CAA de VERSAILLES, 1ère chambre, 04/07/2019, 16VE02700, Inédit au recueil Lebon

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CAA de VERSAILLES, 1ère chambre, 04/07/2019, 16VE02700, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société KEPLER CHEUVREUX a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour l’année 2009, des cotisations supplémentaires de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises pour l’année 2010 et de l’amende pour défaut d’auto-liquidation mise à sa charge au titre des années 2009 et 2010.

Par un jugement n° 1412426 du 16 juin 2016, le tribunal administratif a prononcé la décharge des droits supplémentaires de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises de l’année 2010 et rejeté le surplus des conclusions de la demande de la société KEPLER CHEUVREUX.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 août 2016, la société KEPLER CHEUVREUX, représentée par Me A… et Me C…, avocats, demandent à la cour :

1° de réformer ce jugement en tant qu’il laisse à sa charge les rappels de taxe sur la valeur ajoutée des années 2009 et 2010 ;

2° de prononcer la décharge de ces rappels ;

3° de mettre à la charge de l’Etat la somme de 10 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S’agissant du coefficient de taxation forfaitaire :

– les intérêts correspondant au placement de 94 millions d’euros ne doivent pas être pris en compte dans le calcul du coefficient dès lors qu’ils présentent un caractère accessoire et, à titre subsidiaire, que l’activité de placement à l’origine de leur perception constitue un secteur distinct d’activité au regard de la taxe sur la valeur ajoutée ;

– les intérêts ne constituent pas le prolongement direct et nécessaire de son activité de courtage, par nature génératrice de commissions et non d’intérêts, et l’excédent à l’origine de ces intérêts résulte d’une situation tout à fait particulière ; leur perception ne fait pas partie de son modèle économique et elle a géré la somme en  » bon père de famille  » ;

– le caractère accessoire est établi dès lors que la gestion des produits financiers a nécessité une utilisation de moins de 10% des biens et services grevés de taxe sur la valeur ajoutée ;

– l’instruction 3 A-1-06, qui constitue une prise de position formelle de l’administration fiscale, reconnait le caractère de  » produits financiers accessoires  » aux intérêts perçus par les entreprises d’investissement et notamment les courtiers dans le cadre de leur activité ; elle peut également se prévaloir de la lettre adressée le 16 avril 2003 à l’association française des entreprises d’investissements et de la réponse ministérielle adressée à M. B… le 15 mars 1999 ;

– s’agissant du taux de déduction appliqué, elle a commis une erreur de plume dans ses déclarations TVA CA3 de 2009 à mai 2010 en appliquant un mauvais coefficient de déduction de 98% alors que le coefficient aurait dû être de 100 % ;

– s’agissant des dépenses refacturées à ses filiales, elle est en droit de déduire l’intégralité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses refacturées à ses succursales, dès lors que les opérations réalisées entre un siège et ses succursales européennes doivent être ignorées pour déterminer le quantum de taxe sur la valeur ajoutée récupérable sur ses opérations en amont ; le tribunal aurait dû appliquer le prorata de déduction de son siège français ; le CE vient de poser une question préjudicielle dans une instance n° 389105.

– s’agissant de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la cour doit confirmer que l’abandon de créance de 20 millions d’euros ne doit pas être pris en compte dans son assiette ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme Munoz-Pauziès, président-assesseur,

– les conclusions de M. Chayvialle, rapporteur public,

– et les observations de Me D…, pour la SOCIETE KEPLER CHEUVREUX.

Considérant ce qui suit :

1. La SOCIETE KEPLER CHEUVREUX, qui exerce une activité d’intermédiation et de conseil en services financiers, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité au titre des années 2009 et 2010, à l’issue de laquelle le service a remis en cause le coefficient de taxation forfaitaire retenu par la société pour calculer la taxe sur la valeur ajoutée en 2009, refusé la déduction de la taxe grevant des dépenses afférentes aux refacturations de succursales étrangères et notifié un rappel de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre de l’année 2010. Par un jugement n° 1412426 du 16 juin 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises litigieuse et rejeté le surplus des conclusions de la demande de la SOCIETE KEPLER CHEUVREUX. La société relève appel de ce jugement en tant qu’il a rejeté ses conclusions en décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et, par la voie de l’appel incident, le ministre de l’action et des comptes publics demandant à la cour de remettre à la charge de la SOCIETE KEPLER CHEUVREUX la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises de l’année 2010.

