Cour Administrative d’Appel de Nantes, 1ère Chambre, 14/05/2007, 06NT00717, Inédit au recueil Lebon

·

·

Cour Administrative d’Appel de Nantes, 1ère Chambre, 14/05/2007, 06NT00717, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu, I, sous le numéro 06NT00717, la requête, enregistrée le 6 avril 2006, présentée pour M. et Mme Marcel X, demeurant …, par Me Delpeyroux, avocat au barreau de Paris ; M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 03-2290 en date du 31 janvier 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu, de contribution sociale généralisée, de contribution pour le remboursement de la dette sociale et de prélèvement social auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1996, 1997 et 1998 ;

2°) de leur accorder la décharge demandée ;

3°) de condamner l’Etat à leur verser la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

………………………………………………………………………………………………………

Vu, II, sous le numéro 06NT00718, la requête, enregistrée le 6 avril 2006, présentée pour M. et Mme Marcel X, demeurant …, par Me Delpeyroux, avocat au barreau de Paris ; M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 02-4093 en date du 31 janvier 2006 du Tribunal administratif de Nantes en tant qu’il a rejeté le surplus des conclusions de leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l’année 2000 ;

2°) de leur accorder la décharge demandée ;

3°) de condamner l’Etat à leur verser la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

………………………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 16 avril 2007 :

– le rapport de M. Martin, rapporteur ;

– les observations de Me Henry-Stasse, substituant Me Delpeyroux, avocat de M. et Mme X ;

– et les conclusions de M. Hervouet, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées sont présentées par le même contribuable et ont fait l’objet d’une instruction commune ; qu’il y a lieu de les joindre afin de statuer par un seul arrêt ;

Sur le désistement partiel de M. et Mme X :

Considérant que, dans un mémoire enregistré le 12 avril 2007, M. et Mme X déclarent se désister des conclusions de leur requête n° 06NT00717 en tant qu’elles concernent l’imposition dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers de revenus distribués ; que rien ne s’oppose à ce qu’il soit donné acte de ce désistement partiel ;

Sur le surplus des conclusions des requêtes :

En ce qui concerne les revenus fonciers :

Considérant, en premier lieu, que M. X détenait un tiers des parts de la SCI Y, laquelle était propriétaire de bâtiments sis à Crucheray (Loir-et-Cher) qu’elle donnait en location par bail commercial ; que les résultats de la SCI étaient imposés au nom du requérant, dans la catégorie des revenus fonciers, à proportion de sa participation au capital de cette société ; que l’administration a rehaussé les résultats de la SCI au titre de l’année 1996 au motif que la société s’était réservée durant cette année la jouissance de ses bâtiments ; que ce rehaussement a eu pour effet de substituer au déficit foncier initialement déclaré par le requérant au titre de l’année 1996, d’un montant de 21 412 F, un bénéfice de 53 985 F ;

Considérant qu’aux termes de l’article 30 du code général des impôts : “Sous réserve des dispositions de l’article 15-II, le revenu brut des immeubles ou parties d’immeubles dont le propriétaire se réserve la jouissance est constitué par le montant du loyer qu’ils pourraient produire s’ils étaient donnés en location. Il est évalué par comparaison avec les immeubles ou parties d’immeubles similaires faisant l’objet d’une location normale, ou, à défaut, par voie d’appréciation directe (…)”;

