CAA de NANCY, 4ème chambre – formation à 3, 04/12/2018, 16NC01272, Inédit au recueil Lebon

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CAA de NANCY, 4ème chambre – formation à 3, 04/12/2018, 16NC01272, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Costantini France Holding a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner, à titre principal, la maison de retraite Saint-Charles au paiement de la somme de 413 239,56 euros TTC correspondant au solde du marché dont elle est titulaire, incluant à hauteur de 360 374,14 euros les coûts supplémentaires d’exécution de ce marché et, à titre subsidiaire, de la condamner, in solidum avec les sociétés Asciste Ingénierie, Liégerot et Trigo, et le cabinet Bernt-Morillon-Thouveny, à lui payer une somme de 360 374,14 euros, en indemnisation des préjudices qu’elle soutient avoir subis du fait des difficultés d’exécution de ce marché.

Par jugement n° 1402846 du 26 avril 2016, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 24 juin 2016, le 29 janvier 2018 et le 13 avril 2018, la société Costantini France Holding, représentée par Me Moitry, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du 26 avril 2016 du tribunal administratif de Nancy ;

2°) d’ordonner avant-dire droit une expertise ;

3°) de condamner la maison de retraite Saint-Charles à lui payer la somme de 384 469,45 euros, assortie des intérêts moratoires contractuels à compter du 5 juin 2014 ;

4°) de mettre à la charge de la maison de retraite Saint-Charles la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) à titre subsidiaire, de condamner les sociétés Asciste Ingénierie, Liégerot et Trigo, et le cabinet Bernt-Morillon-Thouveny à lui payer les sommes correspondant aux postes de préjudice retenus par la cour et dont la cour dira que la responsabilité leur incombe sur le fondement quasi-délictuel ;

6°) de mettre à la charge de chacune des sociétés Asciste Ingénierie, Liégerot et Trigo, et du cabinet Bernt-Morillon-Thouveny le versement la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S’agissant de la régularité du jugement :

– le mémoire qu’elle a produit le 17 mars 2016, veille de la clôture d’instruction, n’a pas été communiqué alors qu’il comportait des éléments nouveaux ce qui constitue une méconnaissance des dispositions de l’article R. 611-1 du code de justice administrative ;

– sa note en délibéré, produite le 23 mars 2016, lendemain de l’audience, n’a pas été communiquée alors qu’elle soulevait un moyen de droit nouveau tiré de l’absence de notification régulière de l’ordre de service n° 5 ;

S’agissant de la demande d’expertise :

– il apparaît nécessaire de désigner un expert qui puisse se prononcer objectivement sur plusieurs points essentiels qui ont fondé la décision du tribunal administratif ;

S’agissant des pénalités de retard :

– la maîtrise d’oeuvre ne démontre pas la notification régulière de l’ordre de service n° 5 du 14 août 2012 ;

– les pénalités de retard prononcées à son encontre étaient inapplicables en raison de l’absence de notification d’un calendrier détaillé d’exécution prévu à l’article 4.1.2 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) ;

– l’absence de constat de retard dans les comptes rendus de chantier vaut renonciation à s’en prévaloir dans le cadre de l’établissement du décompte général définitif ;

– les retards de chantier ne lui sont pas imputables ;

– il n’y a pas eu de préjudice pour la maison de retraite ;

– le taux dérogatoire des pénalités qui lui ont été infligées n’était pas contractuellement applicable dès lors qu’en méconnaissance des stipulations de l’article 51 du cahier des clauses administratives générales (CCAG), l’article 4.4.1 du CCAP qui le prévoit, ne figure pas dans la liste récapitulative de l’article 12 ;

– subsidiairement, les pénalités de retard ne peuvent être décomptées pour la période du 22 décembre au 6 janvier 2013 qui correspond à une période de congés annuels ;

– la prolongation du délai d’exécution est justifiée par les intempéries, en application de l’article 4.3 du CCAP ;

– la société Trigo doit la garantir du paiement de l’ensemble des pénalités qui pourraient lui être appliquées ;

S’agissant des demandes indemnitaires :

