Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SASU Golfe Peinture a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre hospitalier de Bretagne Sud à lui verser, avec intérêts moratoires, la somme de 2 188 313, 79 euros, toutes taxes comprises, au titre du règlement du marché du lot » Peinture « , ou à défaut de condamner les assureurs police » tous risques chantier » à lui verser le montant des travaux de reprise demeurant à ….
Par un jugement n° 1500978 du 9 novembre 2017, le tribunal administratif de Rennes a condamné le centre hospitalier de Bretagne Sud à verser à la SASU Golfe Peinture la somme de 228 190, 76 euros, toutes taxes comprises, avec intérêts moratoires au taux de 2, 04 % à compter du 24 août 2014, a rejeté le surplus de ses conclusions et a mis à sa charge une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête et des mémoires, enregistrés le 5 janvier 2018, le 29 août 2018 et le 3 décembre 2018, sous le numéro 18NT00087, la SASU Golfe Peinture, représentée par Me L…, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de réformer le jugement n° 1500978 du tribunal administratif de Rennes du 9 novembre 2017 en tant qu’il a rejeté le surplus de ses demandes ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Bretagne Sud à lui verser, avec intérêts moratoires et majoration fiscale de 35 %, les sommes de :
– 926 825, 19 euros TTC au titre des travaux supplémentaires,
– 181 176, 56 euros TTC au titre de l’indemnisation d’un trop-payé,
– 145 193, 77 euros TTC au titre de l’indemnisation d’un trop-payé à un sous-traitant,
– 1 794 euros TTC au titre de la restitution des pénalités relatives au nettoyage, à l’absence à la réunion d’OPR et au port du casque,
– 63 618, 61 euros TTC au titre du remboursement des frais d’assistance juridique et technique ;
3°) de condamner le centre hospitalier de Bretagne Sud à lui verser les sommes de :
– 72 792, 90 euros TTC au titre des frais et honoraires de l’expert judiciaire,
– 8 000 euros au titre de l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative pour la procédure de première instance ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Bretagne Sud une somme de 6 500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– elle sollicite la jonction des deux procédures d’appel ;
– contrairement à ce qu’a estimé le tribunal administratif, ses demandes relatives aux dégradations sur les ouvrages de peinture et au trop-payé à son sous-traitant, la société Debuschère, ne sont pas irrecevables ; les demandes présentées dans le mémoire de réclamation du 30 juin 2014 entrent dans le cadre des » réclamations déjà formulées antérieurement et qui n’ont pas fait l’objet d’un règlement définitif » au sens de l’article 13.44 du cahier des clauses administratives générales Travaux ;
o le courrier du centre hospitalier de Bretagne Sud du 28 février 2012 ne peut être regardé comme le rejet définitif des réclamations du 1er février 2012, adressées en application de l’article 50.11 du CCAG ; par ce courrier, le centre hospitalier n’a rejeté que le montant demandé et indiqué attendre le constat de l’expert judiciaire ;
o le mémoire du 7 juin 2012, transmis à la personne responsable du marché en application de l’article 50.22 du CCAG, doit être considéré à la fois comme la contestation du rejet du 28 février 2012, conformément à l’article 50.21 du cahier, et comme une contestation de l’ordre de service notifié le 24 mai 2012, conformément à l’article 50.22 du cahier ; le tribunal administratif n’a pas répondu à l’argumentation subsidiaire qu’elle développait dans sa note en délibéré ; si le mémoire du 7 juin 2012 est analysé comme une contestation du rejet du 28 février 2012, il n’est pas établi que le délai de contestation était expiré, en application de l’article 5.3 du CCAG Travaux ; le centre hospitalier n’établit pas la date de remise du courrier du 28 février 2012 ; si le mémoire du 7 juin 2012 est analysé comme une contestation de l’ordre de service du 11 mai 2012, le délai de quinze jours résultant de l’article 2.52 du CCAG n’était pas écoulé, puisque l’ordre de service a été notifié par courrier du 22 mai 2012 reçu le 24 mai 2012 ;
