Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu l’ordonnance en date du 2 janvier 1989 par laquelle le président de la 7ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d’Etat a transmis à la Cour administrative d’appel de NANTES le dossier de la requête présentée par la SARL S.I.R.V. et enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 29 juillet 1988 sous le n° 1OO523 ;
Vu la requête susmentionnée présentée par la SARL S.I.R.V., dont le siège est à GUERANDE (44) 8, Place du Marché au Bois et qui est représentée par son président directeur général en exercice ; par cette requête, enregistrée au greffe de la Cour sous le n° 89NTOO3O5, la SARL S.I.R.V. demande que la Cour :
1°) annule le jugement en date du 29 mars 1988 par lequel le Tribunal administratif de NANTES a rejeté sa demande en décharge des compléments d’impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie à raison de la réintégration de certaines charges dans ses résultats des exercices clos au cours des années 1978 à 1981,
2°) prononce la décharge des impositions contestées,
3°) et lui accorde le remboursement des frais exposés tant en première instance qu’en appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience,
Après avoir entendu au cours de l’audience du 28 février 199O :
– le rapport de M. LEMAI, conseiller,
– et les conclusions de M. GAYET, commissaire du gouvernement,
Sur les droits d’entrée versés pour l’occupation des locaux du rez-de-chaussée et du premier étage du 8, place du Marché au Bois à GUERANDE :
Considérant que la société S.I.R.V., SARL ultérieurement transformée en société anonyme qui a pour objet l’exploitation d’un bureau d’études et la gestion commerciale et administrative de sociétés immobilières, a pris en location à compter du 1er janvier 1973 les locaux du rez-de-chaussée d’un immeuble situé … en vertu d’un contrat de bail en date des 14 et 28 février 1973 stipulant outre le paiement d’un loyer annuel de 2.4OO F le versement d’une indemnité de 6O.OOO F ; qu’à compter du 1er février 1979 elle a pris en sous location une partie des locaux du premier étage du même immeuble en vertu d’un contrat en date du 1O juin 1979 prévoyant le versement au locataire principal, qui est également son président directeur général et son principal actionnaire, d’un loyer mensuel de 45O F et d’une indemnité de 25.OOO F ; que l’administration a réintégré dans les résultats imposables des exercices clos au cours des années 1978 à 1981 la fraction de ces indemnités de 6O.OOO F et de 25.OOO F que la société S.I.R.V. a passée en charges dans chacun de ces exercices en estimant qu’il s’agissait de suppléments de loyer à répartir sur la période couverte par chacun des contrats de bail ; que la société S.I.R.V. conteste le bien-fondé des compléments d’impôt sur la société ainsi mis à sa charge ;
Considérant qu’aux termes de l’article 39-1 du code général des impôts, applicable à l’impôt sur les sociétés en vertu de l’article 221 du même code, « le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant notamment : 1° … le loyer des immeubles dont l’entreprise est locataire » ;
Considérant que, pour déterminer si une indemnité versée par le preneur au bailleur est une charge de loyer déductible ou le prix d’acquisition d’éléments incorporels de fonds de commerce ou relève pour partie de l’une ou de l’autre de ces catégories, il y a lieu de tenir compte non seulement des clauses du bail et du montant de l’indemnité stipulée, mais aussi du niveau normal du loyer correspondant au local, ainsi que des avantages effectivement offerts par le propriétaire en sus du droit de jouissance qui découle du contrat de bail ;
Considérant que chacun des deux contrats stipulait expressément que les sommes litigieuses représentaient « l’indemnité prévue pour compenser la dépréciation de l’immeuble résultant de la dépréciation commerciale » ;
