Cour administrative d’appel de Versailles, 1ère Chambre, du 12 juillet 2006, 03VE01211, inédit au recueil Lebon

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Cour administrative d’appel de Versailles, 1ère Chambre, du 12 juillet 2006, 03VE01211, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu l’ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d’appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d’appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d’une Cour administrative d’appel à Versailles et modifiant les articles R. 221-3, R. 221-4, R. 221-7 et R. 221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d’appel de Versailles le jugement de la requête présentée pour M. et Mme Gérard X, demeurant …, par Me Dumortier-Meynier ;

Vu ladite requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d’appel de Paris le 17 mars 2003 par laquelle M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 990574 du 19 décembre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur requête tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1985,1986 et 1987 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de condamner l’Etat à leur verser 80 000 euros au titre du préjudice subi ;

4°) de leur accorder 3 588 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que le président du tribunal de grande instance de Versailles a violé l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales en autorisant, dans le cadre d’une ordonnance rendue le 15 septembre 1987, la visite de tous les coffres bancaires ouverts aux noms des sociétés sur lesquels ils avaient procuration alors qu’il aurait dû, à cette fin, prendre une ordonnance spécialement motivée ; que l’ordonnance de perquisition et de saisie ne leur a pas été régulièrement notifiée et qu’ils n’ont pas été informés des délais et des modalités de recours ; qu’ainsi la procédure est irrégulière et les droits de la défense ont été méconnus ; que les demandes de justifications n’étaient pas suffisamment précises ; que la demande formulée par l’administration ne comportait ni les numéros des comptes bancaires et du coffre ni la date des opérations pour lesquelles des justifications étaient demandées ; qu’ils n’ont pu ni identifier les sommes inscrites dont ils étaient invités à justifier l’origine, ni engager une discussion utile avec le service ; que l’administration fiscale n’apporte pas la preuve qu’elle leur aurait restitué leurs relevés de comptes bancaires alors qu’elle en a l’obligation en application du paragraphe VI de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales ; qu’ayant été rendus destinataires des comptes bancaires de M. Y au lieu des leurs, il est démontré que les pièces en possession des services fiscaux ne leur ont pas été restituées ; qu’ainsi ils n’ont pu utilement présenter leur défense ; que l’irrégularité de la procédure entraîne la décharge des impositions contestées ; qu’ils ont souscrit un bon de caisse pour un montant de 550 000 francs le 28 novembre 1984, soit en dehors de la période soumise à vérification ; que la commission départementale des impôts a estimé que l’origine et la date d’entrée en possession du bon le 28 novembre 1984 par le contribuable était établie et a émis l’avis d’un abandon du redressement ; que la méthode d’établissement des balances retenue par les services fiscaux fait apparaître que le poste « emplois particuliers » a été comptabilisé deux fois et que certaines sommes se trouvent taxées deux fois pour un montant total de 224 000 francs ; que si la société Ouest Emballages avait, à titre conservatoire, désigné M. X comme bénéficiaire des revenus distribués le 28 octobre 1988, ceci constitue une simple information non opposable aux personnes désignées ; que la réclamation initiale soumise aux services fiscaux leur a été présentée le 26 janvier 1993 et que ceux-ci n’ont soumis le litige directement au tribunal que le 22 janvier 1999, soit six années après ; qu’ils ont été pénalisés par la durée excessive de la procédure et réclament le versement de la somme de 80 000 euros ;

…………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 29 juin 2006 :

– le rapport de Mme Belle, premier conseiller ;

– les conclusions de Mme Le Montagner, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité de la procédure employée en application de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales : « Lorsque l’autorité judiciaire, saisie par l’administration fiscale, estime qu’il existe des présomptions qu’un contribuable se soustrait à l’établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l’administration des impôts, ayant au moins le grade d’inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des impôts, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s’y rapportant sont susceptibles d’être détenus et procéder à leur saisie. (…) II. Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter (…) VI. L’administration des impôts ne peut opposer au contribuable les informations recueillies qu’après restitution des pièces et documents saisis ou de leur reproduction et mise en oeuvre des procédures de contrôle visées aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 47. » ;

