Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le recours, enregistré par télécopie le 28 juillet 2008 et régularisé par la production de l’original le 30 juillet suivant, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE demande à la cour :
1°) d’annuler les articles n° 1 et 2 du jugement n°0310888 du 8 avril 2008 en tant que le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge des contributions supplémentaires à l’impôt sur les sociétés et des contributions de 10 % sur l’impôt sur les sociétés auxquelles la banque Sudameris a été assujettie au titre de l’exercice clos en 1999, ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de rétablir la banque Sudameris aux rôles de l’impôt sur les sociétés et des contributions de 10 % sur cet impôt au titre de l’année 1999, à raison des cotisations auxquelles elle a été assujettie sur le fondement de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 11 mars 2010 :
– le rapport de Mme Merloz, rapporteur,
– et les conclusions de M. Gouès, rapporteur public ;
Considérant que pour prononcer, par le jugement du 8 avril 2008, la décharge des contributions supplémentaires à l’impôt sur les sociétés et des contributions de 10 % sur cet impôt auxquelles la banque Sudameris a été assujettie au titre de l’exercice clos en 1999, ainsi que des pénalités y afférentes, le Tribunal administratif de Paris a estimé que l’administration n’apportait pas la preuve qui lui incombe que l’opération de restructuration du capital de la banque était constitutive d’un abus de droit au sens de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE relève appel du jugement attaqué ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : Ne peuvent être opposés à l’administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d’un contrat ou d’une convention à l’aide de clauses : […]b. Ou qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus […]. L’administration est en droit de restituer son véritable caractère à l’opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l’avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L’administration peut également soumettre le litige à l’avis du comité dont les avis rendus feront l’objet d’un rapport annuel. Si l’administration ne s’est pas conformée à l’avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement. ; qu’il résulte de ces dispositions que, lorsque l’administration use de la faculté qu’elles lui confèrent dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors qu’elle établit que ces actes ont un caractère fictif, ou, que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, s’il n’avait pas passé ces actes, auraient normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ;
Considérant que, pour déterminer la dévolution de la charge de la preuve en application des dispositions précitées, le défaut de saisine du comité consultatif pour la répression des abus de droit doit être assimilé au refus de l’administration de se conformer à l’avis du comité ; que, par suite, la charge de la preuve du bien-fondé du redressement incombe à l’administration lorsque le comité n’a été saisi ni par elle, ni par le contribuable ;
Considérant, que pour apporter la preuve qui lui incombe, l’administration fait valoir que l’opération de restructuration du capital de la banque Sudameris a été volontairement décomposée en trois sous-opérations liées que sont la vente de créances risques-pays brésiliennes aux quatre actionnaires sortants, le rachat par la banque de 48 % de ses propres actions et la conclusion d’un emprunt subordonné auprès d’une société soeur ; que cette opération a permis à la banque Sudameris, qui n’aurait pas dû intervenir elle-même dans la restructuration de son capital, de masquer le réel bénéficiaire du capital cédé, soit sa société mère Comit Holding International SA à qui elle a distribué des actions gratuites, et de déduire de son résultat fiscal la rémunération d’une partie de ses fonds propres matérialisée par les intérêts d’emprunt versés à une société soeur, détenue à 100 % par Comit Holding International SA ; que le MINISTRE en déduit que, contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges, cette opération constitue un montage délibéré au regard de la nature des actes, de leur chronologie et de leur interdépendance, poursuivant un but exclusivement fiscal ;
Considérant toutefois que, d’une part, la société Sudameris soutient que l’origine de l’opération de restructuration du capital a résidé dans la volonté manifestée par quatre de ses actionnaires de se retirer de son capital et par son souhait de céder une partie de ses créances sur le Brésil afin de partager avec les actionnaires sortants la part de risque liée à ces créances ; que le MINISTRE ne conteste d’ailleurs pas l’engagement du 5 janvier 1994 qui liait expressément la vente de créances risques et le rachat par la banque Sudameris de ses propres actions, les actionnaires sortants n’ayant pas l’intention d’acheter les créances au comptant ; qu’il aurait en outre été difficile, compte tenu de l’évolution du marché, de trouver d’autres contreparties que les quatre actionnaires sortants ; qu’il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient le MINISTRE, qui ne contredit pas utilement l’ensemble de ces éléments, l’opération litigieuse reposait sur des motifs économiques et financiers ;
Considérant, d’autre part, que si le MINISTRE relève que la banque Sudameris a contracté un emprunt auprès d’une société soeur, détenue à 100 % par Comit Holding International SA, elle-même actionnaire majoritaire de la banque Sudameris, cette opération s’inscrit dans une politique de financement à moyen et long terme habituelle de la banque, qui a contracté quatre emprunts subordonnés en onze ans ; que, par ailleurs, contrairement à ce que soutient le MINISTRE, l’augmentation du capital de la banque Sudameris s’est effectué par incorporation des réserves, sous la forme d’émission d’actions gratuites, et non grâce à l’emprunt subordonné ; que, dans ces conditions, l’administration n’établit pas que cet emprunt constituerait une contrepartie du prix d’acquisition par Comit Holding International SA de sa participation au capital de la banque Sudameris ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’administration n’apporte pas la preuve, qui lui incombe dès lors qu’elle s’est abstenue de prendre l’avis du comité consultatif de répression des abus de droit, que la banque Sudameris aurait entendu, par l’opération de restructuration litigieuse, frauder la loi dans le but exclusif d’éluder ou d’atténuer ses charges fiscales ;
Considérant qu’il suit de là que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a accordé la décharge des contributions supplémentaires à l’impôt sur les sociétés et des contributions de 10 % sur l’impôt sur les sociétés auxquelles la banque Sudameris a été assujettie au titre de l’exercice clos en 1999, ainsi que des pénalités y afférentes ;
D E C I D E :
Article 1er : Le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est rejetée.
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N° 08PA03987