Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience
publique tenue au Palais de Justice, à PARIS, le quinze mars mil neuf cent quatre vingt quinze, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller BLIN, les observations de la société civile professionnelle Le BRET et LAUGIER, et de la société civile professionnelle ANCEL et COUTURIER-HELLER, la société civile professionnelle CELICE et BLANCPAIN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général AMIEL ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
– X… Eliane, épouse B…, agissant tant en son nom personnel qu’en sa qualité de mandataire spéciale de son fils Patrick Z…, partie civile, contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, 20ème chambre, du 1er avril 1994, qui, dans la procédure suivie contre René Y… pour blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 222-19 du Code pénal, 1382 du Code civil, 1er et 5 de l’ordonnance du 7 janvier 1959, 31 de la loi du 5 juillet 1985, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
« en ce que l’arrêt partiellement infirmatif attaqué a condamné Duguet à payer à Mme B…, personnellement, la somme de 80 000 francs, à l’agent judiciaire du Trésor celles de 12 202 177 francs et 10 115,96 francs en remboursement respectivement des sommes versées au titre du préjudice corporel de Patrick Z… et de celles versées au titre du préjudice matériel subi par le même, dit n’y avoir lieu à indemnité complémentaire au profit de Mme B…, prise en sa qualité d’administratrice légale de son fils Patrick Z…, ledit arrêt étant déclaré opposable à l’UAP ;
« aux motifs qu’il résulte de l’article L. 376-1 du Code de la sécurité sociale que lorsqu’un assuré social est victime d’un accident imputable en tout ou en partie à un tiers, la part d’indemnité à caractère personnel sur laquelle la caisse d’assurance maladie ne peut poursuivre le remboursement de ses prestations, correspond seulement aux souffrances physiques ou morales endurées par la victime ainsi qu’à ses préjudices esthétique et d’agrément, à l’exclusion de tous autres chefs de dommages. Cette disposition du Code de la sécurité sociale a été reprise par la loi du 5 juillet 1985 relative à l’indemnisation des victimes d’accident de la circulation (article 31) ;
que les frais d’aménagement du logement (en ce compris les frais d’installation d’un ascenseur) et du véhicule automobile, et les frais de loyer que la victime a dû avancer pendant la période où elle a pu vivre sans surveillance médicale, mais en liaison étroite avec un centre médical spécialisé, hors de celui-ci, sont des éléments de préjudice corporel ne correspondant pas aux souffrances physiques ou morales et à ses préjudices esthétique et d’agrément ;
ces frais doivent en conséquence être soumis dans le préjudice exposé au recours de l’organisme social ;
que le montant de la créance du Trésor public s’élevant au total à 12 524 989,19 francs, le recours de la caisse ne pourra s’exercer que sur la somme de 12 202 177 francs, total des indemnités réparant l’atteinte à l’intégrité physique soumise à recours ;
qu’il en résulte qu’il n’y a pas lieu à indemnité complémentaire au profit de la victime ;
« alors, d’une part, que la cour d’appel a confirmé le jugement entrepris en ce qu’il avait entériné le rapport d’expertise des docteurs Bedou et Bernard, dont les conclusions établissaient que la situation de Patrick Z… était celle d’un très grand blessé et que son maintien à domicile n’était possible qu’à la condition de réaliser des aménagements de son cadre de vie, c’est-à -dire à la fois du domicile et du véhicule devant servir à son transport ;
que dès lors, ladite juridiction devant assurer la cohérence de sa décision, tendant à préserver le maintien à domicile de la victime, devait préalablement à l’admission de l’action récursoire de l’agent judiciaire du Trésor sur la part d’indemnité afférente à ces dépenses d’aménagement, rechercher si les prestations servies par l’Etat permettraient effectivement la réalisation de ces dépenses nécessaires ;
qu’en s’abstenant d’une telle rechercher, l’arrêt attaqué n’a pas donné de base légale à sa décision, et n’a pas réparé intégralement les préjudices subis par la victime conformément au mode de réparation choisi ;
« alors, d’autre part, que les dépenses considérées devant profiter essentiellement et directement à la victime, afin de lui procurer un allégement de ses souffrances physiques, ne pouvaient être intégrées par voie d’affirmation dans la part d’indemnité qui répare l’atteinte à l’intégrité physique de la victime et subissant l’action récursoire de l’Etat ;
qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a insuffisamment motivé sa décision et violé les textes visés au moyen » ;
Attendu qu’en incluant dans l’indemnité destinée à réparer le préjudice découlant de l’atteinte à l’intégrité physique de Patrick Z…, et soumise au recours de l’Etat, les frais d’adaptation et de maintenance d’un logement approprié à son état de totale dépendance, ainsi que le coût de l’aménagement d’un véhicule et les loyers exposés par l’intéressé pendant la période où il a pu vivre sans surveillance médicale mais en liaison étroite avec un centre médical spécialisé, la cour d’appel, loin de méconnaître les textes visés au moyen, en a fait l’exacte application ;
Qu’en effet, l’obligation pour une victime d’exposer certains frais en vue de pallier les conséquences de l’atteinte à son intégrité physique constitue un élément de préjudice de caractère patrimonial, distinct des souffrances physiques ou morales comme du préjudice esthétique ou d’agrément, lesquels, en raison de leur nature ne se trouvent pas couverts par les prestations de la collectivité publique ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Souppe conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Blin conseiller rapporteur, MM. Jean C…, Carlioz, Jorda, Pibouleau, Grapinet, Le Gall conseillers de la chambre, Mmes A…, Verdun conseillers référendaires, M. Amiel avocat général, Mme Nicolas greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;