Considérant que par ordonnance du 15 septembre 1987, le président du Tribunal de grande instance de Versailles a autorisé des agents de l’administration fiscale à procéder à des visites au siège social de la société Ouest Emballages dont M. Gérard X était président directeur général, au siège social des autres sociétés du groupe, dans les locaux de la discothèque « Le manoir » et dans les locaux attenants à cette discothèque où sont domiciliés Philippe X, fils de M. et Mme X, ainsi que sa concubine, au domicile de M. et Mme X ainsi que dans les coffres de M. et Mme X à la Banque Populaire de la Région Ouest de Paris, et à procéder à la saisie des pièces et documents susceptibles d’établir que les intéressés se soustrayaient au paiement ou à l’établissement de l’impôt sur le revenu ; que M. et Mme X n’ont pas formé de pourvoi en cassation contre cette ordonnance ; que, dès lors, ils ne peuvent utilement se prévaloir devant le juge de l’impôt, qui n’est pas compétent pour se prononcer sur la procédure judiciaire d’autorisation des visites organisées sur le fondement de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales, de l’irrégularité de l’ordonnance autorisant les visites ou de sa notification ;

Sur la régularité de la procédure d’imposition :

Considérant, qu’aux termes de l’article L. 16 du livre des procédures fiscales : « En vue de l’établissement de l’impôt sur le revenu, l’administration peut demander au contribuable des éclaircissements… Elle peut également lui demander des justifications lorsqu’elle a réuni des éléments permettant d’établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu’il a déclarés… Les demandes visées aux alinéas précédents doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et fixer à l’intéressé, pour fournir sa réponse, un délai qui ne peut être inférieur au délai de 30 jours prévu à l’article L. 11 » ; qu’en vertu de l’article L. 69 du livre des procédures fiscales : « sont taxés d’office à l’impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d’éclaircissements ou de justifications prévues à l’article L. 16. » ;

Considérant, en premier lieu, que si les contribuables soutiennent que le service ne leur a pas restitué les relevés de leurs comptes bancaires de la BPC et de la Banque populaire de la Région Ouest de Paris (BPROP) qu’ils avaient adressés le 24 février 1988 au vérificateur par lettre recommandée et que l’administration fiscale a ainsi méconnu les dispositions précitées du VI de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales, ce moyen est inopérant dès lors qu’il ne s’agissait pas, en l’espèce, de « documents saisis » au sens des dispositions du paragraphe VI de l’article L. 16 B, mais de documents remis par les intéressés eux-mêmes ;

Considérant, en deuxième lieu, que l’administration ne saurait user de la procédure de l’article L. 16 attachée au défaut de production des justifications dans le délai assigné qu’à condition d’avoir, au préalable, restitué aux intéressés les documents bancaires remis par ceux-ci à l’occasion de l’examen contradictoire de l’ensemble de leur situation fiscale personnelle ; que si M. et Mme X font valoir qu’ils étaient eux-mêmes seulement en possession de bordereaux de remises de chèques qu’ils avaient conservés et des comptes bancaires de la société Ouest Emballages, restitués à l’issue de la procédure de vérification de comptabilité et grâce auxquels ils ont répondu partiellement aux demandes de l’administration, et s’ils ont invoqué devant la commission départementale des impôts le fait que l’administration fiscale leur aurait, par erreur, restitué les comptes bancaires d’un autre contribuable, cette circonstance ne permet pas par elle-même de considérer que leurs propres comptes bancaires ne leur auraient pas été restitués ou qu’ils n’en auraient pas conservé les originaux ; qu’en outre, il ressort de la demande de justifications communiquée aux intéressés le 25 mai 1988 pour l’année d’imposition 1987 que l’administration n’avait à sa disposition, pour formuler sa demande, que les photocopies de leurs comptes bancaires ; que les contribuables ont répondu, pour la grande majorité des demandes, de manière très détaillée aux demandes de justifications ; qu’ainsi, il ne résulte pas de l’instruction que les époux X auraient été privés des éléments leur permettant de disposer de données suffisantes pour répondre aux demandes de justifications et pour faire valoir utilement leurs droits ;

Considérant, en troisième lieu, que si les époux X soutiennent que la procédure de demande de justifications est irrégulière au motif que les demandes qui leur ont été adressées étaient trop imprécises pour qu’ils puissent utilement présenter leur défense, il résulte de l’examen des demandes formulées par le vérificateur qu’ils ont été interrogés sur l’origine des crédits placés sur leurs comptes bancaires par deux demandes de justifications adressées les 24 et 25 mai 1988, au titre des années 1985 et 1986, et le 26 mai 1998 au titre de l’année 1987 ; que ces demandes précisaient la date et le montant de chaque écriture de crédit et le numéro de compte concerné ; que concernant la balance des espèces, les demandes comportaient le nom et l’adresse de la banque, les numéros de coffres, le montant et les dates des apports ainsi que le montant et les dates des retraits et dépenses par ordre chronologique et le montant des soldes créditeurs à justifier ; que si les requérants font valoir que, concernant la balance des espèces de 1985, est mentionné, au titre des disponibilités dégagées, un poste dont le seul intitulé est « retrait d’espèces en banque » pour un montant de 85 500 francs, la demande de l’administration fiscale datée du 24 mai 1988 précisait de quel compte il s’agissait, ainsi que le détail analytique des sommes et la date de leur retrait ; que, par suite, ces demandes de justifications étaient suffisamment précises au regard des prescriptions de l’article L. 69 du livre des procédures fiscales ;

Sur le bien fondé des impositions ayant fait l’objet de redressements selon la procédure de taxation d’office :

Considérant qu’en application des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales, il appartient au contribuable de démontrer le caractère exagéré des impositions résultant des procédures de taxation d’office diligentées sur le fondement des articles L. 16 et L. 69 du même livre ;

Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction et notamment de la balance des espèces reconstituée par le vérificateur, que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, qui n’apportent au demeurant aucune précision à l’appui de leurs allégations, les emplois particuliers n’ont pas été comptabilisés deux fois et que les retraits au coffre ont été pris en compte ; que si les contribuables font valoir, en outre, que l’administration fiscale n’a pas pris en compte le montant des espèces figurant au coffre au début de la période vérifiée et que pour l’année 1985 un montant de 224 000 francs se trouve taxé deux fois, ces allégations ne sont assorties d’aucun élément permettant d’en apprécier la portée ou le bien fondé, alors qu’en l’espèce la charge de la preuve incombe aux contribuables ; qu’ainsi les moyens soulevés ne peuvent qu’être écartés ;

Considérant, en dernier lieu, qu’en application de l’alinéa 3 de l’article L. 16 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable à la date du litige, les ventes ou remboursements de bons anonymes sont inopposables à l’administration fiscale dans le cadre de la procédure de demande de justifications ; que M. et Mme X, qui font valoir qu’ils auraient perçu les intérêts du bon acquis en 1984 en janvier1986, date à laquelle ils en auraient acquis un nouveau, ne soutiennent ni même n’allèguent qu’ils auraient, à cette date, levé l’anonymat auprès de la banque et fait mention de leur domicile fiscal ; que M. et Mme X ne peuvent utilement invoquer la circonstance, inopérante, que la commission départementale des impôts aurait émis un avis favorable à l’abandon du redressement sur ce point ; qu’ainsi le redressement contesté est fondé en droit ;

Sur le bien-fondé des impositions ayant fait l’objet d’un redressement selon la procédure de redressement contradictoire :

Considérant qu’aux termes de l’article 117 du code général des impôts : « Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu’il résulte des déclarations de la personne morale visée à l’article 116, celle-ci est invitée à fournir à l’administration dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l’excédent de distribution. En cas de refus ou à défaut de réponse dans le délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l’application de la pénalité prévue à l’article 1763 A. » ; que si le dirigeant de la personne morale s’est lui-même désigné comme étant le bénéficiaire des sommes dont il s’agit et s’il entend contester l’imposition à son nom de ces sommes, il appartient à l’intéressé de démontrer qu’il ne les a pas appréhendées en réalité ;

Considérant que la société Ouest Emballages, dont M. X est président directeur général et actionnaire majoritaire, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité pour la période allant du 1er janvier 1985 au 31 décembre 1987 ; que le 19 septembre 1988, des redressements portant sur des omissions de recettes afférentes à l’activité de discothèque de la société Ouest Emballages ont été notifiés à la société ; que M. X, interrogé par l’administration sur le fondement de l’article 117 du code général des impôts, s’est désigné lui-même comme le bénéficiaire des excédents de distribution ; que, par suite, il doit être regardé comme ayant effectivement appréhendé les revenus distribués, sauf à apporter la preuve qu’il ne les aurait pas appréhendés ; que M. X se bornant à soutenir que la réponse donnée à l’administration fiscale ne l’engageait pas, cette preuve ne peut être regardée comme apportée ; que le moyen ne saurait dès lors qu’être écarté ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les époux X ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande ;

Sur la demande de réparation du préjudice subi :

Considérant que M. et Mme X demandent la condamnation de l’administration fiscale à leur verser une indemnité de 80 000 euros en réparation du préjudice qu’ils auraient subi du fait de la lenteur de la procédure imputable à celle-ci ; que ces conclusions, qui n’ont été précédées d’aucune demande préalable présentée devant l’administration et rejetée par elle, sont, en tout état de cause, irrecevables et ne peuvent qu’être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas, en l’espèce, la partie perdante, soit condamné à verser à M. et Mme X la somme qu’ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, par suite, la demande présentée à ce titre par les époux X ne peut qu’être rejetée ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme X est rejetée.

N° 03VE01211 2


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