Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
VU l’ordonnance en date du 1er décembre 1988 par laquelle le président de la 4ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d’Etat à transmis à la cour administrative d’appel de Paris, en application de l’article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée par le centre hospitalier de Villejuif ;
VU la requête et le mémoire complémentaire présentés pour le centre hospitalier de Villejuif par la société civile professionnelle NICOLAY avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation ; ils ont été enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat les 21 mars et 21 juillet 1986 ; le centre hospitalier de Villejuif demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler le jugement n° 3.403/6 du 17 décembre 1985 par lequel le tribunal administratif de Paris l’a condamné a) à verser à M. de Y… une indemnité pour travaux supplémentaires de 1O7.9O7,O2 F (valeur juin 1975) actualisée sur la base de l’indice des prix « ingénierie » au 28 octobre 1982 avec intérêts à compter du 29 octobre 1982 et capitalisation des intérêts échus le 10 décembre 1985 ; b) à payer les frais d’expertise.
2°) de limiter le montant des honoraires supplémentaires alloués à M. de Y… à une somme de 150.132,33 F. ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le décret n° 73-2O7 du 28 février 1973 relatif aux conditions de rémunération des missions d’ingénierie et d’architecture ;
VU le code civil ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, le décret n° 88-707 du 9 mai 1988 et le décret n° 88-906 du 2 septembre 1988 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience.
Après avoir entendu au cours de l’audience du 28 novembre 1989 :
– le rapport de M. JEAN-ANTOINE, conseiller,
– les observations orales de la SCP NICOLAY avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation pour le centre hospitalier spécialisé de Villejuif et celles de la SCP MARTIN MARTINIERE, RICARD, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation pour M. de Y…,
– et les conclusions de M. X…, commis-saire du gouvernement ;
Considérant que par un jugement en date du 17 décembre 1985 le tribunal administratif de Paris a condamné le centre hospitalier spécialisé de Villejuif à verser à M. de Y…, architecte, une indemnité en rémunération des travaux supplémentaires qu’il a dû exécuter dans le cadre de la maîtrise d’oeuvre afférente à la réhabilitation des pavillons n° 20 et 22, appartenant à l’établissement susnommé ; que le centre hospitalier demande la réformation de ce jugement en contestant le bien fondé de certains chefs de préjudice retenus par les premiers juges : que M. de Y… a présenté des conclusions en appel incident tendant à obtenir, d’une part, que certaines indemnités accordées par le tribunal administratif soient majorées, et, d’autre part, qu’après révision de la note de complexité attribuée à l’ensemble du chantier lui soit allouée une indemnité de 223.4O1 F (valeur juin 1975) ;
Sur les conclusions du centre hospitalier de Villejuif relatives aux éléments du préjudice pris en compte par le tribunal administratif :
Considérant, en premier lieu qu’en ce qui concerne l’avant projet sommaire établi par M. de Y… dans le cadre de sa mission, le centre hospitalier affirme que si le tribunal administratif avait estimé que l’architecte a dû élaborer deux avant-projets sommaires, en réalité une seule version de ce document, remis le 12 août 1976, a été élaborée par l’intéressé ; qu’il résulte de l’instruction et notamment du rapport de l’expert désigné par le tribunal administratif, que la réalisation de l’ouvrage confiée à M. de Y… a été menée à bien ; que l’étude de plusieurs projets successifs avant la réalisation définive de l’opération fait partie de la mission normale de l’architecte et ne peut ouvrir droit à des honoraires indépendants de ceux qui sont alloués pour la réalisation du projet définitif ; que seuls peuvent donner lieu à un remboursement les frais réels que l’architecte aurait été contraint d’engager et qui excéderaient le coût normal des études ci-dessus mentionnées ; que l’existence de tels frais n’est pas établie au cours de la phase de l’avant projet sommaire ; que si le programme a été modifié par le fractionnement en deux tranches, cette modification n’est intervenue que postérieurement à ladite phase ; que, dans ces conditions, le centre hospitalier est fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif a alloué à M. de Y… une indemnité de 22.3O5 F hors taxes ;
Considérant, en second lieu, qu’en ce qui concerne le plan d’exécution des ouvrages et des spé-cifications techniques détaillées, il résulte de l’instruction que les documents correspondants ont été déposés en décembre 1978 ; que dès lors, et à supposer même que les données relatives à la nature des équipe-ments aient été fournies par le maître de l’ouvrage non en novembre 1980, comme l’avait estimé l’expert, mais en avril 1979, comme le soutient le centre hospitalier, lesdites données ont été communiquées tardivement à l’architecte d’où il est résulté pour ce dernier – obligé de reprendre certains de ses plans et documents – un surcroît de travail évalué par le tribunal administratif à la somme non contestée de 8.874 F hors taxes ; que toutefois M. de Y…, auquel il appartenait de demander au maître de l’ouvrage la communication des données relatives aux équipements, a commis une faute en n’ayant pas fait une telle démarche auprès de l’administration du centre hospitalier ; qu’il y a dès lors lieu de laisser à sa charge 50 % du préjudice et de réduire en conséquence l’indemnité y afférente à 4.437 F hors taxes ;
