Cour administrative d’appel de Nantes, 1e chambre, du 31 décembre 2001, 96NT02260, inédit au recueil Lebon

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Cour administrative d’appel de Nantes, 1e chambre, du 31 décembre 2001, 96NT02260, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 9 décembre 1996, présentée pour la société Omega Hôtels and Yachts, dont le siège est …, par Me EME, de la SCP BARSI, DOUMITH et Associés, avocats au barreau de Paris ;

La société Omega Hôtels and Yachts demande à la Cour :

1 ) de réformer le jugement n 95.187 du 22 octobre 1996 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles la S.A. du Grand Hôtel de Blonville a été assujettie au titre des années 1988 et 1989 ;

2 ) de lui accorder la décharge de ces impositions supplémentaires ;

3 ) de condamner l’Etat à payer les dépens (100 F) et des frais irrépétibles de première instance d’un montant de 30 150 F ;

4 ) de condamner l’Etat à lui payer 100 F au titre des dépens et 30 150 F au titre de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 19 décembre 2001 :

– le rapport de M. JULLIERE, président,

– les observations de Me X…, substituant Me EME, avocat de la société Omega Hôtels and Yachts,

– et les conclusions de Mme MAGNIER, commissaire du gouvernement ;

Sur l’étendue du litige :

Considérant que, par deux décisions en date des 1er juillet et 25 mai 1999, le directeur des services fiscaux du Calvados a accordé à la S.A. Omega Hôtels and Yachts, à concurrence des sommes respectives de 798 158 F et 151 314 F en droits et pénalités, le dégrèvement des compléments d’impôt sur les sociétés mis en recouvrement au titre des années 1988 et 1989 au nom de la société du Grand Hôtel de Blonville, dont Omega Hôtels and Yachts constitue la nouvelle dénomination ; que, par une dernière décision du même directeur en date du 27 septembre 1999, la requérante a obtenu le dégrèvement complémentaire, à concurrence de la somme de 347 658 F, des pénalités dont ont été assortis les droits supplémentaires mis à la charge de la société du Grand Hôtel de Blonville au titre de l’année 1988 ; que, la S.A. Omega Hôtels and Yachts ayant déclaré se désister purement et simplement de ses conclusions en décharge à concurrence du montant des dégrèvements ainsi prononcés, rien ne s’oppose à ce qu’il soit donné acte de ce désistement ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que la société Omega Hôtels and Yachts soutient, s’agissant du redressement assigné à la société du Grand Hôtel de Blonville du chef de la cession des logements résultant de la transformation de son hôtel en immeuble d’habitation, que le Tribunal administratif de Caen aurait procédé d’office, sans que l’administration en ait formulé la demande, à la substitution de base légale entre les articles 35-I-1 et 38 du code général des impôts ; qu’il résulte toutefois de l’instruction, et notamment du mémoire en défense présenté par le directeur des services fiscaux du Calvados devant le tribunal administratif, que le service a toujours, en réalité, fondé le redressement concerné sur les dispositions de l’article 38 du code alors même que le vérificateur a, pour motiver la notification dudit redressement, cité notamment l’article 35-I ; que, dès lors, le moyen susanalysé manque en fait ;

Sur le bien-fondé des impositions demeurant en litige :

En ce qui concerne les redressements procédant de la cession de l’immeuble à usage d’hôtel :

Considérant qu’aux termes de l’article 38 du code général des impôts : « 1. … le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d’après les résultats d’ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d’éléments quelconques de l’actif, soit en cours, soit en fin d’exploitation » ; et qu’aux termes de l’article 39 duodecies du même code : « 1. Par dérogation aux dispositions de l’article 38, les plus-values provenant de la cession d’éléments de l’actif immobilisé sont soumises à des régimes distincts selon qu’elles sont réalisées à court ou à long terme … » ;

Considérant que, exploitant un hôtel-restaurant à Blonville-sur-Mer (Calvados), la société du Grand Hôtel de Blonville a procédé à la cession du bâtiment, inscrit en immobilisation à l’actif de son bilan, qui abritait ce fonds de commerce, après sa transformation en immeuble d’habitation ; qu’elle a déclaré les profits résultant de la vente des quarante-neuf logements correspondants, réalisée au cours de l’année 1988, comme des plus-values nettes à long terme provenant de la cession d’éléments de son actif immobilisé, soumises comme telles au taux réduit d’imposition prévu à l’article 39 quindecies du même code ; que l’administration a cependant assujetti au taux normal de l’impôt sur les sociétés lesdits profits, qu’elle a qualifiés de produits d’exploitation participant au bénéfice en vertu des dispositions susmentionnées de l’article 38-1 du code général des impôts ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que si la société requérante fait état des difficultés financières rencontrées dans l’exploitation de l’hôtel, la décision de procéder à la cession de l’immeuble en appartements n’est pas intervenue dans le cadre d’une opération de liquidation de la société ; que ladite société, qui a assuré la conception des travaux de transformation et a ensuite acquis des participations financières dans des entreprises du secteur de l’hôtellerie ou du tourisme, doit être regardée comme ayant renoncé à son objet primitif d’exploitation d’un hôtel après son intégration dans un groupe ayant notamment une activité de marchand de biens ; qu’en conséquence, les ventes de lots immobiliers auxquelles elle s’est livrée en 1988 ont constitué la cession non d’éléments de son actif immobilisé mais de biens faisant partie de son actif disponible ; que le produit de ces ventes a, dès lors, été à bon droit imposé au taux de droit commun de l’impôt sur les sociétés ;

