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En matière d’AOP, certaines marques antérieures à l’entrée en vigueur du Règlement européenne sur les appellations d’origine peuvent bénéficier d’un « régime de faveur », à la condition de ne pas être trompeuses.
Le groupe Lactalis obtenu en référé la suspension de la décision de la direction de la répression des fraudes l’ayant enjoint de se mettre en conformité, avec les prescriptions du règlement (UE) n° 1151/2012 du 21 novembre 2012 concernant l’étiquetage des fromages qu’elle commercialise et qui ne bénéficient pas de l’appellation d’origine contrôlée (AOC) « Camembert de Normandie ».
La juridiction du fond devra déterminer si oui ou non le groupe Lactalis de l’exemption de l’article 14 du règlement européen :
« Une marque dont l’utilisation enfreint l’article 13, paragraphe 1, et qui a été déposée, enregistrée, ou acquise par l’usage dans les cas où cela est prévu par la législation concernée, de bonne foi sur le territoire de l’Union, avant la date du dépôt auprès de la Commission de la demande de protection relative à l’appellation d’origine ou à l’indication géographique, peut continuer à être utilisée et renouvelée pour ce produit nonobstant l’enregistrement d’une appellation d’origine ou d’une indication géographique, pour autant qu’aucun motif de nullité ou de déchéance, au titre du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire ou de la directive 2008/95/CE, ne pèse sur la marque.
En pareil cas, l’utilisation tant de l’appellation d’origine protégée ou de l’indication géographique protégée que des marques concernées est autorisée ».
Toutefois, aux termes du premier alinéa de l’article L. 643-2 du code rural et de la pêche maritime :
« L’utilisation d’indication d’origine ou de provenance ne doit pas être susceptible d’induire le consommateur en erreur sur les caractéristiques du produit, de détourner ou d’affaiblir la notoriété d’une dénomination reconnue comme appellation d’origine ou enregistrée comme indication géographique ou comme spécialité traditionnelle garantie, ou, de façon plus générale, de porter atteinte, notamment par l’utilisation abusive d’une mention géographique dans une dénomination de vente, au caractère spécifique de la protection réservée aux appellations d’origine, aux indications géographiques et aux spécialités traditionnelles garanties »
Si tout fromage répondant aux prescriptions du décret n° 2007-628 du 27 avril 2007 concernant le produit dénommé « camembert » peut, conformément au dernier alinéa du paragraphe 1 de l’article 13 de ce même règlement, utiliser la dénomination « camembert », dont il est constant qu’elle présente un caractère générique, il résulte de ces dispositions qu’il ne peut le faire que dans des conditions qui ne sont pas de nature à porter atteinte à la protection attachée à la dénomination « camembert de Normandie ».
En particulier, il ne saurait être fait mention, en association avec le terme générique « camembert », de l’origine « Normandie », laquelle ne constitue pas un terme générique, d’une manière telle que cette association de termes ou de référence graphique, en reprenant l’essentiel de la dénomination protégée, conduise le consommateur à avoir directement à l’esprit, à la lecture de cette mention, le fromage bénéficiant de l’appellation d’origine.
Cependant, les marques de camembert « Président » et « Le Châtelain » qui incorporent l’écusson de Normandie et la mention « fabriqué en Normandie » et la marque « Cœur de Normandie », dont le graphisme évoque le blason Normand, ont été déposées antérieurement à la reconnaissance de l’AOP « Camembert de Normandie ».
Le moyen tiré de ce que la décision du 17 mars 2022 méconnaît, s’agissant des dites marques, la protection des marques antérieures, prévue à l’article 14 du règlement n° 1151/2012, est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de cette décision.
Par suite, les deux conditions posées par l’article L. 521-1 du code de justice administrative étant remplies. Il a été fait droit à la demande tendant à la suspension de l’exécution de la décision du 17 mars 2022 seulement en tant qu’elle vise les marques de camembert « Président », « Le Châtelain » et « Cœur de Normandie ».
Pour mémoire, aux termes de l’article 5 du règlement du 21 novembre 2012 relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires, l’appellation d’origine est une dénomination qui définit un produit : ” comme étant
a) originaire d’un lieu déterminé, d’une région, ou, dans des cas exceptionnels, d’un pays ;
b) dont la qualité ou les caractéristiques sont dues essentiellement ou exclusivement au milieu géographique comprenant les facteurs naturels et humains ; et
c) dont toutes les étapes de production ont lieu dans l’aire géographique délimitée ».