Considérant qu’il est constant que les bâtiments en cause sont demeurés vacants pendant toute l’année 1996 ; que si M. X produit deux attestations datées de mai 2001 selon lesquelles ces immeubles ont été vainement proposés à la location par la SCI à deux entreprises de la région, ces seules pièces ne démontrent pas que la SCI aurait effectivement accompli en 1996 des diligences suffisantes pour parvenir à louer les bâtiments qu’elle possédait ; que, par suite, l’administration doit être regardée comme apportant la preuve de ce que la SCI Y s’était réservée la jouissance des bâtiments au sens de l’article 30 du code général des impôts ; que si M. X invoque la documentation administrative 5 D-23 selon laquelle les dispositions de l’article 30 “ne concernent en pratique que les locaux commerciaux nus dont le propriétaire se réserve la jouissance, notamment en les mettant gratuitement à la disposition de tiers sans y être tenu par un contrat de location”, il n’est toutefois pas fondé à s’en prévaloir sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales dès lors que, contrairement à ce qu’il soutient, cette doctrine ne prévoit pas de limiter l’application de l’article 30 à l’hypothèse dans laquelle des locaux commerciaux sont mis gratuitement par leur propriétaire à la disposition de tiers ;

Considérant que pour évaluer le loyer que pourrait produire un immeuble dont le propriétaire se réserve la jouissance, il y a lieu de se référer à la situation d’un propriétaire exploitant normalement cet immeuble par voie de location à un tiers ; que le loyer fictif doit être évalué, à défaut d’autres éléments d’appréciation conduisant à le fixer à un niveau différent, au montant des frais et charges courants de la propriété ; que pour évaluer le loyer fictif produit en 1996 par les bâtiments dont la SCI Y s’était réservée la jouissance, l’administration a pris comme référence les loyers perçus par cette société à raison de la location desdits bâtiments au cours des deux premiers trimestres de l’année 1995 ; que, toutefois, elle n’établit pas, en s’appuyant sur ce seul terme de comparaison, que les loyers pratiqués en 1995 correspondaient effectivement à la valeur locative de l’immeuble, alors que M. X soutient qu’ils avaient été fixés à un niveau excessif, ce qui explique, selon lui, que la SCI n’a pu trouver un nouveau preneur ; que, par suite, il y a lieu de limiter le montant du loyer fictif au montant des intérêts d’emprunt déduits par la SCI en 1996 et, par voie de conséquence, de substituer au bénéfice foncier imposé entre les mains des requérants, un résultat nul ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. X a déduit de ses revenus fonciers de l’année 1997 une somme de 10 531 F constitutive, selon lui, de la quote-part lui revenant du déficit foncier déclaré par la SCI Y au 31 décembre 1997 ; que l’administration a remis en cause cette déduction au motif que le contribuable avait cédé, le 30 juin 1997, les parts qu’il détenait dans le capital de la SCI ;

Considérant qu’aux termes de l’article 8 du code général des impôts, les associés des SCI de gestion sont, lorsque celles-ci n’ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, “personnellement soumis à l’impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société” ; qu’aux termes de l’article 46 C de l’annexe III au code général des impôts, pris sur le fondement de l’article 172 bis dudit code, les sociétés immobilières non soumises à l’impôt sur les sociétés qui donnent leurs immeubles en location “sont tenues de remettre au service des impôts (…), avant le 1er mars de chaque année, une déclaration indiquant, pour l’année précédente : a) (…) la date des cessions ou acquisitions de parts intervenues en cours d’année, ainsi que l’identité du cédant et du cessionnaire (…) d) la part des revenus des immeubles de la société correspondant aux droits de chacun des associés et déterminée dans les conditions prévues aux articles 28 à 31 du code général des impôts (…)” ;

Considérant qu’il résulte de ces dispositions que le fait générateur de l’imposition des revenus fonciers perçus par les sociétés civiles qu’elles visent intervient le 31 décembre de l’année d’imposition ; que c’est donc seulement à cette date qu’en vertu des dispositions précitées, les associés de ces sociétés sont réputés, pour l’assiette de l’impôt sur le revenu, avoir réalisé la quote-part de bénéfices ou de déficits leur revenant ; qu’il est constant qu’à la date du 31 décembre 1997, M. X avait perdu la qualité d’associé ; que les résultats de la SCI devaient être déterminés pour l’année entière et imposés au nom des associés présents à cette date ; qu’il suit de là que l’administration était fondée à refuser au requérant le droit d’imputer un déficit foncier provenant de la répartition des résultats de cette société au 31 décembre 1997 ;