En ce qui concerne la réintégration, par voie de compensation, du déficit reportable et des amortissements réputés différés :

Considérant qu’au cours de l’année 1988, la société du Grand Hôtel de Blonville est entrée dans le capital de la Société Hôtelière Honfleuraise ; que celle-ci a versé au crédit du compte courant d’associé ouvert dans ses écritures au nom de la société du Grand Hôtel de Blonville une somme de 2 500 000 F à titre d’avance ; que l’administration a regardé ladite somme comme constituant un revenu distribué taxable en vertu de l’article 111 a) du code général des impôts au nom du titulaire du compte l’ayant enregistrée ; qu’au cours de l’instance d’appel, le ministre a abandonné ce redressement, mais a entendu, en application de l’article L.203 du livre des procédures fiscales, faire usage de son droit de compensation pour remettre en cause, au titre de la même année 1988, l’imputation du déficit reportable et des amortissements réputés différés de la société du Grand Hôtel de Blonville au motif qu’ayant abandonné l’activité hôtelière, celle-ci avait changé d’activité réelle au sens de l’article 221-5 du code général des impôts ; que, le montant cumulé de ce déficit et de ces amortissements, soit respectivement 132 396 F et 735 379 F, étant inférieur à celui de l’avance précitée de 2 500 000 F, le complément d’impôt sur les sociétés mis à la charge de la société du Grand Hôtel de Blonville au titre de l’année 1988 a en conséquence fait l’objet d’un dégrèvement de 798 158 F en droits et pénalités, somme à concurrence de laquelle, comme il a été dit ci-dessus, la société Omega Hôtels and Yachts s’est désistée de ses conclusions en décharge ; que celle-ci soutient néanmoins que l’administration n’est pas en droit d’opérer la compensation demandée ;

Considérant qu’aux termes de l’article L.203 du livre des procédures fiscales : « Lorsqu’un contribuable demande la décharge ou la réduction d’une imposition quelconque, l’administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l’expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l’imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l’assiette ou le calcul de l’imposition au cours de l’instruction de la demande » ;

Considérant que les éléments de fait sur lesquels se fonde le ministre pour établir l’existence d’un changement d’activité au sens de l’article 221-5 du code général des impôts sont les mêmes que ceux qui ont été retenus par le vérificateur à l’appui de la notification du redressement concernant l’imposition de la plus-value de cession de l’immeuble ; que l’absence de remise en cause dans cette notification de l’imputation des déficits et des amortissements réputés différés ne peut donc être regardée comme une insuffisance ou une omission constatée au cours de l’instruction de la réclamation ; que, par suite, c’est à bon droit que la société Omega Hôtels and Yachts demande que le bénéfice de l’exercice en cause soit diminué de la somme de 2 500 000 F correspondant au redressement initialement effectué du chef de l’avance en compte courant précitée ; que la requérante est, en conséquence, fondée à prétendre à une réduction, en droits et pénalités, à due concurrence, du complément d’impôt sur les sociétés établi au titre de l’année 1988, le montant de cette réduction devant toutefois être déterminé sous déduction des sommes de 798 158 F et 347 658 F correspondant aux dégrèvements susmentionnés, alloués en cours d’instance par le directeur des services fiscaux et à la suite desquels la requérante s’est désistée dans la même proportion de ses conclusions en décharge du complément d’impôt sur les sociétés mis en recouvrement au titre de l’année 1988 ;

En ce qui concerne le redressement lié à l’opération de fusion-absorption de la Société Hôtelière Honfleuraise par la société du Grand Hôtel de Blonville :

Considérant qu’aux termes de l’article L.204 du livre des procédures fiscales : « La compensation peut aussi être effectuée ou demandée entre les impôts suivants, lorsque la réclamation porte sur l’un d’entre eux : 1 A condition qu’ils soient établis au titre de la même année … entre l’impôt sur les sociétés, le précompte prévu à l’article 223 sexies du code général des impôts … » ;

