Cour administrative d’appel de Nantes, 1e chambre, du 19 décembre 2000, 96NT01800, inédit au recueil Lebon

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Cour administrative d’appel de Nantes, 1e chambre, du 19 décembre 2000, 96NT01800, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 13 août 1996, présentée pour M. Y… demeurant … (44000) Nantes, par Me X…, avocat au barreau de Rennes ;

M. Y… demande à la Cour :

1 ) d’annuler le jugement n s 92.5312-94.2725 en date du 14 juin 1996 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes tendant à la décharge des compléments d’impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1987 à 1991 dans les rôles de la ville de Nantes, ainsi que des pénalités dont ils ont été assortis ;

2 ) de prononcer la décharge demandée ;

3 ) d’ordonner que, jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la requête, il soit sursis à l’exécution des articles des rôles correspondants ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Vu la loi n 64-1360 du 31 décembre 1964;

Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 21 novembre 2000 :

– le rapport de M. AUBERT, président,

– et les conclusions de M. GRANGE, commissaire du gouvernement ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la taxation des produits des concessions de marques :

Considérant qu’aux termes de l’article 92 du code général des impôts, sont considérés comme des bénéfices non commerciaux :  » 2 … Les produits perçus par les inventeurs au titre soit de la concession de licences d’exploitation de leurs brevets, soit de la cession ou concession de marques de fabrique, procédés ou formules de fabrication » ; qu’aux termes de l’article 93 du même code relatif à la détermination des bénéfices imposables : « 2. Dans le cas de concession de licence d’exploitation d’un brevet, ou de cession ou de concession d’un procédé ou formule de fabrication par l’inventeur lui-même, il est appliqué sur les produits d’exploitation ou sur le prix de vente un abattement de 30 % pour tenir compte des frais exposés en vue de la réalisation de l’invention … » ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. Y…, pharmacien et biologiste, a déposé auprès de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) la marque de certains produits parapharmaceutiques et que l’intéressé a, moyennant une redevance de 4,5 % sur le chiffre d’affaires réalisé, concédé le droit de commercialiser ces produits à la société SARPP dont il était le gérant et dont il détenait 99 % du capital ; que, dès lors que les dénominations de produits ainsi déposées auprès de l’INPI doivent être regardées en application de la loi susvisée du 31 décembre 1964 alors en vigueur, comme des marques de fabrique au sens des dispositions de l’article 92-2 précitées du code général des impôts, c’est à bon droit que, pour la détermination de l’impôt sur le revenu des années 1987 à 1990, M. Y… a déclaré les revenus provenant des concessions susmentionnées dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ; qu’ainsi c’est à tort que le service les a imposées dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ;

Considérant, toutefois, que, comme le fait valoir à titre subsidiaire le ministre qui doit ainsi être regardé comme se prévalant d’une substitution de base légale, il résulte des termes mêmes des dispositions précitées de l’article 93-2 du code général des impôts qu’elles ne sont pas applicables aux sommes perçues en contrepartie de la concession de marques de fabrique ; que, par suite, contrairement à ce que soutient M. Y…, les redevances en cause ne pouvaient faire l’objet, pour l’établissement de l’impôt dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, de l’abattement de 30 % prévu par ces dispositions ; que, dès lors, M. Y…, qui ne soutient pas que l’imposition erronée desdits revenus dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux n’a eu d’autre effet que de remettre en cause l’abattement de 30 % auquel il avait procédé à tort, n’est pas fondé à se plaindre de ce que le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d’impôt sur le revenu auquel il a été assujetti par l’effet de ce changement de catégorie de revenus ;

En ce qui concerne la taxation de revenus de capitaux mobiliers ;

Considérant qu’aux termes de l’article 109-1 du code général des impôts : « Sont considérés comme revenus distribués … 2 toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices … » ;

Sur la somme de 2 millions de francs imposée au titre de l’année 1988 ;

Considérant qu’en vertu d’une convention conclue avec M. Y…, la SARL SARPP a comptabilisé en charges le 31 décembre 1988 une somme de 2 millions de francs à titre d’avances sur redevances rémunérant la concession exclusive au profit de ladite société, du produit « Valgorge », pour une durée de 10 années ; que la somme correspondante a été portée, à la même date, au crédit du compte courant de M. Y… ; que le service a regardé cette somme comme une libéralité consentie à l’intéressé et l’a imposée entre ses mains dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en application des dispositions précitées de l’article 109-1-2 du code général des impôts ;

Considérant, d’une part, qu’il est constant que M. Y… s’est abstenu de répondre à la notification du redressement que l’administration envisageait d’opérer à ce titre ; que, par suite, conformément aux dispositions de l’article R.194-1 du livre des procédures fiscales, il appartient au contribuable d’apporter la preuve de l’exagération du complément d’imposition résultant de ce redressement ;

