Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu, I, la requête enregistrée le 14 novembre 2011 présentée pour M. et Mme C…D…demeurant au…, par Me Michallon, avocat ;
M. et Mme D…demandent à la cour :
1°) d’annuler le jugement n°0801930, 0806005 et 0902939 du 25 octobre 2011 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux n’a que partiellement fait droit aux conclusions de leur demande tendant à la décharge des suppléments d’impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2003, 2004 et 2005 en ne prononçant la décharge que des pénalités pour mauvaise foi dont étaient assortis les redressements opérés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au titre des années 2003 à 2005 ;
2°) de leur accorder la décharge des suppléments d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2003 et 2004 et des pénalités restées à leur charge ;
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Vu, II, le recours enregistré le 20 février 2012, présenté pour le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’Etat, par le directeur du contrôle fiscal Sud-Ouest ;
Le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’Etat demande à la cour :
1°) d’annuler l’article 1er du jugement n°0801930, 0806005 et 0902939 du 25 octobre 2011 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a déchargé M. et Mme C… D…des pénalités pour mauvaise foi auxquelles ils ont été assujettis, au titre des rectifications opérées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers pour les années 2003, 2004 et 2005 ;
2°) de remettre à la charge de M. et Mme D…lesdites pénalités ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention du 22 mai 1968 modifiée conclue entre la France et le Royaume-Uni ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 2 avril 2013 :
– le rapport de M. Jean-Louis Joecklé, président-assesseur ;
– et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;
1. Considérant que M. et MmeD…, sont associés de la société Halcyon Leisure, société de droit britannique exerçant, à destination d’une clientèle anglophone, une activité de location saisonnière de résidences de charme situées dans le sud-ouest de la France ; qu’après avoir fait l’objet d’un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle au titre des années 2003 à 2005, ils ont été assujettis à des suppléments d’impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de ces mêmes années à raison, d’une part, de crédits bancaires qui, considérés par le service comme non justifiés, ont été imposés en tant que revenus d’origine indéterminée, d’autre part, de sommes qui, considérées par le service comme distribuées par la société Halcyon Leisure, ont été imposées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que ces impositions ont été assorties de la majoration de 40% prévue en cas de mauvaise foi par l’article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur ; que, saisi par M. et Mme D…d’une demande en décharge de ces impositions et pénalités, le tribunal administratif de Bordeaux a, par un jugement du 25 octobre 2011, accordé aux intéressés la décharge des pénalités afférentes aux impositions litigieuses en tant qu’elles procèdent des redressements opérés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et a rejeté le surplus de leur demande ; que les époux D…font appel de ce jugement en tant qu’il a rejeté ce surplus ; que le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’Etat fait appel de ce même jugement en tant qu’il accorde une décharge partielle des pénalités infligées aux intéressés ; qu’il y a lieu de joindre ces deux appels dirigées contre un même jugement pour y statuer par un seul arrêt ;
Sur la requête de M. et MmeD… :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que les premiers juges, qui n’étaient pas tenus de répondre à tous les arguments dont les requérants avaient étayé les moyens présentés à l’appui de leurs conclusions, ont suffisamment répondu à ces moyens relatifs à la régularité de la procédure d’imposition, au bien-fondé des impositions ainsi qu’aux pénalités ; qu’en particulier, ils ont, contrairement à ce que soutiennent les requérants, exposé de manière suffisante les raisons pour lesquelles ils ont, d’une part, considéré que M. et Mme D…devaient être assujettis en France à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers à raison des dividendes perçus et des sommes réputées distribuées par la société Halcyon Leisure et, d’autre part, relevé que les éléments recueillis, dans le cadre de l’assistance administrative auprès des autorités fiscales britanniques, n’avaient pas permis de constater la concordance des sommes en cause avec celles qui ont été déclarées à ce titre en Grande-Bretagne ; que, par suite, doit être écarté le moyen tiré d’une insuffisante motivation du jugement ;
En ce qui concerne la régularité de la procédure d’imposition :