– la maison de retraite Saint-Charles et son mandataire, la société Asciste Ingénierie, sont contractuellement responsables des insuffisances de gestion du calendrier d’exécution et de la défaillance de la maîtrise d’oeuvre, plus particulièrement dans sa mission organisation-pilotage-coordination (OPC) ;

– le maître d’ouvrage et le maître d’ouvrage délégué ont créé les conditions de cette défaillance en réunissant au sein d’un même groupement la mission de maîtrise d’oeuvre et la mission d’OPC et en n’intervenant pas pour rappeler aux membres de ce groupement les missions qui leur incombaient ;

– à défaut, il y a lieu de retenir la responsabilité quasi-délictuelle des sociétés Asciste Ingénierie, Trigot et Liégerot et du cabinet Bernt-Morillon-Thouveny ;

– au titre de la réparation de ses préjudices, elle peut prétendre au versement des sommes de 11 878 euros HT au titre des frais liés au décalage du démarrage des travaux, de 121 221, 40 euros HT au titre des retards dans la transmission des plans d’exécution par le bureau d’études Trigo, de 72 570,45 euros au titre des incohérences, erreurs, manques de clarté dans les plans d’exécution et oublis d’intégration de réservations demandées par les corps d’état, de 5 493 euros au titre de la prolongation de la base-vie et de 6 701,92 euros HT au titre des frais d’encadrement supplémentaire ;

– en ce qui concerne les travaux et prestations supplémentaires, elle entend abandonner ses prétentions correspondant aux postes 3.15, 3.16, 4.1, 5.5, 5.9, 5.10 et 5.11 de son mémoire de réclamation ainsi qu’aux frais de réalisation de ce mémoire ;

– le préjudice lié aux difficultés rencontrées sur le chantier et le paiement des travaux supplémentaires représentent un total de 270 287,07 euros HT soit 323 263,33 euros TTC.

Un mémoire en défense, enregistré le 5 septembre 2016 a été présenté par la société Liégerot.

Par des mémoires, enregistrés le 5 octobre 2016 et le 22 février 2017, la société Asciste Ingénierie, représentée par MeD…, demande à la cour :

1°) de confirmer intégralement le jugement du 26 avril 2016 du tribunal administratif de Nancy ;

2°) de rejeter la requête de la société Costantini France Holding ;

3°) subsidiairement de condamner in solidum la maison de retraite Saint-Charles, le cabinet Bernt-Morillon-Thouveny et les sociétés Trigo et Liégerot à la garantir de toutes condamnations pouvant être mises à sa charge.

4°) de mettre à la charge de la société Costantini France Holding le versement d’une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– l’ordre de service n° 5 a été régulièrement communiqué à la société requérante dans le cadre de l’instruction du dossier par les premiers juges ;

– l’expertise demandée est inutile ;

– le marché de maîtrise d’oeuvre passé avec le groupement formé par le cabinet Bernt-Morillon-Thouveny et la société Trigo n’est pas irrégulier du seul fait qu’il comportait également la mission OPC dès lors que ce groupement était constitué de deux entités distinctes et que l’absence d’indépendance entre la maîtrise d’oeuvre et le chargé de la mission OPC n’est pas démontrée ;

– il n’est pas démontré que la maison de retraite Saint-Charles aurait commis une faute dans le suivi et le contrôle de l’exécution du marché ;

– la passation d’un marché global unique ne saurait être à l’origine des difficultés alléguées par la société Costantini France Holding ;

– les fautes qu’aurait commises la société Trigo, en charge de la mission OPC, ne sont pas démontrées ;

– les demandes formées par la société Costantini France Holding à son encontre, en tant que maître d’ouvrage délégué, ne sont pas recevables, sa responsabilité ne pouvant être engagée que par le maître d’ouvrage.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 et 31 janvier 2017, le cabinet Bernt-Morillon-Thouveny et la société Trigo, représentés par MeB…, demandent à la cour :

1°) de rejeter la requête de la société Costantini France Holding ;

2°) de mettre à la charge de la société Costantini France Holding le versement d’une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– les premiers juges n’ont pas méconnu le principe du contradictoire dès lors que la pièce qu’ils ont retenue et sur laquelle elle s’était appuyée dans son dernier mémoire enregistré le 17 mars 2016, avait déjà été produite le 13 mai 2015 ;

– il revient à la société Costantini France Holding et non à un expert judiciaire de démontrer que les retards constatés ne lui sont pas imputables ;

– c’est à juste titre que des pénalités de retard correspondant à 185 jours de retard ont été appliquées à la société Costantini France Holding au regard de l’ordre de service n° 5 du 14 août 2012 qui avait fixé le terme de ses reprises au 21 septembre 2012, alors qu’elles n’ont été finalisées que fin mars 2013 ;

– ce retard ne résulte pas d’un problème de pilotage mais de la qualité médiocre des prestations exécutées par cette société ;

– sa réclamation relative au décalage du démarrage des travaux de gros-oeuvre n’est pas justifiée alors que les lots VRD et Gros-oeuvre intervenaient simultanément sur des zones bien distinctes et suffisamment grandes pour ne pas se gêner ;

– le planning d’exécution des travaux a été notifié à la société Costantini France Holding le 20 février 2012 par l’ordre de service n° 3 ;

– la société Costantini France Holding a toujours eu à sa disposition les plans nécessaires pour la réalisation de ses travaux qui ne pouvaient être bloqués par quelques mises à jour ;

– alors que cette société avait à sa charge les plans d’ateliers et de chantier, elle n’en a établi aucun ;

– elle n’établit pas les incohérences et erreurs dont elle se plaint ;

– les chefs de préjudice dont se prévaut la société Costantini France Holding relatifs aux chapes et au surfaçage du voile arbres  » place du village  » lui sont imputables ;

– les travaux supplémentaires dont la société Costantini France Holding demande le paiement étaient prévus par le marché.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 février 2017 et 16 février 2018, la maison de retraite Saint-Charles, représentée par MeC…, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la société Costantini France Holding ;

2°) de mettre à la charge de la société Costantini France Holding le versement d’une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– le mémoire complémentaire de la société Costantini France Holding du 17 mars 2016 n’apportait aucun élément nouveau de nature à avoir une incidence sur le jugement attaqué ;

– les dates de communication des plans, seul élément nouveau allégué par l’appelante s’agissant de ce mémoire, ne sont pas susceptibles d’avoir eu une influence sur le jugement ;

– le tribunal administratif n’était pas dans l’obligation, à la suite du dépôt de la note en délibéré qui ne comportait aucun élément nouveau, de rouvrir l’instruction ;

– le moyen tiré de l’absence de notification du calendrier détaillé d’exécution est irrecevable puisque nouveau en appel ;

– le calendrier prévisionnel d’exécution figurait en annexe 3 de l’acte d’engagement conformément à l’article 19.1.4 du CCAG et la société Costantini France Holding n’a pas émis de réserve à l’ordre de service lui notifiant le calendrier détaillé d’exécution conformément aux articles 4.1.2 du CCAP et 28.2.3 du CCAG ;

– le simple constat du retard, même sans mention dans un compte rendu, suffisait à permettre l’application des pénalités de retard ;

– ces retards sont imputables à la seule société Costantini France Holding et de nombreuses pièces du dossier établissent que les travaux qui lui étaient confiés n’étaient pas achevés au 21 septembre 2012 ce qui a entraîné de nombreuses gênes pour la poursuite du chantier ;

– la société Costantini France Holding ne démontre pas les insuffisances qu’elle impute à la maîtrise d’oeuvre ;

– le taux de pénalité pratiqué est bien applicable en l’espèce dès lors que la dérogation au CCAG de 2009 n’est plus réputée non écrite lorsqu’elle ne figure pas au dernier article du CCAP ;

– les pénalités de retard sur la période des congés du 22 décembre 2012 au 6 janvier 2013 doivent être comptabilisées dès lors que l’acte d’engagement comprenait une réserve concernant le maintien du personnel sur le chantier en cas de besoin ;

– la société Costantini France Holding n’établit pas la survenance d’intempéries répondant aux conditions de l’article 4.3 du CCAP ;