o à titre très subsidiaire, les réclamations des 1er février 2012 et 7 juin 2012 sont différentes ; en conséquences, les demandes du mémoire 7 juin 2012 sont recevables car nouvelles et distinctes ; la réclamation du 7 juin 2012 n’a pas fait l’objet d’un rejet définitif ;
– sa demande indemnitaire relative aux dégradations des ouvrages de peinture causées par des tiers est bien fondée ;
o elle a effectué les travaux de reprise, travaux supplémentaires, à la suite de dégradations souvent imputables à des corps de métiers intervenus sur le chantier après ses propres travaux de peinture, contrainte par l’ordre de service du 11 mai 2012, en application de l’article 2.52 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) ; conformément aux conclusions du rapport d’expertise, elle est fondée à demander la condamnation du centre hospitalier de Bretagne Sud à lui régler le montant des travaux supplémentaires, à la suite d’un ordre de service, faisant suite à des dégradations dont elle n’est pas responsable, sur la base des devis qu’elle a établis ; l’article 6 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) de son lot, qui prévoit la reprise des dégradations éventuelles des enduits et peintures, doit être nuancé et combiné avec les articles 3.2, 3.3, et 3.4 du DTU 59-1, auquel font référence le CCTP, l’article 2.21 du cahier des clauses techniques communes et l’annexe 3 du CCAP ; en application de ces stipulations combinées, la réparation des désordres affectant les ouvrages qu’elle avait finis doit être imputée aux entreprises concernées lorsque l’imputabilité est possible ; enfin, en application des articles 6 du CCTP et 2.12 du cahier des clauses techniques communes, le démarrage des travaux des autres corps d’état intervenant après l’achèvement des travaux de peinture écarte définitivement la mise en cause de sa responsabilité quant aux dégradations relevées, à défaut pour les autres entreprises d’avoir signalé ces dégradations avant le commencement de leurs propres travaux ; l’article 10 du CCAP ne saurait lui être opposé puisque d’autres documents du marché y dérogent ;
o la responsabilité du maître d’ouvrage est en outre susceptible d’être mise en cause dès lors qu’il n’a pas pris les mesures pour faire cesser les dégradations, n’a pas contraint les entreprises responsables à supporter financièrement le coût des réparations, n’a pas organisé le planning des travaux pour protéger les travaux de peinture, n’a pas établi d’avenant au marché pour contractualiser dès sa signature l’existence d’un contrat d’assurance tous risques chantier, a rejeté toutes ses demandes, ne l’a pas avisé de l’existence du contrat d’assurance tous risques chantier depuis le début des difficultés, et a fait obstacle à l’établissement d’une déclaration de sinistre devant l’assureur ;
– sa demande au titre des frais d’expertises judiciaires et d’assistance technique et juridique n’est pas uniquement l’accessoire de sa demande tendant à l’indemnisation des travaux supplémentaires de reprise ; elle a été contrainte d’agir conformément à l’article 12.5 du cahier des clauses administratives générales du fait de la carence du maître d’oeuvre et du maître d’ouvrage ; cette réclamation comprend les sommes mises à sa charge par les ordonnances de taxation et les frais qu’elle a avancés pour son assistance ; en outre, les expertise et constat judiciaires ont été utilisés par le maître d’ouvrage et le maître d’oeuvre ;
– la demande concernant le trop-payé à son sous-traitant, la société Debuschère, n’est pas irrecevable ; elle a été contrainte par le maître d’ouvrage à sous-traiter une partie importante de son marché à un prix supérieur à celui qui lui était accordé et a donc sous-traité à perte ; le sous-traitant n’a pas exécuté l’intégralité des travaux prévus au contrat de sous-traitance et a été payé directement par le maître d’ouvrage ; le préjudice résultant de l’immixtion fautive du maître d’ouvrage dans la gestion du marché s’élève à la somme de 145 193, 77 euros TTC ;
