CAA de LYON, 5ème chambre, 27/10/2022, 20LY02679, Inédit au recueil Lebon

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CAA de LYON, 5ème chambre, 27/10/2022, 20LY02679, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A… C… a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge, en droits et pénalités, des cotisations d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009 à 2012.

Par un jugement n° 1808909 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Lyon a, dans un article 1er, déchargé M. A… C…, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre de l’année 2009, dans un article 2, réduit la base imposable à l’impôt sur le revenu de M. A… C… au titre de l’année 2010 d’un montant de 207 185 euros, dans un article 3, déchargé M. A… C…, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux à concurrence de la réduction de la base imposable prononcée à l’article 2 et, dans un article 4, rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour

I. Par une requête et trois mémoires, enregistrés sous le n°20LY02679 les 10 septembre 2020, 5 mai 2021, 17 septembre 2021 et 8 février 2022 (non communiqué), M. A… C…, représenté par la SELAS De Gaulle Fleurance et associés, agissant par Me Ladreyt, demande à la cour :

1°) d’annuler l’article 4 de ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 10 juillet 2020 et lui accorder la décharge des suppléments restant en litige pour les années 2010, 2011 et 2012 ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 23 878,33 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

– c’est à bon droit que le tribunal a retenu le moyen tiré de la prescription du délai de reprise s’agissant des rectifications consécutives à la mise en œuvre de la procédure d’assistance administrative internationale pour les années 2009 et 2010 ; l’administration ne peut se prévaloir de l’extension du délai de reprise de l’article L. 188 A du livre des procédures fiscales pour ces années dès lors qu’elle ne l’a pas informé de l’existence des réponses adressées par les autorités fiscales luxembourgeoises ;

– l’administration ne peut se prévaloir du délai spécial de reprise en application des articles 1649 A du code général des impôts et de l’article L. 169 du livre des procédures fiscales dès lors qu’il a déclaré en 2009 le compte qu’il détenait en Suisse et que le compte luxembourgeois auquel se réfère l’administration est au nom de la société Holdem ; l’administration méconnaît le principe de loyauté et le prive d’une garantie en évoquant pour la première fois dans la présente instance ce délai spécial de reprise pour l’année 2010 ;

– la qualification d’abus de droit constituée par l’interposition de la société luxembourgeoise Holdem entre la société Fidem et les associés de la société Holdem n’est pas fondée ; les éléments relevés par l’administration ne permettent pas de caractériser l’absence de substance économique de la société Holdem qui, au regard de son activité, n’a pas besoin de personnel et de moyen matériel ou de locaux particuliers ; l’abus de droit n’est pas caractérisé dès lors que le service aurait dû tenir compte du prix de revient très important des titres de la société Fidem dû aux droits de succession importants dont il a dû s’acquitter à la suite du décès de son père en 2006 ; il avait la possibilité d’appréhender la trésorerie de la société Fidem sans fiscalité soit en cédant les titres de celle-ci à un tiers, soit en en se faisant racheter la totalité de ses titres par cette société suivi de leur annulation en application de l’article 161 du code général des impôts ; la réduction de capital de la société Holdem opérée le 27 décembre 2012 et celle opérée le 17 décembre 2015 lui a permis d’appréhender une somme de 356 410 euros et 2 851 280 euros en contrepartie de l’annulation de 90% des actions de la société Holdem ; la supposée absence de consistance économique de la société Holdem ne suffit pas en elle-même à établir l’abus de droit dès lors que la création de cette société ne lui a procuré aucun gain fiscal ; l’administration, qui ne conteste pas qu’il n’a perçu aucun revenu des sociétés Fidem ou Holdem sur l’ensemble des trois années vérifiées, impose un revenu fictif, qui n’a pas été effectivement perçu ; les dividendes litigieux ont été perçus par la société Holdem sans jamais être redistribués aux deux associés ; l’existence d’un abus de droit aurait pour seule conséquence la remise en cause du bénéfice du sursis d’imposition prévu à l’article 150-0 B du code général des impôts dont a bénéficié la plus-value dégagée lors de l’apport des titres de la société Fidem à la société luxembourgeoise Holdem ;

