CAA de PARIS, 1ère chambre, 05/03/2020, 17PA20209, Inédit au recueil Lebon

·

·

CAA de PARIS, 1ère chambre, 05/03/2020, 17PA20209, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G… C… et Mme H… F…, son épouse, ainsi que les membres de la succession C…-Gentil, dont M. G… C…, ont demandé au tribunal administratif de La Réunion d’annuler l’arrêté du 11 janvier 2010 par lequel le préfet de La Réunion a déclaré d’utilité publique les acquisitions et travaux nécessaires au projet d’aménagement et de résorption de l’habitat insalubre des secteurs  » Butte Citronnelle « ,  » Pied des Roches  » et  » Ravine Sheunon  » sur le territoire de la commune de l’Etang-Salé ainsi que l’arrêté du 13 janvier 2014 du préfet de La Réunion portant cessibilité au profit de la société de développement et de gestion d’immobilier social (SODEGIS) des terrains d’assiette nécessaires à la réalisation de ce projet.

Par un jugement n° 1400466, 1400669, 1400672 et 1400673 du 20 octobre 2016, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté les demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une ordonnance du 1er mars 2019, prise sur le fondement de l’article R. 351-8 du code de justice administrative, le président de la section du contentieux du Conseil d’État a attribué à la Cour administrative d’appel de Paris le jugement du dossier d’appel enregistré à la Cour administrative d’appel de Bordeaux.

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 31 janvier 2017 et le 6 novembre 2018, M. G… C… et Mme F…, son épouse, représentés par Me A…, demandent à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1400466, 1400669, 1400672 et 1400673 du 20 octobre 2016 du tribunal administratif de La Réunion ;

2°) d’annuler les arrêtés du 11 janvier 2010 et du 13 janvier 2014 du préfet de La Réunion ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat et de la SODEGIS la somme de 15 000 euros chacun sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les requérants soutiennent que :

– le jugement est entaché d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation ;

– le principe du contradictoire a été méconnu en première instance ;

– la convention publique d’aménagement conclue avec la SODEGIS le 17 janvier 2005 n’a pas été précédée d’une publicité et d’une mise en concurrence, en violation de la directive du 14 juin 1993, la loi de validation du 20 juillet 2005 n’étant pas conforme à cette directive ; s’agissant d’une opération complexe, cette illégalité entache l’ensemble des actes subséquents d’illégalité ;

– les délibérations des 21 décembre 2004, 27 août 2008 et 25 juin 2010 du conseil municipal de la commune de l’Etang-Salé sont irrégulières, un élu étant en situation de conflit d’intérêts, en méconnaissance de l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales ;

– la qualité de l’expropriant est illégale, dès lors que des élus de la commune et la SODEGIS sont liés par des intérêts communs;

– aucun acte de la commune n’a habilité la SODEGIS à procéder à l’expropriation ;

– les actes préparatoires à la déclaration d’utilité publique n’ont pas fait l’objet d’une concertation préalable ;

– la procédure d’adoption de la délibération du 27 août 2008 est irrégulière, dès lors que l’ordre du jour et les convocations des membres du conseil municipal ne mentionnent pas que la mise en oeuvre de la procédure d’expropriation y sera débattue et que les articles L. 2121-10, L. 2121-12 et L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales n’ont pas respectés ;

– certains organismes ou administrations, tels que France Domaine, n’ont pas été consultés ;

– le dossier d’enquête publique est insuffisant, en l’absence notamment d’étude d’impact et à défaut d’appréciation sommaire des dépenses suffisante, le coût de l’opération ayant été sous-estimé, le dossier ne mentionnant pas précisément les avantages attendus de la réalisation du projet ;

– les réserves émises par le commissaire enquêteur n’ayant pas été levées, la commune de l’Etang-Salé était réputée avoir renoncé à l’opération lorsque le préfet a pris l’arrêté déclarant l’opération d’utilité publique ;

– les faits justifiant l’opération, notamment la réalité de l’habitat insalubre et la nécessité de le résorber et les objectifs de construction, ne sont pas établis ; l’intérêt général n’est pas démontré, l’opération ayant un objectif purement financier ;

