu’ainsi, elles ne s’adressent pas à la même clientèle que les entreprises à but lucratif qui interviennent sur le marché foncier, mais exercent leur activité principalement au profit des agriculteurs et sont d’ailleurs tenues, pour l’attribution des exploitations qu’elles créent ou restructurent, d’accorder la priorité à ceux d’entre eux qui relèvent de catégories définies par décret ; que les rétrocessions ne sont précédées que d’une publicité par voie d’affichage en mairie ou d’avis publié dans la presse locale ; que les acquisitions d’un montant supérieur à celui fixé par arrêté ministériel sont soumises à l’approbation des commissaires du gouvernement, qui représentent auprès des S.A.F.E.R. le ministre de l’agriculture et le ministre des finances et des affaires économiques ; que les commissaires du gouvernement peuvent décider que certaines acquisitions inférieures à ce montant seront également soumises à leur approbation et s’opposer à des projets de cessions ; que les S.A.F.E.R. disposent d’un droit de préemption pour l’acquisition des biens entrant dans leurs missions ; que si la S.A.F.E.R. de Lorraine perçoit pour ses interventions une rémunération destinée à couvrir ses frais de gestion, et qui s’ajoute au prix d’achat des terres pour constituer leur prix de revient auquel la société les rétrocède, cette rémunération, au demeurant modique, ne saurait être regardée comme une marge bénéficiaire ; que la société est tributaire pour assurer son équilibre financier annuel des aides que lui apporte l’Etat sous la forme de subventions et de prêts à taux bonifié ; qu’ainsi, la S.A.F.E.R. de Lorraine ne peut être regardée, ni dans ses objectifs, ni dans les prix qu’elle pratique ou les prestations qu’elle offre, comme exerçant son activité dans des conditions qui sont normalement celles des entreprises du marché ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la S.A.F.E.R. de Lorraine n’entre pas dans le champ d’application de l’article 1447 du code général des impôts ; que par suite le ministre délégué au budget n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a accordé à la S.A.F.E.R. de Lorraine la décharge de la taxe professionnelle à laquelle elle avait été assujettie ;
Article 1 : Le recours du ministre délégué au budget est rejeté.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre délégué au budget et à la S.A.F.E.R. de Lorraine.