Sur l’appel incident :

2. Les conclusions d’appel incident présentées par le ministre de l’action et des comptes publics, enregistrées après l’expiration du délai d’appel, dirigées contre le jugement du Tribunal administratif de Montreuil en tant qu’il a prononcé la décharge de la cotisation sur la valeur ajoutée au titre de l’année 2010, soulèvent un litige distinct de l’appel principal de la SOCIETE KEPLER CHEUVREUX qui portent sur des droits de taxe sur la valeur ajoutée. Elles sont dès lors irrecevables.

Sur l’appel principal :

En ce qui concerne le coefficient de taxation forfaitaire :

3. En application des dispositions du 3 du III de l’article 206 de l’annexe II au code général des impôts, lorsqu’un bien ou un service est utilisé concurremment pour la réalisation d’opérations imposables ouvrant droit à déduction et d’opérations imposables n’ouvrant pas droit à déduction, la taxe qui a grevé ce bien ou ce service est déductible à proportion d’un coefficient de taxation forfaitaire, dont le 1° du texte précise qu’il est  » égal au rapport entre : / a. Au numérateur, le montant total annuel du chiffre d’affaires afférent aux opérations ouvrant droit à déduction, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ; / b. Et, au dénominateur, le montant total annuel du chiffre d’affaires afférent aux opérations imposables, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations. / Les sommes mentionnées aux deux termes de ce rapport s’entendent tous frais et taxes compris, à l’exclusion de la taxe sur la valeur ajoutée.  » Le 3 ° du même texte précise que, pour l’application de ces dispositions, il est fait abstraction du chiffres d’affaire afférent  » au produit des opérations immobilières et financières accessoires exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée. Sont considérées comme accessoires les opérations qui présentent un lien avec l’activité principale de l’entreprise et dont la réalisation nécessite une utilisation limitée au maximum à 10 % des biens et des services grevés de taxe sur la valeur ajoutée qu’elle a acquis (…) « . Enfin, selon le 2° du même texte :  » Lorsqu’un assujetti a constitué des secteurs distincts d’activité en application de l’article 209, le chiffre d’affaires à retenir pour le calcul du rapport mentionné au 1° est celui du ou des secteurs pour lesquels le bien ou le service est utilisé « .

4. Il résulte de l’instruction que la SOCIETE KEPLER CHEUVREUX, pour le calcul du coefficient de taxation prévu par ces dispositions, a exclu du dénominateur les intérêts qui lui ont été versés par la banque BNP Paribas, au motif qu’il s’agissait du produit d’opérations financières accessoires exonérées de taxe sur la valeur ajoutée.

5. En premier lieu, il résulte des décisions rendues par la Cour de justice des Communautés européennes dans les affaires C-306/94 « Régie Dauphinoise » le 11 juillet 1996, C-77/01 « EDM » le 29 avril 2004, C-98/07 « Nordania Finans et BG Factoring » le 6 mars 2008 et C-174/08 « NCC Construction Danmark A/S » le 29 octobre 2009 qu’une activité économique ne saurait être qualifiée d’accessoire si elle constitue le prolongement direct, permanent et nécessaire de l’activité taxable de l’entreprise ou si elle implique une utilisation significative de biens et de services pour lesquels la taxe sur la valeur ajoutée est due.

6. Il résulte de l’instruction que les intérêts en cause ont été produits par des sommes que la SOCIETE KEPLER CHEUVREUX, entreprise d’investissement au sens de l’article L. 531-4 du code monétaire et financier, a empruntées à sa société mère et a versées pour couvrir les appels de marge de son compensateur, BNP Paribas Securities Services, afin de couvrir le risque de contrepartie sur les opérations de courtage. La société requérante fait valoir que les sommes ainsi inscrites dans les comptes de son compensateur se sont élevées à un montant très conséquent, à concurrence de 94 millions d’euros, et résultent d’une situation tout à fait exceptionnelle, liée à la crise bancaire de 2008, laquelle a entrainé des appels de marge additionnels puis une forte contraction du volume des transactions, les sommes n’étant alors que très peu affectées à la couverture d’appels de marge et produisant des intérêts très conséquents. Toutefois, et nonobstant les circonstances particulières ainsi invoquées, les opérations financières en cause, indissociablement liées à l’activité de la SOCIETE KEPLER CHEUVREUX et normalement pratiquées par les organismes qui exercent celle-ci conformément à la réglementation en vigueur, en constituent le prolongement direct, permanent et nécessaire. Ces opérations ne peuvent dès lors être regardées comme accessoires.