– l’expropriation n’est pas nécessaire, dès lors que la commune possédait des terrains présentant des conditions équivalentes lui permettant de réaliser l’opération, qui porte sur une superficie excessive au regard des ouvrages prévus ;

– les atteintes à la propriété privée, le coût financier et les inconvénients d’ordre environnemental que comporte l’opération sont excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente ; le principe de précaution, l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales sont méconnus ;

– le détournement de procédure est établi, dès lors que la procédure de déclaration de parcelles en état d’abandon manifeste prévue aux articles L. 2243-1 et suivants du code général des collectivités territoriales et la procédure d’expropriation des immeubles insalubres prévue par la loi du 10 juillet 1970 devaient être mises en oeuvre ;

– le détournement de pouvoir est établi ;

– l’arrêté portant déclaration d’utilité publique ne leur a pas été notifié ;

– l’enquête parcellaire est irrégulière à défaut de délibération de l’organe expropriant ;

– le plan parcellaire soumis à enquête était incomplet et incorrect et Mme C… n’est pas mentionnée dans la liste des propriétaires du dossier soumis à enquête, en méconnaissance de l’article R. 11-19 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;

– l’article R. 11-22 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique a été méconnu, s’agissant de la parcelle AX n°158, en l’absence notamment de notification du dépôt du dossier d’enquête parcellaire à Mme F… épouse C…, l’arrêté de cessibilité n’ayant par ailleurs pas été notifié à celle-ci ;

– les réserves émises par le commissaire enquêteur à la suite de la réalisation de l’enquête parcellaire n’ont pas été levées ;

– l’article R. 11-28 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique a été méconnu, compte tenu des insuffisances de l’état parcellaire et de l’absence de mention de Mme F… épouse C… dans l’arrêté de cessibilité et l’état parcellaire ;

– l’arrêté de cessibilité est illégal, en l’absence de document d’arpentage permettant la délimitation précise de la partie de la parcelle AX n° 154 à exproprier ;

– l’ordonnance d’expropriation du 20 juin 2014 est entachée d’un vice de forme.

Par des mémoires en défense enregistrés le 8 juin 2017 et le 18 décembre 2018, la société de développement et de gestion d’immobilier social (SODEGIS) conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. et Mme C… sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SODEGIS soutient que :

– la demande d’annulation de la déclaration d’utilité publique était tardive ;

– M. C… n’a pas intérêt et qualité pour agir en tant qu’héritier ;

– les moyens tirés de l’exception d’illégalité de la convention publique d’aménagement et de la délibération l’approuvant et de l’illégalité des autres délibérations invoquées sont inopérants ;

– les autres moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 septembre 2018, le ministre des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– la Constitution, et notamment son Préambule ;

– la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

– le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;

– le code général des collectivités territoriales ;

– le code de l’urbanisme ;

– la loi n° 70-612 du 10 juillet 1970 tendant à faciliter la suppression de l’habitat insalubre ;

– le décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de M. E… ;

