Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E…F…a demandé au tribunal administratif de Nice de le décharger des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu, de contributions sociales, ainsi que des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre des années 2002 et 2003.
Par un jugement n°0805946 du 25 novembre 2011, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée par message électronique le 18 janvier 2012 et régularisée par courrier le 19 janvier suivant, et un mémoire enregistré le 26 novembre 2014, M. F…, représenté par MeB…, demande à la Cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 25 novembre 2011 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et la somme de 35 euros correspondant au remboursement du timbre fiscal ;
Il soutient que :
– en ordonnant à l’administration, le 21 janvier 2011, la production de pièces de plusieurs centaines de pages et en lui communiquant lesdites pièces au cours de la semaine précédant la clôture de l’instruction, le tribunal administratif de Nice a méconnu les principes de l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales garantissant aux contribuables un procès équitable et un débat contradictoire ;
– les premiers juges n’ont pas répondu aux griefs tirés de l’absence de la question de principe relative à la notion d’établissement stable dans les attributions de la direction nationale des vérifications de situations fiscales mentionnées, telles que contenues dans l’arrêté du 24 juillet 2000, de l’absence de mise en oeuvre de l’assistance conventionnelle et de mise en cause de M. G…, du refus de l’administration de divulguer des informations tirées de la mise en oeuvre de l’assistance administrative, ainsi que sur son argumentation selon laquelle seules des opérations commerciales étrangères au territoire français auraient servi de base aux pénalités appliquées ;
– plus de dix ans se sont écoulés depuis le début des procédures initiées à son encontre, ce qui lui a causé un préjudice disproportionné au regard des droits issus des rectifications litigieuses ;
– la direction nationale des vérifications de situations fiscales était incompétente » ratione materiae » dès lors que la notion d’établissement stable au sens du droit interne et conventionnel constitue une question de droit qui ne figure pas dans ses attributions définies à l’article 2 de l’arrêté du 24 juillet 2000, mais dans la documentation de base, laquelle n’a aucune valeur règlementaire ;
– l’administration lui a opposé, dans le cadre du contrôle des années 2002 et 2003, des pièces de 2000 et 2001 qui étaient couvertes par la prescription ;
– les fichiers et documents papiers saisis à l’occasion des visites domiciliaires ne lui ont pas été restitués, de sorte qu’il n’a pas été en mesure de les contester au cours de la procédure ;
– dès lors que les visites domiciliaires des sociétés Alliance Coiff, Jean Daniel, AMB Concept et Impex Trading ont donné lieu à des redressements dérisoires ou nuls, il est fondé à invoquer un détournement de procédure, les visites effectuées n’ayant eu pour seul but que de protéger les délateurs ayant informé l’administration fiscale ;
– l’administration aurait dû saisir les autorités chypriotes d’une demande d’assistance administrative qui aurait permis de confirmer ses affirmations sur l’existence et le fonctionnement de la société LVA Exportise Ltd ;
– la société LVA Exportise Ltd ne dispose nullement d’un établissement stable en France ; ladite société n’accomplit pas dans ce pays des opérations formant un cycle commercial complet ; l’administration est dans l’incapacité de situer l’établissement autonome en France de la société chypriote ; d’ailleurs, celle-ci ne dispose dans ce pays ni de locaux, ni de personnel dédié à la réalisation d’opérations commerciales, ni de préposé spécial pour l’achat et la revente ; l’application de l’article 5 de la convention fiscale franco-chypriote permet d’écarter l’existence d’un tel établissement en France ; il ne disposait que d’un pouvoir limité et encadré de la part de la société Prochoice Beauty Care ;
– les sommes provenant de la société LVA Exportise Ltd n’entraient pas dans la catégorie des revenus distribués ;
– les rectifications opérées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au titre des années 2002 et 2003 résultent essentiellement de l’analyse d’un document informatique dénommé » JMS Compte USD « , saisi dans le cadre des procédures domiciliaires, qui n’a aucune valeur probante et ne pouvait fonder les rectifications litigieuses, n’étant pas appuyé des justificatifs bancaires correspondants ;
– les redressements considérables mis à sa charge ont été fixés autoritairement sur des opérations internationales réalisées en dehors du territoire français par la société LVA Exportise Ltd ou par d’autres sociétés non résidentes de France ;
– s’agissant de l’année 2002, l’administration n’a tenu compte ni des sommes déclarées et imposées à Chypre en dépit d’une déclaration de la société LVA Exportise Ltd, soit 19 743,85 euros au titre de l’année 2002, ni des sommes déclarées en France en 2002 au titre des traitements et salaires, soit 20 000 euros ; l’administration a inclus, à tort, une somme de 16 200 euros dans les revenus de capitaux mobiliers, alors que cette somme correspond en réalité à un prêt octroyé par la société LVA Exportise Ltd ;
– s’agissant de l’année 2003, la somme de 15 361,40 euros qualifiée de revenus d’origine indéterminée par les premiers juges correspond, en fait, à des virements de compte à compte effectués par ses soins en 2003 ;
– les sommes de 7 774,11 dollars et 2 763 dollars créditées sur le compte de la CPB (Cyprus Popular Bank) ont permis d’acheter le véhicule de la société ;
– les sommes se rapportant aux dépenses engagées pour la visite d’un client à New-York ne pouvaient être soumises à imposition ;
– la somme de 10 441,32 euros qui a fait l’objet d’un virement le 28 juillet 2003 n’avait pas un caractère imposable ;
– la somme de 16 993,20 dollars soumise à imposition correspond à un virement de compte à compte non imposable ;
– la somme de 2 272,28 dollars soumise à imposition correspond à des dépenses engagées à Las Vegas pour la convention annuelle » The beauty and barber supply institute » ;
– la somme de 7 006,99 dollars soumise à imposition correspond à une gratification reçue par sa compagne qui l’a déclarée ;
– la somme de 57,12 dollars soumise à imposition correspond à des frais d’essence et d’autoroute ;
– la somme de 111 125,69 dollars soumise à imposition est relative à des ventes via Cosmotrade qui ont fait l’objet d’avance de Prochoice et dont le produit a été porté au compte de la société LVA Exportise Ltd, déduction faite des frais bancaires ;
– la somme de 1 482,49 dollars soumise à imposition correspond aux frais engagés à New-York lors de la visite d’un client ;
– les crédits non justifiés figurant sur le compte CPB représentaient des soldes entre achats et frais de vente ;
– l’administration a taxé indument les sommes correspondant aux commissions d’agent versées par la société LVA Exportise Ltd ;
– les dépenses liées à des visites de fournisseurs en Tunisie, au Liban ou aux Etats-Unis n’avaient pas un caractère imposable ;
– les déductions de charges admises par l’administration sont dérisoires ;
– les sommes qu’il a encaissées l’ont été dans le cadre d’accords et de conventions produites à l’administration française et d’impositions payées à Chypre ; l’administration, qui a eu la volonté délibérée de présenter des montants d’imposition exorbitants dénués de fondement, ne pouvait donc pas lui infliger des pénalités pour manquement délibéré.
Par des mémoires en défense enregistrés le 27 mars 2014 et 3 mars 2015, le ministre de l’économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
– le moyen tiré de la méconnaissance par l’administration des stipulations de l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans le déroulement de la procédure d’imposition, en raison de la durée de la procédure, est inopérant ;
– les autres moyens soulevés par M. F… ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 29 avril 2015, la clôture d’instruction a été fixée au 1er juin 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales :
– la convention fiscale franco-chypriote du 18 décembre 1981 ;
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– l’arrêté du 24 juillet 2000 relatif à la direction nationale des vérifications de situations fiscales ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Chenal-Peter, rapporteur,
– et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.
