Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A…B…ont demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge du complément d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auquel ils ont été assujettis au titre de l’année 2007 à concurrence des montants globaux respectifs, en droits, intérêts de retard et majorations, de 296 256 euros et 81 471 euros.
Par un jugement n°1402297 du 16 mars 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 15 mai 2015, M. et MmeB…, représentés par
Me Devis, avocat, demandent à la Cour :
1° d’annuler ce jugement ;
2° de prononcer la décharge du complément d’impôt sur le revenu et de contributions sociales, en droits, intérêts de retard et majorations ;
3° et de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
– l’entreprise avait intérêt à favoriser la stabilité de son actionnariat ;
– l’objet d’une société de vente d’alcools et de spiritueux n’est pas de faire des prêts d’argent ;
– compte tenu des difficultés financières de cet actionnaire qui ont conduit à sa faillite, sa présence dans le capital de Belvédère faisait courir un risque financier à ce groupe ;
– les communiqués donnant un caractère strictement personnel au différend entre les deux dirigeants de la société Belvédère et l’actionnaire majoritaire étaient destinés à rassurer les investisseurs invités à acquérir des actions de cet actionnaire ;
– l’opération de reclassement des titres n’aurait pu réussir si les deux dirigeants historiques n’avaient manifesté leur confiance dans le groupe en s’engageant à hauteur de
50 millions d’euros ;
– par suite, il incombait à la société Belvédère de prendre en charge les honoraires d’avocats exposés par le requérant dans l’exercice de ses fonctions et dans l’intérêt de l’entreprise.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Soyez,
– et les conclusions de M. Errera, rapporteur public.
1. Considérant que M.B…, associé et président directeur général de la
SA Belvédère, a subi des redressements d’impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l’année 2007, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, au motif que cette société avait pris en charge des honoraires d’avocats dans un procès entre ce dirigeant et le fonds Mapple Leaf ; que M. et Mme B…relèvent appel d’un jugement du 16 mars 2015 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande en décharge de la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu qui en découle ;
Sur le bien-fondé de l’imposition :
2. Considérant qu’aux termes de l’article 109 du code général des impôts: » 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; (…) » et qu’aux termes de l’article 111 du même code : » Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (…) c. Les rémunérations et avantages occultes (…) » ; que lorsqu’une société a pris en charge des dépenses incombant normalement à un tiers sans que la comptabilisation de cette opération ne révèle, par elle-même, l’octroi d’un avantage, il appartient à l’administration, si elle entend faire application des dispositions précitées du c. de l’article 111 du code général des impôts pour imposer, dans les mains du tiers, cette somme, d’établir, d’une part, que la prise en charge de cette dépense ne comportait pas de contrepartie pour la société, et d’autre part, qu’il existait une intention, pour celle-ci, d’octroyer, et pour le tiers, de recevoir, une libéralité ;
3. Considérant qu’il résulte de l’instruction que MM. B…etC…, d’une part, fondateurs de la SA Belvédère, société cotée en bourse spécialisée dans la fabrication et la distribution de vins et spiritueux, et la société CL Financial, d’autre part, qui détenait, depuis 2006, 68 % du capital de la SA Belvédère, ont mis un terme, le 8 juin 2007, à leurs différends relatifs à la gestion de cette entreprise par un accord organisant les modalités de leur séparation ; qu’en vertu de cet accord, les deux dirigeants s’engageaient à faire acheter la totalité des titres détenus par l’associé majoritaire sous la forme d’un placement privé ouvert jusqu’au
