Cour administrative d’appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 05/07/2016, 15BX01606, Inédit au recueil Lebon

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Cour administrative d’appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 05/07/2016, 15BX01606, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B…C…ont demandé au tribunal administratif de Pau la décharge des suppléments d’impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2009 et 2010.

Par un jugement n° 1302080 du 16 avril 2015, le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 12 mai 2015 et 21 avril 2016, M. et Mme B…C…, représentés par MeA…, demandent à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 16 avril 2015 ;

2°) de leur accorder la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– la Constitution du 4 octobre 1958, et notamment son article 61-1 et la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ;

– l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 23-1 à 23-12 ;

– la loi organique n°2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution, notamment ses articles 2, 3, 4 et 5 ;

– le code général des impôts ;

– le livre des procédures fiscales ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller ;

– les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C…ont souscrit des parts de sociétés en participation (SEP) gérées par la société Dom Tom Défiscalisation (DTD) en vue de bénéficier de la réduction d’impôt que prévoit l’article 199 undecies B du code général des impôts en faveur des investissements productifs neufs réalisés dans les départements d’outre-mer dans le cadre d’entreprises exerçant une activité industrielle, commerciale ou artisanale. Les investissements consistaient en l’espèce en des installations photovoltaïques devant être acquises par la société DTD, pour le compte des associés des SEP, en vue d’être données en location en Martinique à des sociétés d’exploitation devant elles-mêmes sous-traiter l’exploitation à une société filiale du fournisseur des installations. A la suite d’un contrôle sur pièces, l’administration a remis en cause l’imputation de la réduction d’impôt pratiquée par les contribuables sur le montant de leur impôt sur le revenu au titre des années 2009 et 2010. M. et Mme C…relèvent appel du jugement du 16 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande tendant à la décharge des suppléments d’impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2009 et 2010.

Sur la régularité de la procédure d’imposition :

2. En premier lieu, les requérants font valoir que les impositions en litige auraient été précédées de vérifications de comptabilité  » sauvages  » des SEP dont ils sont associés. Toutefois, ils ne l’établissent pas en faisant état de l’ampleur des investigations menées par l’administration dans le cadre de l’exercice de son droit de communication, investigations qui ne portaient en tout état de cause pas sur la comptabilité desdites sociétés, et leur allégation n’est étayée par aucun autre élément de justification. Par suite, les moyens tirés de la violation de l’article L. 47 du livre des procédures fiscales et du détournement de procédure doivent être écartés.

3. En deuxième lieu, les impositions en litige procèdent de la remise en cause de la réduction d’impôt dont les contribuables se sont prévalus sur le fondement de l’article 199 undecies B du code général des impôts et non du rehaussement de la quote-part des résultats des SEP dont ils étaient associés. Dès lors, contrairement à ce que soutiennent les requérants, l’administration n’était pas tenue, avant de leur notifier les rectifications contestées, d’engager, conformément à l’article L. 53 du livre des procédures fiscales, une procédure de vérification et de rectification avec chacune de ces sociétés. Le défaut d’engagement d’une telle procédure ne saurait constituer, par lui-même, une atteinte au caractère contradictoire de la procédure ou aux droits de la défense.

4. En troisième lieu, il résulte des dispositions des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l’impôt concerné, de l’année d’imposition et de la base d’imposition et énoncer les motifs sur lesquels l’administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. En l’espèce, la proposition de rectification adressée aux contribuables désigne l’impôt concerné, les années d’imposition et les bases d’imposition et comporte une motivation détaillée des éléments de droit et de fait sur lesquels l’administration s’est fondée pour justifier les rectifications envisagées. Le fait que la vérification de la comptabilité de la société DTD n’ait pas été mentionnée dans cette proposition de rectification n’a en rien privé les contribuables de leur faculté de présenter des observations utiles sur les rectifications qui leur ont été notifiées. L’administration ayant estimé que les SEP gérées par la société DTD ne justifiaient pas s’être fait livrer le matériel photovoltaïque, les requérants ne sauraient non plus reprocher à l’administration de n’avoir pas désigné les sociétés dans lesquelles ils détenaient des parts sociales. Le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales doit, dans ces conditions, être écarté.

5. En quatrième lieu, l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales dispose :  » L’administration est tenue d’informer le contribuable de la teneur et de l’origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s’est fondée pour établir l’imposition faisant l’objet de la proposition prévue au premier alinéa de l’article L. 57 ou de la notification prévue à l’article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande « . Il incombe à l’administration, quelle que soit la procédure d’imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d’informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d’arrêter d’office les bases d’imposition, de l’origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu’elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l’intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Cette obligation ne s’impose à l’administration que pour les seuls renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications.

