CAA de NANTES, 3ème chambre, 18/02/2016, 14NT02692, Inédit au recueil Lebon

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CAA de NANTES, 3ème chambre, 18/02/2016, 14NT02692, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. R… F…, agissant tant en son nom personnel qu’en qualité de mandataire spécial de Mme S…D…et de représentant légal de ses enfants mineurs G…et A…F…, V…I…E…, épouseD…, M. H…F…et Mme T…B…épouseF…, M. N…F…, Mme C…F…, M. L…F…, et M. et Mme U…et Florence D…ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Brest à les indemniser des préjudices résultant des séquelles de l’accouchement de Mme S…D…le 13 août 2007 dans cet établissement.

Par un jugement n° 1001523 du 21 août 2014, le Tribunal Administratif de Rennes a condamné le CHU de Brest à verser à Mme S…D…la somme de 661 973,96 euros sous déduction de la provision déjà accordée, ainsi qu’une rente annuelle d’un montant de 40 952,93 euros sous déduction des sommes versées par des organismes sociaux ou tiers destinées à couvrir les mêmes besoins, ainsi que sur, justificatifs, 75% des dépenses de santé futures ; que le CHU de Brest a également été condamné à verser, sous déduction des provisions déjà accordée, à M. R…F…la somme de 27 238,78 euros, à Mme I…D…la somme de 13 500 euros, à M. G…F…et Mme A…F…la somme de 15 000 euros, à M. U… D…la somme de 4 500 euros, à M. N… F…, Mme C…F…et M. L…F…la somme de 1 125 euros pour chacun, à M. H…F…et Mme T…F…la somme de 750 euros chacun, l’ensemble de ces sommes étant assorti des intérêts au taux légal à compter du 5 mars 2010 et de leur capitalisation à compter du 24 février 2012 ; que le CHU de Brest a enfin été condamné à verser à la caisse primaire d’assurance maladie du Finistère la somme de 204 945,17 euros assortie des intérêts à compter du 2 octobre 2013, à l’indemniser, sur justificatifs et, à concurrence de 75 %, des frais futurs exposés, ainsi qu’à lui verser la somme de 1 028 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 20 octobre 2014, 11 décembre 2015, et 14 janvier 2016, ainsi que la pièce complémentaire enregistrée le 23 décembre 2015, M. R… F…agissant tant en son nom personnel qu’en qualité de mandataire spécial de Mme S… D…et de représentant légal de ses enfants mineurs G…et A…F…, V…I…E…, épouseD…, M. H…F…et Mme T…B…épouseF…, M. N…F…, Mme C…F…, M. L…F…, et M. et Mme U…et FlorenceD…, représentés par MeK…, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 21 août 2014 en tant qu’il n’a que partiellement fait droit à leurs demandes ;

2°) de condamner le CHU de Brest à verser à Mme D…la somme de 1 834 937,16 euros au titre de ses préjudices patrimoniaux ainsi qu’une rente annuelle de 185 900,73 euros, capitalisée, une rente annuelle de 31 279 euros au titre des frais d’assistance par une tierce personne pour la garde d’enfant et une somme de 666 000 euros au titre des préjudices extra patrimoniaaux, à verser à M. R… F… la somme de 46 287 euros, à Mme I… D…la somme de 41 298 euros, à M. G…F…et Mme A…F…la somme de 15 000 euros chacun, à M. U…D…la somme de 6 000 euros, à M. N…F…, Mme C…F…et M. L…F…, la somme de 3 000 euros chacun, à M. H…F…et Mme T…F…, la somme de 5 000 euros chacun et à Mme P…D…, la somme de 5 000 euros, l’ensemble de ces sommes devant être augmenté des intérêts au taux légal à compter du 5 mars 1010 et de leur capitalisation à compter du 25 février 2012 ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au versement des mêmes sommes au titre de la solidarité nationale ;

4°) de mettre les frais d’expertise à la charge du CHU de Brest, ou, à défaut, de l’ONIAM ;

5°) de mettre à la charge du CHU de Brest la somme de 10 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

– le jugement doit être confirmé en ce qu’il a retenu la responsabilité du CHU de Brest ;

– toutefois le jugement est entaché d’une contradiction de motifs en jugeant que l’isolement de la maternité des autres services hospitaliers n’avait pas joué de rôle direct dans la survenance du dommage alors qu’il a par ailleurs relevé que le retard à la livraison de produits sanguins, imputable au manquement dans l’organisation des soins, a eu une incidence sur la réanimation ;

