Cour Administrative d’Appel de Marseille, 3ème chambre – formation à 3, 17/04/2014, 12MA00666, Inédit au recueil Lebon

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Cour Administrative d’Appel de Marseille, 3ème chambre – formation à 3, 17/04/2014, 12MA00666, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 17 février 2012, présentée pour la société par actions simplifiée (SAS) Saint Victor, dont le siège est 3 rue Beauvau à Marseille (13009), représentée par M. Guy Chambon son président en exercice, par Me Bartholomé ;

La SAS Saint Victor demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n°1006974 du 20 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2005 à 2007 ;

2°) de prononcer la décharge de ces cotisations supplémentaires ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros HT en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

…………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 28 mars 2014 :

– le rapport de M. Sauveplane, premier conseiller ;

– les conclusions de M. Maury, rapporteur public ;

– et les observations de Me Bartholomé, avocat de la SAS Saint Victor ;

1. Considérant que la société par actions simplifiée (SAS) Saint Victor, société holding, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité à l’issue de laquelle l’administration a remis en cause la déductibilité d’une provision pour dépréciation des avances consenties aux sociétés Space Golf et Aurema ; qu’en conséquence, l’administration l’a assujettie, en suivant la procédure de rectification contradictoire prévue à l’article L. 55 du livre des procédures fiscales, à des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés au titre des exercices 2006 et 2007 ; que la SAS Saint Victor relève appel du jugement en date du 20 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces suppléments d’impôt sur les sociétés ;

Sur l’étendue du litige :

2. Considérant que la SAS Saint Victor demande à la Cour la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés d’un montant de 357 383 euros en droits et 19 011 euros en intérêts de retard ; qu’il résulte de l’instruction que la SAS Saint Victor a fait l’objet d’une vérification de comptabilité qui n’a concerné que les exercices 2006 à 2008 ; que ces cotisations supplémentaires correspondent à la remise en cause de la déductibilité des provisions pour dépréciation comptabilisées en 2006 et 2007 ; qu’en revanche la SAS Saint Victor n’a fait l’objet ni d’un contrôle ni d’une quelconque imposition supplémentaires au titre de l’exercice 2005 ; que c’est par erreur que l’avis de mise en recouvrement du 20 avril 2010 mentionne la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2005 ; que, dès lors, si la SAS Saint Victor demande la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés au titre des exercices 2005 à 2007, ces conclusions sont dépourvues d’objet en tant qu’elles sont relatives à l’exercice 2005 ;

Sur le bien-fondé de l’imposition :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

3. Considérant que s’il appartient à l’administration d’établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer le caractère anormal des actes de gestion ayant motivé les rectifications, il appartient toutefois au préalable à la SAS Saint Victor, s’agissant de rectifications ayant porté sur une écriture comptable de provision, de justifier non seulement du montant des sommes correspondantes, mais de la correction de leur inscription en comptabilité, c’est-à-dire du principe même de leur déductibilité ;

En ce qui concerne la provision pour dépréciation des avances consenties à la SAS Space Golf :

4. Considérant qu’aux termes de l’article 39 du code général des impôts :  » 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : (…) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu’elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l’exercice…  » ;

5. Considérant que la SAS Saint Victor détenait au cours des exercices 2006 et 2007, 50 p. cent des actions de la SAS Space Golf qui gérait un magasin spécialisé dans la vente d’articles de golf à Marseille ; que la SAS Saint Victor a consenti de 2002 à 2007 à sa filiale des avances cumulées d’un montant de 2 609 569 euros ; que l’administration a remis en cause la déductibilité des provisions pour dépréciation comptabilisées en 2006 et 2007 pour un montant respectif de 407 929 euros et 657 054 euros au motif que les avances consenties procédaient d’un acte anormal de gestion ;

6. Considérant que, pour justifier de l’acte anormal de gestion, l’administration fait valoir que la SAS Saint Victor n’avait aucun intérêt à maintenir l’activité de sa filiale qui était constamment déficitaire, que les avances consenties étaient disproportionnées par rapport au chiffre d’affaires dégagé par la filiale et à sa situation nette et que la SAS Saint Victor n’avait aucun lien juridique ou commercial avec la SAS Space Golf, qui ne faisait pas partie du périmètre d’intégration fiscale du groupe ;