– il a cessé d’être résident fiscal français à compter du 1er janvier 2010 au regard des critères de l’article 4 B du code général des impôts ; il a établi sa résidence en Suisse avec son épouse à la suite de leur mariage intervenu le 31 octobre 2009 où ils vivent avec leurs deux enfants ; il n’exerce aucune activité professionnelle en France ; il a financé son train de vie exclusivement grâce au portefeuille de valeurs mobilières qu’il détient directement en Suisse ; il détient un patrimoine important localisé en Suisse ; l’administration considère à tort que les dividendes perçus par la société Holdem constitueraient en réalité un revenu de source français perçu directement par lui et son frère en leur qualité d’associés de la société Holdem ;

– il est en tout état de cause résident fiscal suisse en application de la convention franco-suisse et de la tolérance administrative de 1972 référencée D. adm, 14 B-2211 paragraphe n°7 du 10 décembre 1972 qui s’applique jusqu’aux revenus de l’année 2012 incluse selon le BOI-INT-CVB-CHE-10-10 n°70 du 26 décembre 2012 dont il remplit les conditions ; l’administration et le tribunal lui ont à tort opposé l’absence de précision de l’attestation des autorités fiscales suisses du 27 juin 2014 dès lors que la présentation du formulaire d’attestation de résidence prévu à l’article 31 de la convention ne conditionne pas la détermination du pays de résidence du contribuable ;

– il conteste les autres rectifications résiduelles restant en litige afférentes aux crédits bancaires non justifiés et aux revenus de capitaux mobiliers en conséquence de sa contestation de la procédure d’abus de droit et de l’absence de domiciliation en France au cours des années 2010 à 2012.

Par deux mémoires, enregistrés les 25 mars 2021 et 7 janvier 2022, le ministre de l’économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

Une ordonnance du 10 janvier 2022 a fixé la clôture de l’instruction au 10 février 2022.

II. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n°20LY03081 les 26 octobre 2020 et 7 janvier 2022, le ministre de l’économie, des finances et de la relance demande à la cour d’annuler les articles 1er à 3 du jugement du tribunal administratif de Lyon du 10 juillet 2020 et de rétablir les impositions dégrevées en exécution du jugement à hauteur des sommes de 1 839 010 euros pour l’année 2009 et de 134 907 euros pour l’année 2010.

Il soutient que :

– le tribunal a retenu à tort le moyen tiré de la prescription du délai de reprise s’agissant des rectifications consécutives à la mise en œuvre de la procédure d’assistance administrative internationale pour les années 2009 et 2010 ; c’est à bon droit que le service a pu se prévaloir de l’extension du délai de reprise de l’article L. 188 A du livre des procédures fiscales alors même qu’il a informé le contribuable de la réponse des autorités fiscales luxembourgeoises dans les propositions de rectifications des 29 juillet et 19 décembre 2014 dès lors que les réponses obtenues les 18 février 2013 et 25 juin 2013 n’étaient pas complètes ; ces autorités n’avaient pas répondu à l’ensemble des questions listées dans le formulaire-type e-form  » Request for exchange of information  » pour les années 2009 à 2011 et la réponse concernant l’année 2012 est intervenue le 21 août 2015 ; au titre des dispositions précitées, seul compte une réponse complète et définitive des autorités fiscales étrangères ; la complétude des réponses apportées par les autorités fiscales luxembourgeoises ne peut s’apprécier a posteriori comme l’a fait le tribunal mais doit s’analyser au moment de leur réception par les autorités fiscales françaises ; l’administration a régulièrement informé le contribuable de la prorogation du délai de reprise ;

– le délai spécial de reprise de dix ans n’était pas davantage prescrit pour ces deux années au titre de l’article L. 169 du livre des procédures fiscales dès lors que M. C… n’avait pas respecté l’obligation déclarative prévu à l’article 1649 A du code général des impôts s’agissant de ses comptes ouverts et utilisés en Suisse et dont le solde était supérieur à 50 000 euros ;