– et les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 21 décembre 2004, le conseil municipal de la commune de l’Etang-Salé a approuvé, dans le cadre de sa politique d’aménagement urbain et de développement du logement, le lancement d’une opération d’aménagement et de résorption de l’habitat insalubre dans les secteurs de la  » Butte Citronnelle « , du  » Pied des Roches  » et de la  » Ravine Sheunon « , ainsi qu’une convention publique d’aménagement pour la réalisation de cette opération avec la société d’économie mixte locale de développement et de gestion d’immobilier social (SODEGIS), dont l’article 8 stipulait notamment la délégation à l’aménageur de la possibilité d’acquérir les terrains par voies d’expropriation. Cette délibération autorisant le maire à signer la convention, celle-ci a été signée le 17 janvier 2005. Par une délibération du 27 août 2008, le conseil municipal de la commune de l’Etang-Salé a approuvé le dossier d’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique présenté par la SODEGIS et autorisé cette société à solliciter l’ouverture de l’enquête publique. Par un arrêté du 20 juillet 2009, le préfet de La Réunion a prescrit l’ouverture d’une enquête publique qui s’est déroulée du 17 août au 17 septembre 2009 et à l’issue de laquelle le commissaire enquêteur a émis un avis favorable le 7 octobre 2009. Par un arrêté du 11 janvier 2010, le préfet de La Réunion a déclaré d’utilité publique les acquisitions et travaux nécessaires au projet d’aménagement et de résorption de l’habitat insalubre dans les secteurs précités et autorisé la SODEGIS à acquérir notamment par voie d’expropriation les immeubles nécessaires à la réalisation de l’opération. Par une délibération du 25 juin 2010, le conseil municipal de la commune de l’Etang-Salé a alors approuvé la réalisation d’une enquête parcellaire en deux phases, d’une part, une phase I portant sur les secteurs de la  » Ravine Sheunon  » et la partie haute du  » Pied des Roches « , et, d’autre part, une phase II portant sur les secteurs de la  » Butte Citronnelle  » et la partie basse du  » Pied des Roches « . A cette occasion, il a notamment approuvé le dossier d’enquête parcellaire et la procédure d’expropriation au profit de la SODEGIS et autorisé celle-ci à demander au préfet l’ouverture d’une enquête parcellaire pour la phase I. Par une délibération du 21 février 2013, il a approuvé le lancement de l’enquête parcellaire pour la phase II et autorisé la SODEGIS à poursuivre la procédure. Par un arrêté du 6 mai 2013, le préfet de La Réunion a décidé de lancer l’enquête parcellaire de la phase II qui s’est tenue du 17 juin au 3 juillet 2013. A l’issue de celle-ci, le commissaire enquêteur a émis un avis favorable assorti de deux réserves le 30 juillet 2013. Par une délibération du 27 novembre 2013, le conseil municipal de la commune de l’Etang-Salé a approuvé les propositions de la SODEGIS en vue de lever les réserves formulées par le commissaire enquêteur sur la phase II de l’enquête parcellaire et demandé au préfet de déclarer cessibles les parcelles concernées. Par un arrêté du 13 janvier 2014, le préfet de La Réunion a déclaré cessibles au profit de la SODEGIS les terrains d’assiette nécessaires à la phase II du projet d’aménagement et de résorption de l’habitat insalubre, notamment une partie de la parcelle AX n°154 de 17 200 m² appartenant à huit héritiers C… et la parcelle AX n°158 de 8 111 m² indiquée sur l’état parcellaire appartenir à M. G… C…. M. G… C… et Mme F…, son épouse, propriétaires indivis de la parcelle AX n°158, et M. G… C… en sa qualité d’héritier indivis de la parcelle AX n°154 demandent à la Cour d’annuler le jugement du 20 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté les demandes dont il était saisi, tendant à l’annulation des arrêtés du 11 janvier 2010 et du 13 janvier 2014 du préfet de La Réunion.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la SODEGIS :

2. Il ressort des pièces du dossier que M. C… agit dans la présente instance en son nom propre, en tant que propriétaire de la parcelle AX n° 158, et en sa qualité de membre de la succession C…-Gentil, en tant que propriétaire indivis de la parcelle AX n° 154, ce qui lui donne intérêt et qualité pour contester les actes attaqués, notamment l’arrêté de cessibilité en tant qu’il concerne cette dernière parcelle. La fin de non-recevoir opposée par la SODEGIS, tirée de l’absence d’intérêt et de qualité pour agir de M. C… en qualité d’héritier de la succession C…-Gentil, doit dès lors être écartée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. D’une part, dès lors qu’il appartient au juge d’appel de statuer sur les moyens invoqués par les requérants dans le cadre de l’effet dévolutif de l’appel, les erreurs de droit et les erreurs manifestes d’appréciation qu’auraient commises les premiers juges n’entachent pas le jugement attaqué d’irrégularité.

4. D’autre part, aux termes de l’article R. 611-1 du code de justice administrative :  » (…) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (…) Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s’ils contiennent des éléments nouveaux « .