3. Considérant qu’en vertu de l’article L. 16 du livre des procédures fiscales, en vue de l’établissement de l’impôt sur le revenu, l’administration peut demander au contribuable des éclaircissements et, lorsqu’elle a réuni des éléments permettant d’établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu’il a déclarés, des justifications ; qu’aux termes du second alinéa de l’article L. 16 A du même livre : » Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d’éclaircissements ou de justifications, l’administration lui adresse une mise en demeure d’avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu’elle souhaite » ; qu’en vertu de l’article L. 69 de ce livre, sont taxés d’office à l’impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d’éclaircissements ou de justifications prévues à l’article L. 16 ;
4. Considérant que dans le cadre de l’examen de la situation fiscale personnelle d’ensemble des époux D…engagé le 29 juin 2006, qui a porté sur les revenus des années 2003 et 2004, l’administration a adressé aux intéressés, le 12 septembre 2006, un courrier sollicitant la production de justificatifs concernant l’origine, la nature et le caractère imposable des sommes créditées sur leurs comptes bancaires au cours de l’année 2003 puis, le 18 décembre 2006, une mise en demeure modèle 2172 bis de fournir sous trente jours une réponse suffisante, sous peine de taxation d’office, enfin, le 21 décembre 2006, une demande complémentaire, eu égard aux discordances relevées en tenant compte des virements de compte à compte, entre les revenus déclarés et les sommes inscrites au crédit des comptes bancaires ; que si, le 21 décembre 2006, soit avant l’expiration du délai imparti par la mise en demeure du 18 décembre 2006, l’administration leur a notifié à titre conservatoire, pour l’année 2003, une proposition de rectification, cette proposition n’était aucunement fondée sur l’absence ou l’insuffisance de réponse à cette mise en demeure, de sorte que les contribuables n’ont été privés d’aucune garantie ; qu’il s’ensuit que le moyen tiré du défaut de respect du délai de trente jours prévu à l’article L. 16 A précité du livre des procédures fiscales doit être écarté ;
5. Considérant qu’il résulte des dispositions des articles L. 57 et R. 57-1 du même livre que pour être régulière une proposition de rectification doit comporter la désignation de l’impôt concerné, de l’année d’imposition et de la base d’imposition et énoncer les motifs sur lesquels l’administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations ; que si les requérants invoquent l’insuffisance de motivation de la proposition de rectification du 14 mai 2007 concernant les redressements envisagés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, celle-ci indique qu’en leur qualité d’associés de la société Halcyon Leisure dont ils détiennent chacun 25% des parts, les contribuables ont appréhendé les sommes en litige et rappelle la présomption de distribution résultant des dispositions du 1° du 1 de l’article 109 du code général des impôts ; qu’elle est ainsi suffisamment motivée au regard des prescriptions des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales ;
6. Considérant que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires s’est prononcée, le 1er février 2008, conformément aux dispositions du premier alinéa de l’article L. 76 du livre des procédures fiscales, sur le désaccord opposant les contribuables à l’administration sur les redressements opérés au titre des revenus d’origine indéterminée ; qu’en vertu des dispositions de l’article L. 59 A du livre des procédures fiscales, le litige relatif aux redressements opérés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ne relevait pas de la compétence de la commission ; que, par suite, la circonstance que la vérificatrice a rayé, sur la confirmation des redressements adressée le 3 juillet 2007 aux contribuables, la mention relative à la possibilité de saisine de ladite commission n’a privé les contribuables d’aucune garantie ;
7. Considérant que lorsque l’administration se fonde, pour effectuer un redressement, sur des renseignements dont elle a obtenu communication de la part de tiers, elle doit informer le contribuable de l’origine, de la nature et de la teneur des documents en cause, de façon suffisamment précise pour que l’intéressé soit en mesure de demander la communication de ces pièces avant la mise en recouvrement des impositions ; qu’il résulte de l’instruction que les éléments recueillis à la suite de la demande de renseignements adressée, dans le cadre de l’assistance administrative, aux autorités fiscales britanniques ont été communiqués aux requérants par deux lettres en date des 9 et 13 juillet 2007, dont ils ont accusé réception respectivement les 11 et 16 juillet 2007 ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l’administration n’aurait pas communiqué aux contribuables les documents en provenance de tiers doit être écarté ;