6. Il résulte de l’instruction que, pour fonder les rectifications litigieuses, l’administration a utilisé des renseignements qu’elle a obtenus, par l’exercice de son droit de communication, auprès des services douaniers, d’EDF et des transitaires en douane Géodis Wilson et Pompière SA, les éléments ainsi recueillis l’ayant conduite à estimer, notamment, qu’il existait une disproportion entre les fonds collectés et les investissements effectivement importés et que les installations photovoltaïques n’avaient pas été raccordées au réseau EDF. La proposition de rectification adressée aux contribuables les a informés avec une précision suffisante des renseignements ainsi recueillis par l’exercice du droit de communication, ainsi que de leur origine, de sorte que les contribuables ont été mis en mesure de demander la communication des documents les contenant. S’il est exact que l’administration avait procédé, préalablement à l’envoi de la proposition de rectification les concernant, à une vérification de la comptabilité de la société DTD qui a donné lieu à une proposition de rectification du 16 décembre 2010, il ne résulte aucunement de l’instruction que des renseignements recueillis au cours de cette vérification aient été effectivement utilisés pour fonder les rectifications litigieuses, même si cette vérification a provoqué l’engagement du contrôle fiscal des requérants. Ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérants, l’administration n’était pas tenue, pour respecter les obligations rappelées au point précédent, de les informer de cette vérification et de la proposition de rectification du 16 décembre 2010. Quant à la demande de communication adressée par le service des impôts le 13 décembre 2010 à EDF, elle ne constitue pas, en tout état de cause, un document émanant d’un tiers susceptible d’entrer dans le champ de l’obligation rappelée au point précédent. Enfin, il ne résulte pas de l’instruction que l’administration ait effectivement utilisé, pour fonder les rectifications, des renseignements recueillis dans le cadre du dossier pénal concernant le dirigeant de la société DTD, ni, de façon générale, qu’elle aurait utilisé des informations dont elle n’aurait pas indiqué l’origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.

7. En cinquième lieu, le fait que les contribuables n’aient pas été informés de la vérification de comptabilité de la société DTD et de la proposition de rectification adressée à cette société ne saurait caractériser, eu égard à ce qui a été dit précédemment, un manquement de l’administration fiscale à son devoir de loyauté.

8. En sixième lieu, aux termes du premier alinéa de l’article L. 81 du livre des procédures fiscales :  » Le droit de communication permet aux agents de l’administration, pour l’établissement de l’assiette et le contrôle des impôts, d’avoir connaissance des documents et des renseignements mentionnés aux articles du présent chapitre dans les conditions qui y sont précisées. « . L’article L. 83 du même code dispose :  » Les administrations de l’Etat, des départements et des communes, les entreprises concédées ou contrôlées par l’Etat, les départements et les communes, ainsi que les établissements ou organismes de toute nature soumis au contrôle de l’autorité administrative, doivent communiquer à l’administration, sur sa demande, les documents de service qu’ils détiennent sans pouvoir opposer le secret professionnel, y compris les données conservées et traitées par les opérateurs de communications électroniques dans le cadre de l’article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques et les prestataires mentionnés aux articles aux 1 et 2 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique. « .

9. Les requérants font valoir que l’administration s’est livrée, non pas à un contrôle passif et ponctuel de données brutes auprès d’un tiers, mais à une investigation qui, par son ampleur et sa nature, excède les limites du droit de communication telles qu’elles résultent des articles L. 81 et suivants du livre des procédures fiscales. Il résulte toutefois de l’instruction que les demandes adressées à la société EDF, qui pouvaient à bon droit porter sur plusieurs années d’imposition non prescrites, se limitaient aux seuls éléments d’information relatifs au raccordement effectif des installations concernées au réseau électrique et n’excédaient pas ainsi les limites du droit de communication. En outre, en se bornant à faire valoir que les redressements en litige procèdent des résultats de l’exercice du droit de communication auprès d’EDF, société dont l’Etat est actionnaire majoritaire, les requérants n’établissent pas la prétendue partialité de l’administration fiscale.

10. En dernier lieu, les requérants font valoir qu’en appuyant les rectifications sur des éléments de preuve insuffisants et insusceptibles de justifier ces rectifications, l’administration a inversé la charge de la preuve et méconnu ainsi l’article L. 55 du livre des procédures fiscales. Toutefois, dès lors que, ainsi qu’il a été dit, les contribuables ont été mis en mesure, avant l’établissement de l’impôt, de discuter utilement les éléments de preuve qui leur ont été opposés par l’administration, le caractère contradictoire de la procédure ne saurait avoir été méconnu, quelle que soit par ailleurs la pertinence de ces éléments de preuve.

