Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C… B… ont demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions et prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2011 à 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1504120 du 20 avril 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 22 juin et 27 décembre 2018 ainsi que les 25 avril, 21 octobre et 14 novembre 2019, M. et Mme B…, représentés par la SELARL Wiblaw, demandent à la cour :
1°) d’annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions et prélèvements sociaux, ainsi que des pénalités correspondantes, auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 à 2013 ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
– la proposition de rectification qui leur a été adressée le 9 octobre 2014 n’a pas été régulièrement notifiée ;
– cette proposition de rectification est insuffisamment motivée ;
– l’administration ne rapporte pas la preuve de l’existence et de l’appréhension des rehaussements ;
– les sommes réintégrées dans leur revenu imposable ne pouvaient être imposées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;
– les pénalités qui leur ont été appliquées sont insuffisamment motivées ;
– le caractère délibéré des manquements qui leur sont reprochés n’est pas établi.
Par un mémoire en défense et des mémoires, enregistrés le 3 décembre 2018, le 4 février 2019, le 21 mai 2019 et le 25 octobre 2019, le ministre de l’action et des comptes publics demande à la cour de constater qu’il n’y a plus lieu de statuer à hauteur des dégrèvements accordés en cours d’instance et conclut au rejet du surplus des conclusions de la requête.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme D… A…, première conseillère,
– et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C… B… est le gérant et associé unique de l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Village loisirs détente (VLD) de Mormal. Cette société, qui exploite un terrain de camping et un équipement d’habitations légères de loisirs, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité, portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, à l’issue de laquelle l’administration a remis en cause la déductibilité de certaines charges. Le service a estimé que les sommes ainsi réintégrées dans les résultats de la société devaient être regardées comme des revenus distribués au profit de M. B…, imposables entre ses mains dans la catégorie des revenus des capitaux mobiliers, et a porté à la connaissance de M. et Mme B…, par une proposition de rectification du 9 octobre 2014, les rehaussements envisagés en matière d’impôt sur le revenu et de contributions et prélèvements sociaux. M. et Mme B… relèvent appel du jugement du 20 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires, assorties de pénalités, auxquelles ils ont ainsi été assujettis au titre des années 2011 à 2013.
Sur l’étendue du litige :
2. Par une décision du 3 décembre 2018, postérieure à l’introduction de la requête, le directeur régional des finances publiques des Hauts-de-France a prononcé le dégrèvement en droits et pénalités, à concurrence des sommes de 652 euros, 776 euros et 1 344 euros, des cotisations supplémentaires de contributions et prélèvements sociaux auxquelles M. et Mme B… ont été assujettis au titre, respectivement, des années 2011, 2012 et 2013. Ce dégrèvement a emporté l’abandon de l’application, pour le calcul du montant de ces impositions, de la majoration d’assiette de 25 % prévue par les dispositions du 2° du 7 de l’article 158 du code général des impôts. Les conclusions de la requête de M. et Mme B… relatives à ces impositions et pénalités sont, dans cette mesure, devenues sans objet.
Sur la régularité de la procédure d’imposition :
En ce qui concerne la régularité de la notification de la proposition de rectification :
3. Aux termes de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales : » L’administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (…) / En cas d’application des dispositions du II de l’article L. 47 A, l’administration précise au contribuable la nature des traitements effectués. / (…) « . Aux termes de l’article R. 57-1 de ce même livre : » La proposition de rectification prévue par l’article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (…) « .
4. Lorsque le destinataire d’une décision administrative soutient que l’avis de réception d’un courrier recommandé portant notification de cette décision à l’adresse qu’il avait lui-même indiquée à l’administration n’a pas été signé par lui, il lui appartient d’établir que le signataire de l’avis n’avait pas qualité pour recevoir le courrier en cause.