– la société Costantini France Holding ne démontre pas une faute du maître de l’ouvrage dans la gestion du calendrier d’exécution ;

– le maître d’ouvrage n’a pas commis de faute et n’a pas méconnu les dispositions de l’article 10 du code des marchés publics dès lors qu’il lui était loisible de confier les missions de maîtrise d’oeuvre et d’OPC à un même groupement si, comme en l’espèce, il n’était pas en mesure d’assurer lui-même cette dernière mission ;

– l’appelante ne démontre aucun lien entre les supposées difficultés rencontrées et la prétendue faute de la maîtrise d’ouvrage ;

– l’appelante n’apporte aucune justification réelle et sérieuse des surcoûts allégués ;

– elle ne se trouvait pas dans l’incapacité d’effectuer des travaux entre le 15 et le 21 février 2012 dans la mesure où les entreprises intervenaient sur des zones distinctes et suffisamment éloignées du chantier et au demeurant, le surcoût allégué de 11 878 euros HT n’est pas justifié ;

– elle a obtenu la communication des plans d’exécution avant le démarrage des travaux et aucune pièce constitutive du marché ne lui garantissait une remise des plans deux mois et demi avant l’exécution de ses prestations ;

– s’agissant des prétendues incohérences, manques de clarté et oublis d’intégration de réservations demandées par les corps d’état, la motivation de l’appel par référence à un mémoire de réclamation est irrecevable et subsidiairement, au fond, il convient de s’en remettre aux précisions apportées par le cabinet chargé de la maîtrise d’oeuvre ;

– la société appelante ne peut être indemnisée des conséquences de ses agissements et sa demande indemnitaire relative à la prolongation de la base vie et aux frais supplémentaires d’encadrement ne peut qu’être rejetée ;

– les travaux de reprise nécessaires à la mise à niveau de la réservation de la porte du local du groupe électrogène ont fait l’objet d’un ordre de service n° 6 et la société ne démontre pas que ses réserves ont été régulièrement notifiées alors que les sujétions de réservation étaient intégrées dans le prix forfaitaire et ne peuvent être regardées comme des travaux supplémentaires ;

– les travaux de modification de la finition du voile arbres  » place du village  » ont été rendus nécessaires et résultaient d’une simple demande de mise en conformité dès lors que les travaux réalisés par la société Costantini France Holding ne répondaient pas aux exigences contractuelles et ils ne peuvent donc être regardés comme des travaux supplémentaires susceptibles de donner lieu à indemnisation ;

– s’agissant des travaux de reprise des réseaux sous dallage dans le vide sanitaire de la zone cuisine, le plan intègre les six fils d’eau et la société Costantini France Holding n’a pas établi les plans d’atelier et de chantier ;

– le nettoyage du chantier et de ses abords incombait aux entreprises et la demande indemnitaire ne peut qu’être rejetée ;

– la société ne peut prétendre à une indemnisation complémentaire pour le maintien d’une partie de l’échafaudage ;

– les travaux de calfeutrement des réservations dans le dallage en zone 3 sont compris dans le prix forfaitaire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– le code des marchés publics ;

– la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;

– l’arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de M. Wallerich, président assesseur,

– les conclusions de M. Louis, rapporteur public,

– et les observations de Me Moitry, avocat de la société Costantini France Holding, de Me Coulon, avocat de maison de retraite Saint-Charles et de Me Barraud, avocat de la société Asciste Ingénierie.

