Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 26 décembre 1994 présentée pour la Société ATLANTIQUE TRAVAUX PUBLICS dont le siège est à Sainte-Luce-sur-Loire (Loire-Atlantique), …, par Me Y…, avocat ;
La Société ATLANTIQUE TRAVAUX PUBLICS demande à la Cour :
1 ) de réformer le jugement n 902359 en date du 22 novembre 1994 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés, et des pénalités dont elles ont été assorties, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1982, 1983, 1984 et 1985 ;
2 ) de lui accorder la décharge, ou subsidiairement la réduction, des impositions et pénalités contestées ;
3 ) d’ordonner qu’il soit sursis à l’exécution du jugement et des impositions contestés ;
4 ) de condamner l’Etat sur le fondement de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel à lui payer la somme de 50 000 F ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience,
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 25 mars 1997 :
-le rapport de M. GRANGE, conseiller,
-et les conclusions de M. AUBERT, commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité des conclusions :
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au Tribunal administratif que la société requérante s’était bornée à contester les impositions supplémentaires à l’impôt sur les sociétés qui lui avaient été assignées ; que les moyens qu’elle avait soulevés tendant à la décharge de ces impositions résultant de la réintégration de charges considérées comme n’étant pas engagées dans l’intérêt de l’entreprise, ne peuvent être regardés comme tendant à la décharge de la pénalité prévue par l’article 1763 A du code général des impôts qui lui avait été parallèlement réclamée, laquelle constitue une imposition autonome distincte de l’impôt sur les sociétés, alors même que ladite pénalité trouve sa source dans ces réintégrations ; qu’il suit de là que, quand bien même le Tribunal s’est prononcé à tort sur le bien-fondé de cette pénalité, les conclusions de la société requérante tendant à la décharge de celle-ci sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu’en supposant que le Tribunal administratif ait commis une erreur de droit en se prononçant globalement sur le caractère déductible des rémunérations versées à trois dirigeants de la société ATLANTIQUE TRAVAUX PUBLICS au cours des exercices clos les 31 mars 1982 et 31 décembre 1982, 1983, 1984 et 1985, cette circonstance n’est pas de nature à affecter la régularité en la forme du jugement ;
Sur la régularité de la procédure d’imposition :
Considérant que si la société requérante soutient que les observations qu’elle avait formulées dans sa demande d’avis à la commission départementale des impôts n’auraient pas été portées à la connaissance de celle-ci, il ressort de cet avis que le moyen manque en fait ;
Sur le bien-fondé de l’imposition :
Considérant qu’aux termes de l’article 39 du code général des impôts : « 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprennent … notamment : 1 Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d’oeuvre … Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l’importance du service rendu … » ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que la société ATLANTIQUE TRAVAUX PUBLICS a versé à ses dirigeants fondateurs, qui détiennent directement, et sensiblement à égalité entre eux, plus de 80 % du capital social, M. Z…, qui exerce les fonctions de président-directeur général, M. A…, directeur général, et M. X…, directeur d’exploitation, des rémunérations qui se sont élevées à respectivement 268 900 F pour l’exercice clos le 31 mars 1982, 431 250 F pour l’exercice de neuf mois clos le 31 décembre 1982, 609 960 F, 742 465 F et 945 516 F pour les exercices clos les 31 décembre 1983, 1984 et 1985 en ce qui concerne M. Z…, 351 700 F, 431 330 F, 639 960 F, 742 465 F et 825 516 F en ce qui concerne M. A…, et 202 850 F, 325 000 F, 391 440 F, 475 036 F et 477 464 F en ce qui concerne M. X… ; que ces rémunérations ont augmenté dans des proportions de 2,5 à 5 fois supérieures à celles versées aux employés non dirigeants de l’entreprise ; qu’elles ont représenté chacune entre 6 % et 10,5 % de la masse salariale de l’entreprise pour l’exercice clos le 31 mars 1982, entre 10,2 % et 13,6 % de celle-ci pour l’exercice clos le 31 décembre 1982, entre 8,8 % et 14,3 % pour 1983, entre 11,6 % et 18,2 % pour 1984 et entre 8,3 % et 16,5 % pour 1985 ; qu’elles ont en outre représenté globalement entre un minimum d’un quart pour l’exercice clos le 31 mars 1982 et un maximum de près de la moitié pour l’exercice 1984 de la masse salariale de l’entreprise dont l’effectif d’environ quarante personnes, non compris les dirigeants, a peu varié, sans qu’il y ait lieu de prendre en considération, contrairement à ce qui est soutenu, les effectifs de la société EMCTP dont les dirigeants de la société ATLANTIQUE TRAVAUX