7. En deuxième lieu, ainsi qu’il vient d’être dit, les opérations financières en cause ne constituent pas un secteur distinct des activités de courtage de la SOCIETE KEPLER CHEUVREUX, auxquelles elles sont indissociablement liées. Le moyen tiré, à titre subsidiaire, de l’existence de secteurs distincts d’activité, au sens des dispositions rappelées au point 3, ne peut dès lors qu’être écarté.

8. En troisième lieu, la SOCIETE KEPLER CHEUVREUX ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l’instruction référencée 3 A-1-06 du 10 janvier 2006, et plus particulièrement de la note de bas de page n° 8, qui ne contient pas d’interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt.

9. Elle n’est pas davantage fondée à se prévaloir de la lettre du 16 avril 2003, adressée par la direction de la législation fiscale à l’association française des entreprises d’investissement, qui affirme que  » lorsque la perception de produits financiers présente un caractère accessoire par rapport à l’activité principale de l’entreprise mais qu’elle implique une utilisation supérieure à un dixième des biens et services grevés de TVA acquis par l’entreprise, le redevable peut constituer un secteur distinct  » dès lors que, la perception de produits financiers ne présentant pas un caractère accessoire par rapport à son activité principale, elle n’entre pas dans les prévisions de cette doctrine.

10. Enfin, la société se prévaut de la réponse ministérielle adressée à M. B…, député, le 15 mars 1999, autorisant les sociétés de bourses devenues entreprises d’investissement à constituer en secteur distinct leur activité exonérée de placement de trésorerie pour l’exercice de leurs droits à déduction de taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois la société, qui n’a pas constitué de secteurs distincts lors du dépôt de sa déclaration, ne peut être regardée comme ayant, à cette date, appliqué un texte fiscal selon l’interprétation que l’administration avait fait connaitre, au sens du 2ème alinéa de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne la demande de dégrèvement en raison d’une erreur de taux de déduction :

11. En tout état de cause, si la SOCIETE KEPLER CHEUVREUX fait valoir qu’elle a par erreur appliqué un coefficient de taxation forfaitaire de 98 % sur ses déclarations CA3 de janvier 2009 à mai 2010, sans d’ailleurs préciser les conclusions qu’il conviendrait de tirer d’une telle erreur matérielle, elle n’établit pas l’erreur dont elle entend ainsi se prévaloir.

En ce qui concerne la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses refacturées aux succursales :

12. La SOCIETE KEPLER CHEUVREUX, qui dispose d’un réseau de six succursales réparties sur le territoire européen, a, en 2009, en application d’une convention de service signée le 2 janvier 2009, refacturé à ses succursales un ensemble de services : d’une part, des  » Kepler Holding Group Costs  » facturés par l’actionnaire principal Kepler Holding, en rémunération de l’assistance technique, humaine et matérielle offerte à l’entité Kepler Capital Markets (siège et succursales étrangères) ainsi que pour des services techniques et informatiques supportés par Kepler Holding pour le compte du groupe ; d’autre part, la refacturation des services EBS (European Brockerage Services) comprenant certaines dépenses informatiques, de maintenance, de documentation technique destinées aux succursales mais prises en charge dans un premier temps par la société.

13. La société a déduit l’intégralité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces frais, soit 1 240 010 euros, en utilisant une clé de répartition fondée sur le chiffre d’affaires des succursales. L’administration, pour sa part, a estimé que les refacturations étant situées hors du champ d’application de la taxe sur la valeur ajoutée, la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses ne pouvant en principe être déduite. A titre de conciliation, elle a cependant admis de limiter le rappel de taxe sur la valeur ajoutée à hauteur du droit à déduction des succursales, soit par application du prorata de déduction des succursales. La société requérante conteste le rappel de taxe sur la valeur ajoutée en résultant.