– par ailleurs les infections liées aux soins révèlent également une faute dans l’organisation du service et ont majoré certains préjudices comme les souffrances endurées ;

– Mme D…n’a pas été informée des risques liées aux actes de soins dispensés ni des insuffisances de l’organisation du service au regard des exigences règlementaires, en particulier en ce qui concerne la prise en charge des complications hémorragiques ;

– à titre subsidiaire, si aucune faute ne devait être retenue à l’encontre du CHU de Brest, les conséquences de l’accident médical doivent être prises en charge au titre de la solidarité nationale dès lors qu’il s’est produit au décours d’une césarienne qui est un acte de soins au sens des dispositions du II de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique ;

– contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, le cumul des fautes commises par l’établissement est à l’origine directe et certaine de l’entier dommage subi ;

– à titre subsidiaire, le taux de perte de chance doit être porté à 96% dès lors que selon le CHU de Brest l’hémorragie était prévisible et pouvait donc être anticipée par le corps médical ; l’état antérieur connu et maîtrisable n’est donc pas de nature à réduire son droit à indemnisation ;

– les préjudices futurs périodiques doivent être indemnisés par le versement d’un capital, calculé par application du barème publié à la Gazette du Palais du 28 mars 2013, fondé sur les tables d’espérance de vie hommes-femmes les plus récentes publiées par l’INSEE et sur un taux de capitalisation de 1,20% ;

– contrairement à ce que soutient l’établissement hospitalier, aucun préjudice nouveau n’a été demandé en appel, l’évolution du montant des réclamations se justifie par l’évolution du litige et en particulier des arrérages des rentes demandées ;

– les dépenses de santé restées à sa charge s’élèvent à la somme de 20 702,28 euros ; c’est à tort que les premiers juges ont limité l’indemnisation à la somme de 4 872,33 euros ; elle a également exposé des dépenses d’accompagnement médical du handicap pour un montant de 8 909,50 euros, des dépenses à visée thérapeutique d’un montant de 440 euros, des dépenses de sport adapté pour un montant de 3 215 euros soit un total de 33 266,78 euros ; à compter du 1er janvier 2016, et jusqu’à la date de l’arrêt à intervenir, elle est fondée à demander le versement d’une rente annuelle de 3 600 euros pour couvrir les dépenses futures de même nature ; à compter de la date de l’arrêt, la rente devra être capitalisée sur la base du barème fondé sur les tables de mortalité les plus récentes publiées par l’INSEE et d’un taux d’intérêt de 1,20% ; il n’y a pas lieu de déduire de l’indemnisation les prestations versées par le conseil général en application de l’article L. 245-1 du code de l’action sociale et des familles qui ne sont pas pérennes ;

– au titre des frais divers, elle a exposé des frais de médecin conseil pour une somme de 8 260 euros et des frais de déplacement pour un montant de 3 869 euros ;

– elle a subi des pertes de gains professionnels d’un montant total de 69 769 euros du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2012 ; à partir du 1er janvier 2013, la perte de revenu annuelle s’élève à 19 000 euros après déduction de la rente d’invalidité perçue, soit une indemnité totale au 31 décembre 2015 de 127 000 euros ; à compter de la date de l’arrêt, la rente annuelle d’un montant de 19 000 euros devra être capitalisée jusqu’à ses 62 ans, sur la base du barème mentionné ci-dessus ; à titre subsidiaire, une mesure d’expertise pourra être ordonnée pour évaluer la perte de gains professionnels subis ;

– compte tenu de l’incidence professionnelle de cet accident médical, elle est fondée à demander le versement d’une indemnité de 25 000 euros ;

– aucune reconversion professionnelle n’étant envisageable, elle subira une perte de ses droits à la retraite d’environ 872 euros mensuel, soit 10 464 euros annuel soit un capital constitutif de 180 002 euros ;

– les frais d’aménagement du domicile s’établissent à 69 910,95 euros ; le coût total des travaux réalisés dans la maison secondaire du couple, située au Conquet (Finistère) s’élève à 164 730,62 euros dont 15% est en relation avec le handicap, soit une somme de 24 000 euros ; si cette évaluation est contestée, il y aura lieu d’ordonner une expertise ;