– les travaux de mise en peinture des portes stratifiées des gaines électriques, pour un montant HT de 27 104, 21 euros, sont des travaux supplémentaire, non prévus au marché, que le maître d’oeuvre a exigé qu’elle accomplisse, par ordre de service du 22 mai 2012 ; le fait que ces portes étaient stratifiées justifie qu’elle n’était pas à peindre au titre de son marché en application de l’article 1.8.1 du cahier des clauses techniques particulières ;
– en ce qui concerne la pénalité pour absence de nettoyage extérieur, appliquée le 23 septembre 2011 en application de l’article 4.2 du cahier des clauses administratives particulières, n’ayant à réaliser aucun ouvrage de peinture extérieure, le maître d’oeuvre ne pouvait exiger d’elle qu’elle effectue une prestation de nettoyage à l’extérieur du bâtiment ; le centre hospitalier de Bretagne Sud ne peut fonder, en défense, la pénalité sur l’article 6 du CCTP et l’article 2.20 du cahier des clauses techniques particulières commun à tous les lots, la pénalité ayant été appliquée avant la date de livraison des travaux fixée au 4 juillet 2012 ;
– en ce qui concerne la pénalité pour absence à la réunion d’OPC du 13 mars 2012, elle s’était excusée, son absence étant due à la troisième réunion d’expertise judiciaire ;
– en ce qui concerne le trop-payé sur l’acompte du mois d’octobre 2011, elle a démontré l’immixtion du centre hospitalier de Bretagne Sud dans la discussion entre cédant et repreneur, lorsque la SASU Golfe Peinture a racheté à la SAS Golfe Peinture le nom commercial et les actifs ; l’arrêté de situation contradictoire adressé le 30 novembre 2011 au maître d’ouvrage estimait l’avancement cumulé des travaux, marché et avenants inclus à un montant inférieur de 22 414, 09 euros HT à l’avancement valorisé par le maître d’oeuvre sur l’état d’acompte n° 15 à fin septembre 2011 ; l’état d’acompte n° 16 à fin octobre 2011, résultant de l’initiative unilatérale du maître d’ouvrage, comporte un trop payé au cédant, la SAS Golfe Peinture, pour un montant de 181 176, 56 euros TTC ;
– le jugement du tribunal administratif rejette sans motivation la demande de majoration fiscale de 35 % ; cette majoration se justifie dès lors que lorsqu’une société perçoit, après la date de clôture de l’exercice fiscal, la réparation de préjudices, cette recette est traitée par l’administration fiscale comme un produit d’exploitation, ce qui valorise le bénéfice imposable d’un exercice différent de celui au cours duquel les travaux ont été réalisés ;
– elle sollicite l’attribution d’intérêts moratoires sur toute nouvelle somme allouée par la cour en réformation du jugement du tribunal administratif de Rennes ;
– elle a toujours limité ses conclusions au seul centre hospitalier de Bretagne Sud.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 mars 2018 et le 22 mars 2019, la société TPF Ingénierie, venant aux droits de la société Ouest Coordination, représentée par Me D… et A…, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) à titre principal, de la mettre hors de cause en l’absence de demande formulée à son encontre par la SASU Golfe Peinture ;
2°) à titre subsidiaire, de confirmer le jugement n° 1500978 du tribunal administratif de Rennes du 9 novembre 2017 ;
3°) à titre très subsidiaire, de juger qu’elle n’a commis aucune faute dans l’exécution de sa mission OPC ;
4°) à titre encore plus subsidiaire, de rejeter les appels en garantie formés à son encontre par la société Valode et Pistre d’une part, et par les sociétés Groupe Vinet, SEO et Axima d’autre part ;
5°) de condamner la partie perdante à lui verser la somme de 20 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, en plus des dépens.