7. Considérant que la SAS Saint Victor fait valoir, pour soutenir que les avances consenties à la SAS Space Golf procèdent d’un acte normal de gestion, qu’elle est une société holding gérant les investissements patrimoniaux de M. Guy Chambon ; qu’elle a cherché à diversifier son activité dans le secteur du commerce de détail des équipements de golf pour lequel elle s’est associée à 50 p. cent avec un ancien joueur professionnel de golf ; qu’une dissension entre les actionnaires a paralysé le fonctionnement de la société et la nomination d’un administrateur ad hoc a été refusée par le tribunal de commerce de Marseille dans son jugement du 6 décembre 2004 ; que le dénouement de ce conflit s’est soldé par la sortie du capital de la SAS Space Golf de l’autre actionnaire le 31 mars 2008, date à laquelle elle est devenue une filiale à 99 p. cent de la SAS Saint Victor et qu’elle a intégré le périmètre d’intégration fiscale le 1er janvier 2009 ; que la SAS Saint Victor fait également valoir qu’il était de son intérêt de consentir ces avances à sa filiale pour sauvegarder son renom auprès du milieu des affaires marseillais et des établissements bancaires devant lesquels elle s’était portée caution des engagements de sa filiale ;

8. Considérant qu’il est constant que la SAS Space Golf était une filiale à 50 p. cent de la SAS Saint Victor ; que cette dernière n’a pas pris un risque manifestement exagéré par rapport à ceux qu’une société holding peut normalement prendre pour diversifier son activité et améliorer ses résultats ; que si les avances étaient importantes au regard du chiffre d’affaires dégagé par la filiale, il ne résulte pas de l’instruction qu’elles étaient disproportionnées au regard de la surface financière de la SAS Saint Victor ; que les dissensions qui ont existé entre les deux actionnaires ont entrainé un blocage des organes sociaux de la SAS Space Golf, qui ne s’est résolu que par la sortie de l’autre actionnaire en 2008 ; que, dans ces conditions, la SAS Saint Victor a pu estimer à juste titre qu’il était conforme à ses propres intérêts de maintenir la situation financière de sa filiale dans l’attente de la résolution du conflit entre les actionnaires, notamment pour sauvegarder son renom auprès des établissements bancaires auprès desquels elle s’était portée caution pour le compte de sa filiale, et pour préparer une éventuelle opération de restructuration consistant à racheter les parts de l’autre actionnaire de la SAS Space Golf ; que, dès lors, ces avances doivent être regardées, dans les circonstances de l’espèce, comme procédant d’une gestion commerciale normale et c’est à tort que l’administration a refusé la déduction de ces provisions ;

En ce qui concerne la provision pour dépréciation des avances consenties à l’EURL Aurema :

9. Considérant que la SAS Saint Victor a consenti en 2004 à l’EURL Auréma, société tierce qui exploite un fonds de commerce spécialisé dans la vente d’articles de golf à Aix-en-Provence, une avance d’un montant de 140 000 euros pour acquérir ce fonds de commerce ; que l’administration a remis en cause la provision comptabilisée en 2006 pour un montant de 100 258 euros ;

10. Considérant que, pour justifier de l’acte anormal de gestion, l’administration fait valoir que la SAS Saint Victor n’a aucun lien ni juridique ni commercial avec la société EURL Auréma et que l’associé unique de cette société est Mme A…B…, fille de M. Guy Chambon, président de la SAS Saint Victor ;

11. Considérant que, pour soutenir que l’avance consentie à l’EURL Auréma procède d’un acte normal de gestion, la SAS Saint Victor fait valoir que l’EURL Auréma entretient avec la SAS Space Golf des liens commerciaux quasi exclusifs, qu’une convention de trésorerie a été signée le 30 novembre 2004 prévoyant une rémunération de cette avance de trésorerie et que cette société avait vocation à intégrer le groupe Saint Victor dès que le conflit avec l’autre actionnaire de la société Space Golf serait résolu ;

12. Considérant, toutefois, que ces circonstances ne sauraient suffire à faire regarder cette avance de trésorerie comme procédant d’une gestion commerciale normale eu égard à l’absence d’intérêt pour la SAS Saint Victor d’avancer une telle somme à une société juridiquement étrangère ; que, dès lors, c’est bon droit que l’administration a regardé cette avance de 140 000 euros pour acquérir un fonds de commerce comme un acte anormal de gestion et refusé la déductibilité de la provision pour dépréciation de cette même avance comptabilisée en 2006 ;

13. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SAS Saint Victor est seulement fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement du 20 décembre 2011, le tribunal administratif de Marseille ne lui a pas accordé la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés correspondant à la rectification en base relative aux provisions pour dépréciation des avances consenties à la SAS Space Golf ;

Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :  » Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.  » ;

15. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat, qui doit être regardé comme la partie perdante, le paiement à la SAS Saint Victor de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 20 décembre 2011 est annulé en tant qu’il a rejeté les conclusions de la SAS Saint Victor tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés correspondant à la rectification de la base relative aux provisions pour dépréciation des avances consenties à la SAS Space Golf.

Article 2 : La SAS Saint Victor est déchargée des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés correspondant à la rectification de la base relative aux provisions pour dépréciation comptabilisées en 2006 et 2007 pour un montant respectif de 407 929 euros et 657 054 euros.

Article 3 : L’Etat versera la somme de 2 000 euros à la SAS Saint Victor en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SAS Saint Victor est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Saint Victor et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.

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N° 12MA00666


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