– l’achat d’un véhicule adapté à son handicap est par ailleurs également justifié et s’élève à 22 900 euros ; ces dépenses doivent être renouvelées tous les 7 ans soit une rente annuelle de 3 271 euros ; le renouvellement de certaines dépenses justifie le versement d’une rente annuelle de 13 000 euros qui sera attribuée sous la forme d’un capital à la date de l’arrêt à intervenir, calculé sur la base du barème fondé ci-dessus ;

– par ailleurs, l’état de santé de Mme D… nécessite la présence d’une tierce personne 12h30 par jour ; elle vit à son domicile familial depuis le 18 décembre 2008 ; les frais d’assistance par une tierce personne doivent être évalués à 19,63 euros par heure de présence active, compte tenu des charges sociales salariales et patronales, soit une somme annuelle de 95 696,25 euros ; par ailleurs, il convient également de comptabiliser le coût de la présence nécessaire auprès de Mme D… durant la période de soirée et de nuit, qui est actuellement assurée par des proches, soit 11h30 ; l’indemnité due à ce titre, calculée sur la base de 14 euros de l’heure s’élève à 61 698 euros pour une année ; au 31 décembre 2015, le montant total s’élève à 1 101 759,75 euros ;

– au-delà du 31 décembre 2015, il y a lieu de prévoir le versement d’une rente annuelle d’un montant de 157 394,25 euros qui sera capitalisée par référence aux tables de mortalité les plus récentes publiées par l’INSEE et à un taux d’intérêt de 1,20% ; la rente versée à ce titre doit, à tout le moins, être indexée sur l’évolution du tarif horaire arrêté en application du 1° de l’article L. 245-3 du code de l’action sociale et des familles ;

– il n’y a pas lieu de déduire les sommes perçues au titre de la prestation de compensation du handicap versée par le Conseil général au titre de la solidarité nationale, qui ne présentent pas de caractère indemnitaire ; à titre subsidiaire, la rente demandée au titre de la tierce personne doit être fixée en prenant en considération la possible réduction ou suppression de ces aides ;

– compte tenu de son invalidité définitive, Mme D…ne peut pas s’occuper de ses enfants ; la présence d’une tierce personne est nécessaire auprès d’eux 12 heures par jour, tous les jours ; les dépenses engagées au 31 décembre 2013 s’élèvent à 212 141 euros ; au-delà de cette date et jusqu’à l’âge de 11 ans, la présence d’une tierce personne peut être évaluée à 4 heures par jour, ce qui correspond à une rente de 31 279 euros par an jusqu’à la date de l’arrêt à intervenir ; à compter de cette dernière date, la rente devra être capitalisée par référence au barème fondé sur les tables de mortalité les plus récentes publiées par l’INSEE et d’un taux d’intérêt de 1,20% ; l’incidence fiscale des frais de garde ne saurait être prise en considération pour le calcul de l’indemnité ;

– au titre de ses préjudices extrapatrimoniaux, Mme D…est fondée à demander le versement d’une indemnité de 11 000 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire subi pendant 18 mois, d’une indemnité de 40 000 euros au titre des souffrances endurées, évaluées par les experts à 7 sur une échelle de 7, une indemnité de 40 000 euros au titre du préjudice esthétique, également évalué à 7 par les experts, sur une échelle de 7 ; elle subit un préjudice d’agrément total qui doit être indemnisé par le versement d’une somme de 50 000 euros, ainsi qu’un préjudice sexuel complet justifiant une indemnisation spécifique de 25 000 euros ; enfin, le déficit fonctionnel permanent dont elle reste atteinte a été évalué à 95%, ce qui justifie une indemnité de 500 000 euros, soit une somme totale de 666 000 euros ;

– M. R…F…est fondé à demander l’indemnisation du préjudice sexuel subi du fait des séquelles dont sa compagne reste atteinte, ce qui justifie une somme de 15 000 euros ; il a engagé des frais de déplacements d’un montant de 1 287 euros ; le préjudice d’accompagnement et d’affection subi justifie une indemnité de 30 000 euros ;

– Mme I…D…, mère de la victime a engagé des frais de déplacements qui justifient une indemnité de 26 298 euros ;

– les proches de la victime sont également fondés à demander l’indemnisation du préjudice d’accompagnement et d’affection subi, soit une somme de 15 000 euros pour la mère de la victime, Mme I…D…, une somme de 15 000 euros pour chacun des enfants du couple, G…F…et KloéF…, une somme de 5 000 euros pour M. H…F…et Mme T…F…, mère de M. R…F…, une somme de 3 000 euros à chacun des trois enfants de M. R…F…, une somme de 6 000 euros à M. U…D…, frère de la victime et une somme de 5 000 euros à Mme P…D…, belle-soeur de la victime ;

