Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
(Deuxième Chambre)
I – VU la requête n° 94NC00531, enregistrée le 11 avril 1994, présentée pour Mme Agnès Y… domiciliée … (Nord) par Me Pascal X…, avocat au barreau de Paris ;
Mme Y… demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement en date du 13 janvier 1994 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa requête tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1981 et 1982 ;
2°) d’accorder les décharges demandées ;
VU le jugement attaqué ;
VU le mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 1994, présenté par le ministre du budget ; le ministre conclut au rejet de la requête ;
VU le mémoire en réplique, enregistré le 11 juillet 1995, présenté pour Mme Y… ; il conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;
II – VU la requête N° 94NC00532, enregistrée le 11 avril 1994, présentée pour Mme Agnès Y… domiciliée … (Nord), par Me Pascal X…, avocat au barreau de Paris ;
Mme Y… demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement en date du 13 janvier 1994 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa requête tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1983, 1984 et 1985 ;
2°) d’accorder les décharges demandées ;
VU le jugement attaqué ;
VU le mémoire en défense, enregistré le 1er août 1994, présenté par le ministre du budget ; il conclut au rejet de la requête ;
VU le mémoire en réplique, présenté le 11 juillet 1995 pour Mme Y… ; il conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le livre des procédures fiscales ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 9 novembre 1995 :
– le rapport de Mme FELMY, Conseiller ;
– et les conclusions de M. COMMENVILLE, Commissaire du Gouvernement ;
Sur la jonction :
Considérant que les requêtes enregistrées sous les numéros 94NC00531 et 94NC00532 se rapportent à l’imposition de Mme Y… à l’impôt sur le revenu pour des années différentes ; qu’il y a lieu de les joindre pour qu’il y soit statué par une seule décision ;
Sur la régularité des procédures de redressement :
. Sur la procédure de redressement suivie au titre des revenus fonciers des années 1981 et 1982 :
Considérant que si Mme Y… soutient que les procédures de redressement utilisées tant à l’égard de la S.C.I. Courcelles-Monceau que d’elle même ne seraient pas régulières, ce moyen n’est pas assorti des précisions permettant d’en examiner le bien-fondé ;
Considérant que Mme Y… soutient que la notification de redressement du 23 novembre 1984 n’a pu valablement interrompre la prescription ; que, toutefois, eu égard à la date de l’envoi de cette notification de redressements au regard des deux années concernées, ce moyen ne peut être tiré de la méconnaissance du délai de prescription ; que, dès lors que Mme Y… ne précise pas les autres motifs pour lesquels la prescription n’aurait pas été valablement interrompue, le moyen ainsi soulevé ne peut qu’être écarté ;
. Sur le procédure de redressement suivie au titre des bénéfices industriels et commerciaux des exercices 1983, 1984 et 1985 :
Considérant que si Mme Y… fait valoir qu’aucune procédure de redressement régulière n’a été notifiée et que les redressements litigieux concernaient des périodes prescrites, il résulte des écritures en défense de l’administration que Mme Y… a fait l’objet, au titre des exercices 1983 et 1984, de procédures d’évaluation d’office des bénéfices litigieux et qu’elle a été imposée selon les propres termes de sa déclaration au titre de l’année 1985 ; que ces redressements ayant été notifiés le 12 novembre 1984 pour l’exercice 1983 et le 20 novembre 1985 pour l’exercice 1984, le moyen tiré de ce que les redressements concernaient une période prescrite ne peut être que rejeté ;
Sur le bien-fondé des redressements :
Considérant que Mme Y… soutient que l’administration n’était pas en droit de la rechercher en paiement de l’impôt sur des revenus qu’elle n’a pas effectivement perçus ; que, pour soutenir qu’elle n’a pas perçu les revenus en cause, elle fait valoir qu’elle a été victime d’une escroquerie dont la réalité, de même que le préjudice qui en est pour elle résulté, sont établis par les jugements des juridictions qui en ont condamné l’auteur et, notamment, par l’arrêt de la Cour d’Appel de PARIS en date du 10 mars 1995, dont l’autorité de chose jugée s’impose à l’administration ;
. Sur le bien-fondé des redressements afférents aux revenus fonciers des années 1981 et 1982 :
Considérant en premier lieu que si l’autorité de chose jugée dont est revêtu l’arrêt de la Cour d’Appel de PARIS en date du 10 mars 1995 conduit à tenir pour acquis, ce que l’administration n’a d’ailleurs jamais contesté, que Mme Y… a été l’une des victimes d’une escroquerie commise par M. Z…, co-associé de la S.C.I. Courcelles-Monceau, et que de ce fait elle n’a pas perçu de cette dernière la plus grande partie des revenus sociaux qu’elle aurait dû lui reverser, cette autorité de chose jugée est en revanche sans incidence sur les conséquences que la loi fiscale attache à sa qualité d’associée de la société civile immobilière sus nommée ;