Considérant, en dernier lieu, que le tribunal administratif a également retenu le caractère indemni-sable des travaux supplémentaires imputables, d’une part, au déroulement des travaux en deux tranches au lieu d’une et à la division de la seconde tranche en deux phases, et, d’autre part, à la modification de la législation relative aux ascenseurs; que les premiers juges ont accordé à ce titre une indemnité s’élevant, globalement, à 59.805 F hors taxes ; que le centre hospitalier qui admet le bien fondé du jugement sur ce point présente toutefois un autre mode de calcul abou-tissant à une indemnité de 64.109 F, supérieure à celle allouée par le tribunal administratif, indemnité à laquelle il ajoute par ailleurs une somme de 3.741 F au titre de la « maîtrise du chantier » ; qu’en l’état du dossier il n’apparaît pas que les calculs effectués par le centre hospitalier et repris à son compte par M. de Y… procèdent d’une inexacte application des dispositions en vigueur ou d’une erreur de fait ; qu’en conséquence il y a lieu de faire droit sur ce point aux conclusions de M. de Y… et de porter de 59.8O5 F à 67.85O F hors taxes la somme qui avait été retenue par le tribunal administratif ;
Sur les conclusions incidentes M. de Y… relatives à la note de complexité attribuée à l’ensemble du chantier :
Considérant que M. de Y… soutient éga-lement, et à titre principal, qu’à l’indemnisation des travaux supplémentaires retenue par le tribunal admi-nistratif doit être substitué un nouveau calcul de la masse de ses honoraires après révision de la note de complexité attribuée au chantier ; qu’à ce titre l’in-téressé demande qu’une indemnité de 223.4O1 F lui soit allouée par le juge d’appel ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que le contrat signé le 3O mars 1976 entre M. de Y… et le centre hospitalier de Villejuif prévoyait d’attribuer à l’ensemble du chantier une note de complexité de niveau 3 ; qu’en signant le contrat en cause l’intéressé a accepté la note de complexité y figurant ; qu’il ne peut prétendre à ce que le juge administratif substitue à cette dernière une note différente et demander la modification des éléments contractuels ayant servi de base à la détermination de ses honoraires ; que si, par ailleurs, l’intéressé soutient que dans les circonstances de l’espèce, sa demande d’indemnité est également justifiée par le bouleversement de l’économie de son contrat, les pièces du dossier n’établissent pas que l’allongement des délais d’exécution aurait entraîné un tel bouleversement seul de nature à ouvrir droit à l’indemnité sollicitée sur le fondement de la théorie de l’imprévision ;
En ce qui concerne le montant de l’indemnité accordée à M. de Y… et les intérêts y afférents :
Sur l’indemnité en principal :
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que l’indemnité globale accordée par le tribunal administratif à M. de Y… doit être ramenée de 90.984 F hors taxes (107.907,02 F taxes comprises) à 72.287 F hors taxes (85.732 F taxes comprises) valeur « juin 1975 » ;
Sur l’actualisation de l’indemnité :
Considérant que le tribunal administratif a estimé que l’indemnité, dont le montant avait été déterminé par référence aux prix pratiqués en juin 1975, devait être actualisée en fonction de l’évolution de l’indice des prix « ingénierie » et ce jusqu’au 28 octobre 1982, date de la demande initiale d’un complément d’honoraires adressé par M. de Y… au centre hospitalier de Villejuif ; qu’en se bornant à déplorer l’importance de la somme globale mise à sa charge résultant de l’actualisation déterminée dans les conditions susrappelées ainsi que des intérêts s’ajoutant au principal, le centre hospitalier n’invo-que aucun moyen de droit ou de fait faisant apparaître le caractère éventuellement mal fondé de l’actualisation à laquelle a procédé le tribunal administratif ; qu’en l’état du dossier soumis au juge d’appel ses conclusions sur ce point ne peuvent être que rejetées ;
Sur la capitalisation des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée en première instance par M. de Y… le 10 décembre 1985 puis en appel les 31 décembre 1986, 12 octobre 1987 et 16 mars 1988 avec effet à compter du 12 octobre 1987 ; que les 1O décembre 1985, 31 décembre 1986 et 16 mars 1988 il était dû à M. de Y… au moins une année d’intérêts ; que dès lors, en application de l’article 1154 du code civil il y a lieu de lui accorder la capitalisation aux 10 décembre 1985, 31 décembre 1986 et 16 mars 1988 des intérêts des indemnités en cause, qu’en revanche à la date du 12 octobre 1987 une année ne s’était pas écoulée depuis la demande présentée le 31 décembre 1986 ; que dès lors il y a lieu de rejeter la demande présentée par M. de Y… le 12 octobre 1987 ;
En ce qui concerne les frais d’expertise :
Considérant que compte tenu du présent arrêt le centre hospitalier de Villejuif est condamné a payer à M. de Y…, une indemnité en principal de 85.732 F toutes taxes comprises et avant actualisation ; que le rapport d’expertise a été nécessaire pour la détermination de l’indemnité ainsi allouée ; que dans les circonstances de l’espèce il n’y a pas lieu à partage desdits frais et qu’ainsi c’est à bon droit que le tribunal administratif en a laissé la charge au centre hospitalier ;
ARTICLE 1er : L’indemnité mise à la charge du centre hospitalier de Villejuif par le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 17 décembre 1985 est fixée, en valeur « juin 1975 », à 72.287 F hors taxes (85.732 F taxes comprises) à actualiser sur la base de l’indice « ingénierie » jusqu’au 28 octobre 1982.
ARTICLE 2 : Cette indemnité ainsi actualisée portera intérêts au taux légal à compter du 29 octobre 1982 jusqu’à son paiement. Les intérêts échus le 1O décembre 1985, le 31 décembre 1986 et le 16 mars 1988 seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
ARTICLE 3 : Le surplus des conclusions du centre hospitalier de Villejuif et de M. de Y… est rejeté.
ARTICLE 4 : Le jugement en date du 17 décembre 1985 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.
ARTICLE 5 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Villejuif, à M. de Y… et au ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale.