Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d’appel le 2 avril 1991 sous le n° 91NC00191 présentée par M. Michel X… demeurant … ;
M. X… demande à la Cour :
1°/ d’annuler le jugement du 22 janvier 1991 par lequel le tribunal administratif d’Amiens a rejeté sa demande en décharge des impositions supplémentaires à l’impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1980, 1981 et 1982 ;
2°/ de lui accorder la décharge des impositions contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 30 janvier 1992 :
– le rapport de M. BONHOMME, Conseiller ,
– et les conclusions de Mme FELMY, Commissaire du Gouvernement ;
Sur la régularité du jugement et sans qu’il soit besoin de statuer sur le moyen tiré de la réception tardive de l’avis d’audience :
Considérant qu’il ressort du jugement attaqué que le tribunal administratif a estimé que les sommes devant être mises à disposition de M. X… devaient être évaluées compte tenu du montant de sa participation dans le capital de la société Entreprendre ; que toutefois le dispositif dudit jugement, qui rejette dans sa totalité la requête du contribuable laisse à sa charge des impositions supplémentaires calculées sur l’ensemble des sommes litigieuses après avoir relevé que M. X… ne détenait pas l’intégralité du capital de la société en cause ; qu’ainsi, le jugement du tribunal administratif d’Amiens en date du 22 janvier 1991 est entaché d’une contrariété de motifs et par suite doit être annulé ;
Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X… devant le tribunal administratif d’Amiens ;
Sur le fondement des redressements contestés et la charge de la preuve :
Considérant qu’aux termes de l’article 109-1 du code général des impôts : « Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou portés au capital ; 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. » ; qu’en application de l’article 111 du même code, sont notamment considérés comme revenus distribués « les rémunérations et avantages occultes (…) ; qu’en vertu de l’article 117 « Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu’il résulte des déclarations de la personne morale visées à l’article 116, celle-ci est invitée à fournir à l’administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l’excédent de distribution » ;
Considérant que M. X…, gérant de la société Entreprendre, qui n’a pas nié être le bénéficiaire des distributions de bénéfices à la suite de la demande de désignation du bénéficiaire faite par l’administration sur le fondement de l’article 117 du code général des impôts, n’a pas accepté les redressements qui lui ont été notifiés ; que par suite, l’administration, qui ne peut se prévaloir de l’avis de la commission départementale des impôts et taxes qui n’a statué que sur les droits dus par la société Entreprendre, doit rapporter la charge de la preuve de l’appréhension des revenus distribués par M. X… ;
Sur le principe de l’imposition :
Considérant qu’il résulte de l’instruction que la société à responsabilité limitée Entreprendre avait pour activité principale la pose et l’installation de lignes téléphoniques à Saint-Quentin (Aisne) ; qu’elle a, au cours des exercices clos en 1980, 1981 et 1982, supporté et inclus parmi ses charges d’exploitation déductibles, au titre des dépenses de publicité, des frais de placement, des frais afférents à l’entretien, la préparation et l’entretien de véhicules automobiles engagés dans des compétitions par M. X… et son épouse ;
Considérant que M. X… fait valoir que l’utilisation de voitures de compétition comme support d’une publicité de marque constitue un procédé normal de promotion utilisé par de nombreuses entreprises ; que la société Entreprendre a consacré à ce procédé des sommes limitées représentant moins de 1 % environ de son chiffre d’affaires annuel et qu’il dispose, tout comme Mme X…, des compétences nécessaires pour piloter des véhicules automobiles en compétition ;
Considérant cependant qu’il résulte de l’instruction qu’en l’espèce la simple apposition d’un autocollant de dimension réduite avec comme mention « installations téléphoniques ENTREPRENDRE » sur les véhicules sus-évoqués, engagés dans des compétitions dans l’ensemble du pays, ne peut être regardée comme une mesure réelle de publicité, compte tenu de la notoriété limitée de cette marque et du caractère régional de son champ d’activité, alors même que M. X… fait état des contacts qu’il a pu prendre à cette occasion avec de futurs clients ;
Considérant par ailleurs que l’administration établit que les véhicules automobiles en cause appartenaient à M. Michel X… et que les charges passées en frais de publicité correspondaient en fait au règlement de factures libellées au nom de M. X… au titre de ses dépenses de compétition sportive ; qu’ainsi, lesdits frais n’apparaissent pas comme engagés dans l’intérêt de l’exploitation de la S.A.R.L. ENTREPRENDRE mais révèlent une volonté, de la part de cette société, d’octroyer indirectement une libéralité à son gérant et à son épouse ; qu’il s’ensuit que c’est à bon droit que l’administration a procédé à la réintégration des sommes litigieuses dans les revenus de M. X…, qui s’est désigné lui-même, en tant que gérant de la société Entreprendre, comme le bénéficiaire de ces distributions ;
Sur les pénalités :
Considérant que par lettre du 18 décembre 1983 adressée à M. Michel X…, l’administration a motivé l’application des pénalités pour absence de bonne foi par la répétition d’infractions fiscales révélée par un précédent contrôle ; que s’agissant de revenus distribués, les faits imputables à une société ne peuvent justifier l’application des sanctions prévues aux articles 1729 et 1731 du code général des impôts à l’égard de l’imposition personnelle des personnes physiques ou morales dirigeantes ou associées de la société ayant été à l’origine des revenus distribués ; que dès lors M. X… doit, en tout état de cause, être déchargé des pénalités qui lui ont été réclamées dans la limite des intérêts de retard ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. X… n’est fondé à demander la décharge des impositions supplémentaires sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l’année 1980 que dans la limite de la substitution des intérêts de retard aux pénalités de mauvaise foi ;
Article 1 : Le jugement du 22 janvier 1991 du tribunal administratif d’Amiens est annulé.
Article 2 : Les intérêts de retard sont substitués dans la limite du montant des pénalités afférentes aux suppléments d’impôt sur le revenu auxquelles M. X… a été assujetti au titre des années 1980, 1981 et 1982.
Article 3 : Il est accordé à M. X… une décharge partielle des impositions supplémentaires auxquelles il a été assujetti au titre de l’impôt sur le revenu pour l’année 1979 correspondant à l’application de l’article 2.
Article 4 : Le surplus de la requête de M. X… est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. X… et au ministre délégué auprès du Ministre d’Etat, ministre de l’économie, des finances et du budget, chargé du budget.