5. Il résulte de l’instruction que, comme le soutiennent M. et Mme B…, l’avis de réception de la proposition de rectification qui leur a été adressée en leur nom personnel a, comme la proposition de rectification qui a été adressée à M. B… en qualité de représentant de l’EURL VLD de Mormal, été signée le 11 octobre 2014 par un simple résident du camping. Toutefois, il résulte de la déclaration de revenus déposée par le signataire de ces accusés de réception au titre de l’année 2014, produite par l’administration et authentifiée par l’accusé de réception automatisé émis lors de sa télédéclaration, que celui-ci avait été employé par l’EURL VLD de Mormal au cours de cette même année. Si les requérants relèvent que le salaire déclaré à ce titre ne pouvait, compte tenu de sa modicité, correspondre qu’à une activité ponctuelle exercée durant une brève période, ils ne produisent aucun justificatif permettant d’en déterminer les dates. Ainsi, dans les circonstances de l’espèce, compte tenu de ce que M. et Mme B… ne contestent pas que leur adresse est celle du lieu d’exploitation et siège de l’EURL VLD de Mormal et de la nature de cette société, entreprise unipersonnelle dont M. B… est l’associé unique et le dirigeant, les requérants n’établissent pas l’absence de relations entre eux et le signataire, de sorte que ce dernier doit être tenu comme ayant eu qualité pour recevoir les plis recommandés qui leur étaient destinés, même à titre personnel. Il s’ensuit que la proposition de rectification adressée le 9 octobre 2014 à M. et Mme B… doit être regardée comme ayant été régulièrement notifiée.
En ce qui concerne la motivation de la proposition de rectification :
S’agissant de la motivation des rehaussements en matière d’impôt sur le revenu :
6. Il résulte des dispositions, citées au point 3, des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales que l’administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d’imposition concernées. En cas de motivation par référence, l’administration doit, en principe, annexer les documents auxquels elle se réfère dans la proposition de rectification ou en reprendre la teneur.
7. La proposition de rectification, en date du 9 octobre 2014, adressée à M. et Mme B… précise aux contribuables les montants des revenus distribués, leur fondement légal en matière d’impôt sur le revenu, la catégorie de revenus ainsi que les années d’imposition concernées et se réfère, pour le calcul des bases d’imposition, aux rehaussements envisagés par l’administration dans la proposition de rectification, en date du 9 octobre 2014, adressée à l’EURL VLD de Mormal à la suite de la vérification de comptabilité dont cette société a fait l’objet, sans que ce document ni ses annexes aient été joints à la proposition de rectification adressée à M. et Mme B…. Si celle-ci reproduit en partie la teneur de la proposition de rectification adressée à l’EURL VLD de Mormal, elle ne reprend pas les informations contenues dans les tableaux qui y étaient annexés et qui comportaient l’identification des charges dont la déduction par cette société avait été remise en cause par l’administration, alors que cette information était nécessaire pour leur permettre de contester utilement la réintégration dans leur revenu imposable des sommes regardées par le service comme distribuées à leur profit. Toutefois, il résulte de l’instruction que la proposition de rectification adressée à l’EURL VLD de Mormal a été régulièrement notifiée à M. B…, en tant que représentant de cette société, le même jour, à l’adresse et dans les mêmes conditions, analysées au point 5, que la proposition de rectification destinée aux requérants. En outre, en citant les dispositions du 1° du 1. de l’article 109 du code général des impôts, en se référant à l’article 111 du même code et en mentionnant que les charges réintégrées dans les résultats imposables de la société étaient » imputables » à M. B…, après avoir énoncé que celui-ci était l’unique associé, la proposition de rectification adressée aux requérants indique de manière suffisante les motifs pour lesquels le service a regardé ces sommes comme distribuées à son profit, alors d’ailleurs que la proposition de rectification adressée à la société mentionnait, en outre, qu’en qualité d’unique associé, il devait, seul, être regardé comme bénéficiaire des distributions. Ainsi, dans les circonstances de l’espèce, M. et Mme B… doivent être regardés comme ayant disposé, à la date du 11 octobre 2014, des informations leur permettant de formuler leurs observations ou de faire connaître leur acceptation en application des dispositions précitées de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales.