– les indemnités accordées doivent être assorties des intérêts au taux légal à compter du 5 mars 2010, date de réception de la demande indemnitaire préalable et de la capitalisation des intérêts à compter du 23 février 2012 ;

– les frais d’expertise doivent être mis à la charge du CHU de Brest ;

Par des mémoires enregistrés les 23 mars et 2 octobre 2015, la caisse primaire d’assurance maladie du Finistère et la MNH, représentées par MeM…, demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Rennes du 21 août 2014 en tant qu’il n’a que partiellement fait droit à sa demande ;

2°) de condamner le CHU de Brest à lui verser la somme totale de 291 286,76 euros en remboursement des débours exposés pour le compte de son assurée sociale Mme D… augmentée des intérêts au taux légal à compter du mémoire de première instance ainsi qu’une somme de 1 037 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion ;

3°) de mettre à la charge du CHU de Brest la somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– les fautes commises par le CHU de Brest, qui résultent d’un défaut de surveillance des paramètres hémodynamiques, une absence de thérapeutique efficace lors de l’installation du collapsus cardio-vasculaire et d’un recours tardif aux transfusions engagent la responsabilité de l’établissement et justifient l’indemnisation intégrale des préjudices ;

Par un mémoire en défense enregistré le 26 mai 2015, l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) représenté par Me J…, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête des consorts D…-F… ;

2°) à titre subsidiaire, de limiter à 5% des préjudices la part qui serait mise à la charge de la solidarité nationale et de ramener les indemnités à de plus justes proportions ;

Il soutient que :

– l’hémorragie de la délivrance dont a été victime MmeD…, est une complication naturelle de l’accouchement, même réalisé par césarienne, et n’est pas imputable à un acte de soins comme l’exigent les dispositions du II de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique relative à la prise en charge par la solidarité nationale ; l’expert a relevé que l’hémorragie résultait d’une atonie utérine sévère, c’est-à-dire d’un défaut, après la naissance, de contraction des vaisseaux sanguins pour réduire l’écoulement du sang, et avait été favorisée par d’autres facteurs ; cette hémorragie n’est donc pas imputable à la césarienne ;

– l’affection iatrogène évoquée par les consorts D…-F… et qui serait la cause des dommages, n’est pas établie ;

– en tout état de cause, les fautes commises par le centre hospitalier font obstacle à la prise en charge par la solidarité nationale ; une faute dans l’organisation du service est également relevée du fait de l’isolement de la maternité du reste des autres services médicaux et chirurgicaux de l’établissement ;

– à titre subsidiaire, si la cour estime que Mme D…a été victime d’un accident médical indemnisable au titre de la solidarité nationale, seule la part résiduelle après évaluation de la perte de chance ne peut être prise en charge ;

– l’indemnisation par la solidarité nationale est effectuée en utilisant la table de capitalisation mentionnée dans le référentiel d’indemnisation de l’office ; les indemnités versées par la caisse primaire d’assurance maladie sont déduites de l’indemnisation allouée au titre de la solidarité nationale en application de l’article L. 1142-17 du code de la santé publique ;

– l’indemnité au titre des dépenses de santé ne peut excéder la somme de 4 872,33 euros accordée par le tribunal administratif ; il y a lieu également de confirmer le jugement en ce qu’il a accordé une indemnité de 2 469,90 euros au titre des frais divers ;

– les pertes de gains professionnels doivent être évalués sur la base du revenu de l’année 2006 soit 32 264 euros ; la perte de revenus sur la période du 13 août 2007 au 19 février 2012 s’élève à la somme de 43 694 euros ; la perte de revenus à compter du 20 février 2012 s’élève à la somme capitalisée de 175 430 euros compte tenu de la déduction de la rente d’invalidité perçue par Mme D… ; le jugement doit être réformé sur ce point ; à titre subsidiaire, il sera confirmé sur ces points ;

– l’indemnité due au titre de l’incidence professionnelle ne saurait excéder 6 000 euros, le jugement doit être réformé sur ce point ; le jugement doit être confirmé en ce qu’il a évalué les frais de logement adapté à la somme de 20 700 euros et les frais d’adaptation du véhicule à la somme de 16 254,27 euros ;