Considérant, d’autre part, que contrairement à ce que soutient M. Y…, la somme en cause était destinée à rémunérer non une cession de marque mais une simple concession ; qu’eu égard à la communauté d’intérêts existant entre M. Y… et la société SARPP, le prix de cette concession ne peut pas être regardé comme le résultat d’une véritable négociation et, par suite, sa valeur dépendait des perspectives de profits que son exploitant pouvait escompter ; que le requérant ne fait état d’aucune étude de marché qui aurait permis d’apprécier ce profit ni d’aucune autre circonstance justifiant le principe et le montant de l’avance en cause alors qu’il n’est pas contesté que l’exploitation des autres marques était habituellement rémunérée par une redevance de 4,25 % sur le chiffre d’affaires réalisé par le produit concerné ; que, dans ces conditions, et alors en outre que la convention de concession prévoyait que ladite somme restait définitivement acquise à M. Y…, celui-ci ne peut pas être regardé comme établissant que la somme de 2 millions de francs correspondait à la valeur de cette concession au 31 décembre 1988 ; qu’il ne justifie pas davantage, alors que la charge de la preuve lui incombe, quelle pouvait être cette valeur à cette date ; que, dans ces conditions, il ne peut pas être regardé comme ayant établi le caractère exagéré de l’imposition, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en application des dispositions de l’article 109-1-2 du code général des impôts, de l’intégralité de la somme en cause mise ainsi à sa disposition par la société SARPP ;

Sur la somme de 838 532 F imposée au titre de l’année 1990 :

Considérant que le service a estimé que les dépenses d’un montant total de 838 532 F engagées en 1990 par la société SARPP pour l’acquisition, le transport, l’entretien, le gardiennage et les frais de carburants de 6 karts n’avaient pas été effectuées dans l’intérêt de cette entreprise mais dans celui de M. Y… et que cette libéralité relevait dès lors d’un acte anormal de gestion ; que la somme correspondante a été considérée comme ayant été mise à la disposition de l’intéressé au sens des dispositions précitées de l’article 109-1-2 du code général des impôts et imposée entre les mains de M. Y… dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;

Considérant, d’une part, que le redressement notifié à M. Y… sur cette base ayant été expressément refusé par l’intéressé dans le délai de trente jours dont il disposait, il appartient à l’administration d’apporter la preuve de l’existence et du montant des revenus distribués qu’elle entend ainsi assujettir à l’impôt ainsi que, le cas échéant, de leur appréhension par M. Y… ;

Considérant, d’autre part, que l’exécution, aux frais d’une société, d’opérations présentant un avantage pour un associé constitue une libéralité sauf s’il est établi que l’avantage ainsi consenti comportait, pour la société, une contrepartie qu’elle avait elle-même recherchée dans son propre intérêt ; que, dans ces conditions, la circonstance invoquée par l’administration que M. Y…, qui pratique le pilotage de karts, aurait trouvé un intérêt personnel aux dépenses ainsi prises en charge par la société SARPP ne saurait à elle seule établir l’existence d’un acte anormal de gestion s’il est justifié que ladite société recherchait dans cette opération une contrepartie dans son propre intérêt ; qu’à cet égard M. Y… soutient, sans être sérieusement contredit, que les véhicules en cause servaient de support publicitaire pour la promotion d’un produit commercialisé notamment par la société SARPP ; qu’il doit être ainsi regardé comme justifiant que l’entreprise avait en vue son propre intérêt commercial en prenant en charge les dépenses litigieuses, quelle que soit la situation financière de la société SARPP ; que les pièces du dossier ne permettent pas de déterminer la part de ces dépenses qui aurait été engagée dans le seul intérêt personnel de M. Y… ; que celui-ci est, par suite, fondé à soutenir que la somme susindiquée n’a pas constitué une distribution de bénéfices dont le montant serait imposable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et à demander la décharge, en droits et pénalités, du complément d’impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l’année 1990 à raison de cette somme ;

En ce qui concerne la taxation de plus-values sur cession de marques ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction, et notamment des jugements du Tribunal de commerce de Nantes en date des 29 novembre 1990 et 16 mai 1991 que le redressement judiciaire de la société SARPP a été étendu à M. Y… et à la société Pharmacochim dont il était également le dirigeant ; que par un jugement du 11 juin 1991, le même tribunal a arrêté un plan de cession des fonds des sociétés SARPP et Pharmacochim à une société tierce et décidé que cette cession porterait notamment sur les marques déposées au nom de M. Y… ; que, dès lors que celui-ci était au nombre des cédants, comme cela résulte d’ailleurs en outre d’un acte authentique du 20 mars 1992, il lui incombait, contrairement à ce qu’il se borne à soutenir en appel, de déclarer les plus-values dégagées lors de la réalisation de la cession desdites marques ;

Sur les pénalités :

Considérant qu’en faisant valoir que M. Y…, qui ne possédait pas de compte courant dans la société Pharmacochim, a cependant effectué un prélèvement de 700 000 F par virement sur son compte bancaire sans justification, en toute connaissance de cause, et alors que l’intéressé n’a pas contesté le redressement qui en est résulté, l’administration doit être regardée comme apportant la preuve de la mauvaise foi du contribuable ; que, M. Y… n’est pas suite, pas fondé à contester les pénalités qui ont été appliquées sur le fondement des dispositions de l’article 1729 du code général des impôts aux droits résultant de ce redressement ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. Y… est seulement fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté l’intégralité de ses demandes ;

Article 1er : La base de l’impôt sur le revenu assignée à M. Y… au titre de l’année 1990 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers est réduite de la somme de huit cent trente huit mille cinq cent trente deux francs (838 532 F).

Article 2 : M. Y… est déchargé des droits et pénalités correspondant à la réduction de base d’imposition définie à l’article 1er.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Nantes en date du 14 juin 1996 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Y… est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Y… et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.


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