1. Considérant que M. F… a fait l’objet d’un examen de situation fiscale personnelle portant sur les années 2002 et 2003 ; qu’alors qu’il déclarait être salarié de la société à responsabilité limitée (SARL) Alliance Coiff, sise à Marignane, en tant que responsable de coordination et avait déclaré les revenus provenant de cette activité, l’administration fiscale a considéré, à partir d’éléments révélés lors des visites domiciliaires dans les locaux et dépendances utilisés par les sociétés SAS American Beauty, SARL Willyann et SARL Alliance Coiff, qu’au sein desdites sociétés, M. F… était également employé ou avait des fonctions d’associé ou de membre de comité de direction ; qu’il a également été considéré par l’administration qu’il résultait des contrôles opérés, d’une part, que la société Lva Exportise Ltd, qui était en relation avec les sociétés précitées, exerçait de manière occulte l’activité de négoce en produits capillaires à Villeneuve-Loubet (Alpes-Maritimes), avait un établissement stable en France, ne disposait à Chypre d’aucun siège social réel et n’y possédait qu’une adresse dans un centre d’affaires de domiciliation de sociétés offshore, le cabinetG…, et, d’autre part, que M. F…, qui occupait les fonctions de dirigeant de la société LVA Exportise Ltd, avait perçu de cette même société des revenus non déclarés ; que des rehaussements en matière, notamment, de revenus de capitaux mobiliers ont été notifiés à M. F… par propositions de rectification en date des 23 décembre 2005 et 30 janvier 2006 ; que l’intéressé a demandé la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2002 et 2003 ; qu’il fait appel du jugement en date du 25 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant, en premier lieu, que M. F… fait valoir que les premiers juges ont demandé à l’administration, le 21 janvier 2011, la production de pièces comportant de nombreuses pages, qui lui ont été communiquées dans la semaine précédant la clôture de l’instruction et qu’il n’a pas eu le temps matériel d’examiner ; qu’il ressort toutefois des pièces du dossier de première instance que si la date de l’audience avait été fixée initialement au 10 février 2011, celle-ci a été reportée à deux reprises et s’est finalement tenue le 21 octobre 2011, l’instruction ayant été clôturée par ordonnance le 23 août 2011 ; que, par suite, le requérant disposait du temps nécessaire pour examiner l’ensemble des mémoires et des pièces produites par la direction nationale des vérifications de situations fiscales, afin d’y répondre le cas échéant, le dernier mémoire de l’administration ayant été enregistré au greffe du tribunal le 4 février 2011 ; que, dès lors, il n’est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué aurait été rendu sans respecter le caractère contradictoire de la procédure et les droits de la défense, rappelés à l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que les premiers juges, qui n’étaient pas tenus de se prononcer sur tous les arguments invoqués à l’appui des moyens soulevés par M. F…, ont répondu de manière suffisamment précise au moyen tiré de l’incompétence des agents de la direction nationale des vérifications de situations fiscales pour effectuer le contrôle dont il a fait l’objet ; qu’en outre, les premiers juges ayant considéré que l’administration n’était pas dans l’obligation de mettre en oeuvre une assistance administrative auprès des autorités chypriotes, ils n’étaient pas tenus de répondre aux arguments inopérants de l’intéressé, relatifs aux éventuelles causes et conséquences de celle-ci, à l’absence de mise en cause de M. G… dans la procédure, et au refus qui lui aurait été opposé par l’administration de divulguer les informations résultant d’une telle assistance ; qu’enfin, en soulignant que M. F… a disposé de manière répétitive de sommes importantes en provenance de la société LVA Exportise Ltd dont il n’a pu justifier du caractère non imposable, les premiers juges ont implicitement mais nécessairement répondu à l’argumentation du requérant selon laquelle » seules des opérations commerciales étrangères au territoire français auraient servi de base aux pénalités appliquées » ; que, par suite, le requérant n’est pas fondé à soutenir que le jugement qu’il conteste serait entaché d’omission de réponse à moyens ;
