CAA de PARIS, 2ème chambre, 08/12/2021, 20PA01425, Inédit au recueil Lebon

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CAA de PARIS, 2ème chambre, 08/12/2021, 20PA01425, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B… A… ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des majorations et des intérêts de retard correspondants auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 2013.

Par un jugement n° 1814552/1-1 du 12 février 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 10 juin et 5 octobre 2020, M. et Mme A…, représentés par Me Gilbert Ladreyt, demandent à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement n° 1814552/1-1 du 12 février 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses et leur restitution assortie des intérêts moratoires ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

– le jugement est insuffisamment motivé et ils ont été en conséquence privés du droit à un procès équitable ;

– la doctrine doit être lue dans son contexte ;

– le § 270 de la doctrine référencée BOI-RPPM-PVBMI-20-20-20-40-20120912 ne peut être regardé comme imposant une cession simultanée par l’ensemble des cofondateurs ;

– par le redressement entrepris, le service tente de donner, en violation de l’art. L 80 A du livre des procédures fiscales, un effet rétroactif à la suppression de cette mesure d’assouplissement à compter du 1er janvier 2014.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 août 2020, le ministre de l’économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme A… ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 1er octobre 2020, la clôture de l’instruction a été fixée au

16 octobre 2020.

Un mémoire a été déposé le 8 novembre 2021, après clôture, pour M. et Mme A….

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de M. Magnard,

– les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique,

– et les observations de Me Ladreyt, représentant M. et Mme A….

Considérant ce qui suit :

1. A la suite du contrôle sur pièces du dossier de M. et Mme A…, l’administration fiscale a remis en cause le bénéfice de l’abattement de 100 % de la plus-value réalisée sur la cession, le 7 novembre 2013, des 4 648 titres qu’ils détenaient dans le capital de la SA Sygnatures, abattement institué en faveur des dirigeants de PME européennes partant à la retraite. M. et Mme A… relèvent appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande en décharge des droits, pénalités et intérêts de retard auxquels ils ont été assujettis au titre de l’année 2013.

Sur l’application de la loi fiscale :

2. Aux termes de l’article 150-0 D ter du code général des impôts dans sa version alors applicable :  » I. L’abattement prévu à l’article 150-0 D bis (…) s’applique dans les mêmes conditions (…) si les conditions suivantes sont remplies : 1°) la cession porte sur l’intégralité des actions, parts ou droits détenus par le cédant dans la société dont les titres et droit sont cédés, ou sur plus de 50 % des droits de vote ou, en cas de la seule détention de l’usufruit, sur plus de 50 % des droits dans les bénéfices sociaux de cette société ; 2° le cédant doit : a) Avoir exercé au sein de la société dont les titres ou droits sont cédés, de manière continue pendant les cinq années précédant la cession (…) ; b) Avoir détenu directement ou par personne interposée ou par l’intermédiaire de son conjoint ou de leurs ascendants ou descendants ou de leurs frères et soeurs, de manière continue pendant les cinq années précédant la cession, au moins 25 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société dont les titres ou droits sont cédés ; c) Cesser toute fonction dans la société dont les titres ou droits sont cédés et faire valoir ses droits à la retraite dans les deux années suivant ou précédant la cession ; (…) « .

3. Il résulte de l’instruction que le 7 novembre 2013, M. A… a cédé la totalité de la participation qu’il détenait dans le capital de la société Sygnatures dont le capital social intégral était composé de 21 277 actions, soit 4 648 actions. Sa part ne représentant que 21,85 % du capital social de cette dernière, il ne remplissait pas personnellement la condition du seuil de participation requis par les dispositions citées au point précédent dans le capital de la société et ne pouvait donc prétendre au bénéfice de ces dernières.