Une note en délibéré présentée pour la maison de retraite Saint-Charles a été enregistrée le 14 novembre 2018.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de la construction d’un nouvel établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de 80 lits à Vézelise (Meurthe-et-Moselle), la maison de retraite Saint-Charles, maître d’ouvrage, a conclu le 23 août 2010 une convention de maîtrise d’ouvrage déléguée avec la société Asciste Ingénierie. Par acte d’engagement du 25 mars 2011, la maîtrise d’oeuvre de ces travaux a été confiée à un groupement notamment composé du cabinet Bernt-Morillon-Thouveny, mandataire, et du bureau d’étude technique Trigo, ce dernier étant plus particulièrement en charge de la mission ordonnancement-pilotage-coordination (OPC). L’exécution du lot n° 1  » VRD-Espaces verts  »  » a été attribuée à la société Liégerot. Celle du lot n° 2  » Gros oeuvre  » a été confiée à la société Costantini France Holding par acte d’engagement du 1er novembre 2011 pour un montant global et forfaitaire de 1 440 676,43 euros HT. La réception des travaux du lot n° 2 a été prononcée le 27 août 2013 et les réserves dont elle était assortie ont été levées le 13 décembre 2013. Un différend étant survenu sur le montant du solde qui lui était dû, la société Costantini France Holding qui a refusé de signer un avenant n° 4 dans lequel lui était proposé le versement d’une somme de 13 359,15 euros HT, a adressé au maître d’oeuvre, le 21 novembre 2013, un projet de décompte final faisant apparaitre un solde en sa faveur de 409 513,67 euros TTC. Le maître d’ouvrage délégué lui a alors notifié, le 5 mai 2014, un projet de décompte général faisant apparaître un solde débiteur résultant notamment de l’application de pénalités de retard.

2. Son mémoire en réclamation du 26 mai 2014 ayant été implicitement rejeté, la société Costantini France Holding a saisi le tribunal administratif de Nancy d’une demande tendant à la condamnation de la maison de retraite Saint-Charles à lui verser, au titre du règlement du solde du lot n° 2, la somme globale de 413 239,56 euros TTC, ou, à défaut, la somme de 52 865,42 euros TTC et subsidiairement, à sa condamnation, solidairement avec la société Asciste Ingénierie au titre de leur responsabilité contractuelle et in solidum avec les sociétés Liégerot et Trigo et le cabinet Bernt-Morillon-Thouveny, au titre de leur responsabilité quasi-délictuelle, à lui verser la somme de 360 374,14 euros en indemnisation des préjudices subis du fait des difficultés d’exécution du marché. Elle fait appel du jugement du 26 avril 2016 par lequel le tribunal administratif a rejeté ces demandes.

Sur la recevabilité du mémoire présenté par la société Liégerot :

3. Le mémoire en défense de la société Liégerot a, en méconnaissance des dispositions de l’article R. 811-7 du code de justice administrative, été présenté sans ministère d’avocat, et cette société s’est abstenue de régulariser cette production dans le délai qui lui était imparti par la demande de régularisation qui lui a été adressée, à peine d’irrecevabilité, par courrier du greffe du 6 mars 2018, reçu le lendemain. Il en résulte que ce mémoire est irrecevable et doit être écarté des débats.

Sur la régularité du jugement attaqué :

En ce qui concerne l’absence de communication du mémoire en réplique de la société Costantini France Holding :

4. Aux termes de l’article R. 611-1 du code de justice administrative :  » (…) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (…)/ Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s’ils contiennent des éléments nouveaux. « . Il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l’instruction, que la méconnaissance de l’obligation de communiquer le premier mémoire d’un défendeur ou tout mémoire contenant des éléments nouveaux est en principe de nature à entacher la procédure d’irrégularité. Il n’en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l’espèce, cette méconnaissance n’a pu préjudicier aux droits des parties.

5. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la société Costantini France Hodling a présenté le 17 mars 2016, soit la veille de la clôture d’instruction, un mémoire en réplique auquel étaient annexées sept pièces. Ce mémoire qui a été visé dans le jugement attaqué, ne contenait toutefois pas d’éléments nouveaux susceptibles d’influer sur l’issue du litige et les premiers juges ne se sont d’ailleurs fondés pour prendre leur décision ni sur son contenu ni sur les pièces qui y étaient jointes. L’absence de communication de ce mémoire aux autres parties au litige n’a, dans ces conditions, pu préjudicier à leurs droits et n’a, par suite, pas méconnu, en l’espèce, le caractère contradictoire de la procédure.