S’agissant de la motivation des rehaussements en matière de contributions et prélèvements sociaux :
8. La proposition de rectification adressée le 9 octobre 2014 à M. et Mme B… mentionne, indépendamment des informations citées au point précédent, la contribution sociale généralisée, la contribution pour le remboursement de la dette sociale, le prélèvement social et la contribution exceptionnelle au prélèvement social en renvoyant, respectivement, aux dispositions des articles 1600-0 C à 1600-0 E, 1600-0 G à 1600-0 M, 1600-0 F à 1600-0 F bis et à loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées. Si ces dispositions concernent aussi bien les contributions et prélèvements assis sur les revenus du patrimoine que sur les produits de placement, constitutifs d’impositions distinctes selon la catégorie de revenus auxquels ils se rapportent, le service a nécessairement entendu soumettre les sommes considérées aux contributions et prélèvement sociaux applicables à cette dernière catégorie de revenus, seuls établis, contrôlés et recouvrés comme en matière d’impôt sur le revenu ainsi qu’il résulte des dispositions, auxquelles renvoie la proposition de rectification, des articles 1600-0 C, 1600-0 D, 1600-0 G 1600-0 H et de l’article 1600-F bis du code général des impôts, ainsi que de l’article 11 de la loi susmentionnée du 30 juin 2004, transférées par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 à l’article L. 14-10-4 du code de l’action sociale et des familles. Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le service n’était pas tenu de faire figurer dans la proposition de rectification les dispositions prévoyant le taux de chacune des impositions en cause, qui résultent au demeurant, soit des dispositions citées dans ce document, soit des textes auxquelles ces dispositions renvoient. En conséquence, les cotisations et prélèvement sociaux ainsi mis à leur charge sont, contrairement à ce que soutiennent les requérants, suffisamment motivés au regard des exigences des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales.
9. Toutefois, il résulte tant des indications chiffrées figurant dans les conséquences financières des rehaussements explicitées dans la proposition de rectification que de celles données en défense par l’administration que cette dernière a également soumis les contribuables, au titre de l’année 2011, à la contribution additionnelle au prélèvement social de 1,1 %, prévue par les dispositions, alors applicables, du III de l’article L. 262-24 du code de l’action sociale et des familles et, au titre des années 2012 et 2013, au prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine de 2 % prévu à l’article 1600-0 du code général des impôts, sans toutefois mentionner ces impositions distinctes dans la proposition de rectification adressée aux contribuables. M. et Mme B… sont donc fondés à soutenir que ces impositions ont été mises à leur charge au terme d’une procédure irrégulière et qu’ils ont, dans cette mesure, été privés de la garantie prévue par les dispositions des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales, et à en demander en conséquence la décharge.
Sur le bien-fondé des impositions restant en litige :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
10. Aux termes de l’article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : » « Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s’étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l’imposition, en démontrant son caractère exagéré. (…) « . Il résulte, par ailleurs, des dispositions des articles L. 57-1 et R. 57 du même code que, dans le cadre de la procédure contradictoire, le contribuable dispose d’un délai de trente jours à compter de la notification régulière de la proposition de rectification pour faire parvenir à l’administration son acceptation ou ses observations. Sur demande du contribuable, reçue par l’administration avant l’expiration de ce délai, celui-ci est prorogé de trente jours.
11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 5 que la proposition de rectification, en date du 9 octobre 2014, adressée à M. et Mme B… doit être regardée comme leur ayant été régulièrement notifiée le 11 octobre 2014, date de signature de l’accusé de réception postal. Or, il est constant que les contribuables n’ont contesté les rectifications envisagées que le 9 décembre 2014, soit au-delà du délai d’un mois imparti à cet effet par les dispositions de l’article L. 57 du code général des impôts. En outre, les requérants ne soutiennent pas avoir demandé une prolongation de ce délai. En conséquence, il leur incombe, en application des dispositions précitées de l’article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, d’établir le caractère exagéré des impositions restant en litige.
En ce qui concerne l’existence et l’appréhension des distributions :
12. Aux termes de l’article 109 du code général des impôts : » 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (…) « . Aux termes de l’article 110 du même code : » Pour l’application du 1° du 1 de l’article 109 les bénéfices s’entendent de ceux qui ont été retenus pour l’assiette de l’impôt sur les sociétés. (…) « .
