Cour de Cassation, Chambre sociale, du 17 octobre 2000, 97-45.914, Inédit

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Cour de Cassation, Chambre sociale, du 17 octobre 2000, 97-45.914, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. José X…, demeurant …,

en cassation d’un arrêt rendu le 4 novembre 1997 par la cour d’appel de Paris (Chambre sociale), au profit du syndicat des copropriétaires du …, dont le syndic est le Cabinet Petitjean, société anonyme dont le siège est …,

défendeur à la cassation ;

Le syndicat des copropriétaires du … a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

LA COUR, en l’audience publique du 11 juillet 2000, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, M. Merlin, conseiller rapporteur, MM. Waquet, Le Roux-Cocheril, Brissier, Finance, Texier, Mmes Lemoine Jeanjean, Quenson, conseillers, M. Poisot, Mmes Maunand, Bourgeot, MM. Soury, Liffran, Besson, Mme Duval-Arnould, conseillers référendaires, M. de Caigny, avocat général, Mme Marcadeux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Merlin, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. X…, les conclusions de M. de Caigny, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que M. X… a été engagé, le 29 janvier 1986, en qualité de gardien principal permanent, catégorie B, coefficient 160, par le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis … (20e) ; qu’il bénéficiait dans cet immeuble avec son épouse, engagée à la même date, d’un logement de fonction et que l’évaluation de ses tâches en unités de valeur correspondait à un emploi en service complet à 106 % ; qu’après avoir refusé de signer un avenant à son contrat de travail qui lui avait été proposé par le nouveau syndic de la copropriété, il a saisi la juridiction prud’homale de demandes en paiement de rappel de salaires, d’heures supplémentaires et congés payés afférents, d’indemnités de repos hebdomadaire et de repos compensateur en soutenant qu’il n’avait pas été rémunéré pour les permanences de sécurité de l’immeuble qu’il assurait les nuits du samedi et du dimanche, ainsi que les jours de la semaine pendant ses heures de repos ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident du syndicat des copropriétaires qui est préalable :

Attendu que le syndicat des copropriétaires fait grief à l’arrêt attaqué (Paris, 4 novembre 1997) d’avoir dit que le gardien de l’immeuble avait assuré une permanence quotidienne pendant ses heures de repos et une permanence les nuits du samedi et du dimanche, alors, selon le moyen, que 1 / la cour d’appel s’est fondée, pour dire que le gardien avait effectué jusqu’en août 1994 une permanence tous les jours pendant les trois heures de coupure, sur une note de l’ancien syndic datée du 23 juillet 1986 précisant que la loge est obligatoirement fermée de 12 heures 30 à 15 heures 30 et que, pendant ces coupures, le gardien n’assure qu’une permanence pour la sécurité de l’immeuble et sur la circonstance que le nouveau syndic n’avait décidé qu’en octobre 1994 de faire installer une alarme sonore dans les ascenseurs ; qu’en se déterminant par de tels motifs sans rechercher, ainsi que l’y invitaient les conclusions du syndic, si l’intéressé, qui disposait, selon son contrat, de trois heures de repos chaque jour pendant lesquelles il avait la liberté de s’absenter, avait effectivement assuré une présence vigilante dans son logement de fonction pendant ces heures de coupure, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l’article 1134 du Code civil ; alors, encore, que 2 / le salarié qui est présent dans son logement de fonction pendant les heures de repos ne peut prétendre assurer une permanence qu’autant que son employeur lui en a donné l’instruction ;

qu’en l’espèce, le syndicat des copropriétaires faisait valoir, dans ses conclusions, que la note de l’ancien syndic du 23 juillet 1986 avait été retirée du panneau d’affichage dès le changement de syndic en 1991, ce dont il résultait qu’à partir de cette date au moins, le gardien n’était soumis à aucune instruction lui imposant une permanence pendant ses heures de repos ; qu’en décidant que l’intéressé avait assuré une telle permanence entre 1986 et 1994 sans constater qu’elle lui avait été demandée par son employeur, la cour d’appel a encore privé sa décision de toute base légale au regard du même texte ; alors, enfin, que 3 / la cour d’appel énonce qu’il doit être déduit de ce que le gardien effectuait une permanence pendant les trois heures de fermeture quotidienne de la loge, qu’il assurait en outre une permanence les nuits de samedi et dimanche, tout en constatant qu’il n’existait aucun élément en ce sens ;

qu’en se déterminant par de tels motifs hypothétiques, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l’article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d’appel a retenu, sans adopter des motifs hypothétiques, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis et ne peuvent faire l’objet d’une nouvelle discussion devant la Cour de Cassation que le gardien, pendant son temps de repos journalier et du samedi après-midi au lundi matin, assurait une permanence pour la sécurité de l’immeuble, conformément à une note du syndic de copropriété du 23 juillet 1986 qui n’a été remise en cause que par une décision du 27 octobre 1994 ; que, par ces motifs, elle a légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal du salarié :