Considérant, en troisième lieu, qu’il résulte de l’instruction que M. et Mme X ont donné un appartement en location à leur fille, à compter du 1er juin 1997, moyennant un loyer mensuel stipulé dans le bail de 3 200 F ; que l’administration ayant constaté qu’ils n’avaient pas perçu la totalité des loyers stipulés, a augmenté les revenus fonciers déclarés par les intéressés en 1997 et 1998 de la différence, pour chacune de ces années, entre le montant des loyers stipulés dans le bail et celui effectivement encaissé ;

Considérant que les requérants ne contestent pas que le loyer stipulé dans le bail présentait un caractère normal ; qu’ils ne justifient, ni même n’allèguent, avoir entrepris les démarches nécessaires pour obtenir le paiement de sa créance, ni que la situation de leur fille rendait impossible le versement de ces loyers ; qu’ils doivent, dans ces conditions, être regardés comme ayant accompli un acte de disposition au profit du locataire ; que c’est, par suite, à bon droit que l’administration a imposé la fraction des loyers non encaissés entre leurs mains dans la catégorie des revenus fonciers ; que les requérants ne peuvent utilement soutenir pour contester cette réintégration qu’ils n’ont pas perçu ladite fraction ;

En ce qui concerne la déduction d’une somme versée en exécution d’engagements de caution :

Considérant qu’aux termes de l’article 13 du code général des impôts : “1. Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l’excédent du produit brut, (… ) sur les dépenses effectuées en vue de l’acquisition et de la conservation du revenu.” ; et qu’aux termes de l’article 83 du même code qui concerne l’imposition du revenu dans la catégorie des traitements et salaires : “Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés (…) 3°) les frais inhérents à la fonction ou à l’emploi lorsqu’ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales (…)” ;

Considérant que sont déductibles, l’année de leur paiement, dans la catégorie des traitements et salaires en application des dispositions combinées des articles 13 et 83-3° du code général des impôts, les sommes versées en exécution d’un engagement de caution souscrit par le salarié en faveur de l’entreprise qui l’emploie, à condition qu’elles puissent être regardées comme directement utiles à l’acquisition et à la conservation du revenu, que cet engagement ait été pris en vue de servir les intérêts de l’entreprise et qu’il n’ait pas été hors de proportion avec les rémunérations allouées à l’intéressé ou qu’il pouvait escompter au moment où il l’a contracté ; que, dans le cas de versements effectués en exécution d’engagements multiples souscrits sur plusieurs années, le caractère déductible des sommes payées doit être apprécié par référence au montant total des engagements ainsi souscrits et est subordonné à la condition que le ou les engagements au titre desquels les versements ont été effectués n’aient pas eu pour effet, à la date à laquelle ils ont été pris, de porter le total cumulé des cautions données par le contribuable à un montant hors de proportion avec la rémunération annuelle que ce dernier percevait ou pouvait escompter au titre de l’année concernée ; que, lorsque les engagements souscrits ne respectent pas cette condition, les sommes versées ne sont déductibles que dans la mesure où elles n’excèdent pas cette proportion ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. X, actionnaire et dirigeant salarié de la SA Z, laquelle avait pour activité la fabrication de pantalons, s’est rendu caution le 16 mars 1995 de crédits courants contractés par cette société auprès du Crédit industriel de l’Ouest, pour un montant de 500 000 F ; qu’il a en outre, le 30 juin 1996, donné son aval à un billet à ordre souscrit par la SA Z au profit de ce même établissement bancaire pour un montant de 1 750 000 F ; que la SA, placée en redressement judiciaire le 8 juillet 1996, s’étant trouvée dans l’incapacité financière d’honorer ses dettes bancaires, le Crédit industriel de l’Ouest a, par lettre du 4 septembre 1996, mis en demeure M. X, en sa qualité de caution, de lui régler la somme de 1 820 499,41 F ; que l’administration a admis la déduction d’un versement de 184 520 F effectué par l’intéressé au cours de l’année 1999 en exécution des deux engagements susmentionnés ; qu’elle a, en revanche, remis en cause la déduction du versement du même montant effectué par M. X au cours de l’année 2000 ;