Considérant que si la société S.I.R.V. soutient que le loyer stipulé pour le rez-de-chaussée était anormalement bas, l’attestation notariale qu’elle produit, relative à la valeur locative en 1973 de ce rez-de-chaussée, ne suffit pas, eu égard au montant des travaux qu’elle a dû réaliser pour adapter ces locaux à ses besoins, à apporter la preuve qui lui incombe du caractère anormal de ce loyer ; qu’elle n’apporte pas non plus cette preuve en se référant au loyer qu’elle aurait acquitté en 1972 pour une occupation précaire des mêmes locaux avant la signature du bail et dont elle ne justifie pas d’ailleurs le montant ; que la circonstance qu’elle aurait comptabilisé comme recette d’exploitation et non comme cession d’un élément d’actif le remboursement de la moitié de l’indemnité de 6O.OOO F que lui aurait consenti en 1973 la société S.A Guérande Construction avec laquelle elle a partagé la jouissance des locaux de 1973 à 1979 est sans incidence sur la qualification de cette indemnité qui a été passée en charge pour la totalité de son montant ; qu’il résulte de la comparaison du loyer stipulé par le contrat du 1O juin 1979 pour l’occupation du premier étage avec le loyer précédemment acquitté par le locataire principal pour l’occupation des mêmes locaux que le loyer stipulé à ce contrat doit être regardé comme normal et qu’en conséquence la valeur locative de ces locaux était inférieure au total des sommes qualifiées de loyer et de celles correspondant à l’amortissement sur la période du bail restant à courir de l’indemnité de 25.OOO F ; que, dans ces conditions, et sans qu’il soit besoin d’ordonner une expertise, les indemnités litigieuses présentent non le caractère d’un supplément de loyer mais celui d’un prix payé par le preneur pour obtenir la signature de contrats de bail lui permettant d’utiliser les locaux dans des conditions appropriées aux besoins de son exploitation ; que les sommes ainsi versées ont donc eu pour contrepartie l’acquisition d’un élément incorporel de l’actif immobilisé de l’entreprise alors même que l’objet social de la société S.I.R.V. est étranger à l’activité de bar crêperie qui était antérieurement exercée dans les locaux du rez-de-chaussée et que cette société n’a acquis que la qualité de sous locataire des locaux du premier étage ; que c’est, par suite, à bon droit qu’elles ont été rapportées aux résultats imposables ;
Sur l’indemnité d’éviction versée à la société S.A Guérande Construction pour la libération des locaux du rez-de-chaussée du 8, Place du Marché au Bois à GUERANDE :
Considérant qu’en exécution d’un protocole d’accord en date du 26 janvier 198O, la société S.I.R.V. a versé à la société S.A Guérande Construction qui depuis le 1er février 1979 occupait seule, moyennant le paiement d’un loyer à la société S.I.R.V., les locaux du rez-de-chaussée de l’immeuble situé 8, Place du Marché au Bois à GUERANDE, une indemnité d’un montant de 1OO.OOO F qualifiée d’indemnité d’éviction en contrepartie de la libération de ces locaux ; que l’administration n’a pas admis que ce versement constituait une charge déductible ;
Considérant que si la société S.I.R.V. est fondée à soutenir que le fait d’avoir repris la disposition des locaux n’a pas eu pour contrepartie l’accroissement de la valeur de son actif immobilisé, il ne résulte pas de l’instruction que le versement de l’indemnité avait pour objet, comme elle le prétend, d’assurer la conservation des revenus qu’elle tirait de la sous location consentie à la société S.A Guérande Construction ; qu’elle ne fait état d’aucun élément lui permettant d’espérer à la date de la signature du protocole d’accord la poursuite de cette sous location après le départ de la S.A Guérande Construction dans des conditions suffisamment avantageuses pour compenser la charge qu’elle acceptait ; qu’en particulier le document qu’elle produit ne suffit pas à établir qu’elle aurait donné les locaux en sous location à une filiale pendant la période du 1er avril 198O au 3O septembre 1981 ; qu’il n’est pas établi non plus que la S.A Guérande Construction était dans une situation juridique lui conférant un droit à obtenir une indemnisation en contrepartie de la libération des locaux, laquelle était, en outre, susceptible d’intervenir du seul fait de la cessation d’activité de cette société, événement qui est à l’origine de la signature du protocole d’accord ; que, par suite, le versement de l’indemnité litigieuse ne peut être regardé comme ayant été exposé dans l’intérêt de l’entreprise et a donc été a bon droit réintégré dans le résultat imposable ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la société S.I.R.V. n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande ;
Sur l’application de l’article R 222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel :
Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article R 222 du code susvisé et de condamner l’Etat à rembourser à la société S.I.R.V. les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;
Article 1 – La requête de la société S.I.R.V. est rejetée.
Article 2 – Le présent arrêt sera notifié à la société S.I.R.V. et au ministre délégué auprès du ministre d’Etat, ministre de l’économie, des finances et du budget, chargé du budget.