Cour administrative d’appel de Nancy, 2e chambre, du 10 juin 1999, 95NC01747, inédit au recueil Lebon

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Cour administrative d’appel de Nancy, 2e chambre, du 10 juin 1999, 95NC01747, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

(Deuxième Chambre)

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 27 octobre 1995 sous le n 95NC01747, et le mémoire complémentaire, enregistré le 30 janvier 1996, présentés pour M. et Mme Y…, demeurant … à Saint-Quentin (Aisne) par Me X…, avocat ;

M. et Mme Y… demandent à la Cour :

1 – d’annuler le jugement n 91-563/92-714 en date du 18 juillet 1995 par lequel le tribunal administratif d’Amiens a rejeté leurs demandes en décharge des compléments d’impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 1986, 1987 et1988 ;

2 – de prononcer les décharges demandées ;

3 – de condamner l’Etat à leur payer 25 000 F sur le fondement de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Les parties ayant été dûment averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 20 mai 1999:

– le rapport de M. PAITRE, Président,

– et les conclusions de M. STAMM, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant que les compléments d’impôt sur le revenu en litige ont été assignés à M. et Mme Y… en conséquence de la remise en cause de déductions du revenu imposable de M. Y… de sommes qu’il a versées en 1986, 1987 et 1988 en exécution d’engagements qu’il avait antérieurement souscrits pour cautionner des emprunts contractés auprès de divers établissements bancaires par la S.A. Ferdi et par la S.A. Cama, dans lesquelles M. et Mme Y… détenaient, depuis 1976 s’agissant de la S.A. Ferdi, et depuis 1980 s’agissant de la S.A. Cama, des participations, directement ou par l’intermédiaire de la société Transtex, que M. Y… avait créée dans les années 1950 ;

Considérant qu’aux termes de l’article 13 du code général des impôts : « 1. Le bénéfice brut ou revenu imposable est constitué par l’excédent du produit brut, y compris la valeur des profits et avantages dont le contribuable a joui en nature, sur les dépenses effectuées en vue de l’acquisition et de la conservation du revenu. 2. Le revenu global net annuel servant de base à l’impôt sur le revenu est déterminé en totalisant les bénéfices ou revenus nets … compte tenu, le cas échéant, du montant des déficits visés à l’article 156-I et I bis, des charges énumérées au II dudit article et de l’abattement prévu à l’article 157 bis. 3. Le bénéfice ou revenu net de chacune des catégories de revenus visées au 2 est déterminé distinctement suivant les règles propres à chacune d’elles. Le résultat d’ensemble de chaque catégorie de revenu est obtenu en totalisant, s’il y a lieu, le bénéfice ou revenu afférent à chacune des entreprises, exploitations ou professions ressortissant à cette catégorie et déterminé dans les conditions prévues pour cette dernière … » ; qu’aux termes de l’article 83 du même code, relatif à l’imposition du revenu dans la catégorie des traitements et salaires : « Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordées : … 3. Les frais inhérents à la fonction ou à l’emploi lorsqu’ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales … » ; qu’enfin l’article 156-I du même code autorise sous certaines conditions que soit déduit du revenu d’un contribuable « le déficit constaté pour une année dans la catégorie de revenus », tandis que l’article 156-II énumère les charges qui sont déductibles du revenu global « lorsqu’elles n’entrent pas en compte pour l’évaluation des revenus des différentes catégories » ;

Considérant qu’en vertu de ces dispositions, les sommes qu’un salarié s’étant rendu caution d’une obligation souscrite par la société dont il est le dirigeant de droit ou de fait, a dû payer au créancier de cette dernière, sont déductibles de son revenu imposable de l’année au cours de laquelle le paiement a été effectué, à condition que son engagement comme caution se rattache directement à sa qualité de dirigeant, qu’il ait été pris en vue de servir les intérêts de l’entreprise, et qu’il n’ait pas été hors de proportion avec les rémunérations allouées à l’intéressé ou qu’il pouvait escompter au moment où il l’a contracté ; qu’il résulte également de ces dispositions que les revenus catégoriels doivent être déterminés distinctement pour chacun des membres du foyer fiscal ; que, s’agissant des traitements et salaires, les frais résultant de l’engagement pris par l’un d’eux ne peuvent donc être regardés comme inhérents à la fonction ou à l’emploi d’un autre et déduits à ce titre des revenus salariaux de ce dernier ; que, par ailleurs, les dispositions de l’article 156-II font obstacle à ce que ces frais puissent être déduits directement du revenu global du foyer fiscal ; qu’il suit de là que les dispositions précitées des articles 13, 83 et 156 du code général des impôts font obstacle à ce qu’une caution donnée par l’un des époux, lui-même actionnaire non salarial d’une société mais dont le conjoint perçoit un salaire de cette société, puisse être regardé comme consentie pour la conservation du revenu salarial de l’autre époux, et à ce que les sommes payées à ce titre puissent être déductibles des revenus imposables ;

