Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 20 février 1997, présentée par M. et Mme François X… demeurant 6, bd Dupuy à OYONNAX (01100), par Me Anne Berthelot, avocat ;
M. et Mme X… demandent à la Cour :
1°) de réformer le jugement n 90-00957 du Tribunal administratif de Lyon en date du 18 décembre 1996 ayant rejeté leurs conclusions en décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1984, 1985 et 1986 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ainsi que des pénalités dont elles ont été assorties ;
3 ) de condamner l’Etat à leur verser 15 000 francs en application des dispositions de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; Vu le code de justice administrative ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 7 février 2002 :
– le rapport de M. MILLET, premier conseiller ;
– et les conclusions de M. BONNET, commissaire du gouvernement ;
Sur l’étendue du litige :
Considérant que, par décision en date du 27 juin 2001 postérieure à l’introduction de la requête, le directeur des services fiscaux de l’Ain a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, à concurrence de la somme de 65 416 F, de la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu à laquelle M. et Mme X… ont été assujettis au titre de l’année 1984 ; que les conclusions de la requête de M. et Mme X… relatives à cette imposition sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur les conclusions tendant à la décharge des impositions litigieuses :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d’imposition :
Considérant qu’aux termes de l’article L 57 du livre des procédures fiscales : « L’administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation … » ;
Considérant que la notification de redressement du 2 mars 1988 comportait tous les éléments concernant l’origine, le montant et la nature du redressement dans la catégorie des revenus des capitaux mobiliers portant sur une somme de 102 000 F inscrite au compte courant de M. X… dans les écritures de la SARL FALUVER pour permettre aux contribuables de présenter des observations, ce qu’ils ont fait le 31 mars 1988 ; que, par suite, le moyen tiré de l’insuffisance de motivation de cette notification de redressements en ce qui concerne ce chef de redressement doit être écarté ;
En ce qui concerne le bien fondé :
S’agissant des revenus imposés dans la catégorie des traitements et salaires :
Considérant qu’il résulte des dispositions combinées des articles 12, 13, 83 et 156 du code général des impôts que les sommes à retenir, au titre d’une année déterminée, pour l’assiette de l’impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires sont celles qui, au cours de ladite année, ont été mises à disposition du contribuable par voie de paiement ou autrement, notamment par l’inscription à un compte courant sur lequel l’intéressé a opéré, ou aurait pu, en droit ou en fait, opérer un prélèvement au plus tard le 31 décembre ;
Considérant qu’au cours des années correspondant aux impositions litigieuses, M. X…, en sa qualité de gérant associé de la SARL FALUVER, a perçu de cette dernière, outre des salaires, des primes d’intéressement calculées sur le chiffre d’affaires et inscrites après la clôture de l’exercice au crédit de son compte courant ouvert dans les écritures de la société ; que le contribuable n’ayant déclaré au titre des années 1984, 1985 et 1986 que les salaires déclarés par son entreprise, le vérificateur a ajouté aux salaires imposables de l’intéressé les sommes de 140 875 F pour l’année 1984, 150 625 F pour l’année 1985, et 91 550 F pour l’année 1986 ; que dans le dernier état de leurs écritures, les requérants soutiennent que certaines de ces sommes auraient été prises en compte deux fois et qu’il n’aurait pas été tenu compte des cotisations salariales sur les primes d’intéressement ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que le bulletin de paie pour le mois de novembre 1984 de M. X… fait apparaître un montant d’intéressement de 70 875 F qui a été inclu dans les salaires déclarés au titre de cette année ; que, par suite, la double imposition de cette somme en 1984 est établie ; qu’en ce qui concerne l’année 1985, le bulletin de paie de février 1985 intègre le complément d’intéressement de 70 000 F déjà pris en compte par le service au titre de l’année 1984, et celui de décembre 1985 un montant d’intéressement au titre de l’exercice 1984-1985 de 91 500 F qui a été déclaré avec les salaires de l’année 1985 ; qu’ainsi, compte tenu d’un crédit de 291 500 F apparu à ce titre au compte courant de M. X…, le vérificateur a, à tort, retenu un excèdent de primes d’intéressement de 130 000 F au titre de cette année ; qu’enfin, en ce qui concerne l’année 1986, il résulte de l’instruction que les salaires déclarés par l’intéressé excédent les sommes qui ont été effectivement inscrites à son compte courant ; que, par suite, M. et Mme X… sont fondés à soutenir que le montant de prime d’intéressement de 91 550 F incluse dans les salaires déclarés par M. X… au titre de cette année, ne devait pas faire l’objet du redressement susmentionné ;
Considérant, en revanche, qu’il n’est pas établi que les montants de primes d’intéressement de 70 000 F pour 1984 et 20 625 F pour 1985 que M. et Mme X… n’ont en définitive pas déclarés auraient été effectivement soumis à des cotisations sociales déductibles ; que, par suite, c’est à bon droit que le service les a imposés pour leurs montants bruts ;
S’agissant des revenus de capitaux mobiliers :