8. Considérant qu’en ce qui concerne la communication du rapport de vérification, il n’est pas contesté d’une part, que, par lettre du 19 novembre 2007, le service a informé le conseil des requérants de ce que les copies sollicitées lui seraient communiquées après règlement des frais de reproduction tels qu’ils sont prévus par l’article 4 de la loi du 17 juillet 1978 et, d’autre part, que ces frais n’ont pas été acquittés ; qu’ainsi, les requérants ne justifient, en tout état de cause, d’aucun refus qui leur aurait été opposé par l’administration fiscale à leur demande de communication du rapport de vérification ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
S’agissant du moyen tiré de l’expiration du délai de reprise en ce qui concerne les impositions établies au titre de l’année 2003 :
9. Considérant qu’en vertu de l’article L. 189 du livre des procédures fiscales, la prescription est interrompue par la notification d’une proposition de rectification ; que la proposition de rectification du 21 décembre 2006 adressée à M. et Mme D…comportait notamment la désignation de l’impôt concerné, le montant de la base d’imposition avec le détail des crédits bancaires injustifiés ainsi que le motif du redressement envisagé et donnait une indication suffisante sur la catégorie de revenus faisant l’objet du supplément d’imposition ; que pour l’application des dispositions de l’article L.189 du livre des procédures fiscales, l’effet interruptif de la prescription attaché à une proposition de rectification ne dépend pas de la pertinence des motifs des rectifications ; que si l’administration a adressé, le 16 mai 2007, une nouvelle proposition de rectification fondée sur une autre base légale, cette substitution n’a pas privé la première notification de son effet interruptif de la prescription dès lors que les bases ayant servi à l’établissement des droits en litige ont été limitées aux montants initialement notifiés ; que cette substitution de base légale n’a privé les contribuables d’aucune garantie ; que l’administration, qui ne peut renoncer à appliquer la loi fiscale, est en droit à tout moment de justifier l’impôt sur un nouveau fondement légal qu’elle a compétence liée pour appliquer ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les redressements afférents à l’année 2003 seraient atteints par la prescription doit être écarté ;
S’agissant des revenus d’origine indéterminée :
10. Considérant qu’il n’est pas contesté que les discordances relevées entre les revenus déclarés et les sommes créditées sur les comptes bancaires des intéressés étaient suffisantes pour autoriser le service à demander des justifications sur le fondement des dispositions précitées de l’article L. 16 du livre des procédures fiscales ; que les contribuables, qui n’ont fait valoir que des allégations dépourvues de justifications probantes, assimilables à un défaut de réponse, ont à bon droit été taxés d’office ; qu’en application des dispositions de l’article L. 193 du livre des procédures fiscales, il appartient à M. et MmeD…, régulièrement taxés d’office, d’apporter la preuve de l’exagération des bases d’imposition retenues par l’administration ;
11. Considérant que M. et Mme D…contestent la réintégration d’une somme de 5 000 euros dans leurs revenus imposables correspondant à un versement intervenu le 27 juillet 2005 sur le compte bancaire de MmeA…, résidente britannique demeurant à… ; qu’ils soutiennent que ladite somme devait permettre à Mme D…de payer les charges d’entretien de la maison appartenant à Mme A…située à Catus (Lot), pour le compte de cette dernière, de sorte que ladite somme n’a pas été appréhendée par les requérants et a fait l’objet d’un reversement ; que les requérants produisent les factures d’entretien de la maison située à Catus, libellées au nom de Mme A…ainsi que les relevés du compte bancaire précité ; que les débits figurant sur ces relevés correspondent aux factures d’entretien de ladite maison ; que, dès lors, M. et Mme D…doivent être regardés comme apportant la preuve qu’ils n’ont pas appréhendé la somme en cause et sont, par suite, fondés à demander la décharge des impositions supplémentaires auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 2005 en tant qu’elles procèdent de l’imposition de cette somme de 5 000 euros ;
12. Considérant, en revanche, que ni le crédit du 21 avril 2005, d’un montant de 2 905,71 euros émanant du compte offshore non déclaré détenu par les contribuables à Jersey correspondant, selon les requérants, à un chèque reçu de la succession de la mère de Mme D…, ni le crédit de 1 162,77 euros correspondant, selon les requérants, à des remboursements émanant de tiers à la suite d’achats effectués pour leur compte, ne sont sérieusement justifiés ; que si les requérants soutiennent que les sommes, d’un montant global de 10 153 euros, créditées sur leur compte en mars 2005, correspondraient à des cessions d’actions sur compte-titres qui auraient été déclarées en Grande-Bretagne, ils ne l’établissent pas davantage ;
S’agissant des sommes imposées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers :
13. Considérant que M. et MmeD…, qui ne contestent pas devant la cour que leur domicile fiscal se situe en France, font valoir que la société Halcyion Leisure n’étant pas imposable à l’impôt sur les sociétés en France, puisqu’elle n’y dispose pas d’un établissement stable, l’administration n’a pu légalement imposer dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers les revenus à eux distribués par cette société ;
14. Considérant qu’aux termes de l’article 108 du code général des impôts : » Les dispositions des articles 109 à 117 fixent les règles suivant lesquelles sont déterminés les revenus distribués par : 1° Les personnes morales passibles de l’impôt prévu au chapitre II du présent titre » ; qu’aux termes de l’article 109 du même code : » 1- Sont considérés comme revenus distribués : 1° tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices » ; qu’aux termes de l’article 110 dudit code : » Pour l’application du 1° du 1 de l’article 109, les bénéfices s’entendent de ceux qui ont été retenus pour l’assiette de l’impôt sur les sociétés. » ; qu’aux termes de l’article 209-1 du code général des impôts : » I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l’impôt sur les sociétés sont déterminés (…) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l’imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (…) »; qu’aux termes du paragraphe 1 de l’article 6 de la convention franco-britannique du 22 mai 1968 en matière d’impôts sur le revenu : » Les bénéfices industriels et commerciaux d’une entreprise d’un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l’entreprise exerce son activité dans l’autre Etat contractant par l’intermédiaire d’un établissement stable qui y est situé. Si l’entreprise exerce son activité d’une telle façon, les bénéfices industriels et commerciaux de l’entreprise sont imposables dans l’autre Etat, mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable. » ; que, selon l’article 4 de la même convention : » 1. Au sens de la présente convention, l’expression » établissement stable » désigne une installation fixe d’affaires où l’entreprise exerce tout ou partie de son activité. / 2. L’expression » établissement stable » comprend notamment : / a) un siège de direction ; / b) une succursale ; / c) un bureau (…) / 4. Une personne agissant dans un Etat contractant pour le compte d’une entreprise de l’autre Etat contractant, autre qu’un agent jouissant d’un statut indépendant, visé au paragraphe 5, est considérée comme établissement stable dans le premier Etat si elle dispose dans cet Etat de pouvoirs qu’elle y exerce habituellement lui permettant de conclure des contrats au nom de l’entreprise, à moins que l’activité de cette personne soit limitée à l’achat de marchandises pour l’entreprise. / 5. On ne considère pas qu’une entreprise d’un Etat contractant a un établissement stable dans l’autre Etat contractant du seul fait qu’elle y exerce son activité par l’entremise d’un courtier, d’un commissionnaire général ou de tout autre intermédiaire jouissant d’un statut indépendant, à condition que ces personnes agissent dans le cadre ordinaire de leur activité. (…) / 6. Le fait qu’une société qui est un résident d’un Etat contractant contrôle ou est contrôlée par une société qui est un résident de l’autre Etat contractant ou qui y exerce son activité (que ce soit par l’intermédiaire d’un établissement stable ou non) ne suffit pas, en lui-même, à faire de l’une quelconque de ces sociétés un établissement stable de l’autre (…) » ; qu’aux termes de l’article 6 de cette même convention : » 1. Les bénéfices industriels et commerciaux d’une entreprise d’un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l’entreprise exerce son activité dans l’autre Etat contractant par l’intermédiaire d’un établissement stable qui y est situé. Si l’entreprise exerce son activité d’une telle façon, les bénéfices industriels et commerciaux de l’entreprise sont imposables dans l’autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable (…) » ; que, pour l’application de ces stipulations, une personne agissant en France pour le compte d’une société résidente du Royaume-Uni, autre qu’un intermédiaire indépendant, doit être regardée comme caractérisant l’existence d’un établissement stable si elle exerce habituellement en France des pouvoirs lui permettant d’engager cette société dans une relation commerciale ayant trait aux opérations constituant les activités propres de cette société ;