5. Si les requérants soutiennent que le principe du contradictoire a été méconnu en première instance, ils n’apportent aucune précision permettant d’apprécier le bien-fondé de ce moyen, qui doit dès lors être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les conclusions tendant à l’annulation de l’arrêté du 11 janvier 2010 du préfet de La Réunion déclarant le projet d’utilité publique :

6. Le tribunal administratif de La Réunion a rejeté les conclusions dirigées contre l’arrêté du 11 janvier 2010 du préfet de La Réunion déclarant le projet d’utilité publique comme tardives et donc irrecevables, au motif que cet arrêté a été régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de janvier 2010 et affiché à la mairie de la commune de L’Etang Salé du 15 janvier au 15 mars 2010.

7. Il n’appartient pas au juge d’appel de s’interroger d’office sur les irrecevabilités retenues par le juge de première instance. Dès lors, une requête d’appel qui ne comporte aucun moyen à l’encontre de la fin de non-recevoir opposée par le premier juge ne conteste pas utilement la décision juridictionnelle de première instance et ne peut qu’être rejetée.

8. En l’espèce, les requérants ne contestent pas l’irrecevabilité opposée par les premiers juges. Par suite, leurs conclusions d’appel reprenant celles formées en première instance et tendant à l’annulation de l’arrêté du 11 janvier 2010 ne peuvent qu’être rejetées.

En ce qui concerne les conclusions tendant à l’annulation de l’arrêté du 13 janvier 2014 du préfet de La Réunion déclarant cessibles les terrains nécessaires au projet :

S’agissant de l’exception d’illégalité des délibérations du conseil municipal de la commune de l’Etang Salé :

9. En premier lieu, l’illégalité d’un acte administratif, qu’il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée à l’appui de conclusions dirigées contre une décision administrative que si cette dernière a été prise pour son application ou s’il en constitue la base légale. Les actes, déclaration d’utilité publique et arrêtés de cessibilité, tendant à l’acquisition par voie d’expropriation des terrains nécessaires à la réalisation d’un projet d’intérêt général ne sont pas des actes pris pour l’application de la délibération approuvant la convention par laquelle la commune a confié à une société la réalisation de ce projet, laquelle ne constitue pas davantage leur base légale. Ainsi, les moyens tirés de l’illégalité de la délibération du 21 décembre 2004 par laquelle le conseil municipal de la commune de l’Etang-Salé a approuvé la convention publique d’aménagement pour la réalisation de l’opération d’aménagement en litige avec la SODEGIS et autorisé le maire à signer cette convention, ainsi que, en tout état de cause, celui tiré de l’illégalité de la convention signée le 17 janvier 2005, faute de publicité et de mise en concurrence en méconnaissance de la directive du 14 juin 1993, sont inopérants.

10. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales :  » Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires « .

11. Les requérants soutiennent que les délibérations des 21 décembre 2004, 27 août 2008 et 25 juin 2010 du conseil municipal de la commune de l’Etang-Salé, mentionnées au point 1, sont irrégulières, dès lors qu’une élue, propriétaire des parcelles AT 191 et AT 247 situées dans le périmètre de l’opération et qui aurait été condamnée pour le délit de prise illégale d’intérêt prévu à l’article 432-12 du code pénal dans le cadre de la délibération du 25 juin 2010, était intéressée à l’affaire. Toutefois, d’une part, compte tenu de leur objet et en l’absence de tout élément apporté par les requérants qui se bornent à produire des articles de presse se référant à la délibération du 25 juin 2010, il ne ressort pas des pièces du dossier que l’élue mise en cause puisse être regardée comme intéressée à l’affaire dans le cadre des délibérations des 21 décembre 2004 et 27 août 2008. D’autre part, à supposer que cette élue puisse être regardée comme intéressée à l’affaire dans le cadre de la délibération du 25 juin 2010, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette délibération aurait pris en compte son intérêt personnel, ni qu’elle aurait participé à des réunions préparatoires et aux débats ou qu’elle aurait même été en mesure d’avoir une influence effective sur cette délibération, dont il n’est pas contesté qu’elle a été adoptée à l’unanimité avec une abstention. En outre, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les dispositions invoquées du code pénal et celles du code général des collectivités territoriales ne se confondent pas. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales doit être écarté.