Aux termes de l’article 13 du même règlement :
« 1. Les dénominations enregistrées sont protégées contre :
a) toute utilisation commerciale directe ou indirecte d’une dénomination enregistrée à l’égard des produits non couverts par l’enregistrement, lorsque ces produits sont comparables à ceux enregistrés sous cette dénomination ou lorsque cette utilisation permet de profiter de la réputation de la dénomination protégée, y compris quand ces produits sont utilisés en tant qu’ingrédients ;
b) toute usurpation, imitation ou évocation, même si l’origine véritable des produits ou des services est indiquée ou si la dénomination protégée est traduite ou accompagnée d’une expression telle que « genre », « type », « méthode », « façon », « imitation », ou d’une expression similaire, y compris quand ces produits sont utilisés en tant qu’ingrédients ;
c) toute autre indication fausse ou fallacieuse quant à la provenance, l’origine, la nature ou les qualités essentielles du produit qui figure sur le conditionnement ou l’emballage, sur la publicité ou sur des documents afférents au produit concerné, ainsi que contre l’utilisation pour le conditionnement d’un récipient de nature à créer une impression erronée sur l’origine du produit ;
d) toute autre pratique susceptible d’induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit. Lorsqu’une appellation d’origine protégée ou une indication géographique protégée contient en elle-même le nom d’un produit considéré comme générique, l’utilisation de ce nom générique n’est pas considérée comme contraire au premier alinéa, point a) ou b).
2. Les appellations d’origine protégées et les indications géographiques protégées ne peuvent pas devenir génériques.
3. Les États membres prennent les mesures administratives ou judiciaires appropriées pour prévenir ou arrêter l’utilisation illégale visée au paragraphe 1 d’appellations d’origine protégées ou d’indications géographiques protégées qui sont produites ou commercialisées sur leur territoire. () ».
Aux termes du 6) de l’article 3 du même règlement, les mentions génériques sont définies comme les dénominations de produits qui, bien que se rapportant au lieu, à la région ou au pays de production ou de commercialisation initiale, sont devenues la dénomination commune d’un produit dans l’Union.
La dénomination « camembert de Normandie » constitue une appellation d’origine protégée (AOP) au sens du titre II du règlement (UE) n° 1151/2012 du 21 novembre 2012. Elle bénéficie, par suite, de la protection résultant des articles 5 et 13 de ce règlement et de l’article L. 643-2 du code rural et de la pêche maritime.
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Tribunal administratif de Caen 11 octobre 2022, n° 2202105 Vu la procédure suivante : Par une requête enregistrée le 16 septembre 2022, la société fromagère de Domfront, représentée par Me Bombardier, demande au juge des référés : 1°) d’ordonner, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution de la décision du 17 mars 2022 par laquelle l’inspectrice de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de la direction départementale de la protection des populations de la Mayenne a enjoint à la société Lactalis Fromages France de mettre en conformité, avec les prescriptions du règlement (UE) n° 1151/2012 du 21 novembre 2012, l’étiquetage des fromages qu’elle commercialise et qui ne bénéficient pas de l’appellation d’origine contrôlée (AOC) « Camembert de Normandie », ensemble la décision du 12 juillet 2022 rejetant son recours hiérarchique ; 2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre des frais liés au litige. Elle soutient que : — sa requête est recevable ; — la condition d’urgence est satisfaite en l’espèce dès lors que l’injonction fixe un délai de mise en conformité expirant le 23 septembre 2022, au-delà duquel un nouveau contrôle sera effectué et pourra donner lieu à des poursuites pénales ; elle risque ainsi de subir un préjudice financier, immédiat et grave ; par ailleurs, aucune considération d’intérêt général ne justifie ce préjudice ; — la décision contestée est entachée d’incompétence et d’un vice de procédure ; — l’injonction contestée interdit de façon générale et absolue toute référence à la Normandie sur les camemberts non-AOP et méconnaît l’article 13 du règlement (UE) n° 1151/2012 ; — l’utilisation de mentions « fabriqué en Normandie », « lait 100 % normand », « au bon lait normand », « dans le pays normand » « c’est donc en Normandie et avec du bon lait Normand que nous fabriquons notre Camembert », « affiné dans notre fromagerie de Domfront, en Normandie » et d’un graphisme ( écusson à deux léopards, blason normand) faisant référence à la Normandie ou de la marque « Cœur de Normandie » n’est pas contraire aux dispositions de l’article 13.1 a) et b) du règlement (UE) n° 1151/2012 ; — l’injonction méconnaît également