Cour administrative d’appel de Paris, 2e chambre, du 24 décembre 1992, 90PA00765, mentionné aux tables du recueil Lebon

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Cour administrative d’appel de Paris, 2e chambre, du 24 décembre 1992, 90PA00765, mentionné aux tables du recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

VU le recours, enregistré au greffe de la cour le 17 août 1990, présenté par le MINISTRE DELEGUE AUPRES DU MINISTRE D’ETAT, MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET, CHARGE DU BUDGET ; le ministre demande à la cour :

1°) d’une part, de réformer le jugement du 4 avril 1990 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à M. X… la décharge de l’impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1979 à 1981, à raison des revenus réputés distribués ;

2°) d’autre part, de remettre ladite imposition à la charge de M. X…, à concurrence de 128.565 F en base, au titre de l’année 1979, 85.600 F en base, au titre de l’année 1980 et 55.400 F en base, au titre de l’année 1981, ainsi que les pénalités dont elle a été assortie ;

VU les autres pièces du dossier ;

VU le code général des impôts ;

VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu, au cours de l’audience publique du 10 décembre 1992 :

– le rapport de Mme ALBANEL, conseiller,

-les observations de Me MARTIN, avocat à la cour, pour M. X…,

– et les conclusions de Mme MARTIN, commissaire du Gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, qu’à supposer même que le jugement attaqué n’ait pas été notifié à M. X…, conformément aux dispositions de l’article R.211 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel cette circonstance est sans influence sur la recevabilité de l’appel du ministre ; que M. X… n’est en tout état de cause, pas fondé à faire valoir que, de ce fait, « la procédure d’appel du ministre se trouve radicalement viciée » ;

Considérant, en deuxième lieu, que le jugement attaqué qui se fonde sur l’absence de bénéfice imposable de l’Ecole Supérieure d’Animation (ESAC) pour écarter l’application de l’article 109-1-1° du code général des impôts, se borne à se référer à la décision intervenue sur la requête de l’ESAC concernant l’impôt sur les sociétés ; que le ministre est, dès lors, fondé à soutenir que le jugement du tribunal administratif de Paris est insuffisamment motivé et doit être annulé ;

Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X… devant le tribunal administratif de Paris, sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens tirés de l’irrégularité du jugement attaqué ;

Sur l’étendue du litige :

Considérant que, par décision en date du 30 décembre 1987, le directeur des services fiscaux de Paris a prononcé le dégrèvement du complément d’impôt sur le revenu auquel M. X… a été assujetti au titre des années 1979 à 1981, à concurrence des sommes suivantes :

Année 1979 : droits 15.900 F pénalités 3.975 F Année 1980 : droits 21.665 F pénalités 10.833 F Année 1981 : droits 20.857 F pénalités 10.429 F ;

que, par décision du 10 mars 1988, le directeur des services fiscaux de Paris a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, à concurrence d’une somme de 3.576 F, du complément d’impôt sur le revenu auquel M. X… a été assujetti au titre des années 1979 à 1980 ; qu’il n’y a pas lieu à statuer à hauteur des dégrèvements ainsi accordés ;

Sur la prescription :

Considérant que si l’administration soutient que la prescription a été régulièrement interrompue, en ce qui concerne les revenus de l’année 1979, par la présentation de la notification de redressements au domicile du requérant, le 26 décembre 1983, elle ne l’établit pas, en l’absence de fourniture d’un document tel qu’un avis de passage ou toute autre attestation suffisamment précise du service des postes ; qu’il y a lieu, par suite, de prononcer la décharge des cotisations litigieuses au titre de l’année 1979 ;

Sur la régularité de la procédure d’imposi-tion :

Considérant que si M. X… fait valoir que l’administration aurait dû adresser une mise en demeure à l’association ESAC « chaque année à l’occasion du non dépôt des déclarations dans les délais réglementaires impartis » afin « d’informer le contribuable de ses obligations déclaratives », une telle obligation ne résultait, en tout état de cause, d’aucune disposition législative ou réglementaire applicable en l’espèce ;

Sur le bien-fondé de l’imposition :

Considérant qu’aux termes de l’article 109 du code général des impôts : « 1.Sont considérés comme revenus distribués : 1° tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2° toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. » ; et qu’aux termes de l’article 111 dudit code : « Sont notamment considérés comme revenus distribués … c. les rémunérations et avantages occultes  » ;