13. S’il n’a pas donné lieu, en l’absence de solde bénéficiaire, à l’établissement d’une cotisation d’impôt sur les sociétés, le rehaussement des résultats d’une société ne saurait, par lui-même, révéler l’existence de bénéfices ou produits non mis en réserve ou incorporés au capital, taxables entre les mains de leur bénéficiaire comme revenus distribués.
14. Pour imposer entre les mains de M. B…, en tant que revenus distribués, les sommes réintégrées dans le résultat des exercices clos par l’EURL VLD de Mormal au titre des années 2011, 2012 et 2013, l’administration, qui s’est initialement fondée sur les dispositions du 1° de l’article 109 du code général des impôts et de l’article 111 du même code et sur le motif que l’intéressé, unique associé de cette société, était la seule personne connue susceptible d’avoir appréhendé les sommes correspondant au rehaussement du résultat imposable de cette société, invoque concurremment devant le juge de l’impôt les dispositions du 1° et du 2° de l’article 109 de ce code et fait valoir en cause d’appel que M. B… doit, en qualité de gérant et associé unique, être regardé comme ayant appréhendé ces sommes en tant que seul maître de l’affaire.
15. Toutefois, il résulte de l’instruction qu’après avoir réintégré dans les résultats de l’EURL VLD de Mormal, à l’issue de la vérification de comptabilité dont cette société a fait l’objet, des sommes correspondant à des frais de voyages, transports, alimentation et réception non justifiés ou non engagés dans l’intérêt de l’entreprise, s’élevant respectivement à 15 730 euros, 13 660 euros et 24 498 euros au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, l’administration a ramené les résultats de ces exercices, respectivement, à 2 203 euros, à un résultat déficitaire de – 16 563 euros et à 9 225 euros. Il s’ensuit que M. B… ne peut être réputé avoir appréhendé, en tant que seul maître de l’affaire, que les sommes de 2 203 euros au titre de l’année 2011 et de 9 225 euros au titre de l’année 2013, correspondant au montant des résultats bénéficiaires de l’EURL VLD de Mormal imposables à l’impôt sur les sociétés et révélateurs de distributions.
16. Si l’administration fait valoir que la rectification à la baisse des résultats de l’EURL VLD de Mormal résulte de l’imputation, en application des dispositions de l’article L. 77 du livre des procédures fiscales, des suppléments de taxe sur la valeur ajoutée assignés à cette société après correction du taux erroné qu’elle avait appliqué et que cette rectification, qui ne permettait de constater aucun profit sur le Trésor, est sans incidence sur le montant des fonds de la société dont M. B… était effectivement en mesure de disposer, il résulte des dispositions précitées de l’article 110 du code général des impôts que les bénéfices réputés distribués au sens des dispositions du 1° du 1. de l’article 109 de ce code ne sauraient excéder ceux qui ont été retenus pour l’assiette de l’impôt sur les sociétés
17. Il résulte de ce qui a été dit aux deux points précédents que l’administration, qui ne s’est pas fondée sur l’appréhension directe par M. B… des sommes correspondant aux frais déduits par l’EURL VLD de Mormal, ne peut être regardée comme établissant l’appréhension par celui-ci des sommes réintégrées dans les résultats de cette société dans la mesure où ces rehaussements n’ont pas donné lieu à un bénéfice taxable à l’impôt sur les sociétés révélateur de distributions, soit dans la mesure de 13 527 euros (soit 15 730 euros – 2 203 euros ) au titre de l’année 2011, de l’intégralité des rehaussements au titre de l’année 2012 et de 15 273 euros (soit 24 498 euros – 9 225 euros°) au titre de l’année 2013. Les requérants sont, par suite, fondés à demander dans cette mesure la réduction de leurs bases d’imposition.
En ce qui concerne la catégorie d’imposition :
18. Aux termes de l’article 62 du code général des impôts : » Les traitements, remboursements forfaitaires de frais et toutes autres rémunérations sont soumis à l’impôt sur le revenu au nom de leurs bénéficiaires s’ils sont admis en déduction des bénéfices soumis à l’impôt sur les sociétés par application de l’article 211, même si les résultats de l’exercice social sont déficitaires, lorsqu’ils sont alloués : / Aux gérants majoritaires des sociétés à responsabilité limitée n’ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes (…) « .
