Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le pourvoi du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, enregistré le 6 juillet 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat ; le ministre demande au Conseil d’Etat d’annuler l’arrêt du 24 mai 2007 par lequel la cour administrative d’appel de Nancy a rejeté son recours dirigé contre le jugement du 3 mars 2005 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a déchargé la société Compagnie Rhénane de Raffinage des suppléments d’impôt sur les sociétés résultant de redressements afférents aux prestations effectuées au profit de ses actionnaires mis à sa charge au titre de l’exercice clos en 1996 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Anne Egerszegi, Maître des Requêtes,
– les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la Compagnie Rhénane de Raffinage,
– les conclusions de M. Edouard Geffray, Rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la Compagnie Rhénane de Raffinage ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société anonyme Compagnie Rhénane de Raffinage (CRR) a été constituée en 1959 par cinq compagnies pétrolières pour lui faire réaliser, à leur profit, des opérations à façon de raffinage ; qu’en vertu du protocole d’accord et du contrat de raffinage du 12 juin 1986, chaque actionnaire, qui est tenu de participer aux investissements nécessaires à l’exploitation de la raffinerie et se voit attribuer un droit de tirage proportionnel à sa part en capital sur les capacités de raffinage, apporte son pétrole brut à la CRR pour lui en confier le raffinage ; qu’en contrepartie, la société lui facture le seul coût de ce traitement ; qu’à l’occasion d’une vérification de comptabilité portant sur les comptes des exercices clos les 31 décembre 1995 et 31 décembre 1996, l’administration fiscale, estimant que la facturation à prix coûtant des prestations à façon de raffinage fournies par la CRR constituait un acte anormal de gestion, a réintroduit dans les résultats de la société une somme correspondant à un taux de marge respectivement de 1,5 % pour les opérations effectuées au profit de ses actionnaires ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 24 mai 2007 de la cour administrative d’appel de Nancy rejetant l’appel qu’il a interjeté du jugement du 19 février 2001 du tribunal administratif de Strasbourg, en ce qu’il a ordonné la décharge des suppléments d’impôt sur les sociétés assignés à la société au titre de l’exercice clos en 1996, à raison de ce redressement ;
Considérant qu’en jugeant qu’il était de l’intérêt de la CRR de réaliser, sans marge bénéficiaire, les prestations de raffinage destinées à ses actionnaires au motif que cette tarification, qui couvrait, outre les frais et charges proportionnels, une quote-part de frais fixes de la société, notamment au titre des intérêts des capitaux empruntés et des amortissements des investissements, ainsi que l’éventuelle rémunération des capitaux propres décidée par le conseil d’administration, était inhérente aux conditions d’exploitation de la société telles que définies, dans le respect des dispositions de l’article 1832 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 78-9 du 4 janvier 1978, dans le pacte social, et que par suite, l’administration fiscale n’apportait pas la preuve qui lui incombait, de ce que la renonciation par la CRR à facturer une marge bénéficiaire sur les prestations effectuées au profit de ses actionnaires relèverait d’une gestion anormale, la cour a, sans commettre d’erreur de droit, exactement qualifié les faits ; que dès lors, le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêt du 24 mai 2007 de la cour administrative d’appel de Nancy ;
Considérant qu’il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat, sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par la CRR et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est rejeté.
Article 2 : L’Etat versera à la Compagnie Rhénane de Raffinage la somme de 3 000 au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L’ETAT et à la Compagnie Rhénane de Raffinage.