Cour administrative d’appel de Nantes, 1e chambre, du 7 novembre 2000, 96NT01070, inédit au recueil Lebon

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Cour administrative d’appel de Nantes, 1e chambre, du 7 novembre 2000, 96NT01070, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la Cour le 19 avril 1996, présentés pour M. et Mme X… demeurant La Ville-aux-Cailles (22100) Le Hingle, par Me Y…, avocat au barreau de Brest ;

M. et Mme X… demandent à la Cour :

1 ) d’annuler le jugement n 90.1489 en date du 28 mars 1996 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à la réduction des compléments d’impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 1982, 1983, 1984 et 1985 dans les rôles de la commune du Hingle ;

2 ) de prononcer la réduction demandée ;

3 ) d’ordonner que, jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la requête, il soit sursis à l’exécution des articles des rôles correspondants ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 3 octobre 2000 :

– le rapport de M. AUBERT, président,

– les observations de Me GARDETTE, avocat de M. et Mme X…,

– et les conclusions de M. GRANGE, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité de la procédure d’imposition :

Considérant que, pour justifier les redressements auxquels il envisageait de procéder dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, le vérificateur, dans la notification de redressement adressée à M. et Mme X… le 8 octobre 1986, a précisé, notamment, que l’examen des divers comptes ouverts au nom de M. X… dans la comptabilité de la société SBTC avait permis de constater l’existence de soldes très importants à la fin de chaque mois, que le cumul au mois le mois de ces différents soldes (comptes fournisseurs, comptes clients, compte courant personnel) laissait apparaître un débit en faveur de la société, générant pour celle-ci de lourdes charges financières qui auraient dû normalement donner lieu à facturation d’intérêts, que l’absence de celle-ci constituait un acte anormal de gestion effectué au profit du principal associé et dirigeant, que les intérêts sur la moyenne mensuelle de ces avances devaient être réintégrés dans les résultats de la société pour un montant dont le détail était joint en annexe à ladite notification et, qu’enfin, ces intérêts devaient être soumis à l’impôt sur le revenu au nom de M. X… dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en vertu des dispositions des articles 109 et suivants du code général des impôts ;

Considérant que cette notification de redressement, qui ne se bornait pas à faire état des rehaussements des résultats de la société concernée mais énonçait les considérations de fait et de droit qui étaient de nature à justifier, selon le service, l’imposition, entre les mains du bénéficiaire, des revenus distribués au sens des dispositions des articles 109 et suivants du code général des impôts, comportait, conformément aux prescriptions de l’article L.57 du livre des procédures fiscales, des motifs suffisants pour permettre à M. et Mme X… de formuler leurs observations ; que le montant des soldes des comptes ayant permis de déterminer les intérêts à l’origine des redressements envisagés figurait dans l’annexe jointe à cette notification, et à laquelle celle-ci renvoyait expressément ; que si M. et Mme X… soutiennent, pour la première fois en appel, n’avoir jamais reçu cette annexe, ils n’ont, à réception de ladite notification, ni ultérieurement au cours de la procédure de redressement, fait auprès de l’administration aucune diligence tendant à ce que leur soit communiquée cette pièce qui aurait été alors manquante ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les revenus de capitaux mobiliers :

Considérant qu’aux termes de l’article 109 du code général des impôts : « -1. Sont considérés comme revenus distribués : … 2 Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices … » ; qu’aux termes de l’article 111. du même code : « Sont notamment considérés comme revenus distribués : … c. Les rémunérations et avantages occultes … » ;

Considérant qu’à l’issue de la vérification approfondie de la situation fiscale d’ensemble de M. et Mme X…, le service a regardé comme des avances sans intérêts les soldes débiteurs que présentaient les comptes ouverts au nom de M. X… dans les écritures, d’une part, de la société Cointrel Services dont il était jusqu’au 27 mai 1985 associé, d’autre part, dans celles, comme il a été dit ci-dessus, de la société STBC dont son épouse détenait la majorité des parts ; que le service a soumis à l’impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, les intérêts qui n’ont pas été réclamés à l’intéressé, en se fondant, d’une part, sur les dispositions précitées de l’article 109-1-2 du code général des impôts, et en se fondant, d’autre part, après substitution de base légale, s’agissant des intérêts non versés par la société SBTC en 1983, sur les dispositions également précitées de l’article 111.c du même code ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction et qu’il n’est d’ailleurs pas contesté que M. X… a, au cours de la procédure d’imposition, accepté les redressements en cause ; qu’il appartient, dès lors, aux requérants, en application des dispositions de l’article R.194-1 du livre des procédures fiscales d’apporter la preuve tant de l’absence d’appréhension par leurs soins des sommes réputées distribuées par les personnes morales concernées que de l’absence de réalité ou du montant exact des distributions ; que les intéressés ne sauraient, pour contester cette dévolution de la charge de la preuve, se prévaloir de la documentation administrative 4 J-1121 du 1er septembre 1989 qui se borne à commenter une décision du Conseil d’Etat statuant au contentieux et ne comporte pas d’interprétation formelle du texte fiscal opposable à l’administration sur le fondement de l’article L.80 A du livre des procédures fiscales ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que les comptes ouverts au nom de M. X… dans la comptabilité des sociétés susmentionnées présentaient un solde débiteur qui devait, dès lors, être regardé comme ayant correspondu à la mise à la disposition de l’intéressé de sommes prêtées sans intérêt ; que les requérants n’établissent pas la réalité des contreparties qui auraient pu justifier que les sociétés renoncent ainsi à percevoir de tels intérêts ; que c’est dès lors à bon droit que les sommes correspondant à ces intérêts ont été considérées comme distribuées à M. X… ; qu’il ne résulte pas de l’instruction que le service aurait, pour déterminer ces soldes, procédé, en tout état de cause, à des compensations entre comptes de nature différente ; que, dès lors qu’en l’espèce les revenus distribués correspondent à la valeur des intérêts non perçus et non au montant des soldes débiteurs des comptes, les requérants ne sauraient utilement soutenir que l’imposition n’aurait dû être établie que sur la différence entre les soldes débiteurs constatés au 31 décembre de l’année d’imposition et celui qui aurait existé au 31 décembre de l’année précédente ; que, dans ces conditions, M.et Mme X… ne sont pas fondés à contester l’imposition, entre leurs mains, des sommes en cause, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement des dispositions précitées du code général des impôts, au titre des années 1982, 1983,1984 et 1985 ;

En ce qui concerne les bénéfices industriels et commerciaux :

Considérant, d’une part, que si au nombre des charges déductibles figurent, aux termes de l’article 39-1 du code général des impôts, pour la détermination du bénéfice net servant de base à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, « 5 Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables », de telles provisions ne peuvent être admises, lorsqu’elles sont destinées à faire face à la dépréciation d’un élément de l’actif immobilisé que si cet élément est valablement inscrit à l’actif du bilan de l’entreprise ;

Considérant, d’autre part, que lorsqu’une entreprise est exploitée par une personne physique, celle-ci a la faculté d’inscrire au bilan de l’entreprise tout élément d’actif compris jusque-là dans son patrimoine privé ou, inversement, de retrancher du bilan un élément d’actif et de le comprendre désormais dans son patrimoine privé ; que ces opérations constituant, la première, un apport, la seconde un prélèvement, doivent être prises en compte dans les écritures de l’entreprise en retenant, comme valeur de l’apport ou comme montant du prélèvement, la valeur réelle à la date de l’opération, de l’élément d’actif apporté ou retiré ; que le bénéfice imposable de l’entreprise étant constitué aux termes de l’article 38-2 du code général des impôts, par la différence entre les valeurs de l’actif net à la clôture et à l’ouverture de l’exercice, « diminuée des suppléments d’apport et augmentée des prélèvements » effectués au cours de l’exercice par l’exploitant, l’administration est en droit, sous le contrôle du juge, de contester la sincérité des écritures correspondantes et, s’il est établi que la valeur d’un apport a été surestimée ou celle d’un prélèvement sous-estimée, de les rectifier ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. X… qui, le 3 janvier 1985, a acquis pour la somme d’un million de francs les titres de la société SCAL, a, pour la même valeur, apporté ces titres dans les écritures d’actif de son entreprise individuelle, le 31 août 1985, date de clôture de l’exercice ; que le même jour, il a constitué une provision pour dépréciation de ces titres, pour un montant de 600 000 F ; que, toutefois, un exploitant ne peut inscrire ainsi à l’actif de son entreprise, pour leur valeur nominale, des titres qu’il apporte et pratiquer concomitamment une provision pour dépréciation de ces titres dès lors que, dans cette situation, les événements qui motivent la dépréciation de cet élément de l’actif, et qui sont propres à celui-ci, sont nécessairement antérieurs à cette inscription et, par conséquent, étrangers à l’exploitation ; que, par suite, en tout état de cause, M. X… ne pouvait, sur le fondement de l’article 39-1-5 précité, constituer, à la clôture de son bilan, une provision pour tenir compte d’une telle dépréciation ; qu’ainsi, les requérants ne sont pas fondés à se plaindre que l’administration ait réduit le montant de ladite provision à la somme de 100 000 F ; qu’ils ne sauraient utilement, pour contester le redressement qui en résulte, se prévaloir d’une instruction de l’administration en date du 13 février 1995, postérieure à l’imposition en litige ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme X… ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions de M. et Mme X… tendant à l’application des dispositions de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel :

Considérant que les dispositions de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel font obstacle à ce que l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. et Mme X… la somme qu’ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

Article 1er : La requête de M. et Mme X… est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme X… et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.


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