la protection des marques antérieures prévue à l’article 14 du même règlement s’agissant des camemberts « Président », « Le Châtelain » et « Cœur de Normandie » ; — l’injonction entraîne une rupture d’égalité entre les fabricants de camemberts. Par une intervention enregistrée le 22 septembre 2022, la société fromagère de Sainte Cécile représentée par Me Bombardier demande au tribunal : 1°) de lui donner acte de son intervention ; 2° de suspendre l’exécution de la décision du 17 mars 2022 susvisée ; 3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre des frais liés au litige. Elle soutient que son intervention est recevable et reprend les mêmes moyens que la société requérante. Par une intervention enregistrée le 22 septembre 2022, la société fromagère de Clécy représentée par Me Bombardier demande au tribunal : 1°) de lui donner acte de son intervention ; 2° de suspendre l’exécution de la décision du 17 mars 2022 susvisée ; 3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre des frais liés au litige. Elle soutient que son intervention est recevable et reprend les mêmes moyens que la société requérante. Par un mémoire enregistré le 4 octobre 2022, le préfet de la Mayenne conclut au rejet de la requête de la société fromagère de Domfront et à la non admission des deux interventions. Il soutient que : — la société requérante n’a pas intérêt à agir ; la condition d’urgence n’est pas remplie et il n’y a pas de doute quant à la légalité de la décision contestée. Vu : — les autres pièces du dossier ; — la requête enregistrée le 2 septembre 2022 sous le n° 2202022 par laquelle la société fromagère de Domfront demande l’annulation de la décision attaquée. Vu : — le règlement (UE) n° 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 ; — le code de la propriété intellectuelle ; — le code rural et de la pêche maritime ; — le décret n° 2007-628 du 27 avril 2007 ; — le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Au cours de l’audience publique le 5 octobre 2022 à 10 heures tenue en présence de Mme Benis, greffière d’audience, M. C a lu son rapport et entendu Me Bombardier, représentant la société requérante et les sociétés intervenantes et les observations de Mme A, inspectrice de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de la direction départementale de la protection des populations de la Mayenne et de M. B, représentant la préfecture de la Mayenne. Considérant ce qui suit : 1. La société fromagère de Domfront est spécialisée dans la fabrication de camemberts sous diverses marques, majoritairement les marques « Président et » Le Châtelain « , qui ne bénéficient pas de l’appellation d’origine contrôlée » Camembert de Normandie « et qu’elle vend à la société Lactalis Fromages France qui les commercialise. L’entreprise a fait l’objet le 16 juin 2021 d’un contrôle de la direction départementale de la protection des populations de la Mayenne (DDPP), qui a été suivi d’un courrier de pré-injonction de mise en conformité le 1er décembre 2021 notifié à la société Lactalis Fromages France. La société Lactalis Fromages France a présenté des observations par un courrier du 20 décembre 2021. Par la décision du 17 mars 2022 contesté l’inspectrice de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de la direction départementale de la protection des populations de la Mayenne a enjoint à la société Lactalis Fromages France de mettre en conformité, avec les prescriptions du règlement (UE) n° 1151/2012 du 21 novembre 2012, l’étiquetage des fromages qu’elle commercialise et qui ne bénéficient pas de l’appellation d’origine contrôlée (AOC) » Camembert de Normandie “, parmi lesquels les fromages qu’elle achète à la société la société fromagère de Domfront. 2. Par une requête enregistrée le 2 septembre 2022, la société fromagère de Domfront a saisi le tribunal d’un recours tendant à l’annulation de la décision du 17 mars 2022 par laquelle l’inspectrice de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de la direction départementale de la protection des populations de la Mayenne a enjoint à la société Lactalis Fromages France de mettre en conformité, avec les prescriptions du règlement (UE) n° 1151/2012 du 21 novembre 2012, l’étiquetage des fromages qu’elle commercialise et qui ne bénéficient pas de l’appellation d’origine contrôlée (AOC) « Camembert de Normandie », ensemble la décision du 12 juillet 2022 rejetant son recours hiérarchique. Par la présente requête, elle saisit le juge des référés de conclusions tendant, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de leur exécution. Sur le cadre du litige : 3. Aux termes de l’article 5 du règlement n°1151/2012 du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires, l’appellation d’origine est une dénomination qui définit un produit : ” comme étant a) originaire d’un lieu déterminé, d’une région, ou, dans des cas