– M. C… doit être regardé comme résident fiscal français au titre des années 2010 à 2012 en vertu du c) de l’article 4 B du code général des impôts ; il a tiré l’essentiel de ses ressources des dividendes servis par la société française Fidem à sa société-mère luxembourgeoise Holdem sous forme d’avances de trésorerie et de prêts ; il ne démontre aucun revenu émanant des actifs détenus en Suisse ;

– étant soumis à une imposition forfaitaire en Suisse, le contribuable ne peut se prévaloir des stipulations du b) du paragraphe 6 de l’article 4 de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 ;

– il lui appartient d’établir une double imposition en France et en Suisse des dividendes que l’administration entend imposer en France ;

– la procédure d’abus de droit prévue à l’article L. 64 du livre des procédures fiscales est justifiée ; la société Holdem est dénuée de substance économique dès lors qu’elle ne détient que les participations de la SAS Fidem et aucun autre actif mobilier ou immobilier, a pour unique source de revenus les distributions provenant de la SAS Fidem, n’a comme seule activité que de faire fructifier sa trésorerie et les produits du placement des dividendes en provenance de la SAS Fidem, n’emploie aucun salarié, n’a aucun moyen matériel et se situe à une adresse de domiciliation ; la société Holdem ne constitue qu’un simple support juridique sans la moindre consistance économique, interposé de manière artificielle entre la société française et les actionnaires de la société luxembourgeoise, destiné uniquement à percevoir en franchise d’impôt les dividendes de sa filiale française pour les reverser immédiatement ou à terme à ses associés ;

– le litige ne porte pas sur la légitimité de la création de la société Holdem au Luxembourg via l’apport des titres de la société Fidem ; le contribuable ne peut soutenir que le montage en litige ne lui a procuré aucun gain fiscal dès lors qu’en intercalant abusivement une société sans substance économique, implantée à l’étranger, entre la société Fidem et le bénéficiaire réel des dividendes distribués, il a de fait échappé à toute fiscalisation de ces dividendes.

Par trois mémoires, enregistrés les 5 mai 2021, 17 septembre 2021 et 8 février 2022 (non communiqué), M. A… C…, représenté par la SELAS De Gaulle Fleurance et associés, agissant par Me Ladreyt, conclut au rejet de la requête, à la décharge de l’intégralité des impositions mises à sa charge en droits et pénalités et demande à la cour de mettre à la charge de l’Etat la somme de 23 878,33 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Une ordonnance du 10 janvier 2022 a fixé la clôture de l’instruction au 10 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune modifiée ;

– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

– le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère,

– les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

– et les observations de Me Ladreyt pour M. C….

Considérant ce qui suit :