PUBLICS détiennent le contrôle, alors même que la majorité de son activité serait réalisée avec celle-ci ; que la comparaison effectuée avec quatre entreprises régionales de travaux publics qui, en dépit des différences d’activité et de rentabilité avec la société ATLANTIQUE TRAVAUX PUBLICS, présentent des c aractéristiques semblables à celles de cette dernière et constituent, dès lors, contrairement à ce qui est soutenu, un choix pertinent, met en évidence des écarts de rémunération moyens en faveur de la société ATLANTIQUE TRAVAUX PUBLICS de 23 % en ce qui concerne le président-directeur général, 45 % en ce qui concerne le directeur général et 57 % en ce qui concerne le troisième salarié le mieux rémunéré alors que l’écart de rémunération moyen de l’ensemble des salariés non dirigeants n’est que de 19 % ; que, après avis de la commission départementale des impôts, les rémunérations déductibles ont été fixées à respectivement 215 000 F, 345 000 F, 488 000 F, 594 000 F et 756 000 F en ce qui concerne M. Z…, 281 000 F, 345 000 F, 511 900 F, 594 000 F, et 660 400 F en ce qui concerne M. A…, et 162 300 F, 260 000 F, 313 100 F, 380 000 F et 382 000 F en ce qui concerne M. X… ; que ces rémunérations demeurent supérieures à la moyenne des termes de comparaison tant en valeur absolue qu’au regard des rapports avec la masse salariale totale ou le chiffre d’affaires, ce qui tient compte du rôle éminent qu’ont joué les dirigeants en cause dans le développement de l’entreprise qui a connu une progression sensible de son chiffre d’affaires et de ses résultats ; que si la société requérante soutient que ses dirigeants ont assumé, outre leurs fonctions de direction, des tâches de formation du personnel qu’ils avaient recruté, elle n’établit pas l’importance qu’a pu
représenter cette activité, au demeurant normale dans son principe ; que, dès lors, l’administration doit être regardée avoir apporté la preuve qui lui incombe tant du caractère excessif des rémunérations versées à chacun des dirigeants en cause au cours de chacun des exercices litigieux, que de l’exactitude du montant des rémunérations admises en déduction au regard des services rendus à l’entreprise ; que le moyen tiré de ce que les rémunérations versées tiendraient compte des risques pris par les intéressés pour créer une entreprise, risques qui ont été pris en qualité d’actionnaires, est inopérant ;
Considérant toutefois que la société requérante soutient que les redressements aboutissent à remettre en cause le statut fiscal d’entreprise nouvelle exonérée d’impôt sur les sociétés dont elle bénéficiait au titre des exercices litigieux ;
Considérant qu’aux termes de l’article 44 quinquies du code général des impôts issu de l’article 11-II de la loi de finances pour 1986, dont il n’appartient pas au juge administratif de contrôler la conformité à la Constitution, et dont les dispositions ont un caractère interprétatif : « Le bénéfice à retenir pour l’application des dispositions des articles 44 bis, 44 ter et 44 quater s’entend du bénéfice déclaré selon les modalités prévues à l’article 53 A ou du bénéfice fixé sur la base des renseignements fournis en application de l’article 302 sexies. » ; qu’il résulte de ces dispositions que les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés ne peuvent bénéficier de l’exonération prévue à l’article 44 quater du code général des impôts qu’à hauteur des bénéfices régulièrement déclarés ; que les impositions contestées procédant d’un redressement ne peuvent dès lors, en tout état de cause, bénéficier des dispositions d’exonération ou d’allégement d’impôt sur les sociétés dont l’entreprise profitait par ailleurs au titre de ses bénéfices déclarés, cet avantage n’étant pas pour autant, contrairement à ce qui est soutenu, remis en cause de manière rétroactive ; que, par suite, est inopérant le moyen tiré de ce que la société et ses dirigeants n’auraient eu aucun intérêt fiscal à majorer les rémunérations en cause alors que la société bénéficiait du statut fiscal privilégié d’entreprise nouvelle ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société ATLANTIQUE TRAVAUX PUBLICS n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande en tant qu’elle portait sur les rémunérations versées à ses dirigeants ;
Sur les conclusions tendant à l’allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant que la société ATLANTIQUE TRAVAUX PUBLICS succombe dans la présente instance ; que sa demande tendant à ce que l’Etat soit condamné, sur le fondement de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, à lui verser une somme au titre des frais qu’elle a exposés doit, en conséquence, être rejetée ;
Article 1er:La requête de la société ATLANTIQUE TRAVAUX PUBLICS est rejetée.
Article 2:Le présent arrêt sera notifié à la société ATLANTIQUE TRAVAUX PUBLICS et au ministre de l’économie et des finances.