Conseil d’Etat, 9 / 8 SSR, du 5 mars 1993, 79326, mentionné aux tables du recueil Lebon

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Conseil d’Etat, 9 / 8 SSR, du 5 mars 1993, 79326, mentionné aux tables du recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 11 juin 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat, présentée par la S.A. « SOCIETE FINANCIERE SUCRE-UNION », anciennement Société Sucrière de l’Oise, dont le siège est … (75383) ; la S.A. « SOCIETE FINANCIERE SUCRE-UNION » demande que le Conseil d’Etat :

1°) annule le jugement du 8 avril 1986 par lequel le tribunal administratif d’Amiens a rejeté sa demande tendant à la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er avril 1976 au 1er avril 1977 et, subsidiairement, à la réduction de cete imposition par application à son assiette du taux réduit de 7 % ;

2°) prononce la décharge de ce complément de taxe ou, subsidiairement, sa réduction ;

3°) condamne l’Etat au remboursement des frais de l’instance ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Vu l’article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Après avoir entendu en audience publique :

– le rapport de M. Dulong, Maître des requêtes,

– les conclusions de M. Ph. Martin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes du 1 de l’article 256 du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur jusqu’au 31 décembre 1978 : « Les affaires faites en France … sont passibles de la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu’elles relèvent d’une activité de nature industrielle ou commerciale, quels qu’en soient les buts ou les résultats » ;

Considérant que, par une convention du 31 mars 1977, cinq des actionnaires de la société anonyme « Société Sucrière de l’Oise », qui exploitait alors à Wavignies une usine de production de sucre et de produits dérivés, ont consenti à celle-ci des abandons de créances, assortis d’une clause de « retour à meilleure fortune » ; que la S.A. « SOCIETE FINANCIERE SUCRE-UNION », qui vient aux droits de la « Société Sucrière de l’Oise », demande la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle cette dernière a été assujettie du chef des remises de dettes, d’un montant total, calculé hors taxe, de 3 339 621 F, dont elle a ainsi bénéficié ;

Considérant que, pour justifier cette imposition, l’administration soutient que, du fait que la « Société Sucrière de l’Oise » avait enregistré, au titre de l’exercice clos en 1976, une perte comptable de plus de 2,5 millions de F et que ses actionnaires avaient tous intérêt, en tant que « professionnels du sucre », au maintien et à la poursuite des activités de l’usine qu’elle exploitait, ceux-ci ont entendu, en lui faisant des abandons de créances, éviter qu’un déficit trop important de son compte d’exploitation ne mette en péril sa survie, et lui attribuer, en réalité, à cette fin, une « subvention d’équilibre, passible de la taxe sur la valeur ajoutée, en vertu des dispositions précitées de l’article 256 du code général des impôts ;

Mais considérant que la S.A. « SOCIETE FINANCIERE SUCRE-UNION » fait valoir, de son côté, d’une part, que, même s’ils n’ont pas fait l’objet de stipulations contractuelles qui en auraient précisé les motifs, les abandons de créances que, proportionnellement à leurs droits sociaux, cinq de ses actionnaires lui ont consentis étaient destinés à lui permettre de réaliser un programme d’investissements nécessaire à son exploitation et qu’elle a d’ailleurs pu, de ce fait, effectuer de tels investissements, en 1978 et 1979, pour un montant total de 3 700 000 F, d’autre part et surtout, qu’elle n’entretenait de relations commerciales qu’avec un seul de ces actionnaires, ce qui n’est pas contesté par l’administration ;

Considérant que, dans ces conditions, il y a lieu d’admettre que les actionnaires de la « Société Sucrière de l’Oise » qui ont fait abandon à celle-ci de créances qu’ils détenaient à son égard n’ont pas eu pour objectif essentiel de maintenir des relations commerciales avec elle ; que la somme de 3 339 621 F sur laquelle a porté cet abandon ne peut donc être regardée comme ayant eu la nature d’une « subvention d’équilibre » qui aurait procuré à la société une recette accessoire provenant de cette continuation de son activité ; qu’ainsi, la société n’a pas réalisé une affaire, au sens du 1 de l’article 256 du code général des impôts, la rendant passible, sur cette somme, de la taxe sur la valeur ajoutée ; que la S.A. « SOCIETE FINANCIERE SUCRE-UNION » est, par suite, fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d’Amiens a rejeté sa demande ;

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d’Amiens du 8 avril 1986 est annulé.

Article 2 : Le chiffre d’affaires imposable de la « Société Sucrière de l’Oise » au titre de la période du 1er avril 1975 au 31 mars 1980 est réduit de 3 339 621 F.

Article 3 : La S.A. « SOCIETE FINANCIERE SUCRE-UNION » est déchargée, dans la limite qui résulte de l’article 2 ci-dessus, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée réclamé à la « Société Sucrière de l’Oise » et des indemnités de retard y afférentes.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la S.A. « SOCIETE FINANCIERE SUCRE-UNION » et au ministre du budget.


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