4. Considérant, en troisième lieu, que M. F… ne peut utilement soutenir, dans le cadre de la présente instance visant à obtenir la décharge d’impositions auxquelles il a été assujetti, qu’il aurait subi un important préjudice lié à la circonstance qu’il s’est écoulé plus de dix ans depuis le 22 juillet 2004, date de début des opérations de contrôle qui ont conduit aux redressements en litige, en méconnaissance des stipulations de l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Sur la régularité de la procédure d’imposition :
5. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 2 de l’arrêté du 24 juillet 2000 : » La direction nationale des vérifications de situations fiscales (DNVSF) assure sur l’ensemble du territoire national, concurremment avec les autres services des impôts compétents (…), le contrôle de tous les impôts, droits et taxes dus par les personnes physiques ou morales, tous groupements de fait ou de droit ou entités, quelle qu’en soit la forme juridique et quel que soit le lieu de leur principal établissement, de leur direction effective, de leur siège social ou de leur domicile » ; que, par suite, ainsi que l’ont à bon droit estimé les premiers juges, M. F… n’est pas fondé à soutenir que la direction nationale des vérifications de situations fiscales était, en l’espèce, incompétente, les dispositions précitées de l’article 2 de l’arrêté du 24 juillet 2000 n’interdisant pas, contrairement à ce qu’il allègue, de tenter de démontrer l’existence en France d’un établissement stable dirigé par un contribuable ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu’il ne résulte pas de l’instruction que les visites domiciliaires qui ont visé les sociétés au sein desquelles M. F… était supposé être employé ou membre du comité de direction auraient eu pour seul but de protéger des personnes qui auraient fourni à l’administration fiscale des informations afférentes à ses diverses activités, alors même que les contrôles opérés n’aient donné lieu, en fin de compte, qu’à des redressements de faible importance ; que, par suite, le détournement de procédure allégué n’est pas établi ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu’il résulte du procès-verbal de restitution de documents en date du 7 décembre 2004 que l’intégralité des documents saisis à l’occasion de la visite domiciliaire effectuée le 22 juillet 2004 dans des locaux occupés par M. F… et Mlle D…, situés avenue du docteur Moriez à Nice, a été restituée à Mlle D…le 7 décembre 2004 ; que par suite, le moyen selon lequel des » fichiers et documents papiers saisis à l’occasion de visites domiciliaires » n’auraient pas été restitués manque en fait ;
8. Considérant, en quatrième lieu, que M. F… soutient que le document informatique dénommé » JMS Compte USD « , sur lequel s’est fondé l’administration pour établir les redressements en litige n’a aucune valeur probante ; que toutefois, il résulte de l’instruction que les rectifications ont été fondées sur l’analyse des comptes bancaires de l’intéressé, saisis ou remis à l’administration par le contribuable ; que l’administration a utilisé le document informatique intitulé » JMS Compte USD « , obtenu lors d’une procédure de visite domiciliaire et de saisie, afin de comparer les explications données par le contribuable sur les sommes créditées sur son compte ouvert auprès de la banque CPB, en provenance de la société LVA Exportise Ltd, et les désignations des mouvements bancaires figurant dans ce fichier informatique ; que le requérant a pu débattre du contenu de ce fichier, qu’il a lui même établi, lors de la procédure contradictoire ; qu’il n’est ainsi pas fondé à faire valoir que l’utilisation de ce document aurait entaché d’irrégularité la procédure d’imposition ;
9. Considérant, en dernier lieu, que si le requérant soutient que l’administration aurait dû saisir les autorités chypriotes d’une demande d’assistance administrative qui aurait permis de confirmer ses affirmations sur l’existence et le fonctionnement de la société LVA Exportise Ltd, il résulte toutefois de l’instruction que l’administration a engagé une telle démarche à laquelle elle n’était, au demeurant, nullement tenue, mais que les autorités chypriotes n’ont pas donné suite à la demande d’assistance qui leur a été adressée le 11 janvier 2005 ; que par suite, l’intéressé ne peut utilement faire valoir que l’administration aurait refusé de lui communiquer des informations tirées de la mise en oeuvre d’une procédure d’assistance ; qu’en outre, il n’est pas davantage fondé à soutenir que les stipulations de la convention fiscale franco-chypriote auraient pu contraindre M. G…, ressortissant chypriote, à délivrer à l’administration fiscale française les documents qu’il détenait concernant la société LVA Exportise Ltd ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l’utilisation d’éléments couverts par la prescription :