En ce qui concerne l’absence de réouverture de l’instruction à la suite de la note en délibéré de la société Costantini France Holding :

6. Lorsque le juge administratif est saisi, postérieurement à la clôture de l’instruction et au prononcé des conclusions du rapporteur public, d’une note en délibéré émanant d’une des parties à l’instance, il lui appartient dans tous les cas d’en prendre connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision. S’il a toujours la faculté, dans l’intérêt d’une bonne justice, de rouvrir l’instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré, il n’est tenu de le faire à peine d’irrégularité de sa décision que si cette note contient l’exposé soit d’une circonstance de fait dont la partie qui l’invoque n’était pas en mesure de faire état avant la clôture de l’instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d’une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d’office.

7. Dans sa note en délibéré produite le 23 mars 2016, après l’audience publique du tribunal administratif, la société Costantini France Holding soutenait que les pénalités de retard qui lui ont été appliquées ne pouvaient régulièrement être fondées sur l’ordre de service n° 5 dès lors que ce dernier ne comporte qu’une page, n’est ni daté, ni signé et qu’il n’était pas prouvé qu’il lui ait été notifié. Toutefois, il ressort du dossier de première instance que l’ordre de service n° 5 avait déjà été produit par la société Trigo en annexe de son mémoire du 13 mai 2015 dans lequel celle-ci justifiait déjà, par son existence, le maintien des pénalités de retard. Dans ces conditions, le moyen développé par la société Costantini France Holding dans sa note en délibéré ne peut être regardé comme reposant sur une circonstance de fait dont elle n’était pas en mesure de faire état avant la clôture d’instruction. L’existence de cet ordre de service ne constitue pas davantage une circonstance de droit nouvelle et elle n’est susceptible de fonder aucun moyen que le juge aurait dû relever d’office. C’est, par suite, sans commettre d’irrégularité que le tribunal administratif de Nancy s’est borné, dans le jugement attaqué, à viser cette note en délibéré sans en tenir compte pour fonder sa décision.

8. Il résulte de ce qui précède que la société Costantini France Holding n’est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d’irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le règlement du marché :

S’agissant des difficultés rencontrées dans l’exécution du marché :

9. Les difficultés rencontrées dans l’exécution d’un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l’entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l’économie du contrat soit qu’elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l’exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l’estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en oeuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.

10. En premier lieu, aux termes du deuxième alinéa de l’article 10 du code des marchés publics alors applicable :  » Le pouvoir adjudicateur peut toutefois passer un marché global, avec ou sans identification de prestations distinctes, s’il estime (…) qu’il n’est pas en mesure d’assurer par lui-même les missions d’organisation, de pilotage et de coordination. « .

11. Il résulte de l’instruction que la maison de retraite Saint-Charles, établissement public gérant quatre-vingts lits, ne disposait pas des services techniques lui permettant, au regard de l’importance de l’opération en cause, d’assurer par elle-même les missions d’organisation, de pilotage et de coordination (OPC) du chantier. Contrairement à ce que soutient la société Costantini France Holding, elle n’a donc commis aucune faute en attribuant, par dérogation à la règle de l’allotissement, à un même groupement de maîtrise d’oeuvre un marché global comportant également de telles missions. Alors d’ailleurs que ces missions étaient distinctement assurées par un seul des cotraitants, la société requérante n’établit pas davantage que ce choix aurait, par lui-même, été à l’origine des défaillances susceptibles d’avoir été constatées dans la conduite du chantier et qu’il lui aurait été préjudiciable.

12. En deuxième lieu, aux termes de l’article 4.1.2 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) commun à tous les lots :  » Le calendrier détaillé d’exécution est élaboré par le responsable de la mission d’ordonnancement, de pilotage et de coordination du chantier en concertation avec les entrepreneurs titulaires des différents lots (ou marchés), dans le cadre du calendrier prévisionnel d’exécution visé au 4.1.1. ci-avant. (…) Après acceptation par les entrepreneurs, le calendrier détaillé d’exécution est soumis à l’approbation du représentant du pouvoir adjudicateur dix (10) jours au moins avant l’expiration de la période de préparation, visée au 8.1 infra. Il est ensuite notifié par ordre de service à chacun des entrepreneurs titulaires (…). « .