19. Les remboursements de frais, même non justifiés, consentis à un gérant majoritaire d’une société à responsabilité limitée, qui sont susceptibles d’être regardés comme un complément de rémunération trouvant son origine dans l’exercice des fonctions de l’intéressé, constituent, en principe, un élément de sa rémunération imposable, en application de l’article 62 du code général des impôts, dans la catégorie des rémunérations alloués aux gérants majoritaires de sociétés à responsabilité limitée, sauf si leur montant, ajouté aux autres éléments de la rémunération, a pour effet de porter le total de celle-ci à un niveau excessif.
20. En l’espèce, les sommes regardées comme distribuées au profit de M. B… au titre des années 2011 et 2013 ont été réintégrées dans les résultats de l’EURL VLD de Mormal en tant que frais non justifiés ou non engagés dans l’intérêt de la société. Il s’agit, d’une part, de frais de voyages et de déplacements inscrits au compte 6251000 et consistant dans des frais de voyage, de déplacement, de restauration et de frais de déplacement exposés lors de voyages à l’étranger, d’autres frais de restauration, de frais kilométriques calculés forfaitairement alors que des frais de carburant ont déjà été comptabilités au compte 606160, et de frais de déplacement ferroviaire domicile-travail entre les villes du Quesnoy et de Saint-Amant, alors que M. B… s’est déclaré domicilié au 22, rue du Franc à Louer à Villereau, lieu de l’exploitation. Il s’agit, d’autre part, de frais de réception et de représentation, inscrits au compte 6257000, correspondant à des frais, exposés de manière quasi-quotidienne, de restauration en France et à l’étranger et de courses alimentaires. S’il n’est pas soutenu par l’administration que les sommes correspondantes auraient pour effet de porter à un montant excessif la rémunération allouée à M. B…, les requérants ne rapportent pas la preuve, qui leur incombe, de ce que les dépenses en cause trouveraient leur origine dans l’exercice par celui-ci de ses fonctions au sein de l’EURL VLD de Mormal, alors que l’administration relève que celles-ci ne sont pas en lien direct avec l’activité de l’entreprise. Dans ces conditions, M. et Mme B… ne sont pas fondés à soutenir que ces sommes ne pouvaient être imposées entre leurs mains que dans la catégorie des rémunérations versées aux gérants majoritaires de sociétés à responsabilité limitée.
Sur les pénalités :
En ce qui concerne la majoration de 40 % pour manquement délibéré :
21. En premier lieu, la proposition de rectification du 9 octobre 2014, après avoir rappelé que la vérification de la comptabilité de l’EURL VLD de Mormal avait donné lieu à des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu résultant de l’imposition, dans la catégorie des revenus des capitaux mobiliers, de charges non engagées dans l’intérêt de la société, mentionne que M. B… a participé de façon personnelle et délibérée à ces dépenses et relève leur caractère répété, avant d’énoncer que la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue par les dispositions de l’article 1729 du code général des impôts est applicable et de mentionner expressément, dans l’exposé des conséquences financières du contrôle, l’application de cette pénalité aux cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions et prélèvements sociaux mises à la charge des contribuables au titre de chacune des trois années d’imposition en litige. En conséquence, l’application de cette pénalité a fait l’objet d’une motivation suffisante au regard des exigences de l’article L. 80 D du livre des procédures fiscales.
22. En second lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la participation de M. B…, gérant et associé unique de l’EURL VLD de Mormal, à la déduction par cette dernière de dépenses non engagées dans l’intérêt de cette société et le caractère répété des déductions auxquelles cette société a procédé au titre des exercices clos en 2011 et en 2013 établit suffisamment l’intention délibérée de l’intéressé d’éluder l’impôt, s’agissant des impositions restant en litige. L’application de la majoration de 40 %, en cas de manquement délibéré, prévue par le a. de l’article 1729 du code général des impôts est, dès lors, fondée.