Sur le bien-fondé des impositions :

11. En premier lieu, aux termes de l’article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa version applicable au litige :  » I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l’article 4 B peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu’ils réalisent dans les départements d’outre-mer (…) dans le cadre d’une entreprise exerçant (…) une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l’article 34 / (…) La réduction d’impôt prévue au premier alinéa est pratiquée au titre de l’année au cours de laquelle l’investissement est réalisé (…) « . L’article 95 Q de l’annexe II au même code dispose :  » La réduction d’impôt prévue au I de l’article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée au titre de l’année au cours de laquelle l’immobilisation est créée par l’entreprise ou lui est livrée ou est mise à sa disposition dans le cadre d’un contrat de crédit-bail (…) « . Il résulte de ces dispositions que le fait générateur de la réduction d’impôt prévue à l’article 199 undecies B du code général des impôts est la date à laquelle, du fait de sa livraison effective ou de sa création dans le département ou le territoire d’outre-mer, l’immobilisation au titre de laquelle l’investissement productif a été réalisé peut être effectivement exploitée et par suite être productive de revenus.

12. Il résulte de l’instruction que les investissements productifs à raison desquels les requérants ont bénéficié des réductions d’impôt litigieuses consistaient en des centrales photovoltaïques destinées à être données en location en Martinique à des sociétés d’exploitation devant elles-mêmes sous-traiter l’exploitation à une société filiale du fournisseur des installations. De telles installations ne peuvent être effectivement exploitées sans être préalablement raccordées à un réseau de distribution électrique. Le fait que ces installations devaient être exploitées par des sociétés locataires est sans incidence sur la pertinence de ce critère. Or, il n’est pas contesté que, comme le relève l’administration, aucune des installations censées avoir été acquises par les SEP dont sont associés les contribuables n’était, que ce fût au 31 décembre 2009 ou au 31 décembre 2010, raccordée à un réseau de distribution électrique. Dans ces conditions, en estimant que les investissements dont se prévalaient les contribuables ne pouvaient être regardés comme ayant été réalisés en 2009 ou en 2010 et en remettant ainsi en cause, notamment pour ce motif qui suffit à justifier le bien-fondé des impositions, les réductions d’impôt dont ont bénéficié les intéressés au titre de ces années, le service des impôts a fait une exacte application de la loi fiscale.

13. Le point 148 de l’instruction 5-B-2-07 dont l’objet est de définir  » l’année au titre de laquelle la réduction d’impôt est pratiquée « , énonce :  » Conformément aux dispositions du vingtième alinéa du I de l’article 199 undecies B, la réduction d’impôt est pratiquée au titre de l’année au cours de laquelle l’investissement est réalisé. Le premier alinéa de l’article 95 Q de l’annexe II prévoit que l’année de réalisation de l’investissement s’entend de l’année au cours de laquelle l’immobilisation est créée, c’est-à-dire achevée, par l’entreprise ou lui est livrée au sens de l’article 1604 du code civil, ou est mise à disposition dans le cadre d’un contrat de crédit-bail. (…) / Conformément à cette règle, les immobilisations non achevées au 31 décembre d’une année ne peuvent donner lieu à une réduction d’impôt au titre de cette année alors même que l’entreprise, dans le cadre de laquelle cet investissement est réalisé, en devient propriétaire au fur et à mesure de leur fabrication « . Il résulte de ce paragraphe et notamment de son second alinéa, qu’il exclut que la réduction d’impôt en litige puisse être pratiquée si l’immobilisation dont les équipements ont été livrés n’a pas été  » achevée  » au 31 décembre de l’année pour laquelle la réduction d’impôt est pratiquée. Ainsi, en tenant compte de toutes ses dispositions, ce point ne contient, en tout état de cause, aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle qui vient d’être rappelée au point 11.

14. En dernier lieu, les requérants ne sauraient se prévaloir du rescrit n° 2012/36 du 29 mai 2012 dès lors que cette doctrine ne s’applique qu’aux souscriptions réalisées à compter du 29 septembre 2010 dans des sociétés exerçant une activité de production d’électricité d’origine photovoltaïque et à celles effectuées à compter du 13 octobre 2010 dans des sociétés exerçant une activité procurant des revenus garantis en raison de l’existence d’un tarif réglementé de rachat de la production.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

15. Aux termes de l’article 61-1 de la Constitution :  » Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d’application du présent article « . Aux termes de l’article 23-1 de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, modifiée par la loi organique susvisée du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution :  » Devant les juridictions relevant du Conseil d’État (…) le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d’irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d’appel (…) « . L’article 23-2 de la même ordonnance dispose :  » La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n’est pas dépourvue de caractère sérieux « .

