Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 11 juin 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat, présentée par la S.A. « SOCIETE FINANCIERE SUCRE-UNION », anciennement Société Sucrière de l’Oise, dont le siège est … (75383) ; la S.A. « SOCIETE FINANCIERE SUCRE-UNION » demande que le Conseil d’Etat :
1°) annule le jugement du 8 avril 1986 par lequel le tribunal administratif d’Amiens a rejeté sa demande tendant à la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er avril 1976 au 1er avril 1977 et, subsidiairement, à la réduction de cete imposition par application à son assiette du taux réduit de 7 % ;
2°) prononce la décharge de ce complément de taxe ou, subsidiairement, sa réduction ;
3°) condamne l’Etat au remboursement des frais de l’instance ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu l’article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Après avoir entendu en audience publique :
– le rapport de M. Dulong, Maître des requêtes,
– les conclusions de M. Ph. Martin, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’aux termes du 1 de l’article 256 du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur jusqu’au 31 décembre 1978 : « Les affaires faites en France … sont passibles de la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu’elles relèvent d’une activité de nature industrielle ou commerciale, quels qu’en soient les buts ou les résultats » ;
Considérant que, par une convention du 31 mars 1977, cinq des actionnaires de la société anonyme « Société Sucrière de l’Oise », qui exploitait alors à Wavignies une usine de production de sucre et de produits dérivés, ont consenti à celle-ci des abandons de créances, assortis d’une clause de « retour à meilleure fortune » ; que la S.A. « SOCIETE FINANCIERE SUCRE-UNION », qui vient aux droits de la « Société Sucrière de l’Oise », demande la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle cette dernière a été assujettie du chef des remises de dettes, d’un montant total, calculé hors taxe, de 3 339 621 F, dont elle a ainsi bénéficié ;
Considérant que, pour justifier cette imposition, l’administration soutient que, du fait que la « Société Sucrière de l’Oise » avait enregistré, au titre de l’exercice clos en 1976, une perte comptable de plus de 2,5 millions de F et que ses actionnaires avaient tous intérêt, en tant que « professionnels du sucre », au maintien et à la poursuite des activités de l’usine qu’elle exploitait, ceux-ci ont entendu, en lui faisant des abandons de créances, éviter qu’un déficit trop important de son compte d’exploitation ne mette en péril sa survie, et lui attribuer, en réalité, à cette fin, une « subvention d’équilibre, passible de la taxe sur la valeur ajoutée, en vertu des dispositions précitées de l’article 256 du code général des impôts ;
Mais considérant que la S.A. « SOCIETE FINANCIERE SUCRE-UNION » fait valoir, de son côté, d’une part, que, même s’ils n’ont pas fait l’objet de stipulations contractuelles qui en auraient précisé les motifs, les abandons de créances que, proportionnellement à leurs droits sociaux, cinq de ses actionnaires lui ont consentis étaient destinés à lui permettre de réaliser un programme d’investissements nécessaire à son exploitation et qu’elle a d’ailleurs pu, de ce fait, effectuer de tels investissements, en 1978 et 1979, pour un montant total de 3 700 000 F, d’autre part et surtout, qu’elle n’entretenait de relations commerciales qu’avec un seul de ces actionnaires, ce qui n’est pas contesté par l’administration ;
Considérant que, dans ces conditions, il y a lieu d’admettre que les actionnaires de la « Société Sucrière de l’Oise » qui ont fait abandon à celle-ci de créances qu’ils détenaient à son égard n’ont pas eu pour objectif essentiel de maintenir des relations commerciales avec elle ; que la somme de 3 339 621 F sur laquelle a porté cet abandon ne peut donc être regardée comme ayant eu la nature d’une « subvention d’équilibre » qui aurait procuré à la société une recette accessoire provenant de cette continuation de son activité ; qu’ainsi, la société n’a pas réalisé une affaire, au sens du 1 de l’article 256 du code général des impôts, la rendant passible, sur cette somme, de la taxe sur la valeur ajoutée ; que la S.A. « SOCIETE FINANCIERE SUCRE-UNION » est, par suite, fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d’Amiens a rejeté sa demande ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d’Amiens du 8 avril 1986 est annulé.
Article 2 : Le chiffre d’affaires imposable de la « Société Sucrière de l’Oise » au titre de la période du 1er avril 1975 au 31 mars 1980 est réduit de 3 339 621 F.
Article 3 : La S.A. « SOCIETE FINANCIERE SUCRE-UNION » est déchargée, dans la limite qui résulte de l’article 2 ci-dessus, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée réclamé à la « Société Sucrière de l’Oise » et des indemnités de retard y afférentes.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la S.A. « SOCIETE FINANCIERE SUCRE-UNION » et au ministre du budget.