10. Considérant que, contrairement à ce que soutient M. F…, aucune pièce datée de 2000 ou 2001 n’a été mentionnée dans les propositions de rectification du 23 décembre 2005 portant sur l’année 2002 et du 30 janvier 2006 portant sur l’année 2003 ; que par suite, aucun document trouvant son origine dans une période couverte par la prescription n’a été opposé au contribuable ;
En ce qui concerne l’existence d’un établissement stable en France dirigé par M. F… :
11. Considérant qu’aux termes de l’article 209 du code général des impôts : » 1. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l’impôt sur les sociétés sont déterminés (…) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l’imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (…) » ; qu’aux termes de l’article 7 de la convention fiscale franco-chypriote du 18 décembre 1981 : » 1. Les bénéfices d’une entreprise d’un Etat ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l’entreprise n’exerce son activité dans l’autre Etat par l’intermédiaire d’un établissement stable qui y est situé. Si l’entreprise exerce son activité d’une telle façon, les bénéfices de l’entreprise sont imposables dans l’autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable (…) » ; qu’aux termes de l’article 5 de la même convention : » 1. (…) l’expression » établissement stable » désigne une installation fixe d’affaires par l’intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité. 2. L’expression » établissement stable » comprend notamment : a) Un siège de direction ; b) Une succursale ; c) Un bureau (…) 5. Nonobstant les dispositions des paragraphes 1 et 2, lorsqu’une personne – autre qu’un agent jouissant d’un statut indépendant auquel s’applique le paragraphe 6 – agit pour le compte d’une entreprise et dispose dans un Etat de pouvoirs qu’elle y exerce habituellement lui permettant de conclure des contrats au nom de l’entreprise, cette personne est considérée comme ayant un établissement stable dans cet Etat pour toutes les activités que cette personne exerce pour l’entreprise (…) 6. Une entreprise n’est pas considérée comme ayant un établissement stable dans un Etat du seul fait qu’elle y exerce son activité par l’entremise d’un courtier, d’un commissionnaire général ou de tout autre agent jouissant d’un statut indépendant, à condition que ces personnes agissent dans le cadre ordinaire de leur activité. 7. Le fait qu’une société qui est résident d’un Etat contrôle ou est contrôlée par une société qui est résident de l’autre Etat ou qui y exerce son activité (que ce soit par l’intermédiaire d’un établissement stable ou non) ne suffit pas, en lui-même, à faire de l’une quelconque de ces sociétés un établissement stable de l’autre » ;
12. Considérant que le siège social de la société LVA Exportise Ltd est situé à Chypre, au sein de la société G…qui est spécialisée dans l’immatriculation et l’administration de sociétés offshore et donc de sociétés non résidentes ; que ce type de sociétés a très souvent recours aux services de » Nominees » qui peuvent être des personnes physiques ou des sociétés ; qu’un » Nominee » apparaît en tant que directeur ou actionnaire de la société et apporte un degré de confidentialité important sans toutefois remplacer le véritable directeur de la société dans ses rapports avec les établissements financiers ; qu’utilisant les services d’un » Nominee « , le directeur de la société offshore se voit remettre un » Power of Attorney « , document lui permettant de prouver qu’il est le véritable directeur de la société ;