Elle soutient que :
– le jugement du tribunal administratif de Rennes doit être confirmé en ce qu’il a jugé que les conclusions de la SASU Golfe Peinture étaient irrecevables pour forclusion ; le mémoire établi le 30 juin 2014 reprenait des chefs de réclamations figurant dans les réclamations du 1er février 2012 et du 7 juin 2012 ;
o le mémoire en réclamation du 1er février 2012, présenté en application de l’article 50.11 du CCAG » Travaux « , sollicitait le paiement d’une somme au titre des travaux de reprise des dégradations et une somme au titre du surcoût de la sous-traitance ; cette réclamation a été rejetée par le centre hospitalier de Bretagne Sud le 28 février 2012 ; la SASU Golfe Peinture n’a pas confirmé sa réclamation sur le fondement de l’article 50.21 du CCAG » Travaux » ;
o le second mémoire de réclamation du 7 juin 2012, présenté en application de l’article 50.22 du CCAG, adressé au centre hospitalier de Bretagne Sud, sollicitait le paiement d’une somme au titre des travaux de reprise des dégradations des peintures finies, le remboursement des sommes versées au titre des frais d’expertise et d’assistance, et une majoration fiscale de 35 % ; cette réclamation, consécutive à un ordre de service, était irrecevable puisqu’elle aurait dû être adressée au maître d’oeuvre sur le fondement de l’article 50.21 du CCAG applicable ;
o le mémoire de réclamation du 10 octobre 2012, annexé au projet de décompte final, sollicitait le paiement d’une somme au titre des travaux de reprise des dégradations et d’une somme au titre d’un trop-payé au sous-traitant Debuschère ; la SASU Golfe Peinture n’a pas contesté devant le tribunal administratif et dans les délais la décision implicite de rejet conformément à l’article 50.31 du CCAG ; la décision implicite du centre hospitalier de Bretagne Sud est dès lors définitive ;
– à titre subsidiaire, la société Ouest Coordination aux droits desquelles elle vient n’a commis aucune faute ; elle est intervenue pour la mission d’ordonnancement, pilotage et coordination et n’a réalisé aucune prestation matérielle du chantier ni n’a assuré de suivi de chantier, la mission DET ayant été confiée à la société Valode et Pistre qui devait ainsi assurer la direction des travaux et la surveillance du chantier ; son intervention avait essentiellement pour objet la gestion globale des calendriers, qui n’a aucunement été remise en cause ; dès lors, les appels en garantie des sociétés Groupe Vinet, SEO, Axima, Valode et Pistre devront être rejetés ; en outre, la société Valode et Pistre ne rapporte pas la preuve d’un lien de causalité entre les fautes invoquées et le préjudice, non établi.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 avril 2018, la SAS Axima Seitha, représentée par Me E…, demande à la cour :
1°) à titre principal, de la mettre hors de cause, en l’absence de demande formulée à son encontre par la SASU Golfe Peinture ;
2°) à titre subsidiaire, de confirmer le jugement du tribunal administratif de Rennes du 9 novembre 2017 ;
3°) à titre plus subsidiaire, de rejeter les demandes en garantie formées par les sociétés Valode et Pistre et Ouest Coordination à son encontre, de dire qu’il n’y a pas lieu à condamnation solidaire et de limiter les condamnations éventuellement prononcées à son encontre ;
4°) à titre encore plus subsidiaire, de condamner solidairement toutes parties perdantes à la garantir des condamnations éventuellement prononcées, et de condamner solidairement la société Allianz Global Corporate et Speciality France, la société Gan Eurocourtage et la société Albingia à la garantir, intégralement sans recours dans le cadre de la police tous risques chantier souscrite en 2008 par le centre hospitalier de Bretagne Sud, de toutes les condamnations en principal, intérêts, frais et dépens qui seraient prononcées ;