En ce qui concerne les sommes versées en exécution des engagements de caution des emprunts contractés par la S.A. Ferdi :

Considérant qu’il résulte de l’instruction que ces engagements n’ont pas été souscrits solidairement par M. et Mme Y…, mais par le seul M. Y…, qui ne peut donc utilement se prévaloir, pour justifier la déduction des sommes susmentionnées, de ce que Mme Y… était dirigeante salariée de la S.A. Ferdi ; que M. et Mme Y… n’établissent pas, par les documents qu’ils produisent, que M. Y… devait être regardé comme dirigeant de fait de la S.A. Ferdi, et n’allèguent d’ailleurs pas que M. Y… escomptait percevoir une rémunération de cette société ;

Considérant par ailleurs que si M. et Mme Y… font valoir que 12 % du capital de la S.A. Ferdi, qui avait pour activité la vente et la réparation de tous accessoires et pièces détachées pour automobiles, était détenu par la société Transtex, ayant pour activité la fabrication de renforts textiles de pneumatiques, et dont M. Y… était le président-directeur général, les deux sociétés, qui ne forment pas un groupe et dont les activités, dans le secteur de l’automobile mais sur des marchés distincts, n’apparaissent pas complémentaires, n’ont pas d’intérêts suffisamment liés pour que la caution donnée à la S.A. Ferdi puisse être regardée comme ayant pour objet la conservation de la rémunération versée par la société Transtex à M. Y… ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’administration était fondée à regarder les sommes versées par M. Y… en 1986, 1987 et 1988 en exécution des engagements de caution des emprunts contractés auprès du Crédit Lyonnais et du Crédit du Nord par la S.A. Ferdi non comme des dépenses effectuées en vu de l’acquisition ou de la conservation d’un revenu au sens des dispositions de l’article 13 précité, mais comme des pertes en capital, non déductibles du revenu imposable de M. et Mme Y… ;

En ce qui concerne les sommes versées en exécution des engagements de caution des emprunts contractés par la S.A. Cama :

Considérant que si M. Y… est devenu président de la S.A. Cama en 1980 aussitôt après que M. et Mme Y… eurent pris des participations dans cette société à la demande de son dirigeant, il n’en a reçu aucune rémunération, et n’allègue pas avoir assumé la direction effective de la société ; qu’à défaut de précisions sur la réalité des fonctions qu’il prévoyait d’exercer au sein de celle-ci, il n’établit pas que, lors de la souscription susmentionnée, il était susceptible de percevoir, à terme, une rémunération de la société ;

Considérant par ailleurs que si M. et Mme Y… font valoir que la S.A.Cama avait pour activité, comme la S.A. Ferdi, la vente et la réparation de tous accessoires et pièces détachées pour automobiles, il ne saurait être déduit de cette seule circonstance que ces deux sociétés et la société Transtex avaient des activités suffisamment complémentaires, et des intérêts suffisamment liés pour que la caution donnée à la S.A.Cama puisse être regardée comme ayant pour objet la conservation de la rémunération versée par la société Transtex à M. Y… ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’administration était fondée à regarder les sommes que M. et Mme Y… ont déduites de leur revenu imposable en 1986, 1987 et 1988 au motif que M. Y… les avait versées en exécution d’engagements de caution souscrits pour la S.A. Cama auprès de divers établissements bancaires, non comme des dépenses effectuées en vu de l’acquisition ou de la conservation d’un revenu au sens des dispositions de l’article 13 précité, mais comme des pertes en capital, non déductibles du revenu imposable de M. et Mme Y… ;

En ce qui concerne la demande de compensation présentée par M. et Mme Y… :

Considérant que si M. et Mme Y… demandent la compensation des compléments d’imposition en litige par des excédents d’imposition résultant de l’absence de déduction de sommes que Mme Y… aurait versées en exécution d’engagements de caution qu’elle avait souscrits pour la S.A. Ferdi, les requérants ne justifient pas de la réalité desdits versements ; que la demande de compensation ne peut, en conséquence, qu’être rejetée ;

Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que M. et Mme Y… ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d’Amiens a rejeté leurs demandes en décharge des compléments d’impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 1986, 1987 et 1988 ;

Sur les conclusions de M. et Mme Y… tendant à l’application des dispositions de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel :

Considérant que les dispositions de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à M. et Mme Y… la somme qu’ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

Article 1er : La requête de M. et Mme Y… est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Y…, et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.


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