Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Le préfet du Puy-de-Dôme a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, en application des dispositions de l’article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, d’annuler la délibération du 27 juin 2013 par laquelle le syndicat intercommunal d’assainissement de la région Est de Clermont-Ferrand (SIAREC) a accepté la transformation de la société d’économie mixte pour l’exploitation des réseaux d’eau potable et d’assainissement en société publique locale et a approuvé le projet de statuts de ladite société.
Par un jugement n° 1301729-1301730-1301731-1301732 du 1er juillet 2014, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 28 août 2014, et un mémoire complémentaire, enregistré le 7 novembre 2014, le préfet du Puy-de-Dôme demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 1er juillet 2014 ;
2°) d’annuler pour excès de pouvoir la délibération du 27 juin 2013 du syndicat intercommunal d’assainissement de la région Est de Clermont-Ferrand.
Il soutient que la délibération contestée méconnaît les dispositions de l’article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales, dès lors qu’une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités ne peut pas prendre de participation dans une société publique locale dont l’objet social excède son propre champ de compétence.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2014, et un mémoire complémentaire, enregistré le 11 décembre 2014, le SIAREC, pris en la personne de son président en exercice, représenté par MeC…, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l’Etat en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.
Par un mémoire, enregistré le 28 janvier 2015, la société d’exploitation mutualisée pour l’eau, l’environnement, les réseaux, l’assainissement dans l’intérêt du public (SEMERAP), prise en la personne de son président directeur général, représentée par MeB…, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l’Etat en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu’elle s’associe aux moyens soulevés par l’intimé.
Par une ordonnance du 30 janvier 2015, la clôture d’instruction a été reportée au 6 mars 2015.
Vu :
– les autres pièces du dossier ;
– la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 ;
– le code général des collectivités territoriales ;
– l’arrêt de la Cour de justice des communautés européennes C-107/98 du 18 novembre 1999 ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Peuvrel, rapporteur ;
– les conclusions de M. Clément, rapporteur public ;
– et les observations de Me D…E…, pour le SIAREC, ainsi que celles de MeA…, pour la SEMERAP.
Une note en délibéré présentée pour le SIAREC a été enregistrée le 13 septembre 2016.
1. Considérant que, par délibération du 27 juin 2013, le comité syndical du syndicat intercommunal d’assainissement de la région Est de Clermont-Ferrand (SIAREC) a donné son accord à la transformation de la société d’économie mixte pour l’exploitation des réseaux d’eau potable et d’assainissement en société publique locale dénommée » société d’exploitation mutualisée pour l’eau, l’environnement, les réseaux, l’assainissement dans l’intérêt du public » (SEMERAP) et a approuvé le projet de statuts de ladite société ; qu’après avoir invité en vain le président du SIAREC à retirer cette délibération, le préfet du Puy-de-Dôme l’a déférée à la censure du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ; qu’il relève appel du jugement de ce tribunal du 1er juillet 2014 ayant rejeté sa demande ;
Sur l’intervention de la société d’exploitation mutualisée pour l’eau, l’environnement, les réseaux, l’assainissement dans l’intérêt du public :
2. Considérant que la SEMERAP a intérêt au maintien de la délibération contestée ; que, par suite, son intervention en défense est admise ;
Sur la recevabilité de la demande :
3. Considérant que, si le SIAREC soutient que le préfet du Puy-de-Dôme a été informé dès le 13 septembre 2013, de son refus de procéder au retrait de la délibération du 26 juin 2013 et produit son courrier en ce sens revêtu de l’accusé de réception émis par le bureau du courrier de la préfecture, il ressort des pièces du dossier que le préfet a saisi le tribunal le 8 novembre 2013, dans le délai de recours contentieux ; que, par suite, la fin de non-recevoir tirée de ce que la demande du préfet du Puy-de-Dôme serait tardive doit être écartée ;
Sur la légalité de la délibération :