5°) de mettre à la charge de la SASU Golfe Peinture une somme de 6 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– à titre principal, ni la requête d’appel de la SASU Golfe Peinture, ni celle du centre hospitalier de Bretagne Sud ne contiennent de demande formulée à son encontre ; elles sont donc dépourvues d’objet au sens de l’article R. 411-1 du code de justice administrative ;
– à titre subsidiaire, en cas d’appel incident ou d’appel provoqué la visant :
o les demandes présentées par la SASU Golfe Peinture sont irrecevables ; elle s’associe aux moyens d’irrecevabilité soulevés par le centre hospitalier de Bretagne Sud en application de l’article 50.2 du CCAG Travaux ; la demande principale de la SASU Golfe Peinture étant irrecevable, la demande en garantie présentée par le centre hospitalier de Bretagne Sud et le recours de la Société Valode et Pistre n’ont plus d’objet ;
o les demandes présentées par la SASU Golfe Peinture sont également mal fondées ; en application du CCAP et de l’article 6 du CCTP du lot » peinture « , la SASU Golfe Peinture avait la charge, à ses frais, de protéger les ouvrages pour éviter les dégradations et de réparer ou remplacer les ouvrages ou parties d’ouvrage détériorés ou dérobés pendant l’exécution des travaux ;
– l’appel en garantie présentée par la société Valode et Pistre, concernant les dégradations qui lui seraient imputables, est mal fondé ;
o la société Valode et Pistre ne s’est pas assurée du respect, par la SASU Golfe Peinture, des dispositions de son CCTP ; la société Valode et Pistre ne justifie pas avoir respecté l’obligation de la mise en place d’un service de clé, prévu par l’article 3.6 de l’annexe 7 au CCAP, destiné à éviter les interventions imprévues des entreprises et les dégradations ; la responsabilité incombe donc pour la grande partie à la société Valode et Pistre, à l’origine du préjudice qu’elle est susceptible de subir ;
o en tout état de cause, elle ne saurait être condamnée solidairement avec la société Ouest Coordination et les autres entreprises dès lors que le montant des dégradations imputées aux entreprises ont été clairement ventilées par l’expert judiciaire ;
o à titre subsidiaire, en cas de condamnation solidaire, elle devrait être garantie par les entreprises ;
– l’appel en garantie formée par la société Ouest Coordination, devenue TPF Ingénierie, au titre des dégradations non imputées est mal fondé ; la responsabilité de cette société doit être engagée, le respect du système de gestion des clés relevant de la mission OPC ; en tout état de cause, le recours devrait être limité au montant des dégradations imputées par l’expert ;
– elle doit être garantie, intégralement, par les sociétés Allianz Global Corporate et Specialty, Gan Eurocourtage et Albingia, auprès desquelles le centre hospitalier de Bretagne Sud a conclu une police d’assurance » tous risques chantiers « .
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 avril 2018, la SAS Groupe Vinet et la SAS Société d’Etanchéité de l’Ouest, représentées par Me E…, demandent à la cour :
1°) à titre principal, de les mettre hors de cause en l’absence de demande formulée à leur encontre par la SASU Golfe Peinture ;
2°) à titre subsidiaire, de confirmer le jugement du tribunal administratif de Rennes du 9 novembre 2017 ;
3°) à titre plus subsidiaire, de rejeter les demandes en garantie formées par les sociétés Valode et Pistre et Ouest Coordination à leur encontre, de dire qu’il n’y a pas lieu à condamnation solidaire et de limiter les condamnations éventuellement prononcées à leur encontre ;
4°) à titre encore plus subsidiaire, de condamner solidairement toutes parties perdantes à les garantir des condamnations éventuellement prononcées, et de condamner solidairement la société Allianz Global Corporate et Speciality France, la société Gan Eurocourtage et la société Albingia à les garantir, intégralement sans recours dans le cadre de la police tous risques chantier souscrite en 2008 par le centre hospitalier de Bretagne Sud, de toutes les condamnations en principal, intérêts, frais et dépens qui seraient prononcées ;
5°) de mettre à la charge de la SASU Golfe Peinture une somme de 6 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
