Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C…B…ont demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution des retenues à la source auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012 à concurrence de la somme de 693 700 euros.
Par un jugement n°1408756 du 1er mars 2016 le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
I Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 juin et 21 novembre 2016,
M. et MmeB…, représentés par MeA…, demandent à la Cour :
1° d’annuler ce jugement ;
2° de prononcer la restitution demandée ;
3° de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. et Mme B…soutiennent que :
– l’article 119 bis du code général des impôts a été reconnu contraire au droit de l’Union européenne par le Conseil d’Etat, par suite il doit être écarté sans procéder à une comparaison factuelle concernant chaque contribuable afin d’identifier l’existence d’une différence de traitement ;
– en application notamment de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du
8 novembre 2012 C 342/10, un texte doit être regardé comme discriminatoire dès lors qu’il est susceptible de traiter plus lourdement les non-résidents alors même qu’il pourrait également les traiter plus favorablement ;
– la Cour de justice de l’Union européenne a posé la nécessité que les règles de détermination de l’assiette pour la taxation des revenus de capitaux mobiliers soient identiques entre résidents et non résidents, ce qui en l’espèce n’est pas le cas en raison de l’application de l’abattement de 40% aux résidents ;
– l’abattement de 40% prévu à l’article 158 du code général des impôts doit s’appliquer aux non résidents ; il ne réserve pas le bénéfice de l’abattement aux résidents ; il convient de donner un effet utile à l’article 15.3 de la convention franco-belge qui prévoit le bénéfice de l’avoir fiscal ;
– il résulte des articles 164 A et 164 B du code général des impôts que l’assiette de l’impôt doit être identique que le contribuable soit résident en France ou non ;
– l’article 48 II de l’annexe au code général des impôts est un texte réglementaire qui ne peut créer ou modifier une règle d’assiette et il est contraire aux objectifs des rédacteurs de la loi qui a supprimé l’avoir et créé l’abattement.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le traité instituant la Communauté européenne et le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;
– la convention signée le 10 mars 1964 entre la France et la Belgique en vue d’éviter les doubles impositions et d’établir des règles d’assistance administrative et juridique réciproque en matière d’impôts sur les revenus ;
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Rollet-Perraud,
– et les conclusions de Mme Belle, rapporteur public.
1. Considérant que M. et Mme B…résidents fiscaux belges ont perçu en cours des années 2011, 2012 et 2013 des dividendes de source française qui ont donné lieu au versement d’une retenue à la source, après application du taux de 15% prévu par les dispositions du b du 2 de l’article 15 de la convention entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions, de 308 348 euros en 2011, de 385 352 euros en 2012 et 385 684,77 euros en 2013 ; que M et Mme B…ont contesté ces impositions par deux réclamations contentieuses déposées auprès de la Direction des résidents à l’étranger et des services généraux qui les a rejetées ; que par deux jugements des 16 février et 1er mars 2016,
le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leurs demandes tendant à la restitution des retenues à la source auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011, 2012 et 2013 ;
Sur la jonction :
2. Considérant que les requêtes enregistrées sous les n°s 16VE01808 et 16VE01809 concernent le même contribuable, présentent à juger les mêmes questions et ont fait l’objet d’une instruction commune ; qu’il y a lieu de les joindre pour qu’il y soit statué par un seul arrêt ;
Sur le bien fondé de l’imposition :
3. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 164 A du code général des impôts : » Les revenus de source française des personnes qui n’ont pas leur domicile fiscal en France sont déterminés selon les règles applicables aux revenus de même nature perçus par les personnes qui ont leur domicile fiscal en France. (…). » ; qu’aux termes des dispositions du
2° de l’article 119 bis du même code : » Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l’application d’une retenue à la source dont le taux est fixé par l’article 187 lorsqu’ils bénéficient à des personnes qui n’ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France,(…) » ; que l’article 158 du code général des impôts dispose que : » 3. (…) 2° Les revenus mentionnés au 1° distribués par les sociétés passibles de l’impôt sur les sociétés ou d’un impôt équivalent ou soumises sur option à cet impôt, ayant leur siège dans un Etat de la Communauté européenne ou dans un Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôt sur les revenus et résultant d’une décision régulière des organes compétents, sont réduits, pour le calcul de l’impôt sur le revenu, d’un abattement égal à 40 % de leur montant brut perçu. (…) » ;