13. Considérant que l’extrait K bis de la société LVA Exportise Ltd indique que l’adresse du principal établissement est située avenue du docteur Lefebvre à Villeneuve-Loubet (Alpes-Maritimes) ; que cette adresse est celle du siège de la SAS American Beauty, citée au point 1 ; que les investigations menées par l’administration fiscale, corroborées par les éléments saisis, ont permis de démontrer que MM. F… et A…avaient la qualité de co-gérants de la société LVA Exportise Ltd ; que M. F… disposait de pouvoirs de direction, notamment pour engager la société ; qu’ainsi, dans un document adressé à la société tunisienne de banque, le requérant fait état dans la rubrique » profession » de sa qualité de » manager » et se désigne comme étant le » président » de la société ; que dans une télécopie du 17 mars 2003 adressée au cabinetG…, M. F… rappelle les noms des seules personnes, au premier rang desquelles il figure, habilitées à donner des ordres sur les comptes de la société Exportise Ltd ; qu’il ressort également des documents saisis que le requérant disposait de prérogatives suffisantes pour commander une carte bancaire au nom de la société ; que les investigations menées lors des contrôles opérés ont également permis de démontrer que les deux co-gérants effectuaient toutes les démarches commerciales relatives à l’activité de la société depuis l’établissement de Villeneuve-Loubet et, en particulier, l’achat et la revente de produits cosmétiques, l’organisation des opérations de réception des marchandises en provenance des fournisseurs européens et de l’acheminement des marchandises jusqu’au client final, la société de droit américain Pro’s choice ; que M. F… ne peut prétendre avoir agi à titre indépendant comme agent commercial, au cours des années vérifiées, au sens de l’article 7 § 6 de la convention fiscale franco-chypriote, dès lors qu’à aucun moment il ne s’est fait connaître auprès des services pour cette activité et qu’aucune des pièces saisies ne vient corroborer son affirmation ; qu’aucun document ne permet non plus d’établir qu’il n’aurait joué qu’un rôle de courtier ou de commissionnaire à l’égard de la société chypriote, ni que M. G… aurait refusé de délivrer tout document relatif aux déclarations comptables et fiscales de la société LVA Exportise Ltd non pas du fait de ses fonctions de prestataire de services, intervenant notamment dans le conseil et dans la création de sociétés offshore et garantissant la confidentialité à ses clients, mais en raison d’un différend d’ordre financier l’opposant à MM. F… etA… ; qu’enfin, les éléments mentionnés dans le document » Nominee agrement « , lequel en tout état de cause n’a pas date certaine , qui désigne Mme C… comme l’unique bénéficiaire de la société Lva Exportise Ltd et qui exclurait le requérant de toute prétention sur la propriété des parts de cette société, et donc de ses bénéfices, ne sont nullement confirmés par les documents saisis ;
14. Considérant que, compte tenu de l’ensemble de ces éléments, la société LVA Exportise Ltd, qui exerçait une activité commerciale depuis un établissement situé en France doit être regardée comme exploitant une entreprise en France au sens et pour l’application des dispositions précitées du I de l’article 209 du code général des impôts, et que M. F…, qui agit pour le compte de cette société et dispose, en France, de pouvoirs lui permettant de conclure des contrats au nom de l’entreprise, doit être considéré comme dirigeant un établissement stable dans ce pays au sens de l’article 7 § 5 de la convention fiscale franco-chypriote ;
En ce qui concerne l’existence et le montant des distributions :
15. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 109 du code général des impôts : » 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices et produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital » ; qu’aux termes de l’article 110 du même code : » Pour l’application du 1° du 1 de l’article 109, les bénéfices s’entendent de ceux qui ont été retenus pour l’assiette de l’impôt sur les sociétés » ;
16. Considérant que le requérant fait valoir qu’il ne pouvait être regardé comme ayant bénéficié de revenus distribués au motif que les sommes en litige n’avaient pas été au préalable qualifiées de charges non déductibles du résultat de la société LVA Exportise Ltd et réintégrées au bénéfice imposable de celle-ci ; que toutefois, il résulte de l’instruction, d’une part, que l’administration fiscale a constaté l’existence de virements et de dépôts d’espèces en provenance de la société LVA Exportise Ltd à destination des comptes bancaires de M. F…, puis a considéré, dans les propositions de rectification en date des 23 décembre 2005 et 30 janvier 2006, que ces sommes n’avaient pas été engagées dans l’intérêt de cette société mais dans l’intérêt personnel de M. F…, et d’autre part que les redressements correspondants avaient été notifiés par l’administration à la société LVA Exportise Ltd ; que par suite, les sommes en cause, qui n’ont pas été mises en réserve ni incorporées au capital de la société LVA Exportise Ltd, ont le caractère de revenus distribués imposables chez le bénéficiaire dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que, par suite, M. F… n’est pas fondé à soutenir que les impositions correspondantes seraient dépourvues de base légale ;
