Cour administrative d’appel de Nancy, du 18 décembre 1990, 90NC00064, inédit au recueil Lebon

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Cour administrative d’appel de Nancy, du 18 décembre 1990, 90NC00064, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le recours enregistré au greffe de la Cour administrative d’appel le 29 janvier 1990 sous le n° 90NC00064, présenté pour l’Etat par le ministre délégué au budget ;

Le ministre demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement du 12 octobre 1989 par lequel le tribunal administratif de Besançon a accordé à la Sté Roger X… S.A. un dégrèvement de 335 383 F des cotisations supplémentaires à l’impôt sur les sociétés et pénalités auxquelles elle a été assujettie au titre de l’exercice clos en 1982 et a réduit de 228 714 F la réduction prononcée par l’administration du déficit reportable au titre de l’exercice clos en 1983 ;

2°) de remettre intégralement l’imposition contestée à la charge de la société Roger X… S.A. ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Les parties ayant été dûment averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience du 27 novembre 1990 :

– le rapport de M. LOOTEN, Conseiller,

– les observations de Me Y…, du cabinet Dominique Saint-Pierre, avocat de la Société Roger X… S.A.,

– et les conclusions de Mme FELMY, Commissaire du Gouvernement ;

Sur le recours du ministre :

Considérant que la société Roger X… S.A., société spécialisée dans la fabrication de pierres synthétiques de haut de gamme, a pour principal actionnaire la société Golay Buchel Holding dont le siège se trouve en Suisse dans le canton de Vaux ; qu’en 1982 et 1983, la société Roger X… S.A. a mis au point des machines de production lapidaire destinées à la fabrication de pierres de bas de gamme et les a vendues à la société Golay Buchel et Cie, autre filiale de la société Golay Buchel Holding ; que l’administration a considéré que cette transaction avait eu pour effet de permettre un transfert de bénéfice à l’étranger au sens de l’article 57 du code général des impôts et a réintégré dans les résultats de la société des années 1982 et 1983 les recettes auxquelles la société a ainsi renoncé ;

En ce qui concerne les conclusions relatives aux redressements établis au titre de l’année 1982 :

Considérant qu’aux termes de l’article 57 du C.G.I. applicable en matière d’impôt sur les sociétés en vertu de l’article 209 du code : « Pour l’établissement de l’impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance … d’entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d’achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités … » ; que ces dispositions, sous réserve que l’administration ait établi l’existence d’un lien de dépendance entre l’entreprise située en France et l’entreprise située hors de France ainsi que des majorations ou minorations de prix, ou des moyens analogues de transfert de bénéfices, instituent une présomption pesant sur l’entreprise passible de l’impôt sur les sociétés laquelle ne peut obtenir, par la voie contentieuse, la décharge ou la réduction de l’imposition établie en conséquence qu’en apportant la preuve des faits dont elle se prévaut pour démontrer qu’il n’y a pas eu transfert de bénéfices ;

Considérant que, si l’appréciation du caractère anormal d’un acte de gestion pose une question de droit, il appartient, en règle générale, à l’administration d’établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal ; que ce principe ne peut, toutefois, recevoir application que dans le respect des prescriptions législatives et réglementaires qui, dans le contentieux fiscal, gouvernent la charge de la preuve ;

Considérant que, dès lors qu’il existe entre le contribuable et l’administration un désaccord sur des questions de fait, qu’il s’agisse de la matérialité des faits eux-mêmes ou de l’appréciation qu’il convient de porter sur les faits, eu égard, notamment, à la situation réelle de l’entreprise ou aux pratiques du commerce ou de l’industrie auxquelles celle-ci appartient, ce désaccord peut, en vertu des dispositions de l’article L.59 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable, être soumis à l’appréciation de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires à l’initiative du contribuable ou à celle de l’administration ; que lorsque celle-ci n’a pas suivi l’avis de la commission, régulièrement exprimé, il lui appartient en tout état de cause, de démontrer devant le juge de l’impôt, les éléments de fait dont elle se prévaut ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que le désaccord sur

les redressements susrappelés a été porté devant la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires ; que celle-ci ayant émis l’avis qu’il n’y avait pas eu transfert de bénéfice, il appartient à l’administration d’apporter la preuve de la réalité d’un tel transfert ;

Considérant que la société Roger X… S.A. soutient sans être contredite que l’évaluation faite par l’administration du prix de vente consenti à Golay Buchel et Cie n’a pas pris en compte la totalité des sommes facturées ; qu’ainsi la marge brute réalisée par cette société s’élève à 59 929 F pour le premier ensemble vendu et à 167 834 F pour le second au lieu des sommes respectives de 4 907 F et de 124 905 F mentionnées sur la notification de redressement ; qu’en outre la société Roger X… S.A. soutient sans être sérieusement contestée que la production des machines dont s’agit n’a pas accru ses frais fixes et lui a permis de maintenir, voire d’accroître son savoir-faire dans le domaine de la fabrication des machines outils destinées à la production lapidaire ainsi qu’en atteste la circonstance qu’elle a doublé son chiffre d’affaires et augmenté le nombre de ses salariés de plus de 40 % au cours de la période 1982 à 1987 alors même que, dans ce secteur très concurrentiel, 75 % des producteurs jurassiens disparaissaient au cours de la période 1975-1985 ; que l’administration, qui ne justifie pas de la pertinence du taux de charges sociales retenu par le vérificateur, se borne à affirmer que le taux de marge brute de la société Roger X… SA. a été insuffisant sur cette opération, qu’elle aurait pu tirer un meilleur parti de son savoir-faire et que le rapprochement financier et commercial avec un partenaire étranger était inopportun pour cette entreprise dont 49,78 % du capital restent détenus par les consorts X… ; que dans ces conditions, l’administration ne peut être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe que la vente des machines dont s’agit par la société Roger X… S.A. aux conditions qu’elle a consenties ne comportait pas des contreparties commerciales de valeur au moins équivalentes ; que, par suite, elle ne pouvait à bon droit procéder à la réintégration des sommes litigieuses par application de l’article 57 précité du C.G.I. ;

En ce qui concerne les conclusions relatives aux redressements établis au titre de l’année 1983 :

Considérant qu’il n’est pas contesté que ces redressements n’ont eu pour effet que de réduire le déficit de la société Roger X… S.A. pour l’année 1983 et qu’aucune imposition correspondant à ces redressements n’a été mise en recouvrement ; que, dès lors, les conclusions de ladite société relatives à ces redressements et présentées devant le tribunal administratif étaient irrecevables ; que, par suite, il y a lieu d’annuler l’article 2 du jugement et de rejeter les conclusions de la société Roger X… S.A. relatives aux résultats de son exercice clos en 1983 ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de BESANçON a accueilli les conclusions de la société Roger X… S.A. relatives à l’année 1983 et qu’il y a lieu de rejeter le surplus des conclusions du ministre ;

Article 1 : L’article 2 du jugement du tribunal administratif de BESANçON en date du 12 octobre 1989 est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Roger X… S.A. devant le tribunal administratif et relatives aux redressements des résultats de son exercice clos en 1983 sont rejetées.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de BESANçON en date du 12 octobre 1989 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions du recours du ministre délégué au budget est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Roger X… S.A. et au ministre délégué au budget.


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