4. Considérant que si les revenus distribués par les sociétés passibles de l’impôt sur les sociétés ou d’un impôt équivalent ou soumises sur option à cet impôt, ayant leur siège dans un Etat de l’Union européenne ou dans un Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôt sur les revenus sont réduits, pour le calcul de l’impôt sur le revenu, d’un abattement égal à 40 % de leur montant brut perçu, c’est sous réserve qu’aucune disposition de la loi fiscale ou aucune stipulation d’une convention internationale n’y fasse obstacle ;
5. Considérant que l’article 15 de la convention entre la Belgique et la France tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative et juridique réciproque en matière d’impôts sur le revenu, signée le 10 mars 1964 prévoit que : » 1. Les dividendes ayant leur source dans un Etat contractant qui sont payés à un résident de l’autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat. 2. Toutefois, sous réserve des dispositions du § 3, ces dividendes peuvent être imposés dans l’Etat contractant dont la société qui paie les dividendes est un résident, et selon la législation de cet Etat, mais l’impôt ainsi établi ne peut excéder (…) b) 15 % du montant brut des dividendes dans les autres cas. » ;
6. Considérant qu’il résulte de ces stipulations que le taux de 15% s’applique au montant brut des dividendes perçus ; que par suite ces stipulations font obstacle à l’application des dispositions de l’article 164 A du code général des impôts et du 2° du 3 de l’article 158 du code général des impôts ; que, pour les mêmes motifs, les requérants ne sont, en tout état de cause, pas fondés à soutenir que l’article 48 II de l’annexe au code général des impôts, aux termes duquel la retenue à la source est liquidée sur le montant brut des revenus mis en paiement, ne pouvait légalement créer ou modifier une règle d’assiette, ni que ce texte est contraire aux objectifs des rédacteurs de la loi qui a supprimé au 1er janvier 2005 l’avoir fiscal prévu par l’article 158 bis du code général des impôts et créé l’abattement ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que le 3 de l’article 15 de la convention entre la France et la Belgique prévoit que : » 3. Les dividendes payés par une société résidente de la France qui donneraient droit à un avoir fiscal s’ils étaient reçus par des résidents de la France ouvrent droit, lorsqu’ils sont payés à une personne physique résidente de la Belgique, au paiement de l’avoir fiscal après déduction de la retenue à la source calculée au taux de 15 % sur le dividende brut constitué par le dividende mis en distribution augmenté de l’avoir fiscal.(…) » ; que, dès lors que la loi n° 2003-1311 du 31 décembre 2003 a supprimé l’avoir fiscal prévu par les dispositions de l’article 158 bis du code général des impôts, les stipulations précitées de l’article 15 de la convention ne sauraient à elles seules ouvrir droit à une personne physique résidente de la Belgique ayant reçu des dividendes payés par une société résidente de la France à un avoir fiscal, ni, à plus forte raison, à un abattement ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes du paragraphe 1 de l’article 56 du traité instituant la Communauté européenne, applicable au litige et devenu l’article 63 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne : » Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites » ; qu’aux termes de l’article 58 du même traité, devenu l’article 65 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne : » 1. L’article 56 ne porte pas atteinte au droit qu’ont les Etats membres :/ a) d’appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu ou leurs capitaux sont investis ; (en France)/ 3. Les mesures et procédures visées aux paragraphes 1 et 2 ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l’article 56 » ;
9. Considérant qu’il résulte des stipulations citées au point 8, telles qu’elles ont été interprétées par la Cour de justice de l’Union européenne, que les désavantages pouvant découler de l’exercice parallèle des compétences fiscales des différents Etats membres, pour autant qu’un tel exercice ne soit pas discriminatoire, ne constituent pas des restrictions interdites par le traité instituant la Communauté européenne ; que, toutefois, lorsqu’un Etat membre exerce sa compétence fiscale à l’égard de contribuables résidents et non résidents, pour que la réglementation fiscale nationale qu’il applique à ces contribuables puisse être regardée comme compatible avec les stipulations du traité relatives à la liberté de circulation des capitaux, la différence de traitement entre les contribuables selon leur Etat de résidence doit concerner des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou être justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général ; qu’en matière d’impôts directs, la situation des résidents et celle des
