Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 31 mars 2005, présentée pour M. Michel X, demeurant …, par Me Aubaniac ;
M. X demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement n° 9900303 du 20 janvier 2005 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes mises à sa charge au titre des années 1990, 1991 et 1992 ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2000 au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 6 novembre 2007 :
– le rapport de M. Malardier, rapporteur ;
– et les conclusions de M. Emmanuelli, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X, associé et salarié de la SARL CDB et gérant-associé de la SCI Déco Brico, a contesté devant le tribunal administratif de Montpellier les impositions mises à sa charge au titre des années 1990, 1991 et 1992 à raison des redressements effectués, dans les catégories des revenus des capitaux mobiliers, des traitements et salaires et des revenus fonciers procédant de la rectification des résultats des deux sociétés précitées ; que, le tribunal administratif de Montpellier ayant rejeté sa requête, il fait régulièrement appel de ce jugement ;
Sur l’application de l’article L. 48 du livre des procédures fiscales :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 48 du livre des procédures fiscales : « A l’issue d’un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l’impôt sur le revenu ou d’une vérification de comptabilité, lorsque des rectifications sont envisagées, l’administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la proposition prévue au premier alinéa de l’article L. 57 ou dans la notification mentionnée à l’article L. 76, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces rectifications. Lorsqu’à un stade ultérieur de la procédure de rectification contradictoire l’administration modifie les rehaussements, pour tenir compte des observations et avis recueillis au cours de cette procédure, cette modification est portée par écrit à la connaissance du contribuable avant la mise en recouvrement, qui peut alors intervenir sans délai. »
Considérant que le requérant soutient que, dans la première procédure de redressement résultant de la notification de redressement du 20 décembre 1993, ainsi que dans la réponse de l’administration datée du 18 mai 1994 et relative au second redressement, l’administration n’a pas indiqué les conséquences fiscales des redressements notifiés, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 48 du livre des procédures fiscales ;
Considérant que l’article L. 48 ne s’applique qu’à l’issue d’un examen contradictoire de situation fiscale personnelle ou d’une vérification de comptabilité ; que le requérant n’a fait l’objet d’aucune de ces deux procédures, ainsi qu’il a été dit ci-dessus ; que ce moyen reste toutefois opérant lorsque est en cause un redressement résultant, pour un associé d’une société de personnes, du redressement de la société en cause ; qu’il en résulte en l’espèce, que le moyen doit être écarté lorsqu’il est relatif aux impositions de M. X résultant du redressement de la SARL CDB, société de capitaux, mais qu’il doit être admis lorsqu’il est relatif aux impositions de M. X résultant du redressement de la SCI Déco Brico, société de personnes, et qui ne relèvent que de la catégorie des revenus fonciers ;
Considérant que, en ce qui concerne l’année 1990, l’administration a redressé les revenus fonciers de M. X provenant de la SCI Déco Brico en les portant d’un déficit de 9 442 F à un bénéfice de 298 F, soit un rehaussement de sa base imposable de 9 740 F, sans indiquer les conséquences financières de ce rehaussement ; qu’il y a lieu, en conséquence, de réduire la base de l’impôt sur le revenu assigné à M. X au titre de l’année 1990 d’une somme de 9740 F ;
Considérant qu’en ce qui concerne les années 1991 et de 1992, les conséquences financières du redressement ont été indiquées dans la notification datée du 18 mai 1994 ; que ces impositions n’ont pas connu de modification ultérieurement dans la procédure ; que toutefois, en ce qui concerne l’année 1991, l’imposition réellement réclamée a été supérieure de 169 francs à ce qui avait été annoncé dans la notification du 18 mai 1994 ; qu’il y a donc lieu de décharger M. X du complément d’impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l’année 1991 à concurrence de la somme de 169 F ; que par ailleurs, en ce qui concerne l’année 1992, le moyen doit être écarté dès lors que l’imposition réclamée était inférieure au montant annoncé dans la notification du 18 mai 1994 ;
Sur la régularité de la procédure d’imposition :