Considérant, en premier lieu, que l’administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de justifier l’imposition en substituant une base légale à une autre, comme elle le fait en appel, en soutenant que les recettes directement appréhendées par M. X…, initialement imposées sur le fondement de l’article 109-1-1° précité, constituent d’une part, des revenus distribués au sens de l’article 109-1-2° susrappelé et, d’autre part, des avantages occultes au sens de l’article 111-c du code général des impôts ; qu’il résulte de l’instruction que l’administration a procédé aux redressements en matière de bénéfices distribués selon la procédure contradictoire d’imposition ; qu’ainsi M. X…, qui a eu connaissance de façon précise des modalités de détermination des éléments servant au calcul des impositions restant en litige, n’est pas fondé à soutenir « qu’aucune discussion préalable n’est intervenue, en ce qui concerne les nouvelles impositions » et que « le contribuable se trouve en présence d’une imposition d’office » qui méconnaît l’article 181 du code général des impôts ;

Considérant, en second lieu, que pour imposer les revenus réputés distribués sur le fondement de l’article 109-1-2°, l’administration soutient que l’association ESAC doit être regardée comme une personne morale se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif au sens du 1° de l’article 206 du code général des impôts, comme telle passible de l’impôt sur les sociétés au titre des années 1980 et 1981 restant en litige ; qu’il ressort des pièces du dossier que M. X…, a seulement admis avoir directement appréhendé une partie des recettes de l’ESAC et avoir bénéficié du paiement par l’ESAC d’une partie de ses dépenses personnelles, notamment son loyer ; que ces déclarations, en l’absence d’autres éléments tels qu’apport de capital et participation aux résultats permettant d’estimer que M. X… se comportait en maître de l’affaire, ne suffisent pas à établir l’existence d’une confusion entre le patrimoine de l’intéressé et celui de l’association, ainsi que l’appréhension par M. X… des revenus distribués ;

Considérant, toutefois, qu’il est constant que l’association n’a pas inscrit en comptabilité le montant des avantages en nature et des rémunérations accordés à M. X… ; que lesdites dépenses ont, dès lors, été à bon droit regardées comme des rémunérations ou avantages occultes accordés par l’association à son dirigeant ;

Considérant, en troisième lieu, que pour critiquer le montant des bénéfices réputés distribués par l’association, M. X…, fait valoir, alors que l’administration, pour 1980 et 1981, a la charge de la preuve dès lors qu’il n’est pas établi que le contribuable n’a pas répondu, dans le délai, à la notification de redressements, d’une part, que certaines des recettes provenant de l’activité associative sont des rémunérations personnelles qui lui ont été versées en sa qualité de professeur, et que leur prise en compte, constitue une double imposition, d’autre part, qu’il faut tenir compte, en déduction de ces recettes, des dépenses faites pour le compte de l’association ; que toutefois, l’administration a admis les dépenses alléguées d’un montant de 35.289 F pour 1980 et 19.799 F pour 1981 après déduction des dépenses personnelles de M. X… dont le montant n’est pas contesté ; qu’il ne résulte pas davantage des pièces du dossier, pour les années demeurant en litige, que les salaires versés à M. X… ont fait l’objet d’une double imposition ;

Sur les pénalités :

Considérant que pour contester les pénalités de mauvaise foi mises à sa charge au titre des années 1980 et 1981, seules encore en litige, M. X… invoque la prescription de l’action de l’administration ; que toutefois, en vertu des dispositions combinées des articles L.168 A et L.188 du livre des procédures fiscales, le droit de reprise de l’administration, dans le cas de l’espèce, s’exerce jusqu’à la fin de la quatrième année ; qu’ainsi, les pénalités, qui ont été constatées dans les rôles mis en recouvrement le 30 septembre 1984, n’étaient pas prescrites ;

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, l’administration établit l’absence de bonne foi du requérant, compte-tenu de ce que celui-ci s’est sciemment abstenu de soumettre à l’impôt sur le revenu les revenus appréhendés ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à demander l’annulation du jugement attaqué et le rétablissement de M. X… aux rôles de l’impôt sur le revenu à raison des droits et pénalités restant en litige ;

Article 1er : Le jugement en date du 4 avril 1990 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : A concurrence des dégrèvements prononcés les 30 décembre 1987 et 10 mars 1988 en ce qui concerne les compléments d’impôt sur le revenu auquel M. X… a été assujetti au titre des années 1979 à 1981, il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande de M. X… devant le tribunal administratif de Paris ;

Article 3 : Il est accordé décharge des cotisations à l’impôt sur le revenu au titre de 1979.

Article 4 : Les bases de l’impôt sur le revenu assignées à M. X… au titre des années 1980 et 1981 seront calculées en ajoutant les sommes suivantes :

– 85.600 F au titre de l’année 1980, – 52.316 F au titre de l’année 1981.

Article 5 : L’impôt sur le revenu au titre des années 1980 et 1981, calculé conformément aux bases définies à l’article 1er, est remis à la charge de M. X….


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