Considérant, à cet égard, qu’aux termes de l’article 8 bis du code général des impôts : « Les associés ou actionnaires des sociétés visées à l’article 1655 ter sont personnellement soumis à l’impôt sur le revenu pour la part des revenus sociaux correspondant à leurs droits dans la société » ; que les associés des sociétés immobilières de copropriété doivent être regardés comme ayant acquis, dès la clôture de chaque exercice, la part des bénéfices sociaux à laquelle ils ont droit, même si, à cette date, ils ne l’ont pas encore effectivement appréhendée ; que la circonstance qu’en raison de détournements opérés par M. Z…, Mme Y… n’aurait effectivement disposé, au cours des années 1981 et 1982, que d’une fraction de la part des bénéfices correspondant à ses droits dans la Société Civile Immobilière Courcelles-Monceau est donc sans influence sur le caractère imposable entre ses mains de la part des revenus sociaux réputée acquise par elle ;
Considérant, en second lieu, que Mme Y… soutient que les contrats conclus entre la S.C.I. Courcelles-Monceau et UNIDIS constituaient en réalité, sous l’apparence de contrats de bail, des contrats de vente ; qu’il résulte de l’instruction que si, par jugement du 29 mai 1984, le Tribunal d’Instance de PARIS a prononcé la résiliation du bail liant la S.C.I à UNIDIS et ordonné la restitution par cette dernière des sommes perçues en 1982, soit 2.094.000 F, cette résiliation, intervenue après la clôture de l’exercice dont l’imposition est en litige, n’est pas, pour la détermination des impositions contestées, opposable à l’administration et ne permet pas à la requérante de contester le caractère imposable des produits de ce contrat auquel les parties avaient donné l’apparence d’un contrat de location ;
. Sur le bien-fondé des redressements afférents aux bénéfices industriels et commerciaux des exercices 1983, 1984 et 1985 :
Considérant que Mme Y… a acquis le 24 juin 1981 l’usufruit de deux appartements meublés dont ses enfants possédaient la nue-propriété ; que ces appartements aménagés ont été donnés en location à la S.A.R.L. Résidence Neptune Gestion ;
Considérant, en premier lieu, que si la requérante soutient que c’est le mandataire auquel elle avait confié la gestion de ses affaires qui avait déclaré que ces appartements avaient été donnés en location en meublé, elle n’invoque aucune disposition opposable à l’administration de nature à faire regarder le mandat dont était titulaire M. Charles Z… comme ayant limité les pouvoirs normalement dévolus audit mandataire ; qu’elle même a déclaré, en réponse à une demande de renseignements formulée par l’administration le 6 novembre 1981, exercer cette activité de loueur sous le régime des B.I.C. et de la T.V.A. ; que, d’ailleurs, elle a elle-même signé certaines des déclarations de B.I.C. y afférentes ; que par suite, Mme Y… n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que les revenus tirés de la location en cause ont été imposés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ;
Considérant, en second lieu, qu’aux termes de l’article 38-2 bis du code général des impôts : « Pour l’application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l’avance en paiement du prix sont rattachés à l’exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l’achèvement des prestations pour les fournitures de services. Toutefois, ces produits doivent être pris en compte : pour les prestations continues rémunérées notamment par des intérêts ou des loyers, … au fur et à mesure de l’exécution » ;
Considérant que les appartements aménagés étaient loués à la S.A.R.L. Résidence Neptune Gestion ; que s’il ressort des attendus du jugement rendu le 8 avril 1994 que M. Z…, mandataire de Mme Y…, n’a rendu aucun compte et n’aurait versé aucun revenu ou loyer, cette circonstance est sans influence sur le bien-fondé des impositions contestées, dès lors qu’en vertu des dispositions précitées de l’article 38-2 bis, Mme Y… détenait une créance au caractère certain tant dans son principe que dans son montant et ne pouvait s’abstenir, comme elle l’a fait en 1983 et 1984, d’en déclarer le produit au motif qu’elle n’aurait pas perçu le montant des loyers correspondants ; que la requérante, qui n’a pas effectivement constaté dans les charges des exercices 1983 à 1985 la provision qu’autorise les dispositions de l’article 39-1-5 du code, n’est pas non plus fondée à demander que les produits nets retenus par le service au titre de ces locations soient réduits à zéro en raison du caractère irrécouvrable des créances et de la mise en liquidation judiciaire personnelle de M. Z… ;
Considérant que les bénéfices industriels et commerciaux ont été évalués d’office au titre des années 1983 et 1984 après que Mme Y… ait été mise en demeure d’avoir à souscrire les déclarations y afférentes ; que la requérante ne soulève aucun moyen permettant d’établir l’exagération des bases d’imposition retenues par le service ;
Considérant que le bénéfice industriel et commercial de l’exercice 1985 résulte des propres déclarations de Mme Y… ; qu’elle ne conteste pas le montant ainsi pris en compte ;
Considérant que si Mme Y… fait valoir qu’il appartenait à l’administration d’examiner la situation fiscale de M. Z… au regard des détournements dont il était l’auteur, ce fait est sans influence sur le bien-fondé de sa propre imposition ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme Y… n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort, que par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses requêtes tendant à la décharge des suppléments d’imposition mis à sa charge au titre des années 1981, 1982, 1983, 1984 et 1985 ;
Article 1 : Les requêtes présentées par Mme Y… sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Y… et au ministre délégué au budget.