En ce qui concerne la majoration de 10 % prévue par les dispositions de l’article 1758 A du code général des impôts, appliquée au titre de l’année 2011 :
23. Il résulte des éléments figurant dans l’exposé, fait par la proposition de rectification du 9 octobre 2014, des conséquences financières du contrôle que, comme l’indique en défense l’administration, la majoration de 10 %, prévue par les dispositions de l’article 1758 A du code général des impôts, appliquée au titre de l’année 2011, ne résulte pas des rehaussements contestés dans le cadre du présent litige, mais a été infligée aux requérants à l’issue d’un précédent contrôle pour un montant de 115 euros. Il n’est pas contesté que le montant de cette pénalité a été ramené à 100 euros du fait de la mise en oeuvre de la majoration de 40 %, mentionnée aux deux points précédents, en application des dispositions du 1. de l’article 1729 A du code général des impôts selon lesquelles » lorsque des rehaussements opérés sur une déclaration souscrite dans les délais sont passibles de pénalités n’ayant pas le même taux, les pénalités sont calculées en ajoutant les rehaussements aux éléments déclarés en suivant l’ordre décroissant des différents taux applicables « . Ainsi, à supposer qu’ils aient entendu soulever un tel moyen, les requérants ne sont pas fondés à remettre en cause le montant de cette pénalité.
24. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B… sont seulement fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a refusé de leur accorder, en premier lieu, la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions et prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l’année 2012, ainsi que des pénalités correspondantes, en deuxième lieu, la décharge de la cotisation supplémentaire de contribution additionnelle de prélèvement social de 1,1 % prévue par les dispositions, alors applicables, du III de l’article L. 262-24 du code de l’action sociale et des familles à laquelle ils ont été assujettis au titre de l’année 2011 et de la cotisation supplémentaire de prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine de 2 % prévu à l’article 1600-0 du code général des impôts à laquelle ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013, ainsi que des pénalités correspondantes, en troisième lieu, la réduction des bases d’imposition à l’impôt sur le revenu et aux contributions et prélèvements sociaux qui leur ont été assignées au titre des années 2011 et 2013 dans la mesure où celles-ci résultent de la prise en compte, avant application de la majoration de 25 %, des sommes de 13 527 euros et de 15 273 euros au titre, respectivement, des années 2011 et 2013.
Sur les frais d’instance :
25. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat, qui est la partie principalement perdante dans le présent litige, la somme de 1 500 euros, sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés par M. et Mme B… et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme B…, à concurrence du dégrèvement des cotisations supplémentaires de contributions et prélèvements sociaux, en droits et pénalités, prononcé par le directeur des finances publiques au titre des années 2011, 2012 et 2013.
Article 2 : M. et Mme B… sont déchargés des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions et prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.
Article 3 : M. et Mme B… sont déchargés de la cotisation supplémentaire de contribution additionnelle de prélèvement social de 1,1 % prévue par les dispositions, alors applicables, du III de l’article L. 262-24 du code de l’action sociale et des familles à laquelle ils ont été assujettis au titre de l’année 2011 et de la cotisation supplémentaire de prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine de 2 % prévu à l’article 1600-0 du code général des impôts à laquelle ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.
Article 4 : Les bases d’imposition à l’impôt sur le revenu et aux contributions et prélèvement sociaux assignées à M. et Mme B… au titre des années 2011 et 2013 sont réduites à concurrence de la prise en compte, pour le calcul de leurs revenus imposables dans la catégorie des revenus des capitaux mobiliers, respectivement, des sommes de 13 527 euros et de 15 273 euros, considérées à tort par l’administration comme des revenus distribués au profit des intéressés par l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Village loisirs détente (VLD) de Mormal.
Article 5 : M. et Mme B… sont déchargés de la différence entre les cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions et prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2013 et celles qui résultent de l’article 4 du présent arrêt, ainsi que des pénalités correspondantes.
Article 6 : Le jugement n° 1504120 du 20 avril 2018 du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.
Article 7 : L’Etat versera à M. et Mme B… une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 8 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme B… est rejeté.
Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C… B… et au ministre délégué chargé des comptes publics.
Copie en sera adressée à l’administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
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No18DA01274