exceptionnels, d’un pays ; b) dont la qualité ou les caractéristiques sont dues essentiellement ou exclusivement au milieu géographique comprenant les facteurs naturels et humains ; et c) dont toutes les étapes de production ont lieu dans l’aire géographique délimitée « . Aux termes de l’article 13 du même règlement : » 1. Les dénominations enregistrées sont protégées contre : a) toute utilisation commerciale directe ou indirecte d’une dénomination enregistrée à l’égard des produits non couverts par l’enregistrement, lorsque ces produits sont comparables à ceux enregistrés sous cette dénomination ou lorsque cette utilisation permet de profiter de la réputation de la dénomination protégée, y compris quand ces produits sont utilisés en tant qu’ingrédients ; b) toute usurpation, imitation ou évocation, même si l’origine véritable des produits ou des services est indiquée ou si la dénomination protégée est traduite ou accompagnée d’une expression telle que « genre », « type », « méthode », « façon », « imitation », ou d’une expression similaire, y compris quand ces produits sont utilisés en tant qu’ingrédients ; c) toute autre indication fausse ou fallacieuse quant à la provenance, l’origine, la nature ou les qualités essentielles du produit qui figure sur le conditionnement ou l’emballage, sur la publicité ou sur des documents afférents au produit concerné, ainsi que contre l’utilisation pour le conditionnement d’un récipient de nature à créer une impression erronée sur l’origine du produit ; d) toute autre pratique susceptible d’induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit. Lorsqu’une appellation d’origine protégée ou une indication géographique protégée contient en elle-même le nom d’un produit considéré comme générique, l’utilisation de ce nom générique n’est pas considérée comme contraire au premier alinéa, point a) ou b). 2. Les appellations d’origine protégées et les indications géographiques protégées ne peuvent pas devenir génériques. 3. Les États membres prennent les mesures administratives ou judiciaires appropriées pour prévenir ou arrêter l’utilisation illégale visée au paragraphe 1 d’appellations d’origine protégées ou d’indications géographiques protégées qui sont produites ou commercialisées sur leur territoire. () « . Aux termes du 6) de l’article 3 du même règlement, les mentions génériques sont définies comme les dénominations de produits qui, bien que se rapportant au lieu, à la région ou au pays de production ou de commercialisation initiale, sont devenues la dénomination commune d’un produit dans l’Union. Aux termes du paragraphe 2 de l’article 14 du même règlement : » Sans préjudice de l’article 6, paragraphe 4, une marque dont l’utilisation enfreint l’article 13, paragraphe 1, et qui a été déposée, enregistrée, ou acquise par l’usage dans les cas où cela est prévu par la législation concernée, de bonne foi sur le territoire de l’Union, avant la date du dépôt auprès de la Commission de la demande de protection relative à l’appellation d’origine ou à l’indication géographique, peut continuer à être utilisée et renouvelée pour ce produit nonobstant l’enregistrement d’une appellation d’origine ou d’une indication géographique, pour autant qu’aucun motif de nullité ou de déchéance, au titre du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire ou de la directive 2008/95/CE, ne pèse sur la marque. En pareil cas, l’utilisation tant de l’appellation d’origine protégée ou de l’indication géographique protégée que des marques concernées est autorisée « . Aux termes du premier alinéa de l’article L. 643-2 du code rural et de la pêche maritime : » L’utilisation d’indication d’origine ou de provenance ne doit pas être susceptible d’induire le consommateur en erreur sur les caractéristiques du produit, de détourner ou d’affaiblir la notoriété d’une dénomination reconnue comme appellation d’origine ou enregistrée comme indication géographique ou comme spécialité traditionnelle garantie, ou, de façon plus générale, de porter atteinte, notamment par l’utilisation abusive d’une mention géographique dans une dénomination de vente, au caractère spécifique de la protection réservée aux appellations d’origine, aux indications géographiques et aux spécialités traditionnelles garanties “. Sur les conclusions aux fins de suspension : En ce qui concerne l’intérêt à agir de la société fromagère de Domfront : 4. La décision du 17 mars 2022 enjoignant à la société Lactalis Fromages France de mettre en conformité avec les prescriptions du règlement (UE) n° 1151/2012 du 21 novembre 2012 l’étiquetage des fromages qu’elle commercialise et qui ne bénéficient pas de l’appellation d’origine contrôlée (AOC) « Camembert de Normandie » fait grief à la société fromagère de Domfront ainsi qu’à la société fromagère de Clécy et à la société fromagère de Sainte Cécile dès lors que la société