Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 ) la société Baylion Bâtiment, dont le siège est à Valence (Drôme), …,
2 ) M. Z…, demeurant à Valence (Drôme), …, immeuble l’Impérial, pris en sa qualité de représentant des créanciers de la société Baylion Bâtiment,
3 ) M. A…, demeurant à Romans (Drôme), place Jean Y…, immeuble Le Vendôme, pris en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan de la société Baylion Bâtiment,
4 ) la société nouvelle Baylion, société anonyme, dont le siège est à Valence (Drôme), …, en cassation d’un arrêt rendu le 17 mars 1992 par la cour d’appel de Grenoble (chambre sociale), au profit :
1 ) de M. Christian X…, demeurant à Montelier (Drôme), rue de Sassenage,
2 ) de la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Valence, dont le siège est à Valence (Drôme), avenue du Président E. Herriot,
3 ) de M. le directeur régional des affaires sanitaires et sociales de la région Rhône-Alpes, dont les bureaux sont …,
4 ) de la société Ecco, travail temporaire, dont le siège est …, défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation dont le premier est annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l’audience publique du 30 juin 1994, où étaient présents : M. Kuhnmunch, président, M. Pierre, conseiller rapporteur, MM. Hanne, Berthéas, Lesage, Favard, conseillers, Mme Kermina, M. Choppin Haudry de Janvry, conseillers référendaires, M. Kessous, avocat général, M. Richard, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Pierre, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de la société Baylion Bâtiment, MM. Z… et A…, ès qualités et de la société nouvelle Baylion, de la SCP Tiffreau et Thouin-Palat, avocat de M. X…, de la SCP Boré et Xavier, avocat de la société Ecco travail temporaire, les conclusions de M. Kessous, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen :
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, le 12 juillet 1988, M. X…, maçon mis par la société Ecco Travail temporaire au service de la société Baylion-Bâtiment, a été blessé en tombant dans la cave vide d’un monte-charge par suite de la défaillance de la serrure servant à en bloquer la porte lorsque la cabine n’est pas à l’étage ;
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir dit que l’accident est dû à une faute inexcusable de la société utilisatrice, alors, selon le moyen, que, d’une part, la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
qu’en relevant, d’un côté, que la dernière intervention sur le monte-charge avait eu lieu le 30 juin 1988 tout en constatant, d’un autre côté, qu’une autre avait été effectuée le 4 juillet 1988 par la société chargée de l’entretien de cet appareil, donc postérieurement au passage de l’inspecteur du travail, la cour d’appel s’est contredite en méconnaissance des exigences de l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors que, d’autre part, le manquement imputé doit être en relation directe avec l’accident ; qu’en reprochant à la société Baylion Bâtiment de n’avoir pas satisfait aux consignes de l’autorité administrative lui ayant prescrit d’interdire l’utilisation du monte-charge, sans préciser si les anomalies signalées par l’inspecteur du travail, tenant à ce que les portes palières ne s’ouvraient pas de l’intérieur de la cabine, avaient un rapport avec celle à l’origine de l’accident litigieux survenu du seul fait que la porte s’était ouverte de l’extérieur malgré l’absence de l’ascenseur, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale ; et alors, enfin, que la faute inexcusable suppose la conscience que l’employeur devait normalement avoir du danger ;
qu’en reprochant à la société Baylion Bâtiment de ne s’être pas conformée aux directives de l’inspecteur du travail, sans rechercher si, postérieurement à l’intervention effectuée sur le monte-charge le 4 juillet 1988 par une entreprise spécialisée et dont l’arrêt attaqué a constaté la réalité, l’employeur ne pouvait pas raisonnablement estimer que l’interdiction d’utiliser le monte-charge, prescrite par l’inspecteur du travail le 1er juillet 1988, n’était plus justifiée dès lors qu’il avait pris immédiatement l’initiative de faire contrôler l’état de l’appareil par l’entreprise chargée de son entretien, la cour d’appel n’a toujours pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;
Mais attendu que la cour d’appel, par motifs propres et adoptés, énonce que l’inspecteur du travail avait, le 1er juillet 1988, soit 11 jours avant l’accident, prescrit de condamner le monte-charge et de ne pas l’utiliser pour les travaux du chantier, en raison d’anomalies affectant le fonctionnement des portes palières, que, cependant, l’employeur n’avait pris aucune mesure pour mettre en oeuvre cette interdiction, l’intervention de l’entreprise chargée de la maintenance du monte-charge, le 4 juillet, n’ayant pas concerné la révision des serrures des portes, et qu’enfin, la cause directe de l’accident résidait dans le mauvais fonctionnement des portes palières qui a entraîné la chute de la victime ;
qu’elle a pu en déduire que l’employeur aurait dû avoir conscience du danger que sa carence faisait courir au salarié et qu’il avait commis une faute d’une particulière gravité, au sens du second des textes susvisés ;
d’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur les demandes présentées au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile :
Attendu que les demandeurs au pourvoi, d’une part, et M. X…, d’autre part, sollicitent, sur le fondement de ce texte, l’allocation, respectivement, d’une somme de 12 000 francs pour les premiers, et de 10 000 francs pour le second ;
Mais attendu qu’il n’y a pas lieu d’accueillir ces demandes ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le second moyen, auquel les demandeurs au pourvoi ont déclaré renoncer :
REJETTE le pourvoi ;
Rejette les demandes présentées au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile par les demandeurs au pourvoi et par M. X… ;
Condamne les demandeurs, envers les défendeurs, aux dépens et aux frais d’exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt octobre mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.