Considérant qu’en vertu d’une décision de l’assemblée générale de ses actionnaires en date du 22 décembre 1989, la société du Grand Hôtel de Blonville a absorbé par voie de fusion la Société Hôtelière Honfleuraise ; qu’elle a cependant omis, en méconnaissance des dispositions de l’article 210 A du code général des impôts, de reprendre à son propre passif la réserve spéciale des plus-values à long terme constituée par la Société Hôtelière Honfleuraise en application de l’article 209 quater du même code ; que l’administration a, dans un premier temps, regardé les sommes correspondantes comme imposables à l’impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun au titre de l’année 1989, avant de constater que les dispositions de l’article 209 quater -2 a) du code faisaient obstacle à un tel redressement, la Société Hôtelière Honfleuraise devant être considérée comme dissoute du fait de son absorption ; que l’administration a cependant estimé qu’elle était fondée à compenser, en application des dispositions susreproduites du 1 de l’article L.204 du livre des procédures fiscales, le dégrèvement correspondant d’impôt sur les sociétés par le précompte prévu à l’article 223 sexies du même code ;

Considérant que la société Omega Hôtels and Yachts fait valoir que l’administration ne serait pas en droit de procéder à cette compensation dès lors qu’elle ne concernerait ni la même année, ni le même contribuable, le précompte étant nécessairement dû, au 31 décembre 1988, par la Société Hôtelière Honfleuraise et non, en 1989, par la société du Grand Hôtel de Blonville ; qu’il résulte toutefois de l’instruction que la fusion-absorption de la Société Hôtelière Honfleuraise par la société du Grand Hôtel de Blonville a été décidée, par la délibération précitée de l’assemblée générale de cette dernière, avec effet rétroactif au 1er janvier 1989 ; que la distribution de la réserve spéciale des plus-values à long terme n’a, dès lors, été effective, au plus tôt, que le 1er janvier 1989, date à laquelle la Société Hôtelière Honfleuraise a été dissoute ; que, par suite, l’administration est fondée à demander, au titre de cet exercice 1989, le versement de ce précompte, dont le fait générateur est survenu le 1er janvier 1989, à la société du Grand Hôtel de Blonville, seule société existante à cette date ;

Sur les pénalités :

Considérant qu’aux termes de l’article 1728 du code général des impôts : « Lorsqu’une personne physique ou morale … tenue de souscrire une déclaration … comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts s’abstient de souscrire cette déclaration … dans les délais, le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration … déposée tardivement est assorti de l’intérêt de retard visé à l’article 1727 et d’une majoration de 10 % … 3. La majoration visée au 1 est portée à : 40 % lorsque le document n’a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d’une mise en demeure notifiée par pli recommandé d’avoir à le produire dans ce délai » ;

Considérant que si la société Omega Hôtels and Yachts admet que la société du Grand Hôtel de Blonville n’a pas déclaré en temps utile le résultat de son exercice 1988, elle fait valoir, pour contester le taux de la pénalité de 40 % qui a été appliqué en vertu des dispositions précitées du 3 de l’article 1728 du code général des impôts, que la mise en demeure d’avoir à souscrire cette déclaration sous trente jours sous peine de se voir appliquer ledit taux n’aurait pas été régulièrement délivrée dès lors que le service postal n’aurait pas présenté à la société du Grand Hôtel de Blonville l’avis de mise en instance à deux reprises, comme l’exigeait pourtant la réglementation postale alors en vigueur ; qu’il résulte toutefois d’une attestation établie le 23 juin 1994 par le receveur du bureau de poste de Blonville-sur-Mer à la demande du service des impôts que le pli en cause a fait l’objet de deux avis de passage du préposé aux dates respectives du 17 et du 29 juin 1989 ; que le moyen susanalysé ne peut donc qu’être écarté comme manquant en fait ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la S.A. Omega Hôtels and Yachts est seulement fondée à soutenir que c’est à tort que, s’agissant des impositions restant en litige, le Tribunal administratif de Caen a rejeté la totalité du surplus de ses conclusions en décharge ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner l’Etat à verser à la S.A. Omega Hôtels and Yachts, en application de l’article L.761-1 du code de justice administrative, une somme de 12 000 F au titre des frais exposés par elle, tant en première instance qu’en appel, et non compris dans les dépens ;

Article 1er : Il est donné acte du désistement des conclusions de la requête de la S.A. Omega Hôtels and Yachts à concurrence des sommes d’un million cent quarante cinq mille huit cent seize francs (1 145 816 F) au titre de l’année 1988 et de cent cinquante et un mille trois cent quatorze francs (151 314 F) au titre de l’année 1989.

Article 2 : Le bénéfice assigné à la société du Grand Hôtel de Blonville pour l’exercice clos en 1988 est réduit de la somme de deux millions cinq cent mille francs (2 500 000 F).

Article 3 : La société du Grand Hôtel de Blonville est déchargée de la différence, diminuée de la somme d’un million cent quarante cinq mille huit cent seize francs (1 145 816 F) visée à l’article 1er ci-dessus, entre, d’une part, l’impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l’année 1988 et, d’autre part, celui résultant de l’article 2 ci-dessus.

Article 4 : L’Etat versera à la S.A. Omega Hôtels and Yachts une somme de douze mille francs (12 000 F) au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le jugement du Tribunal administratif de Caen en date du 22 octobre 1996 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de la S.A. Omega Hôtels and Yachts est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la S.A. Omega Hôtels and Yachts et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.


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