17. Considérant, en deuxième lieu, que, du fait de l’existence en France d’un établissement stable de la société LVA Exportise Ltd, M. F… n’est pas fondé à soutenir que les redressements mis à sa charge ont été » calculés sommairement et fixés autoritairement, par des marges sur des opérations internationales réalisées hors du territoire français par la société LVA Exportise Ltd ou par d’autres sociétés non résidentes en France » ;
18. Considérant, en troisième lieu, que M. F… soutient que la somme de 19 743,85 euros qui lui a été versée en 2002 par la société LVA Exportise Ltd a été déclarée et taxée à Chypre, en se prévalant d’une attestation établie par la société le 17 novembre 2004, signée par M.H…, selon laquelle une somme de 20 000 euros a bien été soumise à l’impôt à Chypre ; que le requérant ne produit toutefois aucun document probant émanant des services fiscaux chypriotes établissant que cette somme de 20 000 euros a bien été soumise à l’impôt et qu’elle correspond à celle de 19 743,85 euros qui a été incluse par l’administration fiscale française dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au titre de commissions d’agents ;
19. Considérant, en quatrième lieu, que si M. F… fait valoir qu’une somme de 16 200 euros encaissée en 2002 correspondait en réalité à un prêt, il se borne à produire la copie d’un document enregistré le 4 octobre 2004 alors que le prêt qu’il invoque aurait été conclu le 3 janvier 2002 ; que ce document porte, en outre, la signature de M. G… dont il a été précisé qu’il n’était qu’un prestataire de services ; qu’ainsi, c’est à bon droit que l’administration l’a considérée comme étant un bénéfice appréhendé ;
20. Considérant, en cinquième lieu, que la taxation d’une somme de 15 361,40 euros en 2003 correspondant à des virements de compte à compte effectués à la BNP Paribas, dans la catégorie des revenus d’origine indéterminée a été abandonnée par l’administration à la suite des informations recueillies auprès de l’établissement bancaire, ce dont M. F… a été informé par lettre en date du 2 avril 2007 ; que sa contestation sur ce point est donc irrecevable ;
21. Considérant, en sixième lieu, que M. F… fait valoir qu’une somme de 37 817 euros représente le prix d’acquisition d’un véhicule automobile auprès du concessionnaire Jaguar de Nice Riviera Motors, pour le compte de la société LVA Exportise Ltd, au moyen de fonds provenant d’un virement d’un compte de cette société ; que toutefois, ce véhicule ne saurait être regardé comme étant un véhicule de société dès lors que la carte grise du véhicule ainsi acquis a été établie à son nom, et non à celui de la société LVA Exportise Ltd; qu’ainsi, l’administration était fondée à considérer qu’il s’agit de dépenses personnelles de M. F… payées par ladite société ;
22. Considérant, en septième lieu, que l’administration a demandé à M. F… de justifier de certains crédits portés sur son compte chypriote ouvert à la CPB (Cyprus Popular Bank) ; que l’intéressé a répondu au vérificateur que les sommes portées au crédit dudit compte lui avaient été versées par la société LVA Exportise Ltd afin de lui permettre de payer pour celle-ci des factures d’achat de marchandises ; que l’examen des justificatifs produits a permis de valider l’engagement de certaines dépenses pour le compte de la société ; que certaines des observations du requérant ont également été prises en compte au niveau de la réponse aux observations du contribuable, comme c’est le cas pour celles afférentes aux sommes de 10 441,32 dollars et de 7 006,99 dollars qui avaient été soumises à imposition au stade de la proposition de rectification du 30 janvier 2006 mais qui ne sont plus en litige ; que, toutefois, les crédits portés sur le compte CPB pour lesquels les justificatifs produits n’ont pas été jugés suffisants ont été considérés, à hauteur de 238 188 euros pour 2003, comme une appréhension par M. F… du bénéfice de la société imposable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; qu’ainsi, les sommes de 2 763 et 7 774,11 dollars t