Sur le bénéfice de l’interprétation administrative de la loi fiscale :

4. La doctrine administrative BOI-RPPM-PVBMI-20-20-20-40-20120912 n°270 dont les requérants se prévalent sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales prévoit que :  » Lorsque le capital de la société dont les titres ou droits sont cédés est détenu par plusieurs co-fondateurs, il est admis que les dispositions de l’article 150-0 D ter du CGI s’appliquent aux gains nets de cession de titres ou droits de sociétés réalisés par les actionnaires ou associés co-fondateurs lorsque les conditions suivantes sont remplies : – les actionnaires ou associés cédants (dénommés ci-après co-fondateurs) doivent avoir été présents dans le capital de la société dont les titres sont cédés depuis sa constitution et de manière continue jusqu’à la cession ; – l’ensemble des conditions prévues à l’article 150-0 D ter est rempli par l’un au moins des cédants co-fondateurs ;- les cessions réalisées par les autres co-fondateurs doivent porter sur l’intégralité des titres ou droits qu’ils détiennent dans la société concernée. (…); – les cessions réalisées par l’ensemble des co-fondateurs interviennent à la même date et doivent porter sur plus de 25 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société concernée. Dans l’hypothèse où le ou les co-fondateurs cédants qui remplissent les conditions relatives au cédant énoncées dans la présente sous-section procèdent à des cessions échelonnées (…), les cessions réalisées par les autres co-fondateurs interviennent à la même date que celle de la première des cessions échelonnées ; – en cas de cession à une entreprise, les co-fondateurs qui ne remplissent pas les conditions relatives au cédant prévues à la présente sous-section ne doivent pas détenir, directement ou indirectement, de participation (droits de vote ou droits financiers) dans la société cessionnaire « .

5. Il résulte de la lecture du quatrième alinéa de ce paragraphe, dont il convient de faire une application littérale sans procéder à son interprétation, qu’il ouvre droit au bénéfice de l’abattement lorsque le seuil de 25 % est atteint collectivement, comme en l’espèce, par l’ensemble des co-fondateurs qui procèdent à la cession simultanée. Une telle disposition, contrairement à ce que soutient le ministre, ne saurait avoir pour effet de limiter le bénéfice du régime aux cessions réalisées par la totalité des co-fondateurs de l’entreprise. D’ailleurs, la doctrine définit elle-même les co-fondateurs comme  » les actionnaires ou associés cédants  » et prévoit, au titre du § 270, qu’elle concerne le  » cas particulier des cessions de titres ou droits réalisées conjointement par plusieurs co-fondateurs « . Les requérants sont ainsi fondés à soutenir que les cessions en 2011 de leurs parts par deux autres des cinq co-fondateurs ne faisaient pas obstacle au bénéfice de la doctrine en ce qui concerne la cession de leurs parts intervenue en 2013, pour laquelle ils n’atteignaient pas, à eux-seuls, le seuil requis de 25 %. Par suite, et contrairement à ce que soutient le ministre, qui ne conteste pas que les autres conditions de la doctrine sont remplies, les requérants entrent dans les prévisions de la doctrine dont ils se prévalent.

6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que M. et Mme A… sont fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande, et à obtenir la décharge, en droits et majorations, des impositions supplémentaires auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 2013 à raison de la plus-value réalisée lors de la cession des titres de la société Sygnatures. En l’absence de litige avec le comptable chargé de l’exécution du présent arrêt, les conclusions tendant au remboursement des sommes versées assorties d’intérêts moratoires sont prématurées. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1814552/1-1 du 12 février 2020 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : M. et Mme A… sont déchargés, en droits et majorations, des impositions supplémentaires auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 2013 à raison de la plus-value réalisée lors de la cession des titres de la société Sygnatures.

Article 3 : L’Etat versera à M. et Mme A… la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A… est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B… A… et au ministre de l’économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction nationale des vérifications des situations fiscales.

Délibéré après l’audience du 24 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

– Mme Brotons, président de chambre,

– M. Magnard, premier conseiller,

– Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2021.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL’AVA

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

7

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N° 20PA01425


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