– à titre principal, ni la requête d’appel de la SASU Golfe Peinture, ni celle du centre hospitalier de Bretagne Sud ne contiennent de demande formulée à leur encontre ; elles sont donc dépourvues d’objet au sens de l’article R. 411-1 du code de justice administrative ;
– à titre subsidiaire, en cas d’appel incident ou d’appel provoqué les visant :
o les demandes présentées par la SASU Golfe Peinture sont irrecevables ; elles s’associent aux moyens d’irrecevabilité soulevés par le centre hospitalier de Bretagne Sud en application de l’article 50.2 du CCAG Travaux ; la demande principale de la SASU Golfe Peinture étant irrecevable, la demande en garantie présentée par le centre hospitalier de Bretagne Sud et le recours de la Société Valode et Pistre n’ont plus d’objet ;
o les demandes présentées par la SASU Golfe Peinture sont également mal fondées ; en application du CCAP et de l’article 6 du CCTP du lot » peinture « , la SASU Golfe Peinture avait la charge, à ses frais, de protéger les ouvrages pour éviter les dégradations et de réparer ou remplacer les ouvrages ou parties d’ouvrage détériorés ou dérobés pendant l’exécution des travaux ;
– les demandes formées à l’encontre de la société Groupe Vinet sont irrecevables, puisqu’elles ne sont pas formulées à l’encontre de la société Dupuy, qui était le mandataire solidaire du groupement conjoint constitué pour le lot n° 7 » Revêtements de sol souples » ;
– l’appel en garantie présenté par la société Valode et Pistre, concernant les dégradations qui leur seraient imputables, est mal fondé ;
o la société Valode et Pistre ne s’est pas assurée du respect, par la SASU Golfe Peinture, des dispositions de son CCTP ; la société Valode et Pistre ne justifie pas avoir respecté l’obligation de la mise en place d’un service de clé, prévu par l’article 3.6 de l’annexe 7 au CCAP, destiné à éviter les interventions imprévues des entreprises et les dégradations ; la responsabilité incombe donc pour la grande partie à la société Valode et Pistre, à l’origine du préjudice qu’elle est susceptible de subir ;
o en tout état de cause, elles ne sauraient être condamnées solidairement avec la société Ouest Coordination et les autres entreprises dès lors que le montant des dégradations imputées aux entreprises ont été clairement ventilées par l’expert judiciaire ;
o à titre subsidiaire, en cas de condamnation solidaire, elles devraient être garanties par les entreprises ;
– l’appel en garantie formée par la société Ouest Coordination, devenue TPF Ingénierie, au titre des dégradations non imputées est mal fondé ; la responsabilité de cette société doit être engagée, le respect du système de gestion des clés relevant de la mission OPC ; en tout état de cause, le recours devrait être limité au montant des dégradations imputées par l’expert ;
– elles doivent être garanties, intégralement, par les sociétés Allianz Global Corporate et Specialty, Gan Eurocourtage et Albingia, auprès desquelles le centre hospitalier de Bretagne Sud a conclu une police d’assurance » tous risques chantiers « .
Par des mémoires en défense, enregistrés le 16 avril 2018 et le 23 octobre 2018, la société Les Plâtres Modernes Claude Jobin, représenté par Me V…, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de prononcer la jonction des dossiers n° 18NT00087 et 18NT00138 ;
2°) de confirmer le jugement du tribunal administratif de Rennes du 9 novembre 2017 ;
3°) de rejeter toute demande formée à son encontre ;
4°) à titre subsidiaire, de limiter le montant de la condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre à la somme de 34 064, 55 euros, de rejeter le surplus des demandes de la société Valode etPistre Architectes, de condamner la société Vallée SAS à la garantir à hauteur de 11 354. 85 euros, et de rejeter toute demande à son encontre formée par toute autre partie ;
5°) de mettre à la charge de toute partie perdante une somme de 10 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.