– l’indemnisation des frais d’assistance par une tierce personne doit tenir compte des sommes versées par d’autres débiteurs au titre de ce même préjudice ; le montant de l’indemnité accordé par le tribunal doit être confirmé ;

– le préjudice résultant des frais de garde des enfants de Mme D…n’est pas justifié et la demande doit être rejetée car ces frais auraient été exposés même en l’absence d’accident dès lors que Mme D…exerçait une activité professionnelle ; le jugement doit être réformé sur ce point, ou à titre subsidiaire, le montant de l’indemnité allouée sera confirmé ;

– le déficit fonctionnel temporaire de Mme D…ne peut être indemnisé qu’à concurrence de 7 200 euros ; le jugement doit être réformé sur ce point ;

– le préjudice résultant des souffrances endurées doit être évalué à 30 000 euros ; la demande relative au préjudice esthétique temporaire, qui est strictement identique au préjudice esthétique permanent sera rejetée ; le préjudice esthétique permanent peut être évalué à 35 000 euros ; le déficit fonctionnel permanent doit être évalué à 310 000 euros ; le jugement sera réformé sur ces points ; le préjudice d’agrément sera écarté ou, à titre subsidiaire, le jugement sera confirmé en ce qu’il a accordé une indemnité de 37 000 euros ; le préjudice sexuel doit être évalué à 7 000 euros, et le jugement doit être réformé sur ce point ;

– les préjudices des victimes par ricochet sont exclus de l’indemnisation par la solidarité nationale, les demandes présentées à ce titre seront rejetées ;

Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 mai 2015 et le 28 décembre 2015, le Centre hospitalier universitaire (CHU) de Brest représenté par MeQ…, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 21 août 2014 ;

2°) de rejeter la requête des consorts D…-F… ;

3°) par la voie de l’appel incident, de réduire le taux de perte de chance déterminée par la tribunal administratif de Rennes ;

Il fait valoir que :

– le taux de perte de chance de 75% retenu par le tribunal est excessif ; les séquelles dont reste atteinte Mme D…sont les conséquences de l’arrêt cardiaque à la suite de l’hémorragie dont elle a été victime ; l’origine de l’arrêt cardiaque demeure incertaine et il n’est pas établi qu’il résulte d’une faute médicale ; par ailleurs, le choix d’avoir recours à du sang frais était justifié par un souci d’efficacité et l’emploi de sang et plasma congelés présents sur place n’aurait pas permis de gagner du temps compte tenu du délai de décongélation, d’au moins 30 minutes ; par ailleurs s’il est reproché l’absence de surveillance des paramètres hémodynamiques à partir de 3h35mn, il n’est pas établi que l’indication de la tension aurait modifié la conduite à tenir ; enfin, l’utilisation tardive de cathécholamines a seulement fait perdre une chance de réduire les conséquences dommageables de l’arrêt cardiaque ;

– les séquelles constatées ne sont pas en lien avec une infection nosocomiale contrairement à ce que soutiennent les consortsF… ;

– l’organisation du service et notamment la situation géographique de la maternité n’a eu aucune conséquence dans la prise en charge de MmeD… ;

– le devoir d’information prévu à l’article L. 1111-2 du code de la santé publique ne concerne que les risques liés à l’acte de soin ; aucun manquement à ce devoir d’information ne peut être relevé ;

– c’est à bon droit que le tribunal a prévu l’indemnisation des préjudices patrimoniaux de la victime par l’attribution d’une rente trimestrielle revalorisée par application des coefficients prévus à l’article L. 434-17 du code de la sécurité sociale ;

– Mme D…ne justifie pas avoir acquitté les frais médicaux dont elle demande le remboursement ; sa demande doit être rejetée ;

– la demande relative à l’indemnisation des frais d’aide par une tierce personne 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 sera rejetée dès lors que le rapport d’expertise mentionne que Mme D…bénéfice d’une auxiliaire de vie 10 heures par jour ; à titre subsidiaire, le taux quotidien d’une aide par une tierce personne ne saurait excéder 120 euros ;

– le tribunal a accordé les sommes demandées en ce qui concerne le déficit fonctionnel temporaire, les souffrances endurées et le préjudice esthétique ; la demande relative au préjudice d’agrément doit être rejetée ; les indemnités allouées au titre du préjudice sexuel de Mme D…, de son déficit fonctionnel permanent, ainsi que l’indemnité accordée à M. F…au titre de son préjudice sexuel doit également être confirmée ;