15. Considérant que les requérants soutiennent que les seuls animateurs de la société Halcyon Leisure au cours des années litigieuses étaient les époux B…résidant au Royaume-Uni, que leur rôle se limitait à donner des clefs à certains vacanciers, des adresses aux touristes pour les activités ou des informations pratiques pour certains services, qu’ils ne sont jamais intervenus en tant que représentants de cette société et qu’une simple assistance technique sur place ne constitue en aucun cas l’indice de l’existence d’un établissement stable, alors au surplus qu’ils ont en France leur activité propre de location de gîtes ruraux ; que, toutefois, il résulte de l’instruction que les clients de la société Halcyon Leisure, propriétaires des résidences proposées à la location, étaient contactés par prospection traditionnelle exercée par les épouxD… ; que le site internet www.halcyonleisure.com et www.lespaze.com, site à partir duquel M. D…proposait à titre individuel la location de trois gîtes ruraux, correspondaient à la même adresse IP, au même propriétaire du site, M. D…, à la même adresse postale de ce dernier située à Tournon d’Agenais et aux mêmes numéros personnel et professionnel de téléphone que ceux de M. et MmeD… ; que ces derniers assuraient l’établissement des baux avec les vacanciers ; que les chèques reçus en paiement étaient déposés sur un compte bancaire personnellement détenu par eux ; que les bulletins de réservation, les contrats de location conclus entre cette société et les propriétaires de résidences, les courriers adressés et reçus par la société Halcyon Leisure ainsi que les cartes de visite de ladite société comportaient les coordonnées postales et téléphoniques de M. et MmeD… ; que la transmission des contrats de location et le paiement des prestations s’effectuaient par courrier au domicile personnel de M. et Mme D… ; qu’ainsi, les fonctions exercées par les requérants, qui n’étaient pas des agents indépendants de la société Halcyon Leisure, excédaient un simple rôle préparatoire ou auxiliaire et leur permettaient d’engager cette société dans une relation commerciale ayant trait aux opérations constituant ses activités propres ; que, dans ces conditions, la société Halcyon Leisure doit être regardée comme ayant disposé, au cours des années litigieuses, d’un établissement stable en France au sens des dispositions du I de l’article 209 du code général des impôts et des stipulations précitées des articles 4 et 6 de la convention franco-britannique du 22 mai 1968 par l’intermédiaire duquel elle exerçait l’ensemble de son activité et dont M. et Mme D…étaient, à partir de leur domicile en France, les représentants ;
16. Considérant qu’il résulte de l’instruction et notamment des termes de la proposition de rectification du 14 mai 2007 adressée à M. et Mme D…que la société Halcyon Leisure a, à l’issue d’une vérification de comptabilité, fait l’objet d’une proposition de rectification en date du 15 février 2007 en vue de son assujettissement à l’impôt sur les sociétés dans les conditions prévues au I de l’article 209 du code général des impôts ; que, dès lors que la société Halcyon Leisure était passible de l’impôt sur les sociétés en France, les sommes respectives de 37 560 euros, 75 075 euros et 34 500 euros versées par la société Halcyon Leisure sur les comptes bancaires personnels des requérants en leur qualité d’associés de la société Halcyon Leisure en 2003, 2004 et 2005 constituent, en application des dispositions du 1° du 1 de l’article 109 du code général des impôts, des revenus réputés distribués aux intéressés, domiciliés fiscalement en France, et comme tels devant être assujettis à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers à raison des dividendes perçus et des sommes réputées distribuées par ladite société, quand bien même ces distributions auraient été déclarées auprès de l’administration fiscale britannique ;
17. Considérant qu’il est constant que le compte utilisé pour le fonctionnement de ladite société a été débité de la somme de 16 291,51 euros en vue de permettre l’acquisition d’un véhicule au profit de M. et MmeD… ; que la société doit ainsi être regardée comme ayant mis à la disposition des requérants, ses associés, une somme de 16 291,51 euros, imposable entre leurs mains au titre du 2° précité de l’article 109-1 du code général des impôts ; que, dès lors, l’administration a pu à bon droit les imposer sur ladite somme dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;
En ce qui concerne les pénalités afférentes aux revenus d’origine indéterminée :
18. Considérant que M. et Mme D…soutiennent que l’infliction de la pénalité de 40 % prévue à l’article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable méconnaît le principe de proportionnalité reconnu par le droit de l’Union européenne ; que ce principe, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, ne trouve à s’appliquer dans l’ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif français est régie par ce droit ; que tel n’est pas le cas en l’espèce dès lors que les dispositions du 1 de l’article 1729 du code général des impôts n’ont pas été prises pour la mise en oeuvre du droit de l’Union européenne et ne constituent pas une situation juridique régie par ce droit ; que, par suite, le moyen sus-analysé doit être écarté comme étant inopérant ;
Sur le recours du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’Etat :