Elle soutient que :
– à titre principal, le jugement, ayant déclaré irrecevables les mémoires en réclamation de la SASU Golfe Peinture et en conséquence les appels en garantie formés à l’encontre des locateurs d’ouvrage, doit être confirmé ;
o le mémoire de réclamation de la SASU Golfe Peinture du 1er février 2012, fondé sur l’article 50.11 du CCAG Travaux, sollicitait le paiement de travaux de reprise des dégradations et d’un surcoût de la sous-traitance ; ce mémoire a été rejeté par le centre hospitalier de Bretagne Sud le 28 février 2012 ; la SASU Golfe Peinture n’a pas confirmé sa réclamation dans un délai de trois mois en application de l’article 50.21 du CCAG ;
o le mémoire de réclamation du 7 juin 2012, fondé sur l’article 50.22 du CCAG, sollicitait le paiement d’une somme au titre des travaux de reprise des dégradations des peintures finies, le remboursement des sommes versées au titre des frais d’expertise et d’assistance et une majoration fiscale de 35 % de ces sommes ; cette réclamation, faisant suite à l’ordre de service du 11 mai 2012, aurait dû être adressée au maître d’oeuvre en application de l’article 50.11 du CCAG et était donc irrecevable ;
o la réclamation du 10 octobre 2012 sollicitait à nouveau le paiement d’une somme au titre des travaux de reprise des dégradations et une somme au titre d’un trop-payé au sous-traitant ; elle sollicitait, en outre, le paiement de sommes relatives à des travaux supplémentaires non régularisés, des pénalités appliquées à l’entreprise, un trop-payé à l’entreprise, des retenues au profit de sous-traitants défaillants, des intérêts moratoires et l’indemnisation d’une majoration fiscale de 35 % ; la SASU Golfe Peinture n’a pas contesté, dans le délai de trois mois, le rejet implicite de cette réclamation par le centre hospitalier de Bretagne Sud, conformément à l’article 50.21 du CCAG ;
o la réclamation du 30 juin 2014, en réaction à la notification du décompte général du marché, présentée en application des articles 13.44 et 50.22 du CCAG reprenaient les mêmes chefs de réclamations que les mémoires des 1er février 2012, 7 juin 2012 et 10 octobre 2012, devenus définitifs ;
– à titre subsidiaire, en cas de recevabilité des réclamations de la SASU Golfe Peinture au titre des reprises des dégradations des travaux finis de peinture, l’appel en garantie formé à son encontre par la société Valode et Pistre Architectes doit être rejeté ;
o le chiffrage avancé par la SASU Golfe Peinture est manifestement excessif, l’expert l’ayant chiffré à la somme de 574 097, 36 euros ;
o l’expert a estimé que 60, 09 % des désordres, part estimée à 344 953, 80 euros, ne pouvaient être imputés à l’un des intervenants au chantier ; l’imputation du coût des détériorations dont il est impossible de connaitre l’auteur ne peut être inscrite au compte des dépenses communes, dès lors que ce compte a été clos, la réception étant intervenue en 2012 ;
o le coût des dégradations d’origine inconnue ne peut être ventilé aléatoirement entre les sociétés intervenues sur le chantier en l’absence d’imputabilité directe prouvée ;
o en ce qui concerne les dégradations imputées par l’expert aux différents intervenants, il n’existe aucune certitude, l’expert ayant procédé par suppositions et imputé les différents désordres aux sociétés étant intervenues à proximité immédiate ;
– à titre très subsidiaire, si l’appel en garantie de la société Valode et Pistre Architectes à son encontre était admis, le montant maximal à laquelle elle pourrait être condamnée à garantir la société est celui retenu par l’expert, à hauteur de 43 672, 50 euros, correspondant à 7, 61 % de tous les désordres ; en outre, 22 % des réserves (33 sur 150) doivent être défalquées de cette somme, puisqu’elles correspondent à des désordres qui lui ont été attribués ou à une autre entreprise ; de plus, 26 % des réserves (39 sur 150) concernent les plafonds et sont imputables à la SAS Vallée, à qui elle avait sous-traité les travaux de réalisation des faux-plafonds ; seule cette société doit être déclarée responsable de ces désordres ; la SAS Vallée doit donc, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, la garantir à hauteur de 11 354, 85 euros.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 4 mai 2018 et le 13 juillet 2018, la société Icade Promotion, représentée par Me J…, demande à la cour :