13. Il résulte de l’instruction que le calendrier détaillé d’exécution, signé par l’ensemble des entreprises, a été notifié à la société Costantini France Holding le 27 février 2012 par ordre de service n° 3. Les griefs généraux relatifs à l’absence de recalage de plannings et à l’absence de respect du calendrier de remise des plans ne pourraient, à les supposer établis, être imputés qu’à la société en charge de la mission OPC, et dès lors que la société requérante n’apporte aucune précision sur les fautes qu’aurait commises, à cet égard, le maître d’ouvrage dans l’exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, elle n’est pas fondée à demander la mise en cause de la responsabilité contractuelle de ce dernier.

14. En troisième lieu, si la société requérante fait valoir qu’elle a dû retarder le démarrage de ses travaux en raison de l’incapacité de l’entreprise Liégerot, en charge du lot VRD, à livrer une plate-forme avec les portances lui permettant de travailler, il résulte de l’instruction que le bureau d’études Trigo lui a communiqué, le 17 février 2012, des informations sur la portance de cette plate-forme et lui a demandé, par ordre de service n° 2, de démarrer les travaux le 20 février suivant. L’entreprise reconnaît toutefois qu’elle a refusé de signer l’ordre de service et qu’elle a annulé les livraisons prévues pour le 20 février tout en envoyant sur le chantier, ce jour-là, son équipe complète qui n’a pas travaillé. Par ailleurs, elle ne démontre pas que son intervention en parallèle avec celle de l’entreprise Liégerot aurait, de ce fait, affecté de manière suffisamment grave son activité alors que des accès dissociés au chantier avaient été mis en place. En tout état de cause, elle n’établit pas que les difficultés auxquelles elle soutient avoir été confrontée au démarrage de ses travaux et que les préjudices qu’elle aurait subis en conséquence, seraient imputables à des fautes du maître d’ouvrage dans l’exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché.

15. En quatrième lieu, les réclamations de la société Costantini France Holding liées aux retards de transmission des plans d’exécution et aux supposées incohérences et erreurs qu’ils recèleraient, ne comportent que des critiques dirigées contre la maîtrise d’oeuvre. En tout état de cause, la société requérante ne démontre pas l’existence, à cet égard, d’une faute particulière du maître d’ouvrage dans l’exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché.

16. En cinquième et dernier lieu, il résulte de l’instruction que l’allongement de la durée du chantier de la société requérante, à l’origine de frais supplémentaires d’encadrement et de prise en charge de la base-vie de chantier, est imputable non à une quelconque carence du maître d’ouvrage, mais à ses propres retards dans l’exécution, dans les règles de l’art, de ses prestations qui, du fait de malfaçons et de l’absence de finitions, ont gêné l’intervention d’autres corps de métiers, ce qu’avait relevé la société Trigo notamment les 16 octobre 2012 et 22 février 2013. La société Costantini France Holding n’est donc pas fondée à soutenir qu’il appartenait au maître d’ouvrage, au titre de sa responsabilité contractuelle, d’établir un avenant permettant de couvrir l’indemnisation de ces frais.

17. Il résulte de ce qui précède que la société Costantini France Holding n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes tendant à l’inclusion dans les sommes qui lui sont dues en règlement de son marché, de l’indemnisation des préjudices qu’elle impute à des fautes qu’aurait commises le maître d’ouvrage.

S’agissant les prestations et travaux supplémentaires :

18. Le titulaire d’un marché conclu à prix global et forfaitaire peut obtenir une rémunération complémentaire lorsqu’il effectue des prestations non prévues au marché et commandées par ordre de service ou lorsque ces prestations, alors même qu’elles n’auraient pas été commandées par ordre de service, étaient indispensables à la réalisation de l’ouvrage dans les règles de l’art.

Quant aux travaux de reprise nécessaires à la mise à niveau de la réservation de la porte du local électrogène (poste 3.11 du mémoire de réclamation) :

19. Les travaux de reprise dans le voile de la façade pour la mise à niveau de la réservation de la porte du local du groupe électrogène a fait l’objet d’un ordre de service n° 6 du 13 novembre 2012. C


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