12. En troisième lieu, les requérants soutiennent que  » la qualité de l’expropriant est illégale « , dès lors que la commune de l’Etang-Salé et la SODEGIS sont liées par des intérêts, l’une étant actionnaire indirecte de l’autre, le maire et un conseiller municipal étant par ailleurs également  » administrateurs  » de la société. Toutefois, alors que l’article L. 1524-5 du code général des collectivités territoriales dispose que  » les élus locaux agissant en tant que mandataires des collectivités territoriales ou de leurs groupements au sein du conseil d’administration ou de surveillance des sociétés d’économie mixte locales et exerçant les fonctions de membre ou de président du conseil d’administration, de président-directeur général ou de membre ou de président du conseil de surveillance, ne sont pas considérés comme étant intéressés à l’affaire, au sens de l’article L. 2131-11, lorsque la collectivité ou le groupement délibère sur ses relations avec la société d’économie mixte locale « , les circonstances invoquées par les requérants ne sont en tout état de cause pas susceptibles de faire regarder les élus concernés comme  » intéressés à l’affaire  » au sens de l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales. Par ailleurs, les requérants ne se prévalent d’aucune disposition ni d’aucun principe qui aurait fait obstacle à ce que la commune confie la réalisation de l’opération à une société d’économie mixte locale au capital de laquelle elle participe.

13. En quatrième lieu, les requérants soutiennent qu’aucun acte de la commune n’a habilité la SODEGIS à procéder à l’expropriation. Ce moyen manque en fait, dès lors que l’article 8 de la convention publique d’aménagement signée le 17 janvier 2005 avec la SODEGIS lui a délégué la possibilité d’acquérir les terrains par voie d’expropriation, l’article L. 300-4 du code de l’urbanisme prévoyant par ailleurs que  » L’Etat, les collectivités locales ou leurs établissements publics peuvent confier l’étude et la réalisation des opérations d’aménagement prévues par le présent livre à toute personne publique ou privée y ayant vocation (…) « .

14. Enfin, si les requérants soutiennent que les actes préparatoires à la déclaration d’utilité publique n’ont pas fait l’objet d’une concertation préalable, ils ne se prévalent d’aucun texte qui aurait imposé une telle concertation à l’encontre d’actes préparatoires, au demeurant non précisément identifiés. Ce moyen doit ainsi être écarté comme dépourvu des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé.

S’agissant de l’exception d’illégalité de la déclaration d’utilité publique :

Quant à la légalité de la délibération du conseil municipal de la commune de L’Etang salé du 27 août 2008 approuvant le dossier d’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique :

15. D’une part, aux termes de l’article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales :  » Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l’ordre du jour. Elle est mentionnée au registre des délibérations, affichée ou publiée (…) « . Aux termes de l’article L. 2121-12 du même code :  » Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal (…) Le délai de convocation est fixé à cinq jours francs (…) « . Aux termes de l’article L. 2121-13 de ce code :  » Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d’être informé des affaires de la commune qui font l’objet d’une délibération « .

16. Les requérants soutiennent que l’ordre du jour annexé à la convocation des membres du conseil municipal et la délibération du 27 août 2008 elle-même ne mentionnent pas que la mise en oeuvre de la procédure d’expropriation y sera débattue et que les modalités de convocation des membres du conseil municipal n’ont pas respecté les dispositions des articles L. 2121-10, L. 2121-12 et L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales. Il ressort toutefois des pièces du dossier, dont les requérants ne contestent pas la valeur probante, que le maire de la commune de l’Etang-Salé a adressé le 21 août 2008 des convocations aux membres du conseil municipal en vue de la séance du 27 août 2008. Ces convocations mentionnent qu’y sont annexés l’ordre du jour, comprenant notamment au point n° 2 l’approbation du dossier d’enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique de l’opération en litige, qui est ainsi expressément inscrite à l’ordre du jour et non pas dans une rubrique  » questions diverses  » comme le prétendent les requérants, et les rapports de présentation des affaires inscrites, le dossier comprenant une notice explicative valant note explicative de synthèse. Par ailleurs, aucun texte ni aucun principe n’imposait de mentionner l’existence d’un débat sur la mise en oeuvre de la procédure d’expropriation lors de l’adoption de la délibération critiquée, tel n’étant pas son objet. Dans ces conditions, les moyens invoqués doivent être écartés.