Attendu que le salarié fait aussi grief à l’arrêt d’avoir rejeté sa demande en paiement de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, alors, selon le moyen, que 1 / l’annexe I de la Convention collective nationale des gardiens, concierges et employés d’immeuble prévoit, en son VII, dernier alinéa, relatif à l’astreinte de nuit, que cette astreinte donne lieu à l’attribution de 500 unités de valeur ; qu’en allouant au gardien 200 unités de valeur au titre des astreintes de nuit des week-ends, la cour d’appel a violé, par refus d’application, les dispositions précitées du VII, dernier alinéa, de l’annexe I de la Convention collective nationale des gardiens, concierges et employés d’immeuble ; et alors que 2 / l’article 19, dernier alinéa, de la Convention collective nationale des gardiens, concierges et employés d’immeuble relatif à la permanence des repos hebdomadaires et des jours fériés prévoit que le salarié assurant cette permanence bénéficiera soit d’une rémunération supplémentaire égale à un trentième de la rémunération globale brute mensuelle conventionnelle et d’un repos compensateur de même durée dans la quinzaine qui suit, soit d’une rémunération supplémentaire égale à deux trentièmes de la rémunération ; qu’en fixant la base de rémunération à un trentième de la rémunération seulement, la cour d’appel a violé, par refus d’application, les dispositions précitées de l’article 19, dernier alinéa, de la Convention collective nationale des gardiens, concierges et employés d’immeuble ;

Mais attendu que, constatant que le salarié assurait une astreinte dont la rémunération n’était pas prévue par la convention collective, la cour d’appel a apprécié le montant de cette rémunération ;

que son appréciation ne peut être discutée devant la Cour de Cassation ;

que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi incident du syndicat des copropriétaires :

Attendu que le syndicat des copropriétaires fait encore grief à l’arrêt d’avoir décidé que la permanence assurée par le gardien pendant ses trois heures de repos quotidien devait être rémunérée sur la base de 1/30e de la rémunération pour une durée de présence de 8 heures, alors, selon le moyen, qu’il résulte des mentions des constatations du jugement, non contredites par l’arrêt attaqué, que les heures d’ouverture de la loge étaient de 7 heures à 20 heures, incluant trois heures de repos, ce dont il résultait que la rémunération du gardien correspondait à une durée journalière de travail de 10 heures et non de 8 heures ; qu’en calculant la rémunération due au gardien au titre de la permanence assurée pendant ses trois heures de repos sur la base de 1/30e de la rémunération mensuelle pour une durée de présence de huit heures, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et ainsi violé l’article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que la rémunération du gardien ayant été fixée à 1/30e de la rémunération mensuelle, la durée journalière de travail n’avait aucune incidence sur l’évaluation de son montant ; que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié, pris en sa quatrième branche :

Vu l’article L. 212-4 du Code du travail, dans sa rédaction alors en vigueur ;

Attendu que constitue un travail effectif, au sens de l’article L. 212-4 du Code du travail, le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles ; que constitue, en revanche, une astreinte et non un travail effectif une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, a l’obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d’être en mesure d’intervenir pour effectuer un travail au service de l’entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif ;

Attendu que, pour rejeter la demande du salarié qui réclamait le paiement comme heures de travail effectif des heures de permanence pour la sécurité de l’immeuble qu’il effectuait pendant ses temps de pause en semaine et au cours des deux nuits de fin de semaine, la cour d’appel énonce que ces heures de permanence ont le caractère d’une astreinte et doivent être rémunérées sur les bases définies dans les motifs de sa décision ;

Qu’en statuant ainsi, sans rechercher si le salarié a été amené, pendant ses heures de permanence, à effectuer des interventions constitutives d’un temps de travail effectif qui devait être rémunéré comme tel, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le troisième moyen du pourvoi du principal du salarié :

Vu l’article 1382 du Code civil et l’article 380-1 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que la cour d’appel a sursis à statuer sur la demande du syndicat des copropriétaires en condamnation du gardien à lui payer une somme à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’il résultait de sa décision que les demandes du salarié étaient justifiées au moins pour partie, la cour d’appel a violé le premier des textes susvisés ;

Et attendu qu’il y a lieu, conformément à l’article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, de mettre fin au litige, de ce chef, en appliquant la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS, sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du premier moyen du pourvoi principal du salarié :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions concernant le paiement des heures de permanence pour la sécurité de l’immeuble, au cours desquelles le salarié a été conduit à intervenir, et prononçant un sursis à statuer sur la demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive du syndicat des copropriétaires, l’arrêt rendu le 4 novembre 1997, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles ;

Dit n’y avoir lieu à renvoi du chef du sursis à statuer ;

Rejette la demande de dommages-intérêts du syndicat des copropriétaires pour procédure abusive ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette l’ensemble des demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille.


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