non-résidents ne sont, en règle générale, pas comparables dans la mesure où le revenu perçu sur le territoire d’un État par un non-résident ne constitue, le plus souvent, qu’une partie de son revenu global, centralisé au lieu de sa résidence, et que la capacité contributive personnelle du non-résident, résultant de la prise en compte de l’ensemble de ses revenus et de sa situation personnelle et familiale, peut s’apprécier le plus aisément à l’endroit où il a le centre de ses intérêts personnels et patrimoniaux, ce qui correspond en général à sa résidence habituelle ; qu’ainsi, le fait pour un État membre de ne pas faire bénéficier un non-résident de certains avantages fiscaux qu’il accorde au résident n’est-il, en règle générale, pas discriminatoire, compte tenu des différences objectives entre la situation des résidents et celle des non-résidents tant du point de vue de la source des revenus que de la capacité contributive personnelle ou de la situation personnelle et familiale ; que, toutefois, la différence de traitement fiscal entre résidents et non-résidents peut être regardée comme discriminatoire au regard des stipulations du traité instituant la Communauté européenne si, nonobstant leur résidence dans des États membres différents, il est établi que, au regard de l’objet et du contenu de la disposition nationale en cause, les deux catégories de contribuables se trouvent dans une situation comparable ;
10. Considérant qu’à l’égard des mesures prévues par un Etat membre afin de prévenir ou d’atténuer l’imposition en chaîne ou la double imposition économique de bénéfices distribués par une société résidente, la situation des actionnaires non-résidents se rapproche de celle des actionnaires résidents lorsque l’Etat membre assujettit à l’impôt non seulement les actionnaires résidents mais également les actionnaires non-résidents pour les dividendes qu’ils perçoivent d’une société résidente ; qu’ainsi, à l’égard des mesures prévues par la France afin d’atténuer la double imposition économique de bénéfices distribués par une société résidente, un actionnaire personne physique résidant en Belgique se trouve dans une situation objectivement comparable à celle d’un actionnaire domicilié…, dès lors que la France assujettit à l’impôt tant les personnes résidant sur son territoire que celles résidant hors de France à raison des dividendes de source française qu’elles perçoivent ;
11. Considérant qu’ainsi, pour vérifier l’absence de traitement fiscal discriminatoire de M. et MmeB…, il y a lieu de comparer la charge fiscale, résultant de l’application de la retenue à la source au taux conventionnel de 15 %, à laquelle ils ont été assujettis, à l’imposition qui aurait été appliquée, pour des montants identiques de dividendes, à des contribuables résidents soumis à une imposition commune, l’abattement de 40 % prévu par le 2e du 3 de l’article 158 du code général des impôts, qui ne constitue pas, en tout état de cause, une déduction de charges au sens de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du
13 juillet 2016, C-18/15, Brisal – Auto estradas do Litoral SA, KBC Finance Ireland, devant être pris en compte ;
12. Considérant qu’il est constant que pour les années 2011, 2012 et 2013 les requérants ont supporté l’intégralité de la retenue à la source opérée sur les dividendes perçus à un taux de 15% ; que l’administration soutient que l’application à ces mêmes revenus du taux marginal supérieur du barème progressif de l’impôt sur le revenu avec un quotient familial de deux parts, la situation familiale des requérants n’étant pas connue, et après déduction de l’abattement de 40% aboutirait à un impôt largement supérieur à la retenue à la source prélevée ; que
M et Mme B…ne contestent ni les éléments de comparaison retenus par l’administration, ni les conclusions qu’en tire cette dernière ; qu’ils ne sont, par suite, pas fondés à soutenir qu’ils auraient fait l’objet d’un traitement fiscal discriminatoire ;
13. Considérant qu’il résulte de ce qui précède, que M et Mme B…ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par les jugements attaqués, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leurs demandes ; que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes de M. et Mme B…sont rejetées.
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N°s 16VE01808 et 16VE01809