1. La société civile Fidem est une société holding créée le 2 juin 1997 par M. B… C…. A la suite d’une donation du 23 novembre 2006, le capital de cette société, d’un montant de 3 061 528,47 euros divisé en 2 000 999 parts, était détenu par M. B… C… à hauteur de 1 998 998 parts en usufruit et une part en pleine propriété, et par ses deux fils, A… et D…, qui détenaient chacun la nue-propriété de 999 499 parts et la pleine propriété de 1 000 parts. A la suite du décès de M. B… C… le 6 décembre 2006, ses deux fils détenaient alors chacun la pleine propriété de 1 000 499 parts, la part restante de la société civile Fidem étant détenue par l’indivision. Cette société possédait des participations dans trois sociétés, la SARL JP2A, la SCI Le parc millésime et la SA Jardiland, ainsi que plusieurs biens immobiliers. Le 12 décembre 2008, MM. A… et D… C… ont créé la société de droit luxembourgeois Holdem, société holding qui a pour objet la prise de participations dans toutes sociétés, dont le capital de 31 000 euros est divisé en 3 100 actions de 10 euros réparties à parts égales entre ses deux associés qui sont également les deux administrateurs de cette société. Le 31 mars 2009, les deux frères ont apporté à la société Holdem l’intégralité des parts qu’ils détenaient dans la société Fidem, laquelle a été transformée le 24 février 2009 en société par actions simplifiée, pour une valeur de 7 097 200 euros, le capital de la société luxembourgeoise étant ainsi porté à 7 128 200 euros. Au cours des années 2009 à 2011, la société Fidem a distribué des dividendes à la société Holdem à hauteur respectivement de 3 501 749 euros, 414 371 euros et 2 165 049,23 euros. A la suite d’un contrôle sur pièces pour l’année 2009 et d’un examen de situation fiscale personnelle portant sur les années 2010, 2011 et 2012 de M. et Mme A… C…, l’administration a considéré que M. et Mme C… devaient être regardés comme résidants fiscaux français au titre des années vérifiées et elle a estimé, dans le cadre de la procédure d’abus de droit prévue par l’article L. 64 du livre des procédures fiscales, que les dividendes servis au titre des années 2009 à 2011 par la société française Fidem à sa société-mère luxembourgeoise Holdem, laquelle était dépourvue de substance économique réelle, devaient être soumis directement à l’impôt sur le revenu au nom de M. A… C…, associé à 50 % de la société Holdem, à hauteur de ses droits dans cette société. M. et Mme A… C… ont été également imposés d’office sur des revenus de capitaux mobiliers et des crédits bancaires non déterminés à l’issue du contrôle en application des articles L. 66 et L. 67 du livre des procédures fiscales. Le comité de l’abus de droit fiscal a validé la mise en œuvre de la procédure d’abus de droit par l’administration dans un avis du 22 mars 2017. M. A… C… a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il reste assujetti au titre des années 2009 à 2012.

2. Par un jugement n° 180809 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Lyon a, dans un article 1er, déchargé M. A… C…, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre de l’année 2009, dans un article 2, réduit la base imposable à l’impôt sur le revenu de M. A… C… au titre de l’année 2010 d’un montant de 207 185 euros, dans un article 3, déchargé M. A… C…, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux à concurrence de la réduction de la base imposable prononcée à l’article 2 et, dans un article 4, rejeté le surplus des conclusions de la demande. Par une requête n°20LY03081, le ministre de l’économie, des finances et de la relance relève appel des articles 1er à 3 de ce jugement tandis que, par une requête n°20LY02679, M. A… C… relève appel de l’article 4 du même jugement.

Sur la jonction :

3. Il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt les deux requêtes visées ci-dessus qui sont dirigées contre le même jugement et ont fait l’objet d’une instruction commune.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

En ce qui concerne l’application du délai spécial de reprise prévu à l’article L. 188 A du livre des procédures fiscales (années 2009 et 2010) :

4. Aux termes de l’article L. 169 du livre des procédures fiscales,  » Pour l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l’administration des impôts s’exerce jusqu’à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due. (…) « . Aux termes de l’article L. 189 de ce livre :  » La prescription est interrompue par la notification d’une proposition de rectification, par la déclaration ou la notification d’un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun (…) « .