Considérant en premier lieu, que le requérant, contrairement à ses affirmations, n’a pas fait l’objet d’une procédure d’examen contradictoire de l’ensemble de sa situation fiscale personnelle ; que l’administration a notifié les conséquences des vérifications de comptabilité des deux sociétés SARL CDB et SCI Deco Brico dont il est salarié et associé pour la première, et gérant associé pour la seconde ; que le moyen tiré de ce que la procédure contradictoire d’examen de sa situation fiscale personnelle n’aurait pas été respectée est donc inopérant et ne peut qu’être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable : «L’administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation . Lorsque l’administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. » ;
Considérant que la notification de redressement adressée le 20 décembre 1993 à M. X fait état, en ce qui concerne les frais de véhicule et d’assurance complémentaire maladie, de la nature et du montant des redressements ainsi que de leurs motifs de façon suffisante pour permettre au contribuable de formuler ses observations, ce qu’il a d’ailleurs fait ; qu’aucune disposition n’exige que les notifications de redressement comportent la mention des textes sur le fondement desquels elles sont établies ;
Considérant par contre, que dans la notification de redressement en date du 18 mai 1994, l’administration a insuffisamment motivé le redressement en base d’un montant de 20 565 francs relatif à l’année 1991 dès lors qu’elle n’a pas précisé la nature des impôts qu’elle a estimé déduits à tort ni identifié les emprunts dont elle a refusé la déduction des intérêts ; qu’il y a dès lors lieu de réduire la base de l’impôt sur le revenu assignée à M. X au titre de l’année 1991 d’une somme de 20 656 francs ;
Considérant en troisième lieu, que l’administration est en droit, à tout moment de la procédure et sans reprendre celle-ci, pour justifier le bien-fondé d’une imposition, de substituer une autre base légale à celle qui a été primitivement invoquée dès lors que cette substitution peut être faite sans priver le contribuable des garanties qui lui sont reconnues en matière de procédure d’imposition ; que le vérificateur a régulièrement, par son courrier du 2 mai 1994, renouvelé le 18 mai, procéder à une modification de la catégorie de revenus dans laquelle les avantages en nature reçus par M. X devaient être imposés ; qu’il a pu requalifier sans réitérer une nouvelle procédure de redressement ces avantages de traitements et salaires alors qu’ils avaient initialement été imposés dans la catégorie de revenus de capitaux mobiliers dès lors que cette modification lui était favorable ; que le moyen de M. X tiré de l’irrégularité de la procédure suivie lors de cette substitution de base légale ne peut donc qu’être écarté ;
Considérant en quatrième lieu, qu’aux termes de l’article L. 59 A du livre des procédures fiscales dans sa version applicable au présent litige : «La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires intervient : 1° Lorsque le désaccord porte soit sur le montant du bénéfice industriel et commercial, du bénéfice non commercial, du bénéfice agricole ou du chiffre d’affaires, déterminé selon un mode réel d’imposition, soit sur la valeur vénale des immeubles, des fonds de commerce, des parts d’intérêts, des actions ou des parts de sociétés immobilières servant de base à la taxe sur la valeur ajoutée, en application de l’article 257 (6° et 7°-1) du code général des impôts » ;
Considérant que les redressements contestés par M. X relèvent de la catégorie des traitements et salaires et de celle des revenus fonciers ; que les litiges concernant ces revenus ne sont pas au nombre de ceux qui, aux termes de l’article L. 59 A du livre des procédures fiscales, ressortent de la compétence de la commission départementale des impôts et dont l’administration n’avait pas à justifier de son refus de saisir ladite commission ; que dès lors, le moyen de M. X tiré de ce que l’administration aurait irrégulièrement refusé de saisir ladite commission ne peut qu’être écarté ;
Considérant en cinquième lieu, que le requérant soutient que la simultanéité des notifications de redressement du 20 décembre 1993 concernant d’une part la SARL CDB et lui-même d’autre part rend ces notifications irrégulières ; que si M. X entend faire valoir que le redressement des résultats de la SARL CDB n’était pas devenu définitif à la date où lui ont été notifiés ses propres redressements, cette circonstance n’entachait pas d’irrégularités la procédure de redressement dont M. X était l’objet ; que ce moyen doit dès lors être écarté ;
Sur le bien-fondé des redressements catégoriels :
En ce qui concerne la taxe foncière de l’année 1991 :
Considérant qu’aux termes de l’article 1400 du code général des impôts : « Toute propriété bâtie ou non bâtie, doit être imposée au nom du propriétaire actuel ; » et qu’aux termes de l’article 109-1 du code général des impôts : « Sont considérés comme revenu distribué :
1 ° Tous les bénéfices produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporée au capital ;
2 ° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. » ;