17. D’autre part, les requérants soutiennent que certains organismes ou administrations, tels que France Domaine, n’ont pas été consultés. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le service des domaines rattaché à la trésorerie générale de La Réunion a émis un avis le 15 septembre 2008. Aucune critique n’étant formulée à l’égard de cet avis, le moyen manque ainsi en fait. Pour le surplus, les requérants n’apportent aucune précision à l’appui de leur moyen permettant d’en apprécier le bien-fondé.

Quant à la composition du dossier d’enquête publique :

18. Aux termes de l’article R. 11-3 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, alors en vigueur :  » L’expropriant adresse au préfet pour être soumis à l’enquête un dossier qui comprend obligatoirement : I – Lorsque la déclaration d’utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d’ouvrages : 1° Une notice explicative (…) 5° L’appréciation sommaire des dépenses ; 6° L’étude d’impact définie à l’article R. 122-3 du code de l’environnement, lorsque les ouvrages ou travaux n’en sont pas dispensés ou, s’il y a lieu, la notice exigée en vertu de l’article R. 122-9 du même code (…) II- Lorsque la déclaration d’utilité publique est demandée en vue de l’acquisition d’immeubles, ou lorsqu’elle est demandée en vue de la réalisation d’une opération d’aménagement ou d’urbanisme importante et qu’il est nécessaire de procéder à l’acquisition des immeubles avant que le projet n’ait pu être établi : 1° Une notice explicative (…) 4° L’estimation sommaire des acquisitions à réaliser (…) « .

19. D’une part, il ressort des pièces du dossier qu’était jointe au dossier d’enquête publique une appréciation sommaire des dépenses. Cette appréciation, d’un montant global de 30 750 000 euros hors taxes, comprend le coût d’acquisition des terrains, le coût des travaux de viabilisation à réaliser, le coût des études et honoraires divers, les provisions pour aléas et imprévus, pour révision et actualisation des prix et les frais généraux, les requérants n’alléguant pas qu’un poste de dépenses aurait été omis. Les requérants se bornent à mentionner l’évolution du coût de l’opération entre cette estimation sommaire des dépenses et le coût mentionné dans une note sur l’évolution du budget établie par la SODEGIS le 1er juin 2018 faisant état d’un coût de plus de 42 080 000 euros au 31 décembre 2017 et dans un compte-rendu annuel de l’aménageur au concédant au titre de l’année 2017. Compte tenu de la distance temporelle entre les deux documents et de l’augmentation du coût des travaux et du foncier entre les deux dates, qui n’est pas contredite, il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier que l’estimation des dépenses, telle qu’elle pouvait être raisonnablement appréciée à l’époque de l’enquête, aurait manifestement été sous-évaluée. Dans ces conditions, le moyen tiré du caractère erroné de l’estimation sommaire des dépenses doit être écarté.

20. D’autre part, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ressort des pièces du dossier que le dossier d’enquête publique comprenait une étude d’impact. Le moyen tiré de l’absence d’une telle étude manque ainsi en fait. Par ailleurs, les requérants n’apportent aucun élément à l’appui de leurs allégations selon lesquelles cette étude d’impact aurait été entachée d’inexactitudes, d’omissions ou d’insuffisances de nature à vicier la procédure. Ils n’apportent pas plus d’éléments à l’appui de leurs allégations tirées de l’insuffisance de la notice explicative, permettant d’apprécier le bien-fondé de ce moyen.