25 juillet 2007, sous peine de se démettre de leurs mandats et devaient, à l’approche de l’échéance stipulée, replacer 50 millions d’euros sur les 345 millions d’euros de participations détenues par la société CL Financial ; qu’à cet effet, ils ont acquis personnellement les titres restants, à hauteur de 20 millions, par voie d’endettement, et, à hauteur de 30 millions d’euros, par le relais d’un intermédiaire financier, la société Mapple Leaf, aux termes d’une lettre d’intention, signée le 25 juillet 2007 ; qu’estimant abusives les conditions stipulées dans cette lettre, MM. B…et C…ont refusé de signer le contrat définitif avec la société Mapple Leaf ; qu’à la demande de cette dernière, la Haute cour de justice de Londres les a condamnés à payer une indemnité pour rupture abusive de contrat ; que la SA Belvédère a pris à sa charge, au titre de l’exercice clos en 2007, les honoraires d’un montant de 779 618 euros exposés par MM. B…et C…auprès du cabinet d’avocats Paul Hastings, en vue de leur défense devant la juridiction britannique ;
4. Considérant que M. B…soutient que, sous la pression de la société
CL Financial et afin de remédier aux difficultés financières de celle-ci, la SA Belvédère et ses filiales se livraient à des opérations financières et de crédit étrangères à leur objet social et porteuses de risques pour elles-mêmes ; qu’il invoque, afin de justifier la décision qu’il a prise de s’assurer à nouveau avec M. C…le contrôle de la SA Belvédère, l’intérêt pour elle de continuer à exercer une activité conforme à son objet social et d’être dotée d’un actionnariat stable favorable au maintien d’une telle activité ; que, toutefois, à supposer exacts ces arguments, il n’appartient pas à une société de prendre en charge les honoraires d’avocats exposés pour la seule défense des intérêts de leurs associés et dirigeants dans un procès dans lequel elle n’est pas partie ; qu’en l’espèce et alors que le recours à la société Mapple Leaf dans l’urgence et à des conditions onéreuses pour MM. B…et C…leur a permis d’évincer l’actionnaire majoritaire avec lequel ils étaient en conflit, il ne résulte pas de l’instruction que la pérennité de la SA Belvédère ait été en jeu dans la persistance de ce conflit ; qu’en tout état de cause, elle n’était plus, après l’éviction de la société CL Financial, ni directement ni indirectement concernée par les démêlés de MM. B…et C…avec la société Mapple Leaf, relatifs au coût de l’emprunt que ces derniers ont personnellement contracté auprès de ce fonds ; que, par suite, la SA Belvédère n’avait pas à supporter les conséquences financières du revirement par lequel MM. B…et C…se sont dédits de leurs engagements, pris le 25 juillet 2007, envers la société Mapple Leaf ni à prendre à sa charge les honoraires de leurs avocats, dans le procès intenté par cette société, procès dans lequel elle n’était ni appelée ni mentionnée ; qu’il s’ensuit que la SA Belvédère n’ayant retiré aucune contrepartie de la dépense qu’elle a exposée en faveur de M.B…, c’est à bon droit que l’administration a qualifié celle-ci de revenu distribué et, sur le fondement des dispositions précitées du c de l’article 111 du code général des impôts, en a imposé le montant entre les mains de M. et Mme B…;
Sur les majorations pour manquement délibéré :
5. Considérant qu’aux termes de l’article 1729 du code général des impôts : » Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt ainsi que la restitution d’une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l’Etat entraînent l’application d’une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré » ;
6. Considérant qu’ainsi que le fait valoir l’administration, MM. B…etC…, dans les négociations financières avec le fonds Maple Leaf, qui ont abouti à la lettre d’intention du 25 juillet 2007, ont agi à titre personnel et non en qualité de dirigeants de la
SA Belvédère ; que ces négociations, qui leur ont permis de mener à bien l’éviction de la société CL Financial, leur ont également bénéficié directement en augmentant leur participation dans le capital de cette société et ce, sans que la rupture des engagements pris le 25 juillet 2007 ait en rien concerné les intérêts de cette dernière ; que M. B…ne pouvait donc ignorer que les honoraires d’avocat relatifs à sa défense contre le fonds Mapple Leaf avaient trait à un litige d’ordre strictement privé et que leur prise en charge par la SA Belvèdère constituait une
libéralité ; qu’en infligeant aux requérants, pour le motif d’un manquement délibéré aux obligations fiscales, la pénalité prévue par les dispositions précitées, l’administration n’a par suite pas méconnu lesdites dispositions ;
7. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B…ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande en décharge ; que doivent être rejetées, en conséquence, leurs conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B…est rejetée.
N° 15VE01816 2