– les demandes indemnitaires présentées par les consorts D…-F… dans le dernier état de leurs écritures sont irrecevables en ce qu’elles excèdent les sommes demandées en première instance ;

– les demandes relatives aux préjudices futurs, qui concernent des préjudices éventuels, doivent être rejetées ;

– la rente d’invalidité doit venir en déduction du préjudice lié à la perte de gains professionnels et de l’incidence professionnelle ;

La procédure a été communiquée à la CNRACL le 20 janvier 2015 qui n’a pas produit de mémoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– le code de l’action sociale et des familles ;

– le code de la santé publique ;

– le code de la sécurité sociale ;

– la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 ;

– l’arrêté du 28 décembre 2005 fixant les tarifs de l’élément de la prestation de compensation mentionné au 1° de l’article L. 245-3 du code de l’action sociale et des familles modifié,

– l’arrêté du 19 décembre 2014 relatif aux montants de l’indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme Specht,

– les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

– et les observations de MeK…, représentant les consorts D…-F…, et de Me O…, substituant MeQ…, représentant le centre hospitalier universitaire de Brest.

1. Considérant que MmeD…, née le 24 février 1964, suivie par la maternité du centre hospitalier universitaire (CHU) de Brest pour une grossesse bichoriale biamniotique, dont le terme était prévu le 12 septembre 2007, s’est présentée le 12 août 2007 à 23h50mn à la maternité pour des contractions utérines ; que l’accouchement a débuté par voie basse ainsi qu’il avait été antérieurement prévu dans le cadre du suivi intensif de la grossesse ; que toutefois, à 2h35mn le 13 août 2007, une fièvre maternelle élevée et une tachycardie des deux foetus, une césarienne est décidée ; qu’après l’extraction successive des deux enfants à 3h15 puis à 3h18, l’intervention s’est terminée à 3h48mn ; qu’à 3h53mn, lors de son transfert en salle de surveillance post interventionnelle, une hémorragie endo-utérine est survenue ; que malgré les soins apportés, Mme D…a été victime d’un arrêt cardiaque prolongé et reste lourdement handicapée, atteinte d’une quadriplégie spastique et d’une cécité corticale ;

2. Considérant que, saisi par Mme D…, représentée par M.F…, son compagnon, et par ce dernier en son nom personnel et au nom des deux enfants du couple, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a, par une ordonnance du 12 juin 2008, désigné en qualité d’expert le docteur Boog, professeur de gynécologie-obstétrique, assisté du docteur Platel, sapiteur, anesthésiste réanimateur, afin de déterminer les causes de cet accident et l’étendue des préjudices ; que les experts ont remis leur rapport le 21 juillet 2009 ; que Mme D… et M. F…et leurs proches ont présenté des demandes d’indemnisation des préjudices subis le 4 mars 2010 au CHU de Brest et à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), mais aucun accord n’a pu être trouvé ; que par une demande enregistrée le 12 avril 2010, Mme D… et M. F…et leurs proches ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Rennes d’une demande de versement d’une provision ; que par une ordonnance du 2 décembre 2011, le juge des référés a condamné le CHU de Brest à verser des provisions aux demandeurs, dont les montants ont été réduits par l’arrêt du 31 octobre 2012 de la présente cour ; que par une demande au fond enregistrée le 12 avril 2010, Mme D…et M. F…et leurs proches ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le CHU de Brest, ou à titre subsidiaire, l’ONIAM, à les indemniser des préjudices résultants des suites de l’accouchement de Mme D… ; que, par le jugement du 21 août 2014, ce tribunal a retenu l’existence de fautes médicales de nature à engager la responsabilité du CHU de Brest, à l’origine, pour MmeD…, d’une perte de chance de 75% d’éviter les dommages subis et a condamné cet établissement à verser à Mme D… la somme de 661 973,96 euros ainsi que, sur justificatifs, les dépenses de santé et de frais de renouvellement d’équipements, à concurrence de 75% de leur montant, à lui verser à compter du jugement, une rente annuelle de 40 952,93 euros, versée par trimestre échu et revalorisée en application des dispositions de l’article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, sous déduction des sommes versées à la requérante pour couvrir de tels besoins par le département du Finistère et la CNRACL, à M. F… la somme de 27 238,78 euros, à Mme I… D… la somme de 13 500 euros, à M. G…F…et MmeA… F… la somme de 15 000 euros chacun, à M. U… D… la somme de 4 500 euros, à M. N…F…, Mme C…F…et M. L… F…la somme de 1 125 euros chacun, et à M. H… F… et Mme T… F… la somme de 750 euros chacun, l’ensemble de ces indemnités étant versé sous déduction des provisions déjà accordées et assorti des intérêts au taux légal à compter du 5 mars 2010 et de leur capitalisation à compter du 24 février 2012 ;