19. Considérant qu’en vertu de l’article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur, lorsque la déclaration ou l’acte mentionnés à l’article 1728 font apparaître une base d’imposition ou des éléments servant à la liquidation de l’impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l’intérêt de retard visé à l’article 1727 et d’une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l’intéressé est établie ;
20. Considérant que, pour accorder à M. et Mme D…la décharge des pénalités afférentes aux redressements opérés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, les premiers juges ont relevé que la circonstance que les intéressés n’avaient pas déclaré en France les revenus provenant de la société Halcyon Leisure ne suffisait pas, dans les circonstances de l’espèce, compte tenu notamment des déclarations déposées au Royaume-Uni, à établir le bien-fondé des pénalités dont ont été assortis les redressements opérés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; qu’il ressort toutefois de l’instruction, d’une part, que les intéressés n’ont transmis à l’appui de leur argumentation, tendant à établir que les sommes apparaissant sur les crédits de leurs comptes bancaires correspondaient à leur quote-part de bénéfice dans les résultats de la société Halcyon Leisure et que les déclarations fiscales correspondantes avaient été souscrites régulièrement au Royaume-Uni, que la copie des déclarations faisant état de la retenue à… ; que, d’autre part, M. et MmeD…, qui sont domiciliés fiscalement en France, se sont volontairement soustraits à leur obligation de fournir la totalité des relevés des comptes bancaires dont ils étaient titulaires et ont soutenu devant l’administration que ces derniers n’étaient pas mouvementés alors que l’exercice du droit de communication auprès des banques concernées a démontré le contraire ; que les intéressés n’ont déclaré ni les sommes distribuées à leur bénéfice par la société Halcyon Leisure, ni les comptes bancaires ouverts au Royaume-Uni ; que les sommes figurant sur les déclarations faisant état d’une retenue à… ; qu’ainsi et eu égard à l’importance des sommes non déclarées et à la fréquence des dépôts de fonds sur leurs comptes bancaires personnels, l’administration établit l’intention délibérée des contribuables d’éluder l’impôt et donc leur absence de bonne foi, justifiant l’application de la majoration en litige en ce qui concerne les revenus de capitaux mobiliers ; qu’ainsi, c’est à tort que les premiers juges ont accordé la décharge totale des pénalités contestées au titre des rectifications opérées dans la catégorie des revenus des capitaux mobiliers pour les années 2003 à 2005 ;
21. Considérant qu’il appartient à la cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme D…devant le tribunal administratif de Bordeaux en ce qui concerne l’infliction desdites pénalités ;
22. Considérant qu’en vertu de l’article L. 80 D du livre des procédures fiscales, les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ; que la proposition de rectification du 14 mai 2007, informant les contribuables de l’application de la majoration de 40 % prévue à l’article 1729 du code général des impôts eu égard notamment à l’importance des sommes non déclarées et à la fréquence des dépôts de fonds sur leurs comptes bancaires, mentionne les considérations de droit et de fait ayant conduit à l’application de la pénalité en litige ; qu’elle est, dès lors, suffisamment motivée ;
23. Considérant que les dispositions du 1 de l’article 1729 du code général des impôts, qui proportionnent les pénalités aux agissements commis par le contribuable et prévoient des taux de majoration différents selon la qualification qui peut être donnée au comportement de l’intéressé ; que la loi elle-même a ainsi assuré, dans une certaine mesure, la modulation des peines en fonction de la gravité des comportements réprimés ; que le juge de l’impôt décide dans chaque cas, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l’administration pour appliquer ces pénalités, soit de maintenir ou d’appliquer la majoration effectivement encourue au taux prévu par la loi, soit de ne laisser à la charge du contribuable que les intérêts de retard s’il estime que l’administration n’établit pas que ce dernier se serait rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ni qu’il aurait agi de mauvaise foi ; qu’il peut ainsi proportionner les pénalités selon la gravité des agissements commis par le contribuable ; que le taux de 40 % n’est pas manifestement disproportionné ; qu’ainsi les dispositions du 1 de l’article 1729 du code général des impôts sont compatibles avec les stipulations de l’article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, alors même qu’elles ne confèrent pas au juge un pouvoir de modulation du taux des pénalités qu’elles prévoient ;
24. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 18, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de proportionnalité reconnu par le droit de l’Union européenne ne peut être accueilli ;
25. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a accordé à M. et Mme D…la décharge des pénalités dont ont été assorties les imposit