4. Considérant qu’aux termes de l’article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales : » Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent créer, dans le cadre des compétences qui leur sont attribuées par la loi, des sociétés publiques locales dont ils détiennent la totalité du capital. / Ces sociétés sont compétentes pour réaliser des opérations d’aménagement au sens de l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, des opérations de construction ou pour exploiter des services publics à caractère industriel ou commercial ou toutes autres activités d’intérêt général. / Ces sociétés exercent leurs activités exclusivement pour le compte de leurs actionnaires et sur le territoire des collectivités territoriales et des groupements de collectivités territoriales qui en sont membres. / Ces sociétés revêtent la forme de société anonyme régie par le livre II du code de commerce et sont composées, par dérogation à l’article L. 225-1 du même code, d’au moins deux actionnaires. / Sous réserve des dispositions du présent article, elles sont soumises au titre II du présent livre. » ;
5. Considérant qu’il résulte de ces dispositions, interprétées à la lumière du droit de l’Union européenne et notamment des objectifs de la directive 2004/18/CE du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, que la création d’une société publique locale par des collectivités territoriales ou des groupements de collectivités a pour objet de leur permettre d’assurer conjointement l’exécution d’une mission de service public qui leur est commune tout en dérogeant aux règles de la commande publique ; qu’elles nécessitent, d’une part, que les personnes publiques qui en sont membres exercent sur cette société un contrôle comparable à celui qu’elles exercent sur leurs propres services et, d’autre part, que cette dernière réalise exclusivement ses activités pour le compte de ces personnes publiques ; qu’il s’ensuit qu’elles font obstacle à ce qu’une telle personne publique puisse être actionnaire d’une société publique locale dont la partie prépondérante des missions outrepasserait son domaine de compétence ;
6. Considérant que, par la délibération contestée, le SIAREC a approuvé la création d’une société publique locale qui, selon l’article 2 de ses statuts, pourra se voir confier des missions relatives aux services publics de l’eau potable, de l’assainissement collectif, de l’assainissement non collectif, du traitement des déchets et de l’entretien et du suivi des bassins d’eau, des missions relatives à la collecte, au transport, au stockage, au traitement des eaux pluviales et à l’élimination de boues détruites et des missions relatives à la surveillance, à l’entretien et au contrôle des infrastructures de défense incendie extérieure ; qu’il ressort de ses statuts que le SIAREC exerce des compétences en matière d’assainissement collectif et non collectif ; qu’ainsi le champ d’intervention de la société publique locale excède de façon prépondérante les compétences du syndicat ; que, par suite, le préfet du Puy-de-Dôme est fondé à soutenir que le SIAREC a fait une inexacte application des dispositions de l’article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales ;
7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le préfet du Puy-de-Dôme est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande et, par suite, à demander l’annulation de ce jugement ainsi que celle de la délibération du SIAREC du 27 juin 2013 ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
8. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement au SIAREC des sommes demandées au titre des frais non compris dans les dépens ; qu’elles font également obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par l’intervenante en défense, qui n’est pas partie à l’instance au sens de ces dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : L’intervention de la société d’exploitation mutualisée pour l’eau, l’environnement, les réseaux, l’assainissement dans l’intérêt du public est admise.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 1er juillet 2014 et la délibération du syndicat intercommunal d’assainissement de la région Est de Clermont-Ferrand du 27 juin 2013 sont annulés.
Article 3 : Les conclusions du syndicat intercommunal d’assainissement de la région Est de Clermont-Ferrand et de la société d’exploitation mutualisée pour l’eau, l’environnement, les réseaux, l’assainissement dans l’intérêt du public tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au préfet du Puy-de-Dôme, au syndicat intercommunal d’assainissement de la région Est de Clermont-Ferrand et à la société d’exploitation mutualisée pour l’eau, l’environnement, les réseaux, l’assainissement dans l’intérêt du public.
Copie en sera adressée au ministre de l’intérieur.
Délibéré après l’audience du 13 septembre 2016, à laquelle siégeaient :
M. Fraisse, président de la cour ;
M. Boucher, président de chambre ;
M. Alfonsi, président de chambre ;
M. Drouet, président-assesseur ;
M. Gille, président-assesseur ;
M. Segado, premier conseiller ;
Mme Peuvrel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 octobre 2016.
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N° 14LY02731