14. Aux termes de l’article 17 de la sixième directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 :  » 2. Dans la mesure ou` les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti est autorisé´ a` déduire de la taxe dont il est redevable : / a) la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti ; / (…) 3. Les Etats membres accordent également a` tout assujetti la déduction ou le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée visée au paragraphe 2 dans la mesure ou` les biens et les services sont utilisés pour les besoins : / a) de ses opérations relevant des activités économiques visées a` l’article 4, paragraphe 2, effectuées a` l’étranger, qui ouvriraient droit a` déduction si ces opérations étaient effectuées a` l’intérieur du pays ; / (…) 5. En ce qui concerne les biens et les services qui sont utilisés par un assujetti pour effectuer a` la fois des opérations ouvrant droit a` déduction visées aux paragraphes 2 et 3 et des opérations n’ouvrant pas droit a` déduction, la déduction n’est admise que pour la partie de la taxe sur la valeur ajoutée qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations. / Ce prorata est déterminé pour l’ensemble des opérations effectuées par l’assujetti conformément a` l’article 19. / Toutefois, les Etats membres peuvent : / a) autoriser l’assujetti a` déterminer un prorata pour chaque secteur de son activité, si des comptabilités distinctes sont tenues pour chacun de ces secteurs ; / b) obliger l’assujetti a` déterminer un prorata pour chaque secteur de son activité et a` tenir des comptabilités distinctes pour chacun de ces secteurs ; / c) autoriser ou obliger l’assujetti a` opérer la déduction suivant l’affectation de tout ou partie des biens et services ; / d) autoriser ou obliger l’assujetti a` opérer la déduction, conformément a` la règle prévue au premier alinéa, pour tous les biens et services utilisés pour toutes les opérations y visées ; / e) prévoir, lorsque la taxe sur la valeur ajoutée qui ne peut être déduite par l’assujetti est insignifiante, qu’il n’en sera pas tenu compte « . Aux termes de l’article 19 de cette même directive :  » 1. Le prorata de déduction, prévu par l’article 17, paragraphe 5, premier alinéa, résulte d’une fraction comportant : / – au numérateur, le montant total, déterminé par année, du chiffre d’affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations ouvrant droit a` déduction conformément a` l’article 17, paragraphes 2 et 3, / – au dénominateur, le montant total, déterminé par année, du chiffre d’affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations figurant au numérateur ainsi qu’aux opérations qui n’ouvrent pas droit a` déduction. Les Etats membres ont la faculté d’inclure également dans le dénominateur le montant des subventions autres que celles visées a` l’article 11 sous A, paragraphe 1 sous a). / Le prorata est déterminé sur une base annuelle, fixe´ en pourcentage et arrondi a` un chiffre qui ne dépassé pas l’unité supérieure « .

15. Aux termes l’article 168 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 :  » Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti a le droit, dans l’Etat membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable les montants suivants : / a) la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée dans cet Etat membre pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti (…) « . Aux termes de l’article 169 de la même directive :  » Outre la déduction visée à l’article 168, l’assujetti a le droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée y visée dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins des opérations suivantes : / a) ses opérations relevant des activités visées à l’article 9, paragraphe 1, deuxième alinéa, effectuées en dehors de l’Etat membre dans lequel cette taxe est due ou acquittée, qui ouvriraient droit à déduction si ces opérations étaient effectuées dans cet Etat membre (…) « . Aux termes de l’article 173 de cette même directive :  » 1. En ce qui concerne les biens et les services utilisés par un assujetti pour effectuer à la fois des opérations ouvrant droit à déduction visées aux articles 168, 169 et 170 et des opérations n’ouvrant pas droit à déduction, la déduction n’est admise que pour la partie de la taxe sur la valeur ajoutée qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations. / Le prorata de déduction est déterminé, conformément aux articles 174 et 175, pour l’ensemble des opérations effectuées par l’assujetti. / 2. Les Etats membres peuvent prendre les mesures suivantes : / a) autoriser l’assujetti à déterminer un prorata pour chaque secteur de son activité, si des comptabilités distinctes sont tenues pour chacun de ces secteurs ; / b) obliger l’assujetti à déterminer un prorata pour chaque secteur de son activité et à tenir des comptabilités distinctes pour chacun de ces secteurs ; / c) autoriser ou obliger l’assujetti à opérer la déduction suivant l’affectation de tout ou partie des biens et services ; / d) autoriser ou obliger l’assujetti à opérer la déduction, conformément à la règle prévue au paragraphe 1, premier alinéa, pour tous les biens et services utilisés pour toutes les opérations y visées ; / e) prévoir, lorsque la taxe sur la valeur ajoutée qui ne peut être déduite par l’assujetti est insignifiante, qu’il n’en sera pas tenu compte « . Aux termes de l’article 174 de la même directive :  » 1. Le prorata de déduction résulte d’une fraction comportant les montants suivants : / a) au numérateur, le montant total, déterminé par année, du chiffre d’affaires, hors taxe sur la valeur ajoutée, afférent aux opérations ouvrant droit à déduction conformément aux articles 168 et 169 ; / b) au dénominateur, le montant total, déterminé par année, du chiffre d’affaires, hors taxe sur la valeur ajoutée, afférent aux opérations figurant au numérateur ainsi qu’aux opérations qui n’ouvrent pas droit à déduction (…) « . Aux termes de l’article 175 de la directive :  » 1. Le prorata de déduction est déterminé sur une base annuelle, fixé en pourcentage et arrondi à un chiffre qui ne dépasse pas l’unité supérieure (…) « .