Considérant qu’aux termes de l’article 109 du code général des impôts : « Sont considérés comme des revenus distribués : – 1 Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; – 2 Toutes les sommes ou valeurs mises à disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevés sur les bénéfices … » ;
Considérant qu’il ne résulte pas de l’instruction que la somme de 102 000 F le 31 mars 1986 inscrite au compte courant de M. X… dans la SARL FALUVER correspondrait au versement d’un arriéré de salaires ; que, par suite, c’est à bon droit que le service a imposé cette somme dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;
S’agissant des charges déductibles du revenu global :
Considérant qu’aux termes de l’article 13 du code général des impôts : « 1- Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l’excédent du produit brut, y compris la valeur des profits et avantages en nature, sur les dépenses effectuées en vue de l’acquisition et de la conservation du revenu. – 2. Le revenu global annuel servant de base à l’impôt sur le revenu est déterminé en totalisant les bénéfices ou revenus nets visés aux I à VII bis de la 1ère sous-section de la présente section, compte tenu, le cas échéant, du montant des déficits visés à l’article 156 I et bis, des charges énumérées au II dudit article et de l’abattement prévu à l’article 157 bis. -3. Le bénéfice ou revenu net de chacune des catégories de revenus visés au 2 est déterminé distinctement suivant les règles propres à chacune d’elles » ; qu’aux termes de l’article 156 du code général des impôts : « L’impôt sur le revenu est établi d’après le montant total du revenu annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé … sous déduction : -I Du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus ; si le revenu global n’est pas suffisant pour que l’imputation puisse être intégralement opérée, l’excédent du déficit est reporté successivement sur le revenu global des années suivantes jusqu’à la cinquième année inclusivement … » ;
Considérant que les requérants demandent que soient respectivement déduites de leurs revenus imposables des années 1984, 1985 et 1986 les sommes de 31 500 F, 18 000 F et 48 000 F qu’ils ont dû acquitter en exécution du concordat passé avec les créanciers de la société de fait X… et Cie dont ils étaient associés ; que toutefois ils ne justifient d’aucune diminution de l’actif net consécutive à la liquidation de l’entreprise au cours des exercices correspondant à ces années ; que, par suite, ces sommes ne constituent pas des charges d’exploitation déductibles des bénéfices industriels et commerciaux en application des articles 156-1 et 39-1 du code général des impôts ; qu’elles s’analysent en un prélèvement sur le patrimoine personnel de M. et Mme X… qu’aucune disposition du code ne permet de déduire des bases de l’impôt sur le revenu des personnes physiques ;
En ce qui concerne les pénalités :
Considérant qu’en se bornant à relever le défaut de déclaration de sommes importantes perçues au cours des années 1984, 1985 et 1986 alors qu’il résulte de ce qui précède que le principal chef de redressement n’est que très partiellement fondé, le ministre n’établit pas la volonté de M. et Mme X… d’éluder l’impôt ; que, par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête concernant les pénalités, c’est à tort que l’administration a appliqué à certains chefs de redressements les majorations de mauvaise foi prévues à l’article 1729-1 du code général des impôts ; qu’en revanche, il y a lieu de remettre à la charge de M. et Mme X…, ainsi que le demande le ministre par son recours incident, les intérêts de retard correspondant aux redressements maintenus qui avaient été assortis des majorations de mauvaise foi dont le tribunal a prononcé à tort la décharge et qui sont de droit ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, d’une part, que M. et Mme X… sont seulement fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté, dans les limites qui viennent d’être indiquées, les conclusions de leur demande restant en litige et, d’autre part, que le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie est, quant à lui, seulement fondé à soutenir que c’est à tort que, par le même jugement, le tribunal a prononcé la décharge des intérêts de retard susmentionnés ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’en application des dispositions de l’article L 761-1 du code de justice administrative, reprenant celles de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner l’Etat à verser à M. et Mme X… une somme de 1 000 euros en remboursement des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : A concurrence de la somme de 65 416 F, il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme X… relatives à l’année 1984.
Article 2 : Les bases d’imposition à l’impôt sur le revenu des années 1984, 1985, 1986 de M. et Mme X… sont réduites à concurrence des sommes de respectivement 70 875 F, 130 000 F et 91 550 F.
Article 3 : M. et Mme X… sont déchargés de la différence entre les cotisations d’impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1984, 1985 et 1986.
Article 4 : M. et Mme X… sont déchargés des majorations de mauvaise foi mises à leur charge.
Article 5 : Les intérêts de retard afférents aux cotisations d’impôt sur le revenu restant assignées à M. et Mme X… sont remis à leur charge.
Article 6 : Le jugement n 9000957 du Tribunal administratif de Lyon en date du 18 décembre 1996 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.
Article 7 : L’Etat versera à M. et Mme X… une somme de 1 000 euros au titre de l’article L 761-1 du code de justice administrative.
Article 8 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme X… et du recours du ministre est rejeté.