5. Aux termes de l’article L. 188 A du même livre, dans sa rédaction alors en vigueur applicable aux demandes formulées dans les délais de reprise avant le 8 décembre 2013 :  » Lorsque l’administration a, dans le délai initial de reprise, demandé à l’autorité compétente d’un autre Etat ou territoire des renseignements concernant soit les relations d’un contribuable qui entrent dans les prévisions des articles 57 ou 209 B du code général des impôts avec une entreprise ou une entité juridique exploitant une activité ou établi dans cet Etat ou ce territoire, soit les biens, les avoirs ou les revenus dont un contribuable a pu disposer hors de France ou les activités qu’il a pu y exercer, soit ces deux catégories de renseignements, les omissions ou insuffisances d’imposition y afférentes peuvent être réparées, même si le délai initial de reprise est écoulé, jusqu’à la fin de l’année qui suit celle de la réponse à la demande et au plus tard jusqu’à la fin de la cinquième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due. Le présent article s’applique sous réserve des dispositions de l’article L. 186 et dans la mesure où le contribuable a été informé de l’existence de la demande de renseignements, au moment où celle-ci a été formulée, ainsi que de l’intervention de la réponse de l’autorité compétente de l’autre Etat ou territoire au moment où cette réponse est parvenue à l’administration.  » Il résulte de ces dispositions que, pour prolonger le délai de reprise, l’administration fiscale doit effectuer la demande d’information avant l’expiration de celui-ci. La prolongation du délai de reprise prévue par ces dispositions est acquise à la date d’envoi de la demande de renseignements et non à la date à laquelle information de cet envoi est donnée au contribuable. Si l’administration est tenue, à peine de nullité de la procédure, d’informer le contribuable, dans un délai raisonnable, qu’elle a effectué une telle demande et qu’elle a reçu une réponse, fût-elle incomplète, des autorités compétentes de l’autre État, il ne résulte pas de ces dispositions que cette information doit être faite simultanément à la demande ou à réception de la réponse ou même avant l’expiration du délai de reprise initial. Aux termes de l’article L. 188 A du même livre, dans sa rédaction issue de la loi n°2013-1117 du 6 décembre 2013, applicable aux demandes formulées dans les délais de reprise venant à expiration à compter du 8 décembre 2013 :  » Lorsque l’administration a, dans le délai initial de reprise, demandé à l’autorité compétente d’un autre Etat ou territoire des renseignements concernant un contribuable, elle peut réparer les omissions ou les insuffisances d’imposition afférentes à cette demande, même si le délai initial de reprise est écoulé, jusqu’à la fin de l’année qui suit celle de la réception de la réponse et, au plus tard, jusqu’au 31 décembre de la troisième année suivant celle au titre de laquelle le délai initial de reprise est écoulé. Le présent article s’applique dans la mesure où le contribuable a été informé de l’existence de la demande de renseignements dans le délai de soixante jours suivant son envoi ainsi que de l’intervention de la réponse de l’autorité compétente de l’autre Etat ou territoire dans le délai de soixante jours suivant sa réception par l’administration.  »

