Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
VU l’ordonnance en date du 2 janvier 1989 par laquelle le président de la 8ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d’Etat a transmis à la cour administrative d’appel de Paris, en application de l’article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée au Conseil d’Etat par l’établissement « DANAG HANDEL ANSTALT » ;
VU la requête sommaire sus-mentionnée, le mémoire complémentaire et les observations additionnelles présentés pour l’établissement « DANAG HANDEL ANSTALT » dont le siège social est à Vaduz, principauté du Liechtenstein, par Maître X…, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation ; ils ont été enregistrés au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d’Etat les 11 mars, 12 et 14 septembre 1988 ; la société demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler le jugement en date du 3 février 1988 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de l’impôt sur les sociétés et de la retenue à la source auxquels elle a été assujettie au titre des années 1978, 1979 et 1980 dans les rôles de la ville de Paris ;
2°) de prononcer la décharge de cette imposition ainsi que des pénalités dont elle a été assortie ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
VU la loi n°87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience du 13 décembre 1990 :
– le rapport de M. GAYET, conseiller,
– et les conclusions de Mme de SEGONZAC, commissaire du gouvernement ;
Sur l’imposition à l’impôt sur les sociétés :
Sur le moyen tiré de la non applicabilité de l’article 206-1 du code général des impôts :
Considérant qu’aux termes de l’article 206-1 du code général des impôt « sont passibles de l’impôt sur les sociétés … toutes personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif » ;
Considérant que l’établissement « DANAG HANDEL ANSTALT » constituée sous le régime de l’anstalt selon le droit du Liechtenstein, ne conteste pas être en raison de son statut une personne morale ; qu’il louait en 1978 et 1979 un appartement et ses annexes qu’il possédait dans un immeuble dont le permis de construire avait été délivré en 1956, à Neuilly-sur-Seine, et l’a vendu en 1980 en réalisant une plus-value ; qu’il s’est ainsi livré, au titre de ces années, à des opérations lucratives ; que par suite, il était passible de l’impôt sur les sociétés, en France, en vertu des dispositions précitées ;
Sur le moyen relatif à l’application de l’article 210 ter du code général des impôts :
Considérant qu’aux termes de l’article 209 A du code général des impôts : « Si une personne morale dont le siège est situé hors de France a la disposition d’une ou plusieurs propriétés immobilières situées en France ou en concède la jouissance gratuitement ou moyennant un loyer inférieur à la valeur locative réelle, elle est soumise à l’impôt sur les sociétés sur une base qui ne peut être inférieure à trois fois la valeur locative réelle de cette ou de ces propriétés » et qu’en vertu de l’article 210 ter du même code, « les sociétés et autres personnes morales sont exonérées de l’impôt sur les sociétés pour la fraction de leur bénéfice net qui correspond au revenu net provenant de la gestion des immeubles dont la construction a été commencée postérieurement au 31 mars 1950 et qui ont fait l’objet d’un permis de construire délivré antérieurement à la publication de la loi n° 63-254 du 15 mars 1963 » ; qu’il résulte des termes mêmes de l’article 209 A alors applicable, que le législateur a entendu soumettre à une imposition forfaitaire minimale à l’impôt sur les sociétés en France les personnes morales étrangères y mettant des biens immobiliers à la disposition de tiers dans des conditions plus favorables que celles du marché locatif ; que ce mode dérogatoire d’imposition met ainsi nécessairement obstacle pour les biens loués dans de telles conditions à l’application des dispositions de l’article 210 ter précité ; qu’il résulte de l’instruction que les loyers perçus pour l’immeuble possédé à Neuilly-sur-Seine par l’établissement requérant étaient inférieurs à la valeur locative réelle ; qu’il se trouvait ainsi placé dans le champ d’application de l’article 209 A précité, en l’absence de convention fiscale s’y opposant, et ne pouvait bénéficier pour les années 1978 et 1979 de l’exonération sollicitée ;
Sur les moyens relatifs à l’imposition de la plus-value réalisée :
Considérant que l’établissement requérant fait valoir que les bénéfices résultant de ladite plus-value, ayant le caractère d’une plus-value à long terme, devaient être imposés au taux de 15 % en vertu de l’article 219.1 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable ; qu’il résulte toutefois de l’article 209 quater de ce même code que les plus-values soumises notamment au taux réduit de 15 % sont portées à une réserve spéciale et que les sommes prélevées sur cette réserve sont rapportées aux résultats de l’exercice en cours lors de ce prélèvement, sous déduction de l’impôt perçu lors de la réalisation des plus-values correspondantes ; qu’en vertu de ces dispositions combinée et dès lors que les plus-values réalisées ont été, aussitôt réalisées, appréhendées par les actionnaires ou associés et n’ont pas été soumises au taux réduit d’imposition, lesdites plus-values, qui ont ainsi été immédiatement distribuées, doivent être rapportées au résultat de l’exercice en cours et soumises à l’impôt sur les sociétés au taux de droit commun ; qu’en l’espèce, en application des dispositions de l’article 115 quinquies 1 du code général des impôts, les bénéfices réalisés en 1980 sous forme de plus-value immobilière par la société requérante soumise au droit du Lichtenstein, sont réputés distribués au titre de cette même année à des associés n’ayant pas leur domicile ou leur siège social en France ; que la société requérante ne saurait ainsi, en tout état de cause, bénéficier d’une imposition au taux réduit de 15 % ;
Sur la retenue à la source :
Considérant qu’il résulte des dispositions combinées du 1 de l’article 115 quinquies et des articles 119 bis et 187 du code général des impôts que les bénéfices réalisés en France par des personnes étrangères sont réputés distribués et donnent lieu à l’application d’une retenue à la source au taux de 25 % ;
Considérant que la personne morale requérante ne conteste pas que ses associés n’ont pas leur domicile en France ; que les bénéfices qu’elle a réalisés en France en 1978, 1979 et 1980 à raison des biens immobiliers précités doivent, par suite, être soumis à la retenue de 25 % susmentionnée ;
Sur les pénalités de retard :
Considérant qu’ainsi qu’il a été dit ci-dessus l’établissement « DANAG HANDEL ANSTALT » n’a pas souscrit les déclarations des résultats des exercices en litige dans les délais légaux et n’a d’ailleurs pas régularisé ces omissions dans les délais impartis par les mises en demeure qui lui ont été adressées les 2 juin et 25 août 1982 ; que, par suite, c’est à bon droit que l’administration lui a appliqué les pénalités de retard prévues par l’article 1733 du code général des impôts en cas de taxation d’office ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’établissement « DANAG HANDEL ANSTALT » n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Article 1er : La requête de l’établissement « DANAG HANDEL ANSTALT » est rejetée.