Considérant qu’après avoir relevé que la taxe foncière de l’année 1991 avait été payée par la SARL CDB, locataire de la SCI Déco Brico, au lieu et place du propriétaire redevable, le vérificateur n’avait pas l’obligation de demander à la SARL CDB de désigner le bénéficiaire de ce revenu ; qu’ensuite, et dès lors que les bénéfices réalisés par les sociétés de personnes, au nombre duquel se trouve la SCI Déco Brico, sont imposés non pas au nom de la société mais au nom personnel de chaque associé, le vérificateur a pu réintégrer cette somme dans les revenus de M. X ; que le moyen de M. X tiré de ce que l’administration aurait irrégulièrement attribué ce revenu distribué à la SCI Déco Brico puis à M. X ne peut qu’être écarté ;
Considérant ensuite que si M. X soutient, dans un premier temps que la SCI aurait remboursé à la SARL le montant de la taxe foncière que celle-ci avait indûment versée, et dans un second temps qu’il existait une convention mettant la taxe foncière à la charge du locataire, il n’apporte aucun élément de preuve à l’appui de ses affirmations ;
Considérant que le requérant soutient que la taxe foncière à été réintégrée à tort à hauteur de 12 701 F alors qu’elle avait fait l’objet d’un dégrèvement de 2270 F ; que toutefois seule la somme de 12 701 F apparaissant dans les comptes de la SARL CDB elle devait nécessairement être considérée comme avantage distribué à la SCI Déco Brico ainsi que cela a été dit ci-dessus ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. X n’est pas fondé à soutenir que l’administration aurait commis une erreur sur le principe et sur le montant de cette réintégration ;
En ce qui concerne la taxe locale d’équipement :
Considérant qu’aux termes de l’article 302 septies B II du code général des impôts, la taxe locale d’équipement constituant, du point de vue fiscal, un élément du prix de revient de l’ensemble immobilier, elle ne peut venir en déduction du revenu foncier procuré par l’immeuble en cause ; que la demande ne peut qu’être rejetée ;
En ce qui concerne l’utilisation privative d’un véhicule de société :
Considérant qu’il résulte de l’instruction et qu’il n’est pas contesté par M. X qu’il était désigné comme conducteur habituel dudit véhicule dans le contrat d’assurance ; que M. X ne conteste pas ne pas avoir de véhicule personnel et utiliser le véhicule de la société pour se rendre à son travail ; que compte tenu de ces éléments, il ne démontre pas que la quote-part de 50 pour 100 d’utilisation privative du véhicule de la société, retenue par l’administration, serait exagérée ; que ce moyen ne peut donc qu’être rejeté ;
En ce qui concerne la TVA :
Considérant que c’est à juste titre que le requérant fait valoir que l’administration a commis une erreur dans le calcul de la TVA concernant, pour l’année 1990, la valeur de l’usage privé du véhicule de société en appliquant un taux de 18,71 % et non de 18,6 % ; que cette erreur de calcul a eu pour effet de majorer de 4 francs les salaires du requérant perçus en 1990 ; qu’il y a dès lors lieu de réduire la base de l’impôt sur le revenu assignée à M. X au titre de l’année 1990 d’une somme de 4 francs ;
Considérant ensuite que M. X est fondé à soutenir que c’est à tort que le vérificateur a réintégré la TVA sur les dépenses de vignette et d’assurance automobile relatives au véhicule mis à sa disposition ; qu’il y a lieu dès lors de réduire les bases d’impôt sur le revenu assignées à M. X de 196 francs pour 1990, de 206 francs pour 1991 et de 202 francs pour 1992 ;
Sur le revenu global :
Considérant que, dans sa réponse aux observations du contribuable du 15 juillet 1994, l’administration a indiqué que le quotient familial était porté de une part à une part et demie ; que le moyen de M. X tiré de ce qu’il aurait été irrégulièrement appliqué un quotient d’une part manque en fait ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1000 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La base de l’impôt sur le revenu assignée à M. X au titre de l’année 1990 est réduite d’une somme de 9940 francs. (9 740 F+4+196).
La base de l’impôt sur le revenu assignée à M. X au titre de l’année 1991
est réduite d’une somme de 20862 francs. (20 656 F+206,)
La base de l’impôt sur le revenu assignée à M. X au titre de l’année 1992
est réduite d’une somme de 202 francs.
Article 2 : M. X est déchargé d’une part des droits et pénalités correspondant à la réduction des bases d’imposition définie à l’article premier et d’autre part de la somme de 169 francs représentant les droits mis à tort à sa charge au titre de l’année 1991.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.
Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Montpellier en date du 20 janvier 2005 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : L’État versera à M. X une somme de 1000 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Michel X et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
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N° 05MA00764