1°) de prononcer la jonction des dossiers n° 18NT00087 et 18NT00138 ;
2°) à titre principal, de confirmer le jugement du tribunal administratif de Rennes du 9 novembre 2017 ;
3°) à titre subsidiaire, de prononcer sa mise hors de cause ;
4°) à titre très subsidiaire, de condamner solidairement le centre hospitalier de Bretagne Sud, la société Valode et Pistre architectes, la société Bouygues Bâtiment Construction Grand Ouest, la société Plâtres Modernes, la société SEO, la société Ouest Alu, la société Suscillion, la société Dupuy, la société Vinet, la SASU Golfe Peinture, la société Record, la société Axima Seitha, la société SPIE, la société Lautech, la société Thyssenkrupp, la société Aérocom, la société Als, la société Surgiris, la société Potteau Labo à la garantir de toutes condamnations éventuellement prononcées à son encontre ;
5°) à titre infiniment subsidiaire, de limiter la condamnation pouvant être prononcée au profit de la SASU Golfe Peinture à la somme de 229 143, 56 euros ;
6°) de mettre à la charge solidaire du centre hospitalier de Bretagne Sud et de la SASU Golfe Peinture une somme de 10 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– à titre principal, elle doit être mise hors de cause, aucune demande de la SASU Golfe Peinture ou du centre hospitalier de Bretagne Sud n’étant dirigée contre elle ;
– à titre subsidiaire, elle reprend les moyens d’irrecevabilité et de rejet développés devant le tribunal administratif de Rennes :
o la demande principale de la SASU Golfe Peinture est irrecevable, en raison de la forclusion découlant des articles 50.12 et 50.2 du CCAG Travaux ; la réclamation du 1er février 2012, présentée sur le fondement de l’article 50.11 du CCAG, a été rejetée le 28 février 2012 ; la SASU Golfe Peinture n’a adressé un nouveau mémoire de réclamation que le 7 juin 2012 sur le fondement de l’article 50.22 du CCAG ; à supposer que l’ordre de service ait déclenché un nouveau délai de réclamation, la SASU Golfe Peinture n’a pas contesté dans le délai de quinze jours ; la réclamation du 10 octobre 2012 reprend en grande partie les réclamations déjà présentées les 1er février et 7 juin 2012, définitivement rejetées ; le surplus des demandes formulées dans la réclamation du 10 octobre 2012 ayant été implicitement rejeté, la SASU Golfe Peinture n’a pas saisi le tribunal administratif d’une contestation, conformément à l’article 50.31 du CCAG Travaux ; la réclamation du 30 juin 2014 reprenait les réclamations antérieures, forcloses ; l’action de la SASU Golfe Peinture étant irrecevable, l’appel en garantie formé par le centre hospitalier de Bretagne Sud à l’encontre d’Icade Promotion est dépourvu d’objet ;
o elle n’a pas participé aux opérations de constat et d’expertise qui ne lui sont donc pas opposables ;
o elle n’a pas commis de faute dans l’exercice de sa mission ; l’expert n’a pas proposé de retenir sa responsabilité ; aucun préjudice n’est caractérisé par le centre hospitalier de Bretagne Sud, ni aucun lien de causalité ;
– à titre très subsidiaire, elle appelle en garantie, sur le fondement de l’article 1382 du code civil, le centre hospitalier de Bretagne Sud, les sociétés Valode et Pistre Architectes, Bouygues Bâtiment Construction Ouest, Platres Modernes, SEO, Ouest Alu, Suscillion, Dupuy, Vinet, SASU Golfe Peinture, Record, Axima Seitha, Spie, Lautech, Thyss