Quant aux suites de l’enquête publique :

21. Aux termes de l’article R. 11-13 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, alors en vigueur :  » (…) Si les conclusions du commissaire enquêteur (…) sont défavorables à l’adoption du projet, le conseil municipal est appelé à émettre son avis par une délibération motivée dont le procès-verbal est joint au dossier transmis au sous-préfet ; celui-ci transmet ensuite l’ensemble des pièces au préfet, avec son avis. Faute de délibération dans un délai de trois mois à compter de la transmission du dossier au maire, le conseil municipal est regardé comme ayant renoncé à l’opération « .

22. Il ressort des pièces du dossier que l’avis du commissaire enquêteur du 7 octobre 2009 est favorable à la déclaration d’utilité publique, sans réserves, contrairement à ce que soutiennent les requérants. Le moyen tiré de ce que les réserves émises par le commissaire enquêteur n’ont pas été levées et qu’ainsi, en l’absence de délibération motivée de la commune de l’Etang-Salé dans le délai de trois mois, celle-ci était réputée avoir renoncé à l’opération lorsque le préfet a pris l’arrêté déclarant l’opération d’utilité publique, manque dès lors en droit et en fait.

Quant à l’utilité publique de l’opération :

23. Il appartient au juge administratif, lorsqu’il doit se prononcer sur le caractère d’utilité publique d’une opération nécessitant l’expropriation d’immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu’elle répond à une finalité d’intérêt général, que l’expropriant n’était pas en mesure de réaliser l’opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l’expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d’ordre social ou économique que comporte l’opération ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente. Il lui appartient également, lorsque la nécessité de l’expropriation est contestée devant lui, d’apprécier si l’expropriant ou, le cas échéant, le bénéficiaire de l’expropriation, disposait effectivement de terrains qui, eu égard, d’une part, à leurs caractéristiques, et notamment à leur situation, leur superficie et leur configuration et, d’autre part, à la nature de l’opération projetée, auraient permis de réaliser le projet dans des conditions équivalentes, sans recourir à l’expropriation, et, s’il est saisi d’un moyen en ce sens, de s’assurer, au titre du contrôle sur la nécessité de l’expropriation, que l’inclusion d’une parcelle déterminée dans le périmètre d’expropriation n’est pas sans rapport avec l’opération déclarée d’utilité publique.

24. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment de la notice explicative du dossier d’enquête publique, que l’opération projetée a pour objet de réhabiliter les quartiers  » Butte Citronnelle « ,  » Pied des Roches  » et  » Ravine Sheunon  » qui connaissent des problèmes d’insalubrité de l’habitat, d’enclavement et de sous-dimensionnement des réseaux viaires et d’assainissement, en particulier s’agissant du ruissellement des eaux pluviales, et comportent des zones de friche inexploitées, d’améliorer les conditions de desserte des riverains en réhabilitant le réseau viaire existant et en renforçant le réseau par le désenclavement des terrains inexploités et la liaison entre les quartiers, de répondre aux besoins de la commune, qui connaît une importante croissance démographique, en créant plusieurs centaines de logements et en restructurant les quartiers, de planifier l’extension urbaine en se concentrant sur des quartiers susceptibles d’être densifiés du fait notamment de la présence importante de friches à insérer dans le tissu urbain et de la localisation des quartiers à proximité du centre-ville et de contrôler le mode d’urbanisation par des constructions collectives de taille modérée ou des constructions individuelles en mélangeant promotion privée, accession sociale et locatif social et en prévoyant la réalisation d’un équipement public, en améliorant par ailleurs l’image urbaine et paysagère. Dans ces conditions, en l’absence de contestation sérieuse à l’encontre des faits précédemment décrits, l’opération répond à une finalité d’intérêt général et non pas, ainsi que le prétendent les requérants, à un objectif financier de la SODEGIS.

25. En deuxième lieu, dès lors que l’opération d’intérêt général projetée a pour objet de réhabiliter les quartiers  » Butte Citronnelle « ,  » Pied des


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x