16. Aux termes de l’article 271 du code général des impôts :  » I. 1 La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d’une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (…) « . Aux termes de l’article 212 de l’annexe II à ce code, applicable jusqu’au 31 décembre 2007 :  » 1. Les redevables qui, dans le cadre de leurs activités situées dans le champ d’application de la taxe sur la valeur ajoutée, ne réalisent pas exclusivement des opérations ouvrant droit à déduction sont autorisés à déduire une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les biens constituant des immobilisations utilisées pour effectuer ces activités. / Cette fraction est égale au montant de la taxe déductible obtenu, après application, le cas échéant, des dispositions de l’article 207 bis, multiplié par le rapport existant entre :/ a) Au numérateur, le montant total annuel du chiffre d’affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations ouvrant droit à déduction y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ; / b) Au dénominateur, le montant total annuel du chiffre d’affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations figurant au numérateur ainsi qu’aux opérations qui n’ouvrent pas droit à déduction, et de l’ensemble des subventions, y compris celles qui ne sont pas directement liées au prix de ces opérations (…) « . Aux termes de l’article 205 de la même annexe, applicable à compter du 1er janvier 2008 :  » La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu’un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction « . Aux termes de l’article 206 de la même annexe :  » I.-Le coefficient de déduction mentionné à l’article 205 est égal au produit des coefficients d’assujettissement, de taxation et d’admission. / II.-Le coefficient d’assujettissement d’un bien ou d’un service est égal à sa proportion d’utilisation pour la réalisation d’opérations imposables. Les opérations imposables s’entendent des opérations situées dans le champ d’application de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu des articles 256 et suivants du code général des impôts, qu’elles soient imposées ou légalement exonérées. / III.-1. Le coefficient de taxation d’un bien ou d’un service est égal à l’unité lorsque les opérations imposables auxquelles il est utilisé ouvrent droit à déduction. / 2. Le coefficient de taxation d’un bien ou d’un service est nul lorsque les opérations auxquelles il est utilisé n’ouvrent pas droit à déduction. / 3. Lorsque le bien ou le service est utilisé concurremment pour la réalisation d’opérations imposables ouvrant droit à déduction et d’opérations imposables n’ouvrant pas droit à déduction, le coefficient de taxation est calculé selon les modalités suivantes : / 1° Ce coefficient est égal au rapport entre : / a. Au numérateur, le montant total annuel du chiffre d’affaires afférent aux opérations ouvrant droit à déduction, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ; / b. Et, au dénominateur, le montant total annuel du chiffre d’affaires afférent aux opérations imposables, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations (…) « .

17. Dans son arrêt C-165/17 du 24 janvier 2019, la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit, pour l’application des dispositions citées aux points 14 et 15, qu’une succursale immatriculée dans un Etat membre, lorsqu’elle n’exerce pas une activité économique indépendante,  » est en droit de déduire, dans cet Etat, la taxe sur la valeur ajoutée grevant les biens et les services acquis qui présentent un lien direct et immédiat avec la réalisation des opérations taxées, y compris celles de son siège établi dans un autre Etat membre, avec lequel cette succursale forme un seul assujetti, à condition que ces dernières opérations ouvrent également droit à déduction si elles ont été effectuées dans l’Etat d’immatriculation de ladite succursale « .

18. Dans ce même arrêt, la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que les dispositions citées aux points 14 et 15  » doivent être interprétées en ce sens que, en ce qui concerne les dépenses supportées par une succursale immatriculée dans un État membre, qui sont affectées, exclusivement, à la fois à des opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée et à des opérations exonérées de cette taxe, réalisées par le siège de cette succursale établi dans un autre État membre, il y a lieu d’appliquer un prorata de déduction résultant d’une fraction dont le dénominateur est formé par le chiffre d’affaires, hors taxe sur la valeur ajoutée, constitué par ces seules opérations et dont le numérateur est formé par les opérations taxées qui ouvriraient également droit à déduction si elles étaient effectuées dans l’État membre d’immatriculation de ladite succursale, y compris lorsque ce droit à déduction résulte de l’exercice d’une option, exercée par cette dernière, consistant à soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée les opérations réalisées dans cet État « .