16. Les requérants soutiennent que les dispositions du I de l’article 199 undecies B du code général des impôts, en tant qu’elles subordonnent le fait générateur de la réduction d’impôt sur le revenu qu’elles instaurent à la condition de réalisation effective de l’investissement productif, sont contraires aux principes d’égalité devant la loi et d’égalité devant les charges publiques prévus par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

17. Aux termes de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la loi  » doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse « . Le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit.

18. Aux termes de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 :  » Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés  » Cette exigence ne serait pas respectée si l’impôt faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives. En vertu de l’article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d’égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques.

19. En premier lieu, les dispositions du II de l’article 199 undecies B relatives aux opérations agrées disposent :  »  » 1. Les investissements mentionnés au I et dont le montant total par programme et par exercice est supérieur à 1 000 000 euros ne peuvent ouvrir droit à réduction que s’ils ont reçu un agrément préalable du ministre chargé du budget dans les conditions prévues au III de l’article 217 undecies. Les dispositions du premier alinéa sont également applicables aux investissements mentionnés au I et dont le montant total par programme et par exercice est supérieur à 250 000 euros, lorsque le contribuable ne participe pas à l’exploitation au sens des dispositions du 1° bis du I de l’article 156. Le seuil de 250 000 euros s’apprécie au niveau de l’entreprise, société ou groupement qui inscrit l’investissement à l’actif de son bilan ou qui en est locataire lorsqu’il est pris en crédit-bail auprès d’un établissement financier. 2. Pour ouvrir droit à réduction et par dérogation aux dispositions du 1, les investissements mentionnés au I doivent avoir reçu l’agrément préalable du ministre chargé du budget dans les conditions prévues au III de l’article 217 undecies lorsqu’ils sont réalisés dans les secteurs des transports, de la navigation de plaisance, de l’agriculture, de la pêche maritime et de l’aquaculture, de l’industrie charbonnière et de la sidérurgie, de la construction navale, des fibres synthétiques, de l’industrie automobile ou concernant la rénovation et la réhabilitation d’hôtel, de résidence de tourisme et de village de vacances classés ou des entreprises en difficultés ou qui sont nécessaires à l’exploitation d’une concession de service public local à caractère industriel et commercial. « . Ces dispositions subordonnent ainsi, s’agissant d’investissements dépassant un certain seuil ou réalisés dans certains domaines, la réduction d’impôt à une condition supplémentaire tenant à la délivrance d’un agrément préalable par l’administration fiscale. Toutefois, contrairement à ce qui est soutenu, elles n’ont ni pour objet ni pour effet de modifier le fait générateur de la réduction d’impôt consistant en la réalisation effective de l’investissement, de sorte que les requérants ne sont pas fondés à invoquer une différence de traitement quant à ce fait générateur.

20. En deuxième lieu, les requérants font valoir que l’article 217 undecies du code général des impôts permet aux entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés qui réalisent des investissements productifs outre-mer de déduire de leurs résultats imposables le montant des investissements éligibles au régime de faveur dès la date de souscription au capital social, sans attendre la réalisation effective des investissements. Toutefois, l’avantage fiscal prévu par ces dispositions en matière d’impôt sur les sociétés est distinct de celui prévu par l’article 199 undecies B I en matière de réduction de l’impôt sur le revenu et n’affecte ainsi pas la même catégorie de contribuables.

21. En troisième lieu, il n’est ni établi ni même allégué que les dispositions contestées feraient peser sur les contribuables concernés une charge excessive au regard de leurs propres facultés contributives.

22. Enfin, les requérants ne peuvent utilement contester la constitutionnalité des dispositions de l’article 199 undecies B du code général des impôts dans leur rédaction issue de l’article 36 de la loi du 29 décembre 2010 fixant les dispositions transitoires relatives à l’exclusion du champ d’application du dispositif d’aide fiscale des investissements réalisés à compter du 29 septembre 2010 dans le secteur de la production d’électricité d’origine photovoltaïque, lesquelles ne sont pas applicables au présent litige au sens de l’article 23-2 précité de l’ordonnance du 7 novembre 1958.

23. Il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée est dépourvue de caractère sérieux. Par suite, il n’y a pas lieu de transmettre cette question au Conseil d’État.

24. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C…ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande. Leurs conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, être accueillies.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme C…est rejetée.

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N° 15BX01606 – 3 –


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