Considérant qu’il est constant que les engagements de caution souscrits par M. X se rattachaient directement à sa qualité de salarié et qu’il a eu en vue les intérêts de la SA Z ainsi que la préservation, non seulement de son patrimoine, mais aussi celle de son revenu salarial ; qu’il lui appartient toutefois d’établir que ces engagements n’étaient pas hors de proportion avec les rémunérations qui lui étaient allouées ou qu’il pouvait escompter au moment où il les a contractés ;

Considérant que M. X a été rémunéré par la société en 1995 et 1996 à hauteur d’un montant net annuel de respectivement 59 677 F et 58 925 F ; qu’il soutient que cette rémunération était maintenue à un niveau anormalement bas au regard de l’étendue des responsabilités qu’il exerçait dans l’entreprise, afin de ne pas obérer la survie de cette dernière déjà menacée par d’importantes difficultés financières ; que, selon lui, il pouvait alors espérer que cette rémunération soit portée à au moins 300 000 F par an à brève échéance ; que, toutefois, nonobstant la circonstance que ce montant n’aurait pas été excessif eu égard à l’importance des fonctions qu’il occupait, le requérant n’établit ni même n’allègue que le conseil d’administration, ou toute autre instance de décision de la société habilitée à cette fin, aurait envisagé de lui accorder une telle augmentation de salaire à brève échéance, alors que l’administration soutient sans être contredite qu’il était avéré, à la date de souscription du second engagement, que la société se trouvait dans une situation financière très dégradée ; que, dès lors, il ne peut être regardé comme apportant la preuve qui lui incombe de ce qu’il pouvait escompter, aux dates auxquelles il a souscrit ses deux engagements, que sa rémunération soit quintuplée ; que, dans ces conditions, l’administration était fondée à regarder les engagements souscrits en 1995 et 1996 comme hors de proportion avec la rémunération perçue au cours de ces années ; qu’en admettant la déduction du versement effectué au cours de l’année 1999 par M. X en exécution des engagements souscrits en 1995 et 1996, elle n’a pas en tout état de cause méconnu l’étendue du droit à déduction dont disposait le contribuable au titre de ces engagements, lequel droit s’est trouvé ainsi épuisé ; qu’elle était, par suite, fondée à refuser la déduction du versement effectué en 2000 au motif qu’il ne pouvait être regardé comme une dépense effectuée en vue de l’acquisition ou de la conservation du revenu au sens des dispositions précitées du code général des impôts ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme X sont seulement fondés à soutenir que c’est à tort que, par les jugements attaqués, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté la totalité de leurs demandes ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas la partie perdante pour l’essentiel dans la présente instance, soit condamné à payer à M.et Mme X les sommes que ceux-ci demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il est donné acte du désistement partiel de la requête n° 06NT00717 de M. et Mme X.

Article 2 : Il y a lieu de substituer au bénéfice foncier de 53 985 F imposé entre les mains de M. X au titre de l’année 1996, en sa qualité d’associé de la SCI Y, un résultat nul.

Article 3 : M. et Mme X sont déchargés du supplément d’impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis au titre de l’année 1996 en tant qu’il excède celui résultant de l’application de l’article 2 du présent arrêt.

Article 4 : Le jugement n° 03-2290 du Tribunal administratif de Nantes en date du 31 janvier 2006 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête n° 06NT00717 et la requête n° 06NT00718 de M. et Mme X sont rejetés.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Marcel X et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

2

N°s 06NT00717…

1


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x