Lactalis Fromages France est le principal acheteur de leurs marques de camemberts. En ce qui concerne l’intervention de la société fromagère de Clécy et de la société fromagère de Sainte Cécile : 5. Ainsi qu’il a été dit au point 4, les deux sociétés susvisées ont intérêt à ce que la décision attaquée soit suspendue. Ainsi leurs interventions sont recevables. En ce qui concerne l’urgence : 6. L’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il en va ainsi alors même que cette décision n’aurait, à l’égard de la situation du requérant, un objet ou des répercussions que purement financiers et qu’en cas d’annulation, ses effets pourraient être effacés par une réparation pécuniaire. Il appartient au juge des référés d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l’acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue. L’urgence doit être appréciée objectivement, compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’affaire et des intérêts publics et privés qui sont en présence. 7. La décision contestée porte une atteinte grave et immédiate aux conditions d’exploitation de la société requérante, ce qui caractérise une situation d’urgence. En ce qui concerne l’existence d’un moyen propre à créer un doute sérieux : 8. La dénomination « camembert de Normandie » constitue une appellation d’origine protégée (AOP) au sens du titre II du règlement (UE) n° 1151/2012 du 21 novembre 2012. Elle bénéficie, par suite, de la protection résultant des articles 5 et 13 de ce règlement et de l’article L. 643-2 du code rural et de la pêche maritime. Si tout fromage répondant aux prescriptions du décret n° 2007-628 du 27 avril 2007 concernant le produit dénommé « camembert » peut, conformément au dernier alinéa du paragraphe 1 de l’article 13 de ce même règlement, utiliser la dénomination « camembert », dont il est constant qu’elle présente un caractère générique, il résulte de ces dispositions qu’il ne peut le faire que dans des conditions qui ne sont pas de nature à porter atteinte à la protection attachée à la dénomination « camembert de Normandie ». En particulier, il ne saurait être fait mention, en association avec le terme générique « camembert », de l’origine « Normandie », laquelle ne constitue pas un terme générique, d’une manière telle que cette association de termes ou de référence graphique, en reprenant l’essentiel de la dénomination protégée, conduise le consommateur à avoir directement à l’esprit, à la lecture de cette mention, le fromage bénéficiant de l’appellation d’origine. 9. Cependant, il est constant que les marques de camembert « Président » et « Le Châtelain » qui incorporent l’écusson de Normandie et la mention « fabriqué en Normandie » et la marque « Cœur de Normandie », dont le graphisme évoque le blason Normand, ont été déposées antérieurement à la reconnaissance de l’AOP « Camembert de Normandie ». Le moyen tiré de ce que la décision du 17 mars 2022 méconnaît, s’agissant des dites marques, la protection des marques antérieures, prévue à l’article 14 du règlement n° 1151/2012, est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de cette décision. 10. Par suite, les deux conditions posées par l’article L. 521-1 du code de justice administrative étant remplies. Il y a lieu de faire droit à la demande de la société fromagère de Domfront tendant à la suspension de l’exécution de la décision du 17 mars 2022 seulement en tant qu’elle vise les marques de camembert « Président », « Le Châtelain » et « Cœur de Normandie » et, par voie de conséquence, dans la même mesure de la décision du 12 juillet 2022. Sur les demandes relatives aux frais du litige : 11. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. O R D O N N E : Article 1er : Les interventions de la société fromagère de Clécy et de la société fromagère de Sainte Cécile sont admises. Article 2 : Est suspendue l’exécution de la décision du 17 mars 2022 faisant injonction à la société Lactalis Fromages France de mettre en conformité, avec les prescriptions du règlement (UE) n° 1151/2012 du 21 novembre 2012, l’étiquetage des fromages qu’elle commercialise et qui ne bénéficient pas de l’AOC « Camembert de Normandie », ensemble la décision 12 juillet 2022 portant rejet de son recours hiérarchique en tant que ces décisions visent les marques de camembert « Président », « Le Châtelain » et « Cœur de Normandie ». Article 3 : L’Etat versera la somme de 1 500 euros à la société fromagère de Domfront sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société fromagère de Domfront, à la société fromagère de Clécy, à la société fromagère de Sainte Cécile et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Copie pour information sera transmise au préfet de la Mayenne. Fait à Caen, le 11 octobre 2022. Le juge des référés, Signé H. C La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, la greffière, C. Bénis | |