19. Enfin, dans ce même arrêt, la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que les dispositions citées aux points 14 et 15  » doivent être interprétées en ce sens que, afin de déterminer le prorata de déduction applicable aux frais généraux d’une succursale immatriculée dans un État membre, qui concourent à la réalisation à la fois des opérations de cette succursale effectuées dans cet État et des opérations réalisées par le siège de celle-ci établi dans un autre État membre, il convient de tenir compte, au dénominateur de la fraction qui constitue ce prorata de déduction, des opérations réalisées tant par ladite succursale que par ce siège, étant précisé que doivent figurer au numérateur de ladite fraction, outre les opérations taxées effectuées par la même succursale, les seules opérations taxées réalisées par ledit siège, qui ouvriraient également droit à déduction si elles étaient effectuées dans l’État d’immatriculation de la succursale concernée « .

20. Les règles ainsi dégagées par la Cour de justice, qui découlent de la nécessaire prise en compte de l’unité de la personnalité juridique des sociétés intervenant sur le territoire européen, et qui permettent d’invoquer, à l’appui d’une demande de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée par une succursale dans son Etat d’implantation, l’utilisation d’un bien correspondant pour la réalisation d’une opération dans un autre Etat par le siège social de cette succursale, sont également applicables à l’hypothèse où, comme en l’espèce, les dépenses sont supportées par le siège social dans son Etat d’implantation pour le compte d’une ou plusieurs de ses succursales situées dans un autre Etat membre de l’Union européenne.

21. Il y a par suite lieu de déterminer les droits à déduction de la société requérante par application des principes suivants : pour les dépenses en lien direct avec les opérations réalisées par les succursales, le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée en amont au regard de l’opération d’aval réalisée par cette succursale, sera nul si l’opération d’aval est exonérée ; il sera égal à 100 % si l’opération d’aval est taxée, sous réserve que l’opération soit également taxée en France si elle y était effectuée ; en cas de dépense mixte, il y aura lieu d’appliquer un prorata entre les opérations de la succursale ouvrant droit à déduction et qui seraient également taxées si elles étaient réalisées en France et la totalité des opérations de la succursale auxquelles les dépenses sont affectées. Si les dépenses font partie des frais généraux, le coefficient de déduction correspondra à la part dans les opérations totales de la société (siège et succursales) de la somme des opérations du siège situé en France ouvrant droit à déduction et des opérations des succursales étrangères qui ouvrant droit à déduction tant en France que dans un autre Etat membre de l’Union.

22. Il résulte de ce qui précède d’une part que la société requérante n’est pas fondée à demander le remboursement intégral de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ses frais, et d’autre part que les montants mis en recouvrement par l’administration n’ont pas été établis selon les règles dégagés par la Cour de justice de l’Union européenne. Toutefois, l’état du dossier ne permet pas à la Cour d’apprécier si les montants de taxe sur la valeur ajoutée retenus par l’administration ont été ou non excessifs. Il y a lieu, par suite, d’ordonner un supplément d’instruction tendant à la production par la société requérante de tous documents permettant de déterminer la nature des dépenses litigieuses en cause, en isolant notamment les frais généraux mentionnées au point 19 des dépenses affectées mentionnées au point 18, et les proratas de déductions applicables.

DECIDE :

Article 1er : Les conclusions d’appel incident du ministre de l’action et des comptes publics sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions de la SOCETE KEPLER CHEUVREUX relatives aux droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge du fait de la réintégration des intérêts versés par la banque BNP Paribas au dénominateur du coefficient de taxation forfaitaire sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la SOCIETE KEPLER CHEUVREUX relatives à l’erreur commise dans l’application d’un taux de taxation de 98 % sont rejetées.

Article 4 : Avant de statuer sur les conclusions de la SOCIETE KEPLER CHEUVREUX relatives à la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses refacturées à ses succursales, il sera procédé à un supplément d’instruction tendant à la production par la société requérante des documents mentionnés dans les motifs du présent arrêt.

Article 5 : Ces documents devront parvenir au greffe de la Cour dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 6 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n’est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu’en fin d’instance.

N° 16VE02700 2


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