6. Il résulte de l’instruction que, s’agissant des années 2009 et 2010 en litige, le délai de reprise visé à l’article L. 169 du livre des procédures fiscales expirait respectivement le 31 décembre 2012 et le 31 décembre 2013. L’administration a, par courrier du 18 décembre 2012, intervenu dans le délai de reprise, adressé une demande d’assistance administrative internationale aux autorités fiscales luxembourgeoises concernant les relations existant entre la société filiale française Fidem, la société-mère luxembourgeoise Holdem et leurs dirigeants, portant sur l’ensemble de la période vérifiée. Il est constant que M. C… a été informé de l’envoi de cette demande par courrier du 20 décembre 2012, réceptionné le lendemain. Les autorités fiscales luxembourgeoises ont répondu, le 18 février 2013, en transmettant aux autorités fiscales françaises une  » réponse partielle  » consistant en une copie de déclaration pour l’impôt sur le revenu des collectivités et pour l’impôt commercial de l’année 2009 et ses annexes. Elles ont complété cette réponse le 25 juin 2013 en transmettant aux mêmes autorités une copie des déclarations pour l’impôt sur le revenu des collectivités et pour l’impôt commercial des années 2010 et 2011 et leurs annexes. Il est toutefois constant que l’administration n’a informé M. C… de l’existence de ces réponses des autorités fiscales luxembourgeoises que dans le cadre des propositions de rectification des 29 juillet et 19 décembre 2014 qu’elle lui a adressées au titre respectivement des années 2010 à 2012 et 2009 et ainsi que cette information a été délivrée, en ce qui concerne l’année 2009, au-delà du délai raisonnable prévu à l’article L. 188 A du livre des procédures fiscales dans sa version alors applicable, et, en ce qui concerne l’année 2010, postérieurement au délai de soixante jours suivant leur réception par l’administration en méconnaissance des dispositions de l’article L. 188 A du livre des procédures fiscales, dans leur version issue de la loi n°2013-1117 du 6 décembre 2013. En appel, le ministre de l’économie, des finances et de la relance fait valoir que l’administration n’était pas tenue d’informer le contribuable des réponses des autorités fiscales luxembourgeoises, lesquelles consistaient essentiellement en l’envoi des déclarations souscrites tardivement par la société Holdem, tant que celles-ci n’étaient pas complètes, et que ces autorités n’avaient pas répondu à l’ensemble des questions listées dans le formulaire-type e-form  » Request for exchange of information « . Toutefois, non seulement le texte de l’article L. 188 A du livre des procédures fiscales ne limite pas l’information du contribuable à une réponse des autorités fiscales étrangères regardée comme complète par l’administration, mais il résulte de l’instruction qu’en l’espèce, les réponses apportées par les autorités fiscales luxembourgeoises devaient être regardées comme complètes pour les années 2009 à 2011. En effet, s’il ressort de la réponse de ces autorités le 18 février 2013 qu’elle était partielle, ne concernant que les éléments déclaratifs sur l’année 2009, ces autorités ont expressément complété cette réponse le 25 juin 2013 en transmettant la copie de mêmes éléments s’agissant des années 2010 et 2011, et en mentionnant joindre  » les documents qui faisaient encore défaut « , à l’exception de  » la déclaration fiscale et des comptes annuels pour l’année 2012 qui n’ont pas encore été remis « . Il ressort de cette réponse que les autorités fiscales luxembourgeoises n’envisageaient de transmettre ultérieurement que les éléments déclaratifs manquant sur l’année 2012, ce qu’elles ont effectivement fait le 21 août 2015. En outre, contrairement à ce que soutient le ministre, les propositions de rectifications susvisées n’ont aucunement fait référence à l’existence de réponses incomplètes s’agissant des années 2009 à 2011, seuls les éléments manquants sur 2012 étant précisément visés, l’administration indiquant à ce titre que  » cette réponse complémentaire ne satisfait encore que partiellement à la demande formulée par l’administration française, les autorités fiscales luxembourgeoises étant dans l’attente de la remise par la société Holdem SA de ses déclarations et de ses comptes 2012, alors même que ces documents auraient dû être déposés au plus tard le 31 mars 2013 « . Enfin, il résulte de l’instruction, et le ministre ne conteste pas ce point, que l’administration a disposé de tous les éléments d’informations nécessaires sur les années 2009 à 2011 pour procéder aux rectifications en litige quand bien même elle fait valoir que le formulaire-type n’était pas complètement renseigné par les autorités fiscales luxembourgeoises. Le ministre ne soutient pas d’ailleurs avoir sollicité de ces autorités d’autres éléments d’information ou demandé à celles-ci de compléter leur réponse pour ces années. Par suite, faute pour l’administration d’avoir informé M. C… de la réponse des autorités fiscales luxembourgeoises dans les conditions prévues par les dispositions de l’article L. 188 A du livre des procédures fiscales, celle-ci n’était pas fondée à se prévaloir du délai spécial de reprise prévue par ces dispositions s’agissant des années 2009 et 2010, seules concernées par l’application de ce délai. Il s’ensuit que le ministre de l’économie, des finances et de la relance n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, pour ce motif, le tribunal a déchargé M. C… des impositions mises à sa charge afférentes aux rectifications notifiées par les propositions de rectification des 29 juillet et 19 décembre 2014 découlant des dividendes servis par la société Fidem, rectifications intervenues après l’expiration du délai normal de reprise prévu aux articles L. 169 et L. 188 A du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne l’application du délai spécial de reprise visé aux articles 1649 A du code général des impôts et L. 169 du livre des procédures fiscales (année 2010) :