3. Considérant que, par la voie de l’appel principal, les consorts D…-F… demandent l’annulation de ce jugement en tant qu’il n’a que partiellement fait droit à leurs demandes et renouvellent l’ensemble de leurs demandes indemnitaires à hauteur de la somme de de 1 834 937,16 euros au titre de la réparation des préjudices patrimoniaux subis par Mme D…, complétés par des rentes annuelles d’un montant total de 217 179 euros à compter du 1er janvier 2016, à la somme de 666 000 euros au titre de la réparation des préjudices extrapatrimoniaux de Mme D…, à la somme de 46 287 euros le préjudice de M. R…F…, à la somme de 41 298 euros l’indemnisation des préjudices de Mme I…D…, à la somme de 15 000 euros chacun les préjudices de M. G…F…et Mme A…F…, à la somme de 6 000 euros le préjudice de M. U…D…, à la somme de 3 000 euros chacun le préjudice de M. N…F…, Mme C…F…et M. L…F…, à la somme de 5 000 euros chacun le préjudice de M. H…F…, de Mme T…F…et de Mme P…D… ; que le CHU de Brest conclut au rejet de la requête présentée par les consorts D…-F… devant la cour et, par la voie de l’appel incident, conteste le taux de perte de chance retenu par le tribunal ; que l’ONIAM conclut au rejet de la requête présentée par les consorts D…-F… devant la cour, et, à titre subsidiaire, demande de limiter à 5% des préjudices la part qui serait mise à la charge de la solidarité nationale et de ramener les indemnités à de plus justes proportions ; qu’enfin, la caisse primaire d’assurance maladie du Finistère demande, à titre principal, la réformation du jugement attaqué en tant qu’il n’a que partiellement fait droit à sa demande et la condamnation du CHU de Brest à lui verser la somme totale de 291 286,76 euros en remboursement des débours exposés pour le compte de son assurée sociale Mme D… augmentée des intérêts au taux légal à compter du mémoire de première instance, ainsi qu’une somme de 1 037 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion, et, à titre subsidiaire, la confirmation du jugement attaqué ;

Sur la responsabilité du CHU de Brest :

En ce qui concerne la prise en charge médicale :

4. Considérant, qu’il résulte de l’instruction et notamment des termes du rapport du docteur Boog auquel est annexé celui du docteur Platel, que les séquelles que conserve Mme D… sont la conséquence de l’arrêt cardiaque prolongé survenu vers 6h le 13 août 2007 à la suite de l’hémorragie endo-utérine massive subie par la patiente lors de son transfert en salle de réveil à 3h53mn ; que devant la persistance de l’hémorragie, un bilan sanguin a été réalisé à 4h30, qui a révélé une anémie sévère et des troubles majeurs de la coagulation, et quatre flacons de sang ont alors été commandés à l’Etablissement Français du Sang, leur livraison intervenant à 4 heures 40 ; qu’à la même heure, l’intéressée a été ramenée en salle d’opération pour y subir une hystérectomie d’hémostase ; qu’elle a présenté une perte de connaissance avec un teint gris/bleu à 4 heures 45 ; que l’intervention a débuté à 4 heures 55 ; que les premiers culots globulaires ont été transfusés deux par deux à 5 heures et 5 heures 10, suivis de six autres jusqu’à 5 heures 30 ; que pendant toute l’intervention aucun saignement anormal n’a été constaté, sans toutefois que la tension artérielle de l’intéressée ne puisse être enregistrée ; que vers 5 heures 50, lors de la fermeture de la plaie, une bradycardie extrême a été constatée, suivie d’un arrêt cardiaque ; qu’un massage cardiaque a été maintenu pendant 17 minutes, suivi de trois chocs électriques jusqu’au redémarrage du coeur de Mme D…en rythme sinusal, son pouls ne redevenant perceptible qu’à 6 heures 30 ; que l’intéressé


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