7. Aux termes de l’article 1649 A du code général des impôts dans sa version applicable :  » (…) Les personnes physiques, les associations, les sociétés n’ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l’étranger. Les modalités d’application du présent alinéa sont fixées par décret (2). (…)  » Aux termes de l’article 344 A de l’annexe III au même code :  » I. – Les comptes à déclarer en application du deuxième alinéa de l’article 1649 A du code général des impôts sont ceux ouverts auprès de toute personne de droit privé ou public qui reçoit habituellement en dépôt des valeurs mobilières, titres ou espèces. / II. – Les personnes physiques joignent la déclaration de compte à la déclaration annuelle de leurs revenus. Chaque compte à usage privé, professionnel ou à usage privé et professionnel doit être mentionné distinctement. (…) / III. – La déclaration de compte mentionnée au II porte sur le ou les comptes ouverts, utilisés ou clos, au cours de l’année ou de l’exercice par le déclarant, l’un des membres de son foyer fiscal ou une personne rattachée à ce foyer. / Un compte est réputé avoir été utilisé par l’une des personnes visées au premier alinéa dès lors que celle-ci a effectué au moins une opération de crédit ou de débit pendant la période visée par la déclaration, qu’elle soit titulaire du compte ou qu’elle ait agi par procuration, soit pour elle-même, soit au profit d’une personne ayant la qualité de résident.  » Aux termes de l’article L. 169 du livre des procédures fiscales dans sa version applicable :  » (…) Le droit de reprise de l’administration s’exerce jusqu’à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due, lorsque les obligations déclaratives prévues aux articles 123 bis, 209 B, 1649 A et 1649 AA du même code n’ont pas été respectées et concernent un Etat ou un territoire qui n’a pas conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales permettant l’accès aux renseignements bancaires. Ce droit de reprise concerne les seuls revenus ou bénéfices afférents aux obligations déclaratives qui n’ont pas été respectées. (…)  » Dans leur rédaction issue de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011, les mêmes dispositions ne limitent plus l’application du droit de reprise spécial de dix ans qu’elles instituent aux manquements aux obligations déclaratives concernant un Etat ou un territoire qui n’a pas conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales permettant l’accès aux renseignements bancaires. En vertu du II de l’article 58 de la loi du 28 décembre 2011, cette nouvelle rédaction s’applique aux délais de reprise venant à expiration postérieurement au 31 décembre 2011, comme en l’espèce pour l’année 2010 en litige.

8. Il ressort de la proposition de rectification du 29 juillet 2014 afférente aux années 2010 à 2012 que l’administration a motivé l’extension du délai normal de reprise à la fois sur le fondement de l’article 188 A du livre des procédures fiscales et sur celui de l’article 1649 A du code général des impôts. Ainsi, contrairement à ce que soutient M. C…, l’administration n’a pas méconnu le principe de loyauté ou privé le contribuable d’une garantie en évoquant ces dispositions au cours de la présente instance alors qu’elles figuraient dans la proposition de rectification notifiée à l’intéressé. En outre, en application des dispositions susvisées, l’obligation de déclaration des comptes à l’étranger qui découle du deuxième alinéa de l’article 1649 A du code général des impôts ne porte pas uniquement sur les comptes dont le contribuable est titulaire, mais aussi sur ceux qu’il a utilisés. En l’espèce, il ressort de ladite proposition et il est constant que, pour l’année 2010, M. C… n’a pas déclaré les comptes suisses qu’il détenait. Si le compte luxembourgeois auquel se réfère l’administration a été ouvert du nom de la société Holdem, M. C… ne conteste pas avoir utilisé ce compte, par procuration, alors qu’il est associé à 50% et co-gérant de la société Holdem. Par suite, s’agissant des rectifications restant en litige pour l’année 2010, c’est à bon droit que l’administration a pu se prévaloir du délai spécial de reprise prévu à l’article L. 169 du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne l’application de la procédure d’abus de droit (années 2010 et 2011) :

9. L’article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable, dispose que :  » Afin d’en restituer le véritable caractère, l’administration est en droit